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Date : 20190911


Dossier : IMM-654-19

Reference : 2019 CF 1160

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2019

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

GALINA TAGHIYEVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Galina Taghiyeva, sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent d’immigration [l’agent] qui a refusé sa demande de résidence permanente au Canada dans le cadre de laquelle elle sollicitait, au titre de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire des exigences prévues dans la cette loi.

[2]  Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande est accueillie.

I.  Le contexte

[3]  Mme Taghiyeva est une veuve originaire de l’Azerbaïdjan. Elle est arrivée au Canada en juin 2016, munie d’un visa à entrées multiples valide jusqu’en 2021, pour rendre visite à sa fille, son gendre et ses petits‑enfants. Le visa à entrées multiples lui permet de séjourner au pays pendant des périodes allant jusqu’à six mois, avec une possibilité de prorogation. Son visa de visiteur temporaire (le VVT) a été prorogé jusqu’au 30 novembre 2019. Mme Taghiyeva veut demeurer au Canada de façon permanente, mais elle mentionne qu’elle n’est pas admissible au « super visa pour grands‑parents », ou au parrainage de sa fille en raison de sa situation financière. En novembre 2016, elle a présenté une demande de statut de résidente permanente; la demande était fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, soit le regroupement familial et l’intérêt supérieur de ses petits-enfants.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[4]  L’agent a pris acte de la situation personnelle de Mme Taghiyeva, notamment qu’elle est veuve et qu’elle vit seule, en Azerbaïdjan, sans sa famille. L’agent a mentionné la relation étroite entre Mme Taghiyeva et sa fille, son gendre et ses petits‑enfants, et l’aide qu’elle apporte à la famille en raison du fait que son gendre est aveugle au sens de la loi. L’agent a aussi fait mention de la volonté de Mme Taghiyeva d’aider sa fille à la maison afin de lui permettre de poursuivre ses études et de trouver un emploi d’enseignante.

[5]  L’agent a exprimé de la compassion à l’égard des répercussions qu’avait sur Mme Taghiyeva la séparation d’avec les membres de sa famille, mais il a souligné qu’il s’agissait des conséquences prévisibles découlant du fait que des membres d’une famille deviennent résidents d’un autre pays et que Mme Taghiyeva devait raisonnablement s’attendre à de telles conséquences lorsque sa fille et sa petite‑fille étaient parties de l’Azerbaïdjan en 2011.

[6]  L’agent a reconnu que Mme Taghiyeva n’était admissible à aucun autre programme d’immigration parce que sa fille et son gendre ne répondent pas aux critères financiers exigés en matière de parrainage. L’agent a fait observer que la prise de mesures spéciales pour des considérations d’ordre humanitaire ne vise pas à créer une filière d’immigration de remplacement.

[7]  L’agent a fait observer que le visa à entrées multiples de Mme Taghiyeva lui permet de se rendre au Canada et de proroger son visa de visiteur pendant qu’elle est au pays, ce qui, selon l’agent, lui permettrait d’aider sa fille à fréquenter l’école ou à travailler, pendant qu’elle est en visite au Canada. L’agent a fait remarquer que Mme Taghiyeva n’a pas dit qu’il lui était difficile ou impossible de voyager en raison de sa situation personnelle. L’agent a avancé l’idée que la fille de Mme Taghiyeva pourrait parrainer cette dernière à une date ultérieure.

[8]  L’agent a reconnu que le regroupement familial est l’un des objectifs de la Loi, mais il a conclu que Mme Taghiyeva n’avait pas démontré que la séparation d’avec les membres de sa famille entraînerait une rupture de leurs liens. L’agent a souligné que la famille pouvait entretenir un contact constant grâce à d’autres moyens de communication.

[9]  L’agent a souligné que Mme Taghiyeva retournerait dans son pays d’origine, dont elle parle la langue et connaît la culture, et il a conclu que la preuve ne donnait pas à penser qu’elle ne pouvait pas s’y réinstaller. L’agent a conclu en outre que Mme Taghiyeva [traduction« avait probablement établi, grâce à des amis et des membres de sa famille élargie, un réseau de soutien qui pourrait l’aider […] ».

