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     Date : 19971106

     Dossier : IMM-648-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 6 NOVEMBRE 1997

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

ENTRE

     YOSELINE DEL CARMEN APARICIO CANIZALEZ et

     KELLYN ALFREDO ALAVAREZ APARICIO,

     (mineur)

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             Darrel V. Heald

                                 Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet


     Date : 19971106

     Dossier : IMM-648-96

ENTRE

     YOSELINE DEL CARMEN APARICIO CANIZALEZ et

     KELLYN ALFREDO ALAVAREZ APARICIO,

     (mineur)

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 20 décembre 1990 rendue par la section du statut de réfugié (S.S.R.) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans cette décision, la Commission a conclu que les requérants à l'instance n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


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LES FAITS

[2]          Yoseline Canizalez est la requérante adulte. Son fils Kellyn Aparicio est le requérant mineur. Tous les deux sont des citoyens du Venezuela. Ils prétendent avoir raison de craindre d'être persécutés du fait des opinions politiques et de l'appartenance à un groupe social. La requérante a témoigné qu'elle avait contracté une union de fait avec son conjoint en 1989. Dans cette même année, elle a donné naissance à son fils, le requérant mineur. En juin 1992, le conjoint de la requérante a quitté le Venezuela. D'après le témoignage de la requérante, à la suite du départ de son conjoint, elle a appris qu'il fuyait la persécution de la police. Elle a dit qu'elle et son fils n'avaient pas accompagné son conjoint en raison de fonds insuffisants. Après le départ de son conjoint, elle est devenue active dans un groupe connu sous le nom de Movimiemto al Socialismo (M.A.S.). Elle s'est jointe à cette organisation parce qu'elle n'approuvait pas les abus commis par le gouvernement vénézuélien. Le 10 septembre 1995, alors qu'elle assistait à une réunion du M.A.S., la police a arrêté la requérante ainsi que les autres participants. La police l'a brutalisée et, la première nuit dans sa cellule, trois agents l'ont violée. Elle a été libérée le jour suivant. Au moment de sa libération, les agents lui ont recommandé, par des menaces, de ne pas révéler les incidents des brutalités et du viol. De retour chez elle, elle a pris des tranquillisants et n'a pas quitté sa


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maison. En moins de dix jours, elle a quitté le Venezuela. Elle n'a pas parlé à son conjoint de ces événements parce qu'elle avait honte. C'est seulement après le rejet de la revendication du statut de réfugié présentée par son conjoint qu'elle s'est rendu compte qu'il serait préférable qu'elle relate son histoire à la Commission.

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[3]          La Commission a conclu que les aspects essentiels de la revendication de la requérante manquait de crédibilité. Elle a trouvé de l'imprécision et de l'inconsistance dans le témoignage de la requérante. Son témoignage initial selon lequel elle ne connaissait pas les conséquences des activités politiques de son mari est contredit par son témoignage ultérieur, savoir qu'elle était au courant de son arrestation et a tenté de le persuader qu'elle était forte et sans peur. La Commission a jugé qu'il était invraisemblable que si elle avait été au courant de son arrestation, elle ne sût pas que ses propres activités politiques ultérieures mettraient elle-même et son fils en danger.

[4]          La Commission a alors procédé à l'examen de la preuve documentaire. La requérante a été interrogée au sujet de sa connaissance du M.A.S. Elle savait que c'était une organisation de gauche. Elle n'a pu donner des renseignements détaillés sur le


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M.A.S. La Commission a conclu que son manque général de connaissance concernant le M.A.S. était incompatible avec son niveau de participation. La Commission n'a pas accepté son témoignage de sa participation au M.A.S. En conséquence, elle a conclu que la requérante ne risquait pas d'être persécutée dans l'éventualité de son retour au Venezuela. La Commission a également examiné un rapport psychologique en date du 13 septembre 1994 selon lequel la requérante souffrait de trouble de stress post-traumatique (T.S.P.T.). Ce rapport médical a conclu que ce trouble était la conséquence directe des expériences connues par la requérante au Venezuela. La Commission a conclu que la requérante ne craindrait pas d'être persécutée en raison des activités de son mari, ni du fait qu'elle était une femme vivant au Venezuela. Elle a fondé cette conclusion sur la preuve documentaire selon laquelle bien que les femmes détenues par les autorités soient en danger, ce danger ne s'étend pas aux femmes en général.

LES POINTS LITIGIEUX

     1.      La Commission a-t-elle commis une erreur dans son examen de la preuve psychiatrique dont elle disposait?
     2.      La Commission a-t-elle eu tort de tirer des conclusions de non-crédibilité relativement au témoignage rendu par la requérante?

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     3.      La Commission a-t-elle eu tort d'appliquer le facteur "lien" de la définition de réfugié au sens de la Convention?

