Date : 20170316
Dossier : IMM-2418-16
Référence : 2017 CF 288
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 16 mars 2017
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF
ENTRE :
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MORTEZA MOMENZADEH TAMEH
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
D’une manière générale, les ministres fédéraux sont des personnes très occupées. Mais ils ne sont pas occupés au point de pouvoir prendre autant d’années qu’ils le souhaitent pour répondre à des demandes présentées en application d’une loi promulguée en bonne et due forme, par des personnes qui sollicitent des décisions importantes pour elles. À un moment donné, ils ont une obligation de produire une réponse.
[2]
À l’origine, le demandeur en l’espèce, M. Tameh, a présenté sa demande de résidence permanente au Canada en 1994, après avoir obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention plus tôt cette même année. Cependant, en août 2001, il a été déclaré interdit de territoire en raison de son association passée avec le Mujahedin-e-Khalq (MEK), une organisation de son pays natal, l’Iran, qui, jusqu’en 2012, figurait sur la liste canadienne des entités terroristes établie pour l’application de la partie II.1 du Code criminel, LRC 1985, c C-46. Le conseiller en immigration qui a fait cette recommandation a également recommandé que la demande présentée en vue d’obtenir une dispense ministérielle à l’égard de son interdiction de territoire soit accordée, en application de l’alinéa 19(1)f) de la Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I-2.
[3]
En novembre 2007, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Stockwell Day, a décidé de ne pas accorder cette dispense ministérielle. Néanmoins, la juge Mactavish a annulé cette décision et l’a renvoyée pour nouvel examen en juillet 2008, au motif que le ministre n’avait pas été informé de tous les faits pertinents relatifs à la participation de M. Tameh dans le MEK (Momenzadeh Tameh c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 884 [Tameh]).
[4]
En octobre 2012, alors que M. Tameh attendait le nouvel examen, il a demandé que la décision du ministre soit suspendue jusqu’à ce que la Cour suprême du Canada (CSC) rende sa décision dans l’arrêt Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 [Agraira]. Cette décision a été rendue en juin 2013, il y a près de quatre ans.
[5]
Toutefois, M. Tameh attend toujours qu’une décision soit rendue concernant sa demande de dispense ministérielle. Le ministre affirme que, en raison de ses nombreuses fonctions et responsabilités, il ne devrait en aucun cas être assujetti à quelque échéance que ce soit pour trancher de telles demandes.
[6]
Je ne suis pas d’accord.
[7]
Certes, le ministre doit avoir une latitude considérable dans l’établissement des priorités relativement à ses nombreuses obligations, mais il doit tout de même répondre aux demandes de dispense ministérielle dans un délai raisonnable.
[8]
Ce que constitue « un délai raisonnable »
dépendra essentiellement du contexte factuel de l’affaire. Selon les éléments de preuve produits dans le cadre de l’audience en ce qui concerne le temps généralement pris pour traiter les demandes de dispense ministérielle, j’estime que le délai initial d’environ quatre ans pris pour traiter la demande de M. Tameh, entre juillet 2008 et octobre 2012, est à la limite extrême de ce qui est raisonnable à cet égard. Cette limite est sujette à des ajustements attribuables à des retards importants (au-delà des périodes consenties pour répondre) de la part de personnes qui ont présenté de telles demandes au ministre, des retards excessifs attribuables à des tiers et qui ne relèvent aucunement du ministre, ainsi qu’à des circonstances exceptionnelles.
[9]
Pour ce qui est du temps consacré au dossier de M. Tameh avant que la décision dans l’arrêt Agraira, précité, soit rendue, j’estime que les 45 mois supplémentaires qui se sont écoulés depuis sont déraisonnables. Je conclus également que la prépondérance des inconvénients favorise la délivrance de l’ordonnance de mandamus demandée par M. Tameh.
[10]
Par conséquent, et pour les autres motifs établis ci-dessous, je rends cette ordonnance, mais selon les modalités révisées qu’il a établies avec l’avocate du ministre, suivant les instructions que j’avais données à ce dernier lors de l’audience relative à l’espèce le 27 février 2017.
II.
Résumé des faits
[11]
M. Tameh a été membre du MEK de 1979 à septembre 1982.
[12]
Selon un affidavit confirmé par Tracy Vansickle, une gestionnaire de l’unité des exceptions ministérielles (UEM) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), le MEK est une organisation de la résistance iranienne qui a tenté de renverser les régimes séculiers et théocratiques en Iran. L’organisation avait formé des alliances avec le régime de Saddam Hussein en Iraq, l’Organisation de libération de la Palestine et d’autres factions de la Palestine. Pour atteindre ses objectifs, l’organisation a notamment eu recours à des assassinats, des attaques armées, des prises d’otages, des attaques au mortier, des raids éclair contre des civils, du personnel gouvernemental et militaire et contre des infrastructures, à la fois iraniennes et étrangères.
[13]
Selon le témoignage de M. Tameh, qui ne semble pas avoir été contesté, ses activités au sein du MEK consistaient notamment à distribuer des dépliants, écrire des graffitis politiques sur les murs, faire des dons financiers, cacher des personnes qui fuyaient les autorités iraniennes, obtenir des témoignages de prisonniers politiques et participer à des manifestations sur place. Après être devenu le dirigeant d’une cellule de voisinage en mai 1982, il est entré dans la clandestinité en septembre 1982 et, plus tard, il a été capturé et emprisonné pendant cinq ans à partir de décembre 1982.
[14]
Ayant été détenu et victime de harcèlement par les autorités iraniennes à plusieurs reprises, M. Tameh s’est enfui de l’Iran et est venu au Canada à la fin de 1993.
[15]
En août 2008, après l’annulation par la juge Mactavish de la décision du ministre Stockwell Day qui refusait à M. Tameh sa demande de dispense ministérielle concernant son interdiction de territoire, l’ASFC a offert à M. Tameh la possibilité de présenter d’autres observations à l’appui de sa demande.
[16]
Ces observations supplémentaires ont été produites quelque trois semaines plus tard. M. Tameh en a produit d’autres en juillet 2009, lorsque l’Union européenne a retiré le MEK de sa liste d’organisations terroristes. Il avait alors reçu un avis du nouveau ministre, Peter Van Loan, qui indiquait que l’ASFC lui ferait parvenir une recommandation de décision dans les 18 mois qui suivaient.
[17]
Cependant, selon Mme Vansickle, entre 2009 et 2011, le traitement de la demande de M. Tameh a été confié à différents agents à maintes reprises. Ce n’est qu’en septembre 2012 que l’ASFC a enfin communiqué un projet de recommandation de dispense ministérielle à M. Tameh. Au moment où il a fourni ses commentaires initiaux sur l’ébauche en octobre 2012, il a demandé qu’aucune décision ne soit rendue au sujet de sa demande avant que la CSC ne rende sa décision dans l’arrêt Agraira, précité.
[18]
En décembre 2012, le gouvernement du Canada a décidé de retirer le MEK de sa liste des entités terroristes. Par conséquent, en février 2013, M. Tameh a produit des observations supplémentaires relativement à sa demande. L’ASFC a alors préparé une recommandation définitive pour le ministre, qu’elle a acheminée au président de l’ASFC, en mai de la même année. Quelques semaines plus tard, la CSC a rendu sa décision dans l’arrêt Agraira. Selon Mme Vansickle, cette décision a eu pour conséquence de forcer l’ASFC à modifier considérablement son approche en matière de traitement des demandes de dispense ministérielle à l’égard d’une interdiction de territoire.
[19]
En réponse à une demande de renseignements formulée par M. Tameh en novembre 2013 concernant l’état de son dossier, l’ASFC lui a indiqué que son dossier était toujours actif, mais qu’il lui était impossible de lui donner un échéancier exact concernant la date à laquelle la décision serait rendue au sujet de sa demande de dispense ministérielle. Un avis semblable a été donné à M. Tameh par l’ASFC, en février 2014.
[20]
Le 20 janvier 2016, M. Tameh a envoyé une lettre à l’ASFC, dans laquelle il demandait qu’une décision soit prise à l’égard de sa demande de dispense ministérielle, toujours en suspens. À ce jour, aucune décision relativement à sa demande n’a été prise.
III.