[10]  En ce qui concerne la situation économique en Azerbaïdjan, l’agent a reconnu que, en raison de la dévaluation de la monnaie et des facteurs économiques en général, la situation n’était pas aussi bonne qu’au Canada, mais il a souligné que tous les citoyens de l’Azerbaïdjan étaient touchés par cette situation. L’agent a en outre conclu que les avantages économiques comparatifs au Canada n’étaient pas un facteur déterminant.

[11]  L’agent a pris en compte la situation financière de Mme Taghiyeva, notamment ses maigres économies, les modestes revenus de sa fille et de son gendre provenant du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées et de la prestation Trillium de l’Ontario. L’agent a accordé un poids important à sa conclusion voulant que Mme Taghiyeva ne serait pas financièrement indépendante, et que sa famille n’était pas en mesure de subvenir à ses besoins au Canada.

[12]  L’agent a conclu que la situation personnelle de Mme Taghiyeva et les répercussions de la séparation d’avec les membres de sa famille n’étaient pas suffisamment exceptionnelles pour qu’il soit justifié d’accorder une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[13]  L’agent a accordé un poids important à l’intérêt supérieur des petits‑enfants de Mme Taghiyeva [l’ISE], mais a souligné que l’ISE n’était que l’un des nombreux facteurs à prendre en compte dans le cadre d’une appréciation des considérations d’ordre humanitaire.

[14]  L’agent a souligné le rôle vital que jouent les grands‑parents, l’étroite relation que Mme Taghiyeva entretient avec ses deux petites‑filles, et les avantages mutuels de la relation, notamment l’échange culturel. L’agent a convenu que le départ de Mme Taghiyeva du Canada aurait des conséquences défavorables sur les petits‑enfants. L’agent a reconnu que le fait de vivre loin de leur grand‑mère pouvait être difficile pour les enfants et nécessiterait une réadaptation. Toutefois, l’agent a conclu que rien ne prouvait que les besoins des petits‑enfants ne seraient pas comblés par leurs parents. L’agent a conclu que l’intérêt supérieur des petits‑enfants ne serait pas compromis si Mme Taghiyeva devait retourner en Azerbaïdjan.

[15]  En conclusion, l’agent a déclaré qu’il avait soupesé tous les éléments de preuve et qu’il avait fait une évaluation globale. Il a mentionné qu’il était sensible à certains facteurs, mais que ceux-ci n’étaient pas assez importants pour qu’il soit justifié d’accorder une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

III.  La question en litige et la norme de contrôle

[16]  La question en litige en l’espèce consiste à savoir si la décision est raisonnable.

[17]  La jurisprudence a clairement établi que la norme de contrôle de la décision d’un agent portant sur une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est la norme de la décision raisonnable (Kanthasamy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CSC 61, au par. 44, [2015] 3 RCS 909 [Kanthasamy]).

[18]  Pour déterminer si une décision est raisonnable, la Cour s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47, [2008] 1RCS 190). La Cour doit faire preuve de déférence à l’endroit du décideur elle ne soupèsera pas à nouveau les éléments de preuve.

IV.  Les observations de la demanderesse

[19]  Mme Taghiyeva fait valoir que la décision n’est pas raisonnable parce que l’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents ou les a mal interprétés, qu’il a tiré des conclusions factuelles erronées et qu’il a commis une erreur dans son appréciation de l’intérêt supérieur de ses petits‑enfants.

[20]  Mme Taghiyeva affirme qu’elle a clairement affirmé qu’elle n’avait plus aucune famille ni aucun ami en Azerbaïdjan, qu’elle était seule, surtout depuis le décès de son époux en 2014, et que le seul membre vivant de sa famille était sa fille, qui vit au Canada. La conclusion de l’agent selon laquelle elle disposait [traduction« probablement » d’un réseau de soutien en Azerbaïdjan était contredite par la preuve.

[21]  Mme Taghiyeva soutient en outre que l’agent n’a pas pris en compte le changement dans sa situation personnelle depuis le décès de son époux en 2014; depuis lors, elle n’est pas simplement seule, elle est également isolée dans son pays.

