Date : 20010213
Dossier : IMM-2223-00
OTTAWA (ONTARIO), LE 13 FÉVRIER 2001
EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT
ENTRE :
VALERIY OREL
NURZHAMAL MIRKARIMOVA
ANNA OREL
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
VU la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs à l'encontre de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié a statué, le 23 mars 2000, que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention;
APRÈS avoir examiné les arguments des parties et le dossier du tribunal;
APRÈS avoir tenu une audition le 6 février 2001 à Toronto (Ontario);
LA COUR STATUE QUE :
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Allan Lutfy »
Juge en chef adjoint
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
Date : 20010213
Dossier : IMM-2223-00
Référence neutre : 2001 CFPI 63
ENTRE :
VALERIY OREL
NURZHAMAL MIRKARIMOVA
ANNA OREL
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE EN CHEF ADJOINT
[1] Les demandeurs sont citoyens du Kazakhstan. Valeriy Orel est d'origine ethnique russe et dit être de religion orthodoxe. Sa conjointe Nurzhamal Mirkarimova est d'origine ethnique kazakhe et dit s'être convertie de l'Islam pour adhérer à la religion russe orthodoxe, tout comme la fille du couple, Anna Orel, âgée de 12 ans.
[2] En 1997, les demandeurs se sont vu refuser la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention. Le fondement de leurs revendications n'a pas été jugé crédible.
[3] En novembre 1998, leur demande de contrôle judiciaire de cette première décision de la Section du statut de réfugié a été rejetée par la Section de première instance de la Cour.
[4] Le 30 décembre 1998, les demandeurs ont quitté le Canada pour les États-Unis.
[5] Le 7 avril 1999, ils sont revenus au pays et ont revendiqué à nouveau le statut de réfugié, conformément au paragraphe 46.01(5) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.
[6] La présente instance consiste en une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la deuxième formation de la SSR a statué que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.
[7] La deuxième formation a appliqué sa perception des décisions rendues dans l'affaire Vasquez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. nos 1340 et 1769 (QL) (1re inst. ), pour statuer que son audition se limiterait aux faits nouveaux survenus depuis la première décision défavorable. L'avocat des demandeurs reconnaît ne pas s'être opposé sérieusement à l'opinion du tribunal quant à la preuve qu'il recevrait dans le cadre de la deuxième audition relative au statut de réfugié. L'avocat a aussi reconnu que le tribunal n'a pas limité la portée de ses questions concernant la revendication du statut de réfugié de la demanderesse mineure Anna Orel sur laquelle portait principalement la deuxième audition.
[8] En conséquence, les demandeurs n'ont pas défendu de vive voix les arguments qu'ils avaient présentés par écrit concernant le principe de la chose jugée. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que la procédure suivie par le tribunal était compatible avec le mandat que lui confient les paragraphes 68(2) et (3) de la Loi sur l'immigration et la règle 39 des Règles de la section du statut de réfugié, DORS/93-45, qui confère un pouvoir discrétionnaire à la Section du statut de réfugié relativement au caractère informel de sa procédure et l'application des règles de preuve nécessaires à la tenue d'une audition complète et équitable.
[9] La principale question en litige dans le cadre de la deuxième demande était la revendication d'Anna Orel. Après avoir reçu les arguments de l'avocat des demandeurs concernant l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la formation a reçu la preuve orale et documentaire concernant l'épreuve que pourrait subir la demanderesse mineure Anna Orel.
[10] Le tribunal a acquiescé à la demande des demandeurs de déposer une preuve documentaire et des observations après l'audition. L'avocat a indiqué que la preuve additionnelle pourrait inclure l'opinion d'un expert.
[11] Les demandeurs ont déposé, comme la Cour les y avait autorisés, l'opinion et le curriculum vitae d'un professeur d'université, né et élevé en Russie, qui enseigne présentement au Canada. Il se spécialise actuellement en études post-communistes et, bien que son curriculum vitae ne mentionne pas le Kazakhstan, il se décrit comme un spécialiste des États post-soviétiques, dont le Kazakhstan.
