Date : 20020904
Dossier : IMM-781-01
Référence neutre : 2002 CFPI 939
Ottawa (Ontario) ce 4e jour de septembre 2002
EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE BLANCHARD
ENTRE :
BROMBERG, Anjela,
Demanderesse,
- and -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
Défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision en date du 31 janvier 2001 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ( « Section du statut » ) a statué que Madame Angela Bromberg (la « demanderesse » ) n'est pas une réfugiée au sens de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés ( « Convention » ).
EXPOSÉ DES FAITS
[2] La demanderesse, une citoyenne de l'Ouzbékistan, allègue une crainte bien fondée de persécution en raison de sa nationalité arménienne et juive, ses parents étaient Arméniens, mais furent déportés par le régime de Staline en Ouzbékistan dans les années '30. La demanderesse est de nationalité arménienne, née à Andijan en Ouzbékistan le 12 octobre 1938.
[3] De sa naissance jusqu'au printemps 1990, la demanderesse allègue avoir été l'objet de discrimination raciale fondée sur son appartenance à la minorité arménienne. Elle se faisait harceler par ses compagnons de classe lorsqu'elle était plus jeune. À l'université, elle fût privée d'une invitation à faire un stage au Caire. La demanderesse a étudié l'arabe, le français et le persan, ainsi que l'histoire et la musique. Elle a souvent fait face à des pratiques discriminatoires dans ses recherches d'emploi. Elle a tout de même travaillé à l'université, aux Archives Centrales de Tachkent (ville de l'Ouzbékistan), dans une bibliothèque municipale, ainsi que dans une garderie.
[4] Au printemps de 1990, la demanderesse déclare qu'elle est allée à Andijan pour aider sa cousine et sa tante malade. Pendant son séjour, les Ouzbeks, dirigés par les "mullas", auraient cambriolé et brûlé la maison de la famille ou elle se trouvait et auraient attaqué les Arméniens et les Juifs. A la même époque, la maison de sa voisine fut également brûlée. Les trois femmes se seraient cachées dans la cave pour se protéger.
[5] La demanderesse déclare qu'à son retour à Tachkent elle a trouvé sa maison habitée par des Ouzbeks. Elle a dû aller vivre avec une autre tante dans la même ville.
[6] Au printemps de 1993, le frère de la demanderesse est venu au Canada avec sa famille. En mai 1994, la mère de la demanderesse est venue le rejoindre.
[7] En avril 1994, la demanderesse et son fils Vakhtang auraient été attaqués par un groupe de jeune Ouzbeks. La demanderesse s'est retrouvée à l'hôpital pendant une semaine, apparemment, elle avait fait une crise cardiaque. Suite à cet événement, son fils Vakhtang a obtenu la citoyenneté Russe en mai 1994 et a quitté la République du Ouzbékistan en juin 1994 pour Moscou en espérant y trouver du travail et faire éventuellement venir sa mère.
[8] En 1995, une des tantes de la demanderesse est venue au Canada, ainsi que sa cousine et ses trois enfants. Ils ont tous obtenus le statut de réfugiés au Canada. La demanderesse a aussi un fils, John, qui a émigré en Israël en 1997.
[9] Le 25 mai 1998, le frère de la demanderesse qui était au Canada est décédé. N'ayant pas d'argent, la demanderesse n'est pas venue pour les funérailles, mais en mai 1999, elle s'est fait payer un billet d'avion par la famille pour fêter l'anniversaire du décès de son frère. La demanderesse est donc venue au Canada une première fois.
[10] Le 6 août 1999, la demanderesse a reçu un appel d'amis de Moscou l'informant que son fils était en prison. Elle est partie le soir même du Canada pour Moscou. Elle a fait libérer son fils qui avaient été battu par les policiers. Après cet incident, ils ont pris la décision qu'ils partiraient pour le Canada. Selon la demanderesse, elle a fait les démarches pour obtenir des visas pour le Canada et n'ayant pas le droit de rester en Russie plus de trois jours, elle dû retourner chez sa tante à Tachkent en Ouzbékistan.
[11] La demanderesse allègue que le 3 septembre 1999, alors qu'elle était chez le boucher, celui-ci lui a jeté de la viande pourrie au visage, et les autres Ouzbecks l'ont poussée et elle s'est cognée la tête et a subie une commotion cérébrale. La police n'a pas voulu l'aider et lui aurait dit « Va-t-en d'ici! » La demanderesse se serait rendue chez une amie qui a appelé l'ambulance. La demanderesse a été hospitalisée pendant deux semaines.