[22]  Mme Taghiyeva fait valoir que l’agent a conclu de façon déraisonnable qu’elle pouvait utiliser son visa à entrées multiples pour venir au Canada et en repartir. Elle soutient que sa situation financière, dont l’agent a pris acte, rend cela impossible. Étant donné que l’agent a conclu qu’elle ne serait pas financièrement indépendante au Canada parce qu’elle avait de maigres économies et que sa fille était incapable de lui fournir un soutien financier, il était incohérent et déraisonnable de conclure qu’elle pourrait voyager ou que cela ne lui serait pas difficile.

[23]  Mme Taghiyeva fait valoir en outre que l’analyse faite par l’agent quant à l’ISE ne reflète pas les enseignements de l’arrêt Kanthasamy. L’agent n’a pas évalué comment les intérêts de chacun des petits‑enfants – âgés de quatre et de 15 ans – seraient touchés. L’agent n’a pas examiné le rôle que Mme Taghiyeva joue dans les soins qui leur sont prodigués au quotidien. Mme Taghiyeva donne à entendre que l’agent n’a pas tenu compte des répercussions que la séparation aurait sur les petits‑enfants lorsqu’il a conclu que les besoins élémentaires des enfants sont comblés par leurs parents, ce qui n’est pas contesté.

V.  Les observations du défendeur

[24]  Le défendeur soutient que l’agent n’a pas omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents ou n’a pas mal interprété des éléments de preuve pertinents. Au contraire, l’agent a examiné tous les éléments de preuve, a relevé les éléments penchant en faveur de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et a expliqué pourquoi les éléments favorables ne justifiaient pas l’octroi de la mesure exceptionnelle que constitue la dispense des exigences de la Loi.

[25]  Le défendeur soutient que l’agent a reconnu que Mme Taghiyeva, sans famille en Azerbaïdjan, était seule. L’agent a mentionné que l’époux de Mme Taghiyeva est décédé en 2014, et que les autres membres de sa famille étaient aussi décédés ou avaient déménagé. Le défendeur soutient que l’affidavit non souscrit sous serment de Mme Taghiyeva énonce que [traduction« certains » amis avaient déménagé ou étaient décédés, ce qui donne à penser qu’il lui reste d’autres amis en Azerbaïdjan.

[26]  Le défendeur donne à entendre que la conclusion de l’agent selon laquelle Mme Taghiyeva n’avait pas de difficultés à voyager a trait à l’absence de problèmes de santé plutôt qu’à des obstacles financiers. Le défendeur soutient que l’agent ne disposait pas d’éléments de preuve convaincants permettant d’établir que Mme Taghiyeva ne pouvait pas se rendre dans son pays d’origine et retourner au Canada plus tard.

[27]  Le défendeur soutient que l’agent n’a pas commis d’erreur dans son évaluation de l’intérêt supérieur des petits‑enfants. L’agent a fait état de la relation mutuellement avantageuse qui existait entre Mme Taghiyeva et ses petites‑filles, du rôle pratique que Mme Taghiyeva jouait quant aux soins qui leur sont apportés, et de l’échange culturel qui résultait de la relation. Le défendeur ajoute que l’agent n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a mentionné que, bien que les enfants puissent subir un bouleversement et éprouver de la tristesse, leurs besoins seraient comblés par leurs parents.

[28]  Le défendeur conteste l’affirmation qu’une analyse distincte de l’ISE, pour chacun des enfants, n’a pas été faite, car l’agent n’a examiné que les éléments de preuve présentés.

VI.  La nature de la dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire

[29]  Mme Taghiyeva invoque l’article 25 de la Loi qui dispose qu’une dispense des critères et obligations applicables, selon lesquels, en l’espèce, Mme Taghiyeva devrait présenter sa demande de résidence permanente au Canada à partir de son pays d’origine et se conformer à toutes les exigences de la Loi, peut être accordée si des considérations d’ordre humanitaire le justifient « compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché ».