[12] Son rapport donne un aperçu général de la situation des Russes aux mains des groupes extrémistes nationalistes Kazakh. Il parle des étudiants d'origine ethnique russe comme particulièrement défavorisés au Kazakhstan et ajoute que les possibilités de discrimination sont même plus grandes pour une personne d'origine ethnique mixte russe-kazakhe, comme la demanderesse mineure Anna Orel. Dans sa dernière affirmation, il souligne : [Traduction] « En particulier, le droit d'Anna à l'éducation sera assurément gravement entravé, ce qui la désavantagera beaucoup en grandissant. »
[13] Dans sa décision, le tribunal a conclu comme suit :
[Traduction] La preuve, qui inclut l'opinion écrite d'un professeur agrégé ..., que je ne reconnais pas comme un expert4, ne démontre pas que les droits fondamentaux de la personne des minorités ethniques au Kazakhstan, y compris les personnes qui se trouvent dans une situation semblable à celle de la demanderesse mineure, sont systématiquement compromis et que le Kazakhstan n'a pas établi de voies de recours juridiques accessibles, même imparfaites. [non souligné dans l'original]
4 Cette opinion a été examinée après l'audition, mais n'avait pas été produite à l'audition et l'interrogatoire du professeur n'avait pas non plus été proposé.
[14] La remarque du tribunal portant que le professeur n'est pas un expert quant à la situation dans laquelle Anna Orel se retrouverait pendant ses études primaires et secondaires si elle retournait au Kazakhstan revêt peu d'importance. Les demandeurs n'ont pas demandé au professeur de témoigner devant la formation : R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, au paragraphe 27. De plus, sans égard à la qualité d'expert du professeur, le tribunal a tenu compte de son rapport dans l'ensemble de la preuve documentaire, notamment sur le pays en cause, qu'il a considérée.
[15] Le tribunal a aussi examiné le témoignage de Nurzhamal Mirkarimova concernant ce qu'elle caractérise comme la détérioration de la situation au Kazakhstan, particulièrement en ce qui concerne sa fille Anna et sa capacité de s'inscrire aux écoles secondaires. Toutefois, les membres de la formation ont conclu que la discrimination contre les minorités ethniques au Kazakhstan, y compris les personnes se trouvant dans une situation semblable à celle d'Anna Orel, ne constitue pas de la persécution. La décision du tribunal sur ce point ne révèle aucune erreur donnant ouverture au contrôle judiciaire.
[16] L'utilisation par le tribunal du mot « systématiquement » ne révèle pas, contrairement à ce que prétend l'avocat des demandeurs, une mauvaise compréhension du seuil minimal à partir duquel la persécution peut être établie. Après avoir lu les motifs du tribunal, j'estime qu'il a compris la preuve établissant la discrimination qui, envisagée sous un angle individuel ou collectif, ne constitue pas de la persécution. Cette interprétation ne serait pas incompatible avec la preuve des demandeurs.
[17] Dans la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 36 Imm. L.R. (2d) 34, le juge McKeown a souligné que l'éducation est un droit fondamental de la personne. Il a fait cette affirmation pour réfuter le raisonnement adopté dans la décision dont il était saisi à des fins de contrôle selon laquelle le demandeur, en sa qualité d'enfant afghan non scolarisé, n'avait d'autre choix que de refuser de fréquenter l'école pour éviter d'être persécuté. La décision rendue dans l'affaire Ali est un cas d'espèce et n'est d'aucun secours pour les demandeurs en l'espèce.
[18] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[19] Les demandeurs ont proposé la certification de deux questions. Pour les motifs énoncés dans les observations du défendeur, je refuse de les certifier. Ces deux questions tiennent pour acquis que la formation de la Commission a conclu que la discrimination qu'Anna Orel risque de subir dans le système d'éducation du Kazakhstan constitue une preuve de persécution. Comme je l'ai déjà mentionné dans les présents motifs, la décision du tribunal ne porte pas que la preuve de discrimination équivaut à de la persécution.
« Allan Lutfy »
Juge en chef adjoint
Ottawa (Ontario)
13 février 2001
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : IMM-2223-00
INTITULÉ DE LA CAUSE : Valeriy Orel et autres c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 6 février 2001
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT
EN DATE DU : 13 février 2001
ONT COMPARU :
Me Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Me Negar Hashemi POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Me Michael Crane POUR LE DEMANDEUR
Me Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada