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Date : 20000202


Dossier : IMM-1035-99


OTTAWA (ONTARIO), le mercredi 2 février 2000

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE REED


ENTRE :


MOHAMMAD ABDUL HANNAN



demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur




ORDONNANCE



     VU l"audition de la demande de contrôle judiciaire à Toronto (Ontario), le vendredi 28 janvier 2000;

     ET pour les motifs d"ordonnance exposés aujourd"hui,



LA COUR ORDONNE :

     Que la décision, datée du 1er février 1999, de refuser de délivrer un visa au demandeur soit annulée et que la demande de ce dernier soit renvoyée à un autre agent des visas pour qu"il l"examine à son tour.


" B. Reed "

                                         juge











Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.





Date : 20000202


Dossier : IMM-1035-99



ENTRE :


MOHAMMAD ABDUL HANNAN



demandeur


et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS D"ORDONNANCE


LE JUGE REED


[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire contre la décision dans laquelle une agente des visas a refusé de délivrer au demandeur un visa de résident permanent.

[2]      Comme il arrive souvent dans de tels cas, il faut trancher le litige entre les parties en fonction d"une appréciation de témoignages contradictoires du demandeur et de l"agente des visas sur ce qui s"est produit à l"entrevue qu"ils ont eue.

[3]      La lettre de refus qui a été envoyée au demandeur disait qu"il n"avait pas les compétences voulues pour exercer le métier de programmeur d"ordinateur et qu"il n"avait pas d"expérience à ce titre. Le demandeur a tout de même reçu 70 points d"appréciation, ce qui, normalement, lui aurait donné droit à un visa. Cependant, comme il n"avait pas reçu de point d"appréciation au titre de l"expérience, il ne pouvait obtenir de visa - c"est ce que prévoient les dispositions législatives pertinentes.

[4]      Le demandeur soutient que l"agente des visas lui a dit qu"il n"avait pas les compétences voulues pour exercer le métier de programmeur d"ordinateur vu que son diplôme de bachelier en sciences de Karachi n"équivalait pas à un diplôme canadien, car il l"avait obtenu dans le cadre d"un programme d"études de deux ans seulement. La décision Azim c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (IMM-4064-98, 26 janvier 1999) comprend une analyse des dispositions réglementaires pertinentes. Le demandeur dit que l"agente des visas ne lui a posé qu"une seule question à propos de son expérience en tant que programmeur d"ordinateur, et que cette question portait sur une de ses lettres de recommandation, qui le décrivait comme un opérateur sur ordinateur et non un programmeur d"ordinateur.

[5]      L"agente des visas dit que ses réserves concernant le diplôme du demandeur ne renvoyaient pas aux compétences (ou au manque de compétences) de celui-ci en tant que programmeur d"ordinateur, mais plutôt à l"appréciation qu"elle faisait de son niveau d"études. Ayant obtenu son diplôme au terme de deux années d"études, le demandeur n"obtiendrait, selon le règlement pertinent, que 13 et non 15 points d"appréciation au titre de l"éducation (Règlement sur l"immigration de 1978, annexe I, facteur 1(1)c) et d). L"agente des visas soutient également qu"elle a posé des questions au demandeur sur son expérience en tant que programmeur d"ordinateur, et que les réponses de celui-ci ne l"ont pas convaincue qu"il avait déjà exercé cette profession.

[6]      Lorsque de telles divergences se présentent, en particulier lorsque la description de chacun doit être appréciée sur la base de transcriptions de contre-interrogatoires, il faut chercher à obtenir des éléments de preuve antérieurs au litige qui oppose les parties pour déterminer s"ils étayent l"une ou l"autre version de ce qui s"est produit.