ANALYSE

1.      La preuve d'expert

[5]          L'avocat des requérants soutient que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve d'expert concernant le T.S.P.T. de la requérante. Je ne suis pas d'accord. La Commission a expressément dit qu'elle examinait le rapport psychologique. Elle a conclu que le T.S.P.T. de la requérante était conforme à son témoignage mais n'était pas déterminant. Elle n'a pas mis en doute le diagnostic de T.S.P.T. Toutefois, du fait que le témoignage de la requérante a été jugé non crédible, la Commission a conclu que la requérante ne souffrait pas de ce trouble en raison de la persécution pour un motif énuméré dans la définition de réfugié au sens de la Convention.

[6]          À mon avis, une telle conclusion était celle qu'il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer. La Commission s'est appuyée sur la décision de la Section de première instance Cabrera c. M.E.I.1 où le juge Rothstein s'est exprimé en ces termes


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[TRADUCTION] "...la lettre d'un psychiatre en soi ne prouve pas qu'un requérant satisfait au critère du réfugié au sens de la Convention. Tout au plus, en l'espèce, cela est compatible avec le récit du requérant. Mais c'est la preuve factuelle qui doit être invoquée pour prouver les qualités du statut de réfugié au sens de la Convention."

[7]          En l'espèce, la Commission a accepté et examiné la preuve d'expert, mais, ayant conclu que les aspects essentiels de la revendication de la requérante n'étaient pas dignes de foi, elle n'a pas pu convenir que la requérante souffrait de T.S.P.T. en raison de la persécution au Venezuela. Ayant tenu compte de la totalité des éléments de preuve, je suis d'accord avec cette conclusion2.

CRÉDIBILITÉ

[8]          La requérante soutient que la Commission a eu tort de conclure qu'elle n'était pas un témoin crédible, et que son témoignage était invraisemblable. Son avocat s'appuie sur les observations faites par l'agent d'audience (A.A.) à l'audition devant la S.S.R. L'A.A. a conclu que la requérante était une personne très crédible, dont le témoignage était vraisemblable. Cet

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argument comporte une difficulté, savoir que même si l'A.A. a l'obligation d'assister la section du statut, celle-ci demeure le principal juge des faits. Une cour de révision devrait refuser de toucher aux décisions de la Commission qui apprécient la crédibilité ou la vraisemblance pourvu que ces décisions reposent à juste titre sur la preuve, ne méconnaissent pas la preuve ou sont étayées par celle-ci3.

[9]          De même, la Cour d'appel fédérale a, dans l'affaire Aguebor c. M.E.I.4, conclu qu'un tribunal de cette nature est mieux placé qu'un juge saisi d'un contrôle pour tirer des conclusions d'invraisemblance.

[10]          À mon avis, il ne s'agit pas d'un cas où la Cour serait en droit de modifier les conclusions de crédibilité tirées par la Commission. La Commission a tiré des conclusions de non-crédibilité et d'invraisemblance en termes clairs et persuasifs. Le fait que l'A.A. a conclu que la requérante était crédible n'influe pas sur les décisions de la Commission. Celle-ci est le juge des faits, et c'est la décision de la Commission qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.


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LIEN

[11]          La requérante soutient que la Commission a eu tort de ne pas conclure à l'existence d'un lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention.

[12]          Toutefois, la Commission a effectivement examiné la question de savoir si la requérante pouvait fonder sa prétention qu'il y avait persécution sur le sexe. La Commission a examiné la preuve documentaire qui établit que les femmes en détention courent un sérieux risque de persécution au Venezuela. Puisque la Commission a conclu que la requérante n'était pas en détention et ne risquait pas d'être détenue, sa conclusion de défaut de persécution fondée sur le sexe était celle qu'il lui était raisonnablement loisible de tirer.

CONCLUSION

[13]          Par tous ces motifs, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée.


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CERTIFICATION

[14]          Ni l'un ni l'autre des avocats n'a demandé que soit certifiée une question grave de portée générale en application de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je conviens qu'il n'y a pas matière à certification. En conséquence, aucune question n'est certifiée.

                             Darrel V. Heald

                                 Juge suppléant

OTTAWA (ONTARIO)

Le 6 novembre 1997

Traduction certifiée conforme

                         Tan Trinh-viet


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-648-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Yoleline Del Carmen Aparicio Canizalez et autre c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 31 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE SUPPLÉANT HEALD

EN DATE DU                      6 novembre 1997

ONT COMPARU :

    Daniel Fine                      pour la requérante
    Susan Nucci                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Daniel M. Fine & Associates          pour la requérante
    Toronto (Ontario)
    George Thomson
    Sous-procureur général
    du Canada                      pour l'intimé
__________________

     1      A-750-92, 26 novembre 1993 (1re inst.).

     2      Dans le même ordre d'idée, voir Boateng c. M.E.I., A-1027-92, 31 mars 1995 (1re inst.).

     3      Comparer Ismaeli c. M.C.I., IMM-2008-94, 11 avril 1994 (1re inst.).

     4      (1993) 160 N.R. 313 (C.A.F.).

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