[12] Le 28 novembre 1999, la demanderesse est allée à Moscou retrouver sa cousine arrivée du Canada apportant avec elle des invitations. Le 1er décembre 1999, la demanderesse et son fils ont obtenu des visas pour le Canada. La demanderesse est alors retournée à Tachkent pour faire ses bagages et faire ses adieux à sa tante.
[13] Toutefois, pendant que la demanderesse était à Moscou, sa tante est tombée malade et est décédée le 10 décembre 1999. Après les funérailles de sa tante, la demanderesse est tombée malade jusqu'à la mi-janvier 2000.
[14] La demanderesse allègue être retournée à Moscou le 4 février 2000. Le 7 février 2000, la demanderesse a reçu un avis d'expulsion de la Russie pour avoir vécu à Moscou plus de trois jours sans s'être enregistrée. Les demandeurs sont partis de Moscou le 15 février 2000 et sont arrivés au Canada la même date. Ils ont revendiqué le statut de réfugié le 27 mars 2000.
[15] Les audiences relatives aux deux revendications ont eu lieu le 9 novembre 2000 et le 4 décembre 2000 respectivement.
DÉCISION DE LA SECTION DU STATUT
[16] En rejetant la demande de la revendicatrice, la Section du statut a statué sur l'absence de crédibilité de la demanderesse en raison des contradictions et des incohérences dans son témoignage, lesquelles n'ont pu être expliquées à la satisfaction du tribunal.
[17] La Section du statut a retenu les contradictions et incohérences suivantes pour conclure à l'absence de crédibilité de la demanderesse :
1) Le récit de la demanderesse à l'effet qu'elle n'a pu obtenir une aide des autorités est contredit par la documentation qui lui verrait la possibilité d'obtenir de l'aide juridique pour intenter des poursuites contre ses persécuteurs;
2) Dans son récit (FRP) la demanderesse écrit avoir été battue à Tachkent le 3 septembre 1999, lorsque la pièce du ministère de la justice note que cet incident est survenu le 14 septembre 1999;
3) Le certificat médical note que la demanderesse a séjourné 13 jours à l'hôpital alors que son témoignage dit qu'elle est resté au lit à l'hôpital pendant dix jours;
4) La demanderesse a témoigné être passé au bureau des avocats la journée même de sa libération de l'hôpital alors que les documents révèlent que cela c'est fait le lendemain;
5) Que le comportement de la demanderesse à l'effet qu'elle soit retournée au moins à deux reprises à Ouzbékistan, une première fois pour visiter et soigner sa tante malade, et une deuxième fois pour faire ses valises et ses adieux, n'est pas compatible avec quelqu'un qui dit craindre la persécution;
6) Que la demanderesse aurait témoigné qu'elle n'avait pas l'intention de réclamer le statut de réfugié en Russie alors que dans un rapport de « l'infraction de la loi administrative » (Pièce P-5), elle explique qu'elle « voulais faire appel aux administrations compétentes de Moscou pour demander le statut de réfugié. »
[18] En statuant sur l'absence de crédibilité de la demanderesse, la Section du statut n'a pas considéré l'aspect cumulatif des persécutions dont la demanderesse affirme avoir été victime :
The Tribunal would like to indicate that having retained the credibility of Mrs. Bromberg as problematic and that the allegations presented are not retained as trustworthy, there is no need to consider the cumulative aspect.
[19] De plus, la Section du statut croit que la demanderesse est venue au Canada parce qu'elle n'a plus de famille en Ouzbékistan et qu'elle désire être avec son fils et le reste des membres de sa famille. Le tribunal conclu qu'en soi, cela n'est pas un motif de la Convention pour accepter des réfugiés :
The Tribunal believes that Mrs. Bromberg came to Canada because she has no one in Uzbekistan and that she wanted to be with her son and family members, however, this, in itself, is not a Convention ground for accepting refugees.
QUESTIONS EN LITIGE
[20] La demanderesse atteste que la Section du statut a fondé sa décision sur des conclusions de faits erronés, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait, notamment à l'égard de la crédibilité de la demanderesse ainsi que sur l'évaluation de sa crainte de persécution et plus particulièrement :
a) La Section du statut a conclu que la demanderesse avait décidé de quitter le Canada le 6 août 1999 après y être venue en mai 1999 alors que la demanderesse affirme ne pas avoir quitté volontairement le Canada.
b) La Section du statut a tiré des conclusions négatives sur la crédibilité de la demanderesse en lui reprochant, d'une part, de ne pas avoir revendiqué le statut de réfugié en Russie lors de son séjour en août 1999 et février 2000, alors que, d'autre part, la Section du statut reconnaît que le fils de la demanderesse était bien fondé de craindre la persécution en Russie sur la base de son appartenance aux caucasiens en tant que Juif et Arménien.
c) La Section du statut, en concluant à l'absence de crédibilité, a omis de considérer l'aspect cumulatif des persécutions dont la demanderesse avait été victime ainsi que les membres de sa famille.