[30]  La Cour suprême du Canada a confirmé que le recours que constituent les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire ne vise pas à créer un régime d’immigration parallèle (Kanthasamy, au par. 23). Il incombe toujours au demandeur d’établir, à l’aide d’éléments de preuve suffisants, que la dispense devrait lui être accordée (Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au par. 45; Liang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2017 CF 287, au par. 23, [2017] ACF no 286 (QL)). Les agents qui font des évaluations fondées sur des considérations d’ordre humanitaire doivent prendre en compte tous les éléments de preuve présentés et être convaincus que la dispense est justifiée dans les circonstances particulières de l’affaire.

[31]  Au paragraphe 33 de l’arrêt Kanthasamy, la Cour suprême du Canada invite les décideurs à examiner et à soupeser tous les faits et facteurs applicables, et les incite à faire une interprétation plus souple des considérations d’ordre humanitaire, c’est-à-dire une interprétation qui ne serait pas limitée à la notion de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Toutefois, la Cour suprême reconnaît aussi, au paragraphe 23, que l’obligation de partir du Canada comporte inévitablement son lot de difficultés, mais elle déclare que ces difficultés ne sauraient généralement justifier une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

VII.  La décision de l’agent n’est pas raisonnable

[32]  Comme je l’ai déjà mentionné, une décision est raisonnable lorsqu’elle est justifiée, transparente, intelligible et qu’elle appartient aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Bien qu’il ait évalué chacune des considérations importantes que Mme Taghiyeva a soulevées à l’appui de sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, notamment l’ISE des deux petits‑enfants, et qu’il ait par la suite fait une évaluation globale, l’agent a tiré une conclusion qui n’était étayée par aucun élément de preuve figurant dans le dossier et il a tiré une autre conclusion qui était illogique et qui ne cadrait pas avec les autres conclusions.

[33]  Premièrement, l’agent a tiré une conclusion incohérente lorsqu’il a conclu que, grâce à son visa à entrées multiples, Mme Taghiyeva pouvait faire des allers et retours entre le Canada et l’Azerbaïdjan et ainsi passer beaucoup de temps avec sa famille. L’agent a conclu que Mme Taghiyeva avait de maigres économies et ne pourrait pas être financièrement indépendante au Canada, et il a souligné que sa fille ne pouvait pas subvenir à ses besoins, car les revenus de celle‑ci provenaient des prestations pour personnes handicapées que reçoit son époux. L’indépendance financière est généralement un facteur important en ce qui concerne l’évaluation du degré d’établissement d’un demandeur au Canada (Bhatia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1000, aux par. 25 à 27; Trach c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 747, au par. 5). Toutefois, l’agent a ensuite conclu que Mme Taghiyeva n’avait pas démontré qu’elle avait quelque difficulté que ce soit à voyager, compte tenu de sa situation personnelle. Cette conclusion est illogique et est contredite par les conclusions que l’agent a tirées concernant le manque de moyens financiers, un élément qui fait également partie de la situation personnelle de Mme Taghiyeva. Je ne souscris pas aux hypothèses formulées par le défendeur selon lesquelles la conclusion de l’agent ne concernait que la capacité, sur le plan physique, de Mme Taghiyeva, à voyager.

[34]  Deuxièmement, l’agent a erronément conclu que Mme Taghiyeva [traduction« avait probablement établi, grâce à des amis et des membres de sa famille élargie, un réseau de soutien qui pourrait l’aider […] » à son retour en Azerbaïdjan. Les hypothèses de l’agent ne sont étayées par aucun élément de preuve établissant l’existence d’un réseau de soutien constitué des amis ou des membres de la famille étendue, et elles sont de toute évidence contredites par l’exposé circonstancié de Mme Taghiyeva, lequel est joint à sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire et dont il ressort qu’elle n’a [traduction« pas d’amis » en Azerbaïdjan et que [traduction] « certains d’entre eux ont déménagé et certains sont décédés ». Elle affirme également, comme il est d’ailleurs inscrit dans son formulaire de demande, que sa mère, son unique sœur et son époux sont décédés. L’affidavit de son gendre confirme que tous les membres de la famille de Mme Taghiyeva sont décédés et qu’elle est maintenant seule.

[35]  La conclusion globale de l’agent selon laquelle la situation personnelle de Mme Taghiyeva et les répercussions de la séparation de la famille n’étaient pas suffisamment exceptionnelles pour qu’il soit justifié d’octroyer une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire reposait, dans une certaine mesure, sur les deux conclusions viciées.