Dispositions législatives applicables
[21]
La décision initiale selon laquelle M. Tameh était interdit de territoire au Canada a été rendue en application de la division 19(1)f)(iii)(B) de l’ancienne Loi sur l’immigration, SRC 1985, c I-2. La recommandation actuelle en faveur d’une dispense ministérielle à l’égard de son interdiction de territoire a été faite en conformément à une exception établie dans le libellé de la conclusion à l’alinéa 19(1)f).
[22]
En 2002, l’alinéa 19(1)f) de la Loi sur l’immigration a été remplacé par l’alinéa 34(1)f) et le paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Il est notamment indiqué à l’alinéa 34(1)f) que tout résident permanent ou étranger est interdit de territoire pour des raisons de sécurité s’il est membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’actes comprenant, notamment, le terrorisme.
[23]
La décision du ministre Stockwell Day de rejeter la demande de dispense ministérielle de M. Tameh à l’égard de son interdiction de territoire a été rendue en application du paragraphe 34(2) de la LIPR, comme il était alors libellé. Les parties semblent s’accorder sur le fait que la demande de dispense ministérielle de M. Tameh doit être évaluée en application de cette version du paragraphe 34(2), qui disposait :
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[24]
Le paragraphe 42.1(1) de la LIPR actuelle, dispose que le ministre peut, sur demande d’un étranger, déclarer que les faits visés à l’article 34 (et certaines autres dispositions) n’emportent pas interdiction de territoire à l’égard de l’étranger si celui-ci le convainc que cela ne serait pas contraire à l’intérêt national.
[25]
En application du paragraphe 42.1(3) de la LIPR, pour décider s’il fait la déclaration en application du paragraphe 42.1(1), le ministre ne tient compte que de considérations relatives à la sécurité nationale et à la sécurité publique sans toutefois limiter son analyse au fait que l’étranger constitue ou non un danger pour le public ou la sécurité du Canada.
[26]
Le libellé intégral des dispositions législatives mentionnées ci-dessus est présenté à l’Annexe 1 des présents motifs.
IV.
Évaluation
A.
Critère juridique
[27]
La décision d’accorder une dispense ministérielle conformément au paragraphe 34(2) de la LIPR est de nature hautement discrétionnaire (Tameh, précitée, au paragraphe 38).
[28]
Avant que la Cour n’envisage d’exercer son pouvoir discrétionnaire afin de rendre une ordonnance de mandamus visant à forcer une autorité publique à rendre une décision, le demandeur doit démontrer ce qui suit :
il doit exister une obligation légale à caractère public;
l’obligation doit exister envers le demandeur;
il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation. Plus précisément :
le demandeur a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation,
il y a eu 1) une demande d’exécution de l’obligation, 2) un délai raisonnable accordé pour permettre de donner suite à la demande à moins que celle-ci n’ait été rejetée sur-le-champ et 3) eu refus ultérieur, exprès ou implicite, par exemple un délai déraisonnable;
le demandeur n’a aucun autre recours;
l’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;
rien n’empêche du point de vue de l’équité d’obtenir la mesure de redressement demandée;
compte tenu de la prépondérance des inconvénients, une ordonnance de mandamus devrait être rendue.
(Apotex Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742, paragraphe 45 (CA); Douze c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2010 CF 1337, paragraphe 26 [Douze]; Dragan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1re inst. 211, paragraphe 39 [Dragan]; Kalachnikov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] ACF no 1016 (QL), paragraphe 11 (1re inst.) [Kalachnikov].)
[29]
Pour démontrer qu’un délai est déraisonnable, un demandeur doit établir les trois éléments suivants : (i) que le délai est plus long que ce que la nature du processus exige prima facie, (ii) que le demandeur et son conseiller juridique n’en sont pas responsables, et (iii) que l’autorité responsable ne l’a pas justifié de façon satisfaisante (Douze, précitée, au paragraphe 28; Dragan, précitée, au paragraphe 54; Esmaeili Tarki c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2010 CF 697, au paragraphe 10 [Esmaeili]).
[30]
Ce que constitue « un délai raisonnable »
dépendra essentiellement du contexte factuel de l’affaire. Toutefois, la jurisprudence existante peut fournir quelques utiles (Esmaeili, précitée, au paragraphe 11; Hanano c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 998, aux paragraphes 13 à 15 [Hanano]; Dragan, précitée, au paragraphe 55).