PRÉTENTIONS DES PARTIES ET ANALYSE
Est-ce que la Section du statut a erronément conclu que la demanderesse avait décidé de quitter le Canada le 6 août 1999 après y être venue en mai 1999 alors que la demanderesse affirme ne pas avoir quitté volontairement le Canada?
[21] La Section du statut conclut comme suit :
(...) She indicated that she thought things would get better, yet Mrs. Bromberg was confronted with the fact that she went back to get her son out of police custody in Moscow, and the Tribunal finds this understandable, she also took the liberty of going back to Uzbekistan. The claimant said that she had an aunt there, and that she could not leave her, yet the Tribunal must indicate that Mrs. Bromberg had already left her aunt when she came to Canada in May 1999.
[22] La demanderesse atteste que contrairement aux conclusions de la Section du statut, le départ de la demanderesse du Canada pour Moscou le 6 août 1999, ne peut, en raison des circonstances exceptionnelles l'ayant amené à Moscou, être qualifié de volontaire. Les « raisons exceptionnelles » étant que son fils était détenu illégalement.
[23] Je crois que l'argument de la demanderesse ne reflète pas exactement la conclusion de la Section du statut. La Section du statut a constaté qu'il était comprenable que la demanderesse soit retournée à Moscou pour secourir son fils, mais qu'elle soit aussi volontairement retournée en Ouzbékistan. Je note aussi, comme d'ailleurs le reflète la récitation des faits non-disputés ci-haut, que la demanderesse est retournée à Tachkent une deuxième fois au début de décembre 1999 pour prendre ses bagages et faire ses adieux à sa tante. Je suis d'avis que la Section du statut était bien fondée de mettre en doute la crainte subjective de la demanderesse face à son retour en Ouzbékistan.
[24] Dans le jugement rendu dans l'affaire Cihal c. Canada (M.C.I.), (1997), 126 F.T.R. 198, le juge Rothstein a déclaré que la Section du statut pouvait conclure à l'absence de crainte subjective du fait du retour du revendicateur dans le pays à l'égard duquel il alléguait une crainte de persécution.
[25] C'est ce qu'a décidé également madame la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Ali c. Canada (M.C.I.) (1996), 112 F.T.R. 9 (C.F.) en se fondant sur le jugement du juge Rothstein dans l'affaire Bogus c. Canada (M.E.I.) (1993), 71 F.T.R. 260. Ce dernier avait conclu ceci au paragraphe 5 :
That he re-availed himself of the protection of Turkey on three occasions (counsel agreed that the facts are that he had only returned to Turkey twice) and that this reflects negatively on his alleged fears. The panel stated at p. 89:
In addition, the panel must take note that you did re-avail yourself, and there's no - there appears to be no conflict in your testimony in this area - of the protection of Turkey on no less than three occasions. You went back on three occasions. And this action itself must reflect negatively upon the voracity[sic] of your alleged fears, in our opinion, of returning now to Turkey.
In my opinion, it was open to the panel to assess the evidence and conclude that the applicant did not have a credible basis for his claim by reason of his actions or inactions that were inconsistent with having a subjective and objective fear of persecution in Turkey. Such findings are clear and unambiguous. It is true they do not include express words such as "we do not believe the applicant". But the words that are used "reflect negatively upon the voracity[sic] of your alleged fears" and "[t]hese are not the actions or inactions of a person in your circumstances", together with the reasons given, demonstrate beyond doubt, that the panel did not believe that the applicant had a subjective and objective fear of persecution in Turkey and therefore did not have a credible basis for his refugee claim. [Je souligne.]
[26] À mon avis, la Section du statut n'a pas erré en inférant que la crainte subjective de la demanderesse était miné par le fait qu'elle soit volontairement retournée en Ouzbékistan.
[27] En ce qui a trait à son séjour à l'hôpital, la transcription de l'audience révèle que la demanderesse a dit qu'elle a passé dix jours au lit et que ce n'est qu'au onzième jour qu'elle a pu se lever. À mon avis, il est déraisonnable de conclure, en raison de ce témoignage, qu'il y a contradiction avec ledit certificat médical.