[7]      Voici ce que contiennent les notes CAIPS de l"agente des visas :

[TRADUCTION]
ÉTUDES
1) commission d"enseignement secondaire - études secondaires en 76
2) hautes études secondaires en 78
3) univ. de Karachi, bacc. ès sc. en 82. Dit qu"il s"agissait d"un programme de deux ans. Relevés de notes non fournis. Dit avoir étudié en math., statistique, ourdou.
4) petroman (division de Enar Petrotech Services Ltd) a complété un cert. de formation supérieure en informatique. De oct/84 à déc/85.
5) comm. sind. d"enseignement technique - formation de petroman [sic] institut Karachi - 1 200 heures cert. du suj. indique qu"après avoir fini le cours, ils subissent un examen de la commission.
Études de bacc. ès sc. ayant duré 2 ans, je ne peux lui accorder 15 points au titre des études. Il obtient 13 points.
TRAVAIL
1) Seasonmaster Engineering Ltd. à Karachi - Programmeur d"ordinateur de janv-déc/86.
2) Pakshaheen container serv à Karachi - janv/87 à mai/88 en tant qu"opérateur sur ordinateur sur multitech.
3) Admin Sindh Katchi Aabadis, gouv du Sindh à Karachi - agent de traitement des données depuis 88. Lettre datée de 94.
4) Global Network Services à Revere, Mass. - en tant qu"entrepreneur par l"entremise d"un commercant d"ordinateurs de mars-oct/98.
FONDS
Banque à Boston 21 500 $US au janv 12/99. Avait de 8 à 10 000
Fiches du FBI - aucun dossier.
Paie des impôts aux É.-U.A. en 95 pour W2 pour Everest Food Services. Aussi en 96. 97 pour choice courrier systems. Il dit qu"il travaille en tant que messager.
CNP 2163 - exigences professionnelles - baccalauréat en informatique ou connaissances considérables relatives à la programmation telles math, comm ou adm des aff. Il n"a qu"un diplôme de 2 ans qui n"équivaut pas à un baccalauréat selon les normes can. et n"a pas suivi un programme de collège en informatique. Son cert. n"est pas d"un collège. En outre, je constate que ses lettres de recommandation n"établissent pas qu"il a travaillé en tant que programmeur, mais même s"il avait travaillé à ce titre, il ne satisfait pas aux exigences selon les normes can.
Je l"ai informé que sa dem était refusée et lui ai communiqué les motifs du refus et je confirmerai par écrit DQP et demanderai un remboursement du droit exigé pour l"établissement. [Non souligné dans l"original.]

[8]      Le demandeur soutient que les derniers paragraphes des notes CAIPS de l"agente des visas font état des motifs par lesquels cette dernière a étayé sa décision et établissent l"exactitude de la description que le demandeur a faite des motifs de refus qui lui ont été communiqués. L"avocate du défendeur soutient que le fait de se fonder ainsi sur les notes CAIPS confère à celles-ci une importance qui n"avait pas été prévue. L"avocate soutient que les notes CAIPS sont forcément incomplètes, et que c"est la lettre de refus qui contient les motifs pour lesquels l"agente des visas a refusé de délivrer un visa au demandeur, et non ces notes. La lettre de refus dit que le demandeur n"avait pas les compétences voulues et qu"il n"avait pas d"expérience. (Je fais remarquer que l"argument de l"avocate sur la raison d"être des notes CAIPS diffère de celui qu"un autre avocat du défendeur avait avancé dans une autre affaire - voir Qui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (IMM-1022-99, 28 janvier 2000).

[9]      En l"espèce, les notes CAIPS de l"agente des visas étayent la prétention du demandeur selon laquelle cette dernière a conclu qu"il n"avait pas les compétences voulues pour exercer le métier de programmeur d"ordinateur vu qu"il avait obtenu un diplôme de baccalauréat en sciences dans le cadre d"un programme d"études de deux ans seulement.

[10]      L"avocate du défendeur fait remarquer que l"agente des visas a dit, lorsqu"elle a été contre-interrogée relativement à son affidavit, qu"elle se souvenait d"avoir posé au demandeur des questions au sujet de son expérience. Elle a dit qu"il n"avait ni mentionné de langage informatique, ni indiqué qu"il avait fait de la programmation. Par contre, elle ne pouvait se rappeler si, dans les mois qui ont précédé son contre-interrogatoire, elle avait eu des entrevues avec d"autres demandeurs qui avaient présenté des demandes dans lesquelles ils se disaient programmeurs d"ordinateur, bien qu"elle crût avoir eu de telles entrevues. Elle ne pouvait pas non plus se rappeler si elle avait eu des entrevues avec de tels demandeurs avant ou après son entrevue avec le demandeur. Sa réponse à plusieurs des questions de l"avocate était qu"elle avait dû poser des questions d"une certaine nature car c"est ce qu"elle avait l"habitude de faire.