[36]  La Cour reconnaît que les dispenses fondées sur des considérations d’ordre humanitaire, de par leur nature leur objet, sont exceptionnelles. Les décisions discrétionnaires des agents possédant une grande expertise en matière d’évaluation de demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire doivent faire l’objet de déférence. La Cour n’interviendra pas quant au poids accordé aux considérations ou aux facteurs d’ordre humanitaire applicables. Toutefois, en l’espèce, les conclusions factuelles erronées et illogiques ont terni les conclusions de l’agent sur la situation personnelle de Mme Taghiyeva et sur les répercussions de la séparation de la famille, et ont nui à l’évaluation globale de l’agent portant sur l’ensemble des considérations d’ordre humanitaire. Par conséquent, la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire doit être instruite à nouveau compte tenu de tous les éléments de preuve versés au dossier.

[37]  Comme je l’ai mentionné au paragraphe 25 de l’arrêt Kanthasamy, « [c]e qui justifie une dispense dépend évidemment des faits et du contexte du dossier, mais l’agent appelé à se prononcer sur l’existence de considérations d’ordre humanitaire doit véritablement examiner tous les faits et les facteurs pertinents portés à sa connaissance et leur accorder du poids (Baker, aux par. 74 et 75) »

VIII.  La demande d’adjudication des dépens présentée par la demanderesse

[38]  À la fin de l’audience, l’avocat de Mme Taghiyeva a demandé à présenter des observations quant aux dépens. Il a souligné que l’ordonnance autorisant le contrôle judiciaire avait amené les parties à discuter d’une entente de règlement à l’amiable, mais que celle‑ci ne s’est pas concrétisée. Le défendeur s’est opposé à ce que l’avocat soulève cette question, pour la première fois, à l’audience.

[39]  La Cour souligne que l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22 dispose que : « [s]auf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens ». La Cour souligne également que l’ordonnance accordant l’autorisation contient un paragraphe d’après lequel dans les 15 jours suivant l’ordonnance, les parties doivent discuter de la possibilité d’une entente de règlement l’amiable. Il s’agit du libellé type du projet pilote d’entente de règlement à l’amiable du bureau de Toronto. Il n’a pas pour objet d’indiquer l’opinion de la Cour quant à l’issue probable de la demande de contrôle judiciaire. Il a plutôt pour objet d’encourager les parties à examiner si la demande peut faire l’objet d’une entente de règlement à l’amiable.

[40]  Toutefois, la Cour est d’avis que la demanderesse peut présenter des observations écrites, d’au plus trois pages, sur la question de savoir si des dépens devraient être adjugés. Le défendeur peut présenter en réponse, des observations écrites d’au plus trois pages. Les observations peuvent être étayées par un affidavit afin d’établir les faits invoqués. Après avoir examiné les observations, la Cour rendra une ordonnance portant uniquement sur la question des dépens.


JUGEMENT dans le dossier IMM-654-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
  2. La demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse doit être renvoyée à un autre décideur pour nouvelle décision.
  3. Dans les 10 jours suivant le présent jugement, la demanderesse peut présenter des observations écrites, d’au plus trois pages, et elle peut déposer un affidavit afin d’établir les faits invoqués. Les observations de la demanderesse quant aux dépens doivent être signifiées au défendeur par courrier électronique et déposées à la Cour.
  4. Dans les cinq jours suivant la réception des observations de la demanderesse quant aux dépens, le défendeur peut présenter en réponse des observations écrites d’au plus trois pages, et il peut déposer un affidavit afin d’établir les faits invoqués. Les observations du défendeur en réponse doivent être signifiées à la demanderesse par courrier électronique et déposées à la Cour.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 21e jour d’octobre 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-654-19

 

INTITULÉ :

GALINA TAGHIYEVA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 septembre 2019

 

motifs du jugement et jugement :

La juge KANE

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

Le 11 septembre 2019

 

COMPARUTIONS :

Nikolay Y. Chsherbinin

 

Pour la demanderesse

 

Stephen Jarvis

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chsherbinin Litigation

Société de professionnels

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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