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Date : 20190925


Dossier : T‑2138‑18

Référence : 2019 CF 1229

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 septembre 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

CANMAR FOODS LTD.

demanderesse

et

TA FOODS LTD.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une requête en autorisation de déposer le deuxième affidavit supplémentaire de Jeff Hart, daté du 20 août 2019 [le deuxième affidavit supplémentaire de M. Hart], comme élément de preuve relatif à la requête en jugement sommaire de la défenderesse.

II.  Contexte

[2]  La demanderesse devait déposer ses éléments de preuve en réponse à la requête en jugement sommaire de la défenderesse au plus tard le 10 juillet 2019. Elle a déposé l’affidavit de Jeff Hart, daté du 9 juillet 2019.

[3]  Le 22 juillet 2019, la demanderesse a déposé, sur consentement, l’affidavit supplémentaire de Jeff Hart, daté du 19 juillet 2019.

[4]  Le 15 août 2019, de nouveaux éléments de preuve auraient été portés à l’attention de la demanderesse. Le 21 août 2019, celle‑ci a demandé le consentement de la défenderesse pour déposer le deuxième affidavit supplémentaire de M. Hart, mais cette dernière a refusé.

[5]  La demanderesse a déposé la présente requête le 28 août 2019.

III.  L’affidavit

[6]  Il est précisé dans le deuxième affidavit supplémentaire de M. Hart que BG Health Group a informé la demanderesse que la défenderesse était sa productrice de marque privée de graines de lin rôties de marque « Alligga ».

[7]  Le 15 août 2019, BG Health Group a remis à la demanderesse un sac de graines de lin rôties de marque Alligga, lesquelles étaient soi‑disant fabriquées et emballées par la défenderesse. Des photos du sac sont jointes à l’affidavit en tant que pièce A.

[8]  Monsieur Hart déclare qu’il est d’avis, compte tenu de son examen du produit Alligga et de l’impression à jet d’encre de la date de péremption (« Meilleur avant ») sur le sac, que la date de péremption est conforme au format et au type d’impression que la défenderesse utilise sur ses produits. À cet effet, une photo de la date de péremption figurant sur l’un des produits de la défenderesse est jointe à l’affidavit à titre de pièce B.

IV.  Questions en litige

[9]  Les questions en litige dans la présente requête sont les suivantes :

  1. Le deuxième affidavit supplémentaire satisfait‑il au critère à appliquer pour le dépôt d’un nouvel élément de preuve au titre du paragraphe 84(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106?

  2. La règle relative aux faits incidents empêche‑t‑elle l’admission du deuxième affidavit supplémentaire de M. Hart?

V.  Analyse

[10]  Le paragraphe 84(2) des Règles des Cours fédérales régit le dépôt d’un affidavit après que le contre‑interrogatoire a été mené. La partie qui a contre‑interrogé l’auteur d’un affidavit déposé dans le contexte d’une requête ne peut par la suite déposer un affidavit dans le cadre de cette même requête, sauf avec le consentement des autres parties ou l’autorisation de la Cour.

[11]  Les facteurs dont il faut tenir compte à l’égard d’une demande visée au paragraphe 84(2) sont les suivants (Pfizer Canada Inc. c Rhoxalpharma Inc., 2004 CF 1685, au par. 16) :

  1. la pertinence de l’affidavit proposé;

  2. l’absence de préjudice causé à la partie adverse;

  3. l’utilité pour la Cour;

  4. l’intérêt général de la justice.

[12]  Pour le dernier facteur, il faut tenir compte de la question de savoir si les éléments de preuve supplémentaires étaient disponibles, ou s’il était impossible d’en prévoir la pertinence à une date antérieure (Janssen‑Ortho Inc. c Canada (Santé), 2009 CF 1179, au par. 9).

[13]  La demanderesse soutient que le deuxième affidavit supplémentaire de M. Hart contient des éléments de preuve qui sont pertinents au regard des questions soulevées dans le contexte de la requête en jugement sommaire, y compris la question de la crédibilité de Mike Popowich. Étant donné que la défenderesse était au courant des faits qui figurent dans l’affidavit, le dépôt en preuve de ce dernier ne lui causera pas de préjudice.

[14]  Dans la mesure où le témoignage de M. Popowich est essentiel à la requête en jugement sommaire, la demanderesse estime que la Cour devrait disposer des meilleurs renseignements disponibles pour déterminer s’il s’agit d’un témoin crédible.

[15]  La demanderesse soutient en outre que les éléments de preuve figurant dans le deuxième affidavit supplémentaire de M. Hart n’étaient pas disponibles au moment où les éléments de preuve concernant la requête en jugement sommaire devaient être déposés.

[16]  Monsieur Popowich a expliqué dans son témoignage que la défenderesse n’avait eu recours qu’au procédé de cuisson des graines de lin décrit dans son affidavit, et que ce procédé avait toujours nécessité un microniseur. La défenderesse utilise les termes [traduction] « cuites », [traduction] « chauffées », [traduction] « rôties » et [traduction] « pasteurisées » de façon interchangeable pour décrire les graines de lin, selon le contexte.

[17]  L’affirmation selon laquelle la demanderesse a été informée que la défenderesse était la productrice de marque privée de graines de lin rôties Alligga pour BG Health Group constitue un ouï-dire. Pareil élément de preuve n’est ni fiable ni nécessaire. Cette partie de l’affidavit est donc inadmissible.

[18]  Il ne reste qu’une photo d’un sac de graines de lin de marque Alligga. La demanderesse établit un lien entre les graines de lin Alligga et la photo des graines de lin moulues de la défenderesse au moyen d’une impression générique de la date de péremption. Ce lien est, au mieux, ténu.

[19]  La photo du sac de graines de lin rôties Alligga ne fournit aucun élément de preuve quant au processus de production des graines de lin. Elle n’est donc pas pertinente pour ce qui est de la question de déterminer s’il y a eu contrefaçon du brevet canadien no 2,582,376, puisque toutes les revendications invoquées, de même que la question de la contrefaçon, dépendent des méthodes prescrites de production des graines de lin rôties.

[20]  Dans la mesure où l’affidavit est présenté pour mettre en doute la crédibilité de M. Popowich, le dépôt tardif de cet élément de preuve contrevient à la règle relative aux faits incidents.

[21]  Cette règle peut être formulée de la façon suivante (Pyne (In Trust) c Footman, 2007 CarswellOnt 3019 (C. sup. Ont.), aux par. 9 et 15) :

[traduction]

Si un témoin est contre‑interrogé sur des questions incidentes pour mettre à l’épreuve sa crédibilité, les réponses de celui‑ci sont définitives. Tout autre élément de preuve présenté dans le seul but de contredire les réponses données par le témoin à l’égard de ces questions incidentes ne peut être admis. […] [U]n avocat n’est pas autorisé à mettre en doute la crédibilité d’un autre témoin par la production d’un élément de preuve directe sur une question incidente.

[22]  Par conséquent, je conclus que la requête en autorisation de déposer le deuxième affidavit supplémentaire de M. Hart doit être rejetée.


JUGEMENT dans le dossier T‑2138‑18

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête est rejetée.

  2. Les dépens sont adjugés à la défenderesse, quelle que soit l’issue de la cause.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour d’octobre 2019.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

T‑2138‑18

 

INTITULÉ :

CANMAR FOODS LTD. c TA FOODS LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 SEPTEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 25 SEPTEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Serge Anissimoff

Jaime Holroyd

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Patrick Smith

Sarah Lee

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Siskinds Law Firm

Avocats

London (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Gowling WLG LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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