[11]      À mon avis, il ne fait pas de doute qu"il doit être très difficile pour les agents des visas de se rappeler des détails d"entrevues des mois après qu"elles se sont déroulées. Dans la décision Parveen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (IMM-3587-98, 9 avril 1999), j"ai fait des remarques sur cette difficulté :

[10]      ... Les agents des visas sont saisis de nombreuses demandes; on peut s"attendre à ce qu"ils n"aient pas un souvenir aussi précis de l"événement que le demandeur. Je ne suis pas prête à adopter l"approche que l"avocat du défendeur semblait proposer à savoir que les agents des visas n"ont aucun intérêt dans ces demandes et que, pour ce motif, leur version devrait être crue lorsqu"elle est contraire à celle du demandeur. Aussitôt que la décision d"un agent des visas est contestée, cette personne a un intérêt à justifier sa décision. Cette réaction est tout à fait naturelle. À ce moment, l"agent des visas n"est pas une personne n"ayant aucun intérêt dans l"affaire.

[12]      Voici comment la CNP décrit les compétences que doit posséder le programmeur d"ordinateur :

Un baccalauréat en informatique ou dans une autre discipline comportant une concentration en programmation, telle que les mathématiques, le commerce ou la gestion des affaires
ou
Un programme d'études collégiales en informatique sont habituellement exigés.

[13]      Le demandeur a remis à l"agente des visas des documents indiquant qu"après ses études universitaires, il a suivi un cours d"un an intitulé " Formation avancée en informatique ", qui, bien que donné dans un établissement privé, était reconnu par une commission gouvernementale en matière d"instruction (le demandeur a subi des examens gouvernementaux).

[14]      Invitée à expliquer comment elle avait appréciée cette formation et à répondre à la question de savoir si elle équivalait à ce qu"exigeait la CNP, l"agente des visas a répondu à maintes reprises que la formation avait été donnée par un institut et non un collège. Elle a dit qu"on pouvait communiquer avec le bureau des visas d"Islamabad pour vérifier si l"institut paraissait sur sa liste, qui contient les noms de centres de formation considérés comme équivalents à des collèges, mais qu"elle n"avait pas fait une telle démarche. Elle était convaincue que le cours en question ne s"apparentait pas à l"un des cours requis. De toute façon, il ressort clairement des notes CAIPS que la décision de l"agente des visas portait principalement sur les compétences du demandeur.

[15]      La décision de l"agente des visas pour ce qui est des compétences et du manque d"expérience du demandeur est peut-être fondée, mais je dois l"apprécier sur le fondement des documents que contient le dossier dont je dispose. Je souscris aux remarques de l"agente des visas qu"il serait préférable d"enregistrer les entrevues des demandeurs. À mon avis, cela serait plus équitable tant pour les agents des visas que pour les demandeurs.

[16]      En l"espèce, pour les motifs susmentionnés, je conclus que la décision de l"agente des visas selon laquelle le demandeur n"avait pas les compétences voulues était fondée sur le fait que le demandeur a obtenu un diplôme de baccalauréat en sciences dans le cadre d"un programme d"études de deux ans, ce qui constitue une erreur de droit. En conséquence, la décision est annulée et la demande de visa du demandeur est renvoyée à un autre agent des visas pour qu"il l"examine à son tour.


" B. Reed "

                                         juge


OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 février 2000.










Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-1035-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MOHAMMAD ABDUL HANNAN c. M.C.I.


LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 28 JANVIER 2000

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MADAME LE JUGE REED

EN DATE DU :                  2 FÉVRIER 2000



ONT COMPARU :


M. D. Clifford Luyt                      POUR LE DEMANDEUR

Mme Leena Jaakkimainen                  POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


D. Clifford Luyt                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)


M. Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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