[28] Également, le témoignage de la demanderesse ne confirme pas qu'elle est nécessairement passée chez les avocats le même jour qu'elle aurait quitté l'hôpital.
Lettre du bureau des consultations juridiques N.2 du quartier Marabadski de la ville de Tachkent
Suite à votre demande verbale je confirme que vous vous êtes vraiment adressée le 17.09.99 au bureau de consultations juridiques N2 eu quartier Marabadski de Tachkent pour obtenir une explication de vos droits en raison des actions illégales de la part des personnes inconnues qui vous avaient agressés le 14.09.99 au centre de ville de Tachkent. ...
Elle dit ceci :
Transcript at page 540:
...the only thing I did was when I was discharged from the hospital was (inaudible). I saw in front of that hospital there was a lawyers... it was a firm of the lawyers so I went there and asked one of lawyer to help me.
À mon avis, de ce témoignage, il est aussi loisible de conclure qu'elle aurait passé chez les avocats le lendemain puisqu'elle ne précise pas qu'elle l'a fait immédiatement dès sa libération.
[29] En ce qui a trait à la contradiction entre son récit et la pièce du ministère de la Justice qui rapporte que l'incident à Tachkent soit survenu le 14 septembre et non le 3 septembre 1999, la demanderesse explique le manque de concordance comme étant une erreur de frappe. Au vu des autres contradictions, le Section du statut n'a pas accepté cette explication.
[30] Je suis d'avis que les deux contradictions, soulevées par la Section du statut et que j'ai considérées aux paragraphes 27 et 28 de ses motifs sont déraisonnables puisque ces dernières ne sont pas fondées sur la preuve. Malgré cette détermination, je suis satisfait que la décision ne mérite pas l'intervention de cette Cour. Je suis satisfait, malgré ces erreurs, que la Section du statut en raison des autres incohérences, contradictions et invraisemblances soulevées dans ses motifs a raisonnablement conclu à l'absence de crédibilité de la demanderesse.
Est-ce que la Section du statut a erronément tiré des conclusions négatives sur la crédibilité de la demanderesse en lui reprochant d'une part, de ne pas avoir revendiqué le statut de réfugié en Russie lors de son/ses séjours en août 1999 et février 2000, alors que d'autre part la Section du statut reconnaît que le fils de la demanderesse était bien fondé de craindre la persécution en Russie sur la base de son appartenance aux caucasiens en tant que Juif et Arménien?
[31] À ce sujet, la Section du statut a tranché comme suit :
(...) She was asked if, when in Moscow, she intended to ask for refugee status. The claimant indicated that she had no intention and that she never even thought about that. She was then confronted with a document [Exhibit P-5, Les explications du violateur face à l'infraction de la loi administrative] which clearly indicates that Mrs. Bromberg wanted to ask for refugee status while in Moscow. She then changed her answer and said that she wanted to ask for it but then received a deportation order. This is another indication of how the response of Mrs. Bromberg changes and is inconsistent with the evidence she has presented, and the explanations for the inconsistencies do not provide any reasonable explanations. (...)
[32] À la lecture des motifs de la Section du statut, je ne peux conclure que la Section du statut a effectivement reprocher à la demanderesse de ne pas avoir revendiqué le statut de réfugié en Russie. À mon avis elle lui reproche plutôt le fait qu'elle a contredit dans son témoignage un document qui vient bel et bien confirmer qu'elle avait l'intention de revendiquer le statut de réfugié en Russie. Je suis d'avis que la Section du statut pouvait raisonnablement conclure que les explications offertes par la demanderesse sur cette question n'étaient pas raisonnables et que cette contradiction pouvait miner sa crédibilité.
Est-ce que la Section du statut, en concluant à l'absence de crédibilité, a erré en omettant de considérer l'aspect cumulatif des persécutions dont la demanderesse avait été victime ainsi que les membres de sa famille?
