Date : 20050823
Dossier : IMM-2301-04
Référence : 2005 CF 1154
ENTRE :
FRASER SUSANNE
(alias Susanne Patrici Fraser)
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 30 janvier 2004.
[2] La demanderesse est originaire de St-Vincent et a été maltraitée par son conjoint. Au cours de la première agression, elle a reçu des coups et a été jetée par terre. Elle a immédiatement porté plainte à la police. Les policiers ont toutefois refusé d'y donner suite parce qu'il s'agissait d'une [traduction] « affaire entre homme et femme » . Les faits ne sont pas tout à fait clairs mais il semble que la Commission ait accepté le témoignage qu'elle a livré selon lequel elle s'est adressée à la police une deuxième fois et a encore essuyé un refus. Les policiers ont par la suite fait savoir à son conjoint qu'elle avait porté plainte.
[3] L'agression suivante s'est produite à un moment où elle se trouvait seule au domicile de ses parents et a été très grave. Son conjoint a fait irruption dans la maison, l'a battue et l'a lacérée au visage avec un couteau. Il était en colère parce qu'elle avait été voir la police et il a menacé de la tuer si elle portait plainte encore une fois.
[4] Elle a reçu des soins médicaux pour les coupures mais n'a pas signalé l'agression à la police et elle n'a pas mentionné au médecin la véritable raison de ses blessures parce qu'elle ne voulait pas que les policiers apprennent ce qui s'était produit. Elle est partie peu après pour le Canada. Depuis son arrivée au Canada, elle a entendu dire que son conjoint avait déclaré qu'il la tuerait si elle retournait à St-Vincent.
[5] La Commission a cru la demanderesse mais n'a pas accepté le fait que la preuve de deux plaintes auxquelles la police n'a pas donné suite était suffisante pour réfuter la présomption de la protection de l'État (la présomption). La Commission a noté que la Domestic Violence Act (Loi sur la violence familiale) ainsi que les ordonnances de protection et autres que peuvent obtenir les femmes battues montrent que l'État les protègent. La Commission a décrit cette loi de la façon suivante :
Le Parlement a promulgué la Domestic Violence Act (DVA) en 1995 afin de lutter contre la violence familiale. Elle prévoit des peines, y compris des peines de prison, des amendes et des peines à purger dans la collectivité, de même que des dispositions d'injonction. Les peines imposées pour voies de fait contre un conjoint varient en fonction de la gravité de l'incident. La DVA donne aux tribunaux de la famille la même juridiction en matière de violence familiale. La Cour peut rendre à l'encontre de l'agresseur une ordonnance de protection, qui peut comprendre le retrait physique du domicile ou l'interdiction de téléphoner ou se rendre sur le lieu de travail de la victime. La loi autorise la police à arrêter l'agresseur qui ne respecte pas une ordonnance et le président du tribunal peut imposer, s'il le juge utile, une thérapie tant à la victime qu'à l'agresseur. [...] (Décision de la SPR, p. 4 et 5)
[6] La Commission a jugé que l'État protégeait les femmes, étant donné que ces recours existaient et avaient été portés à l'attention de la population. La Commission a déclaré sur ce point :
[...] À mon avis, le fait que la police n'a pas pris sa plainte au sérieux à ces deux occasions ne constitue pas une preuve claire et convaincante permettant de réfuter la présomption de la protection de l'État, étant donné que la norme de preuve est plus élevée dans une démocratie parlementaire multipartite comme celle de St-Vincent. [...] (Décision de la SPR, p. 3)
[7] Cette décision a été prise en l'absence de toute preuve portant sur l'efficacité de la loi en question, sur la réalité des ordonnances de protection et sur leur mise en oeuvre par la police.
CONCLUSIONS
[8] Même si la première agression a été relativement mineure, la demanderesse a eu peur au point de demander à deux reprises l'aide de la police. La police n'a pas seulement tenu aucun compte de ses plaintes, mais a fait part à son conjoint de ce qu'elle avait fait, ce qui est directement à l'origine de la deuxième agression. Il est visiblement évident que cette femme n'a pas bénéficié de la protection de l'État. De plus, si l'on envisage l'avenir, il était manifestement déraisonnable que la Commission tienne pour acquis, en se fondant sur la preuve limitée dont elle disposait, que la police protégera la demanderesse contre son conjoint.
[9] Par conséquent, la décision sera annulée et l'affaire sera renvoyée pour nouvelle décision.
« Sandra J. Simpson »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 23 août 2005
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2301-04
INTITULÉ : FRASER, SUSANNE (alias SUSANNE PATRICI FRASER
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 MARS 2005
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE SIMPSON
DATE DES MOTIFS : LE 23 AOÛT 2005
COMPARUTIONS :
Leroy Crosse POUR LA DEMANDERESSE
Stephen Jarvis POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Leroy Crosse
Toronto (Ontario) POUR LA DEMANDERESSE
Stephen Jarvis
Ministère de la Justice
Bureau régional de l'Ontario
130, rue King Ouest
Bureau 3400, boîte 36
Toronto (Ontario) M5X 1K6 POUR LE DÉFENDEUR