Date : 19991213
Dossier : IMM-6610-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 13 DÉCEMBRE 1999
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DUBÉ
ENTRE :
NABEEL ABBAS
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ORDONNANCE
La Cour déboute le demandeur de son recours.
___________________________________
Juge
Traduction certifiée conforme,
Laurier Parenteau, LL.L.
Date : 19991213
Dossier : IMM-6610-98
ENTRE :
NABEEL ABBAS
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
Le juge DUBÉ
[1] Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire exercé en application de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration (la Loi), contre une décision en date du 1er septembre 1998 de l'agente des visas Mona Fahmy.
[2] Le demandeur, citoyen du Yémen, avait fait sa demande de résidence permanente à titre d'immigrant indépendant avec pour profession celle d'ingénieur électricien, au Centre du programme régional d'immigration à Buffalo, dans l'État de New York. Sa demande a été subséquemment transmise à l'ambassade du Canada au Caire, en Égypte.
[3] Il est titulaire d'une maîtrise en génie électrique de l'Institut de génie mécanique de Varna en Bulgarie. Ses qualifications ont été reconnues par le Conseil canadien des ingénieurs. En 1985, il travaillait pour la compagnie aérienne Yemenia Airlines comme ingénieur au service de matériel radio, où il est parvenu au grade de " contremaître ", c'est-à-dire à un poste de surveillance. Son travail consistait à essayer et à réparer les instruments de communications et de navigation des avions. Au cours de son entrevue avec Mme Fahmy, il a fait savoir qu'il avait sous ses ordres des mécaniciens. Cependant, son affidavit déposé à l'appui de sa demande indique qu'il dirigeait trois ingénieurs et quatre techniciens.
[4] Lors de cette entrevue, l'agente des visas, se guidant sur la Classification nationale des professions (CNP), a conclu qu'il ne remplissait pas la plupart des conditions d'accès à la profession CNP 2133, et qu'en fait, il exerçait surtout des fonctions de technicien. Selon les notes de l'agente des visas, le demandeur convenait que la description et les principales fonctions du technicien en génie électrique correspondaient davantage à ce qu'il faisait. En conséquence, elle a évalué sa demande au regard des qualifications de technicien en génie électrique, et il était d'accord.
[5] Le demandeur travaillait pour Yemenia Airlines pendant 10 ans, puis est parti pour les États-Unis où il a séjourné 20 mois, au cours desquels il n'a pas travaillé. Il n'a jamais visité le Canada et n'a jamais cherché à connaître les possibilités d'emploi dans ce pays. Sa connaissance du Canada est très limitée. L'agente des visas lui a donné 67 points d'appréciation, alors qu'il en faut 70 pour être admis dans le pays.
Âge 10
Demande dans la profession 01
Préparation professionnelle spécifique 15
Expérience 06
Emploi réservé/Profession désignée 00
Facteur démographique 08
Études 16 |
Connaissance de l'anglais et du français 06
Prime 00
Personnalité 05
Total des points obtenus 67
[6] L'avocat du demandeur soutient que l'agente des visas a commis trois erreurs comme suit.
[7] En premier lieu, par sa lettre du 1er septembre 1998, elle a rejeté la demande du demandeur par le motif suivant : " Vous n'avez pas les qualités pour travailler dans cette profession au Canada puisque votre expérience ne satisfait pas aux conditions d'accès prévues au numéro (2133) de la Classification nationale des professions pour Ingénieur électricien ". Selon le paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration (le Règlement), le critère à observer se réduit à la question de savoir si l'immigrant pourra " réussir [son] installation au Canada " et non de savoir si " son expérience satisfait aux conditions d'accès à la profession ".
[8] À mon avis, l'agente des visas n'a pas commis une erreur sur ce point. Le paragraphe 8(1) du Règlement prévoit encore que " l'agent des visas apprécie l'immigrant " suivant chacun des facteurs énumérés à la colonne I de l'annexe I ", ce qu'a fait justement l'agente des visas en l'espèce.
[9] En deuxième lieu, le demandeur ne s'est pas vu donner la possibilité de se faire entendre lorsqu'elle le fit passer de la classification d'ingénieur électricien (2133) à celle de technicien en génie électrique (2241.2). Face à la décision prise par une personne dominante en situation d'autorité, il n' pas eu vraiment la possibilité d'exprimer ses objections ou de donner davantage d'informations.
[10] Cependant, on ne peut dire, à la lecture des notes prises par l'agente des visas et de la transcription de son contre-interrogatoire, qu'il s'est vu dénier la possibilité d'exprimer ses objections, si objections il y avait. Il appert qu'il était d'accord avec elle. Il ne satisfaisait pas aux qualités requises pour la profession d'ingénieur électricien, puisque que " son expérience professionnelle est celle d'un technicien en génie électrique ". En fait, elle a conclu qu'il satisfaisait aux critères de cette classification, mais la demande pour cette profession est très faible au Canada.
[11] Enfin, l'agente des visas se serait embrouillée dans l'application des critères de sélection pour les deux classifications ainsi que dans son interprétation de l'expérience professionnelle du demandeur. Après tout, celui-ci travaillait pendant dix ans en qualité d'ingénieur au service de matériel radio de la Yemenia Airlines, la compagnie aérienne nationale du Yémen. Il est parvenu jusqu'au poste de contre-maître, avec sous ses ordres d'autres ingénieurs et techniciens. Outre ses fonctions de surveillance, il avait encore pour attributions de suivre de près et de contrôler toutes les spécifications radio, de surveiller, d'installer et d'essayer de nouveaux systèmes de communications radio pour des appareils très compliqués comme le Boeing 737 et l'Airbus. Le demandeur soutient que l'agente des visas ne comprenait pas ses attributions d'ingénieur ni son rôle d'ingénieur radio, et que la classification de technicien en génie électrique ne correspond pas du tout à ce qu'il faisait.
[12] Il s'agit là de points de fait, à l'égard desquels l'agente des visas est investie d'un large pouvoir discrétionnaire. Dans Chiu Chee To c. M.C.I.1, la Cour d'appel fédérale a récemment confirmé que le contrôle judiciaire de l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'une autorité légale est soumis à la norme définie par la Cour suprême du Canada dans Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada2, comme suit :
C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision. |
[13] Il est clair qu'en l'espèce, l'agente des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi. Rien ne prouve qu'il y ait eu atteinte aux principes de justice naturelle, ou décision fondée sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la Loi. En conséquence, la Cour ne peut intervenir.
[14] Le recours est rejeté.
_______________________________
Juge
Ottawa (Ontario),
le 13 décembre 1999
Traduction certifiée conforme,
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER No : IMM-6610-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Nabeel Abbas c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 27 octobre 1999 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DUBÉ
LE : 13 décembre 1999
ONT COMPARU :
M. Peter Johnson pour le demandeur
Mme Susan Nucci pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Rekai & Johnson pour le demandeur
Toronto (Ontario)
M. Morris Rosenberg pour le défendeur |
Sous-procureur général du Canada
__________________1 C.A.F., 22 mai 1996, A-172-93, page 2.
2 [1982] 2 R.C.S. 2.