[33] La demanderesse prétend que la Section du statut a erré en ne considérant pas, notamment, les éléments suivants :
- la persécution de tous les membres de sa famille, soit, son fils, sa tante, sa cousine et ses trois enfants, son frère et sa mère, et le fait que ceux-ci ont tous obtenu le statut de réfugié au Canada;
- l'éclatement de la famille de la demanderesse à cause du climat politique de l'Ouzbékistan et de la responsabilité des ouzbeks en matière de discrimination et de persécution des minorités;
- la souffrance vécue par la demanderesse en raison de l'exil de son fils en Russie depuis 1994, les deux ayant toujours vécu ensemble jusqu'à cette date;
- en refusant la revendication de la demanderesse et en acceptant celle de son fils, le tribunal exposait la demanderesse à une nouvelle séparation avec son fils;
- en décidant ainsi, le tribunal a omis de considérer et d'apprécier le principe fondamental consistant à favoriser la réunification des membres d'une famille de réfugié;
[34] Je suis en accord avec les soumissions du défendeur à l'effet que la Section du statut n'est pas liée par une décision rendue par une autre formation du même tribunal [Kocab c. Canada (M.E.I.), A-83-91, 15 octobre 1991, [1991] A.C.F. No. 1057, en ligne : QL]. De plus, dans plusieurs décisions rendues par la Cour fédérale, il fut décidé que les juges siégeant en révision judiciaire d'une décision de la Section du statut ne pouvaient se pencher sur les faits et les conclusions tirées par les autres formations de la Section du statut dans d'autres affaires. [Voir Ahmed c. Canada (M.C.I.) (1997) 134 F.T.R. 117.]
[35] Dans l'affaire Casetellanos c. Canada (S.G.) (1995), 2 F.C. 190, l'honorable juge Nadon définissait le principe fondamental de la réunification des familles comme suit :
B. Family Unity as a Concept in Canadian Refugee Law
The principle of family unity requires that persons granted refugee status should not be separated from their closest family members, particularly when a situation of dependency exists; it is a principle of togetherness.
Dans cet arrêt, le juge Nadon a effectué une analyse de ce principe de la réunion des familles, y compris une étude de l'alinéa 3c) de Loi de l'immigration, L.R.C. 1985, c. I-2, (la Loi) ainsi qu'une analyse des paragraphes pertinents du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés. Ce dernier a conclu que le principe de l'unité de la famille ne retire pas à un revendicateur le fardeau de démontrer qu'il est visé par la définition de « réfugié au ses de la Convention » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi.
[36] Je suis d'avis que, dans la mesure où la demanderesse n'a aucune crainte de persécution à l'égard de l'Ouzbékistan, sa revendication ne pouvait être accordée au motif que son fils peut être reconnu réfugié dans son pays de citoyenneté, la Russie.
[37] Par ailleurs, il appartient à la Section du statut d'apprécier la crédibilité d'un revendicateur et qu'en l'absence d'erreur déraisonnable du tribunal ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. [Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).]
[38] En plus, la preuve documentaire que la Section du statut était en droit d'accepter et de favoriser, au lieu du témoignage et du récit non-corroboré de la demanderesse, constate que :
(1) Uzbekistan is not in the mist of an interethnic crisis (Human Rights Watch, 1998. pages 10-12.);
(2) Police and security forces in Uxbekistan have been particularly adamant in fighting the political opposition and independent Muslims (Amnesty International annual Report 1999);
(3) The 1999 U.S. State Department Report on Uzbekistan did not mention any specific consistent inter-ethnic violence, as that reported by Mrs. Bromberg.
Conclusion
[39] Je conclus donc que la demanderesse ne s'est pas déchargé de son lourd fardeau d'établir que le tribunal, spécialisé en matière de revendication, aurait erré en fait ou en droit au point de justifier l'intervention de cette Cour en jaugeant la crédibilité de la preuve testimoniale et documentaire soumise et en triant les inférences qui s'imposaient.
[40] Pour ces motifs la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[41] Les parties n'ont pas proposé la certification d'une question grave de portée générale telle qu'envisagée à l'article 83 de la Loi sur l'immigration, 1985, L.R.C. c. I-2. Il n'y a pas lieu de certifier de question grave de portée générale.
[42] La Section du statut a déterminé que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention, toutefois, je suis d'avis que le sujet demande une attention particulière par les autorités compétentes, si telle est demandée, ayant trait aux circonstances d'ordre humanitaire qui découlent des faits de cette cause.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
« Edmond P. Blanchard »
Juge
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-781-01
INTITULÉ : BROMBERG, Anjela c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : 19 juin 2002
MOTIFS [de l'ordonnance ou du jugement] : Monsieur le juge Blanchard
DATE DES MOTIFS : 4 septembre 2002
COMPARUTIONS :
Me Daniel Paquin POUR LE DEMANDEUR
Me Michel Pépin POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Alarie, Legault, Beauchemin, Paquin, Jobin,
Brisson, & Philpot POUR LE DEMANDEUR
1259, rue Berri, Suite 1000
Montréal (Québec) H2L 4C7
514-844-6216
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Ministère de la Justice
Bureau régional de Montréal
Complexe Guy Favreau, Tour Est, 9ième étage
200, boul. René-Lévesque Ouest
Montréal (Québec) H2Z 1X4