B.
Application des critères aux circonstances de l’espèce
[31]
Dans son application des critères relatifs au mandamus, exposés ci-dessus, aux faits de l’espèce, M. Tameh s’appuie de manière significative sur Esmaeili et Douze, précitées. Dans ces deux cas, il était question de demandes de mandamus à l’égard de demandes de dispense ministérielle. Comme en l’espèce, Esmaeili portait sur une demande de dispense ministérielle présentée en application du paragraphe 34(2) à l’égard d’une déclaration d’interdiction de territoire au motif que le demandeur avait été membre du MEK. Dans Douze, il était question d’une demande de dispense ministérielle présentée en application du paragraphe 35(2), relativement à une conclusion d’interdiction de territoire conformément à l’alinéa 35(1)b) de la LIPR.
[32]
Autant dans Esmaieli que dans Douze, précitées, les observations du ministre semblaient porter principalement sur l’absence de délai déraisonnable et sur la prépondérance des inconvénients. À l’instar de ces décisions, le ministre accorde la même importance à ces éléments en l’espèce, et il ajoute que dans certaines situations particulières, il est justifié de prendre plus de temps pour rendre une décision adéquatement fondée. En ce qui a trait à ce dernier élément, le ministre soutient qu’il ne devrait pas être tenu de rendre une décision dans un délai donné ou avant un moment précis, en raison de l’incidence que sa conclusion pourrait avoir sur la sécurité nationale.
1)
L’obligation d’agir et l’obligation envers M. Tameh
[33]
S’appuyant sur Esmaeili, précitée, aux paragraphes 9 et 10, M. Tameh affirme que le ministre a l’obligation publique de rendre une décision à l’égard des demandes de dispense ministérielle, et que ce droit lui est conféré du fait qu’il a présenté une telle demande.
[34]
Je suis du même avis, bien que j’observe que dans Esmaeili, précitée, le ministre n’a pas contesté que ces deux conditions étaient remplies. Le ministre semble avoir adopté une thèse similaire dans Douze, précitée, au paragraphe 27. De même, le ministre en l’espèce ne semble contester ni l’obligation publique à l’égard de demandes de dispense ministérielle en application du paragraphe 34(2), ni l’obligation de fournir une réponse relativement à la demande de M. Tameh.
2)
Droit clair d’obtenir l’exécution de l’obligation
[35]
Les observations des parties relativement à une condition préalable à la délivrance d’un bref de mandamus portent essentiellement sur la question de savoir si le délai pris par le ministre pour répondre à la demande de dispense ministérielle présentée par M. Tameh était déraisonnable.
[36]
M. Tameh souligne que plus de huit années se sont maintenant écoulées depuis que la juge Mactavish a annulé le refus initial de lui accorder une dispense ministérielle et qu’elle a renvoyé l’affaire au ministre pour nouvel examen.
[37]
Il reconnaît qu’en octobre 2012, il demandé que la décision du ministre soit reportée jusqu’à ce que la CSC rende sa décision dans l’arrêt Agraira, précité. Cependant, il souligne que la CSC a rendu sa décision dans cette affaire environ huit mois plus tard, soit en juin 2013, c’est-à-dire il y a près de quatre ans. Il soutient qu’il n’est responsable d’aucun autre délai dans le traitement de sa demande.
[38]
Pour sa part, le ministre répond qu’il n’existe aucun élément de preuve selon lequel il a refusé d’exécuter son obligation. Il soutient que le traitement par l’UEM de la demande de dispense ministérielle présentée par M. Tameh est toujours en cours.
[39]
Le ministre attribue le temps pris pour traiter cette demande à la nature complexe de la procédure d’évaluation. Notamment, les étapes sont les suivantes : effectuer des recherches et recueillir les données, préparer un projet de recommandation au ministre, le communiquer au demandeur pour obtenir ses observations, examiner les observations du demandeur et réévaluer la recommandation à la lumière desdites observations, réviser la recommandation au besoin, examen de la recommandation à l’échelon supérieur au sein de l’ASFC, examen supplémentaire par le président de l’ASFC, et communication de la recommandation et des documents justificatifs au ministre en vue de sa décision.
[40]
Cependant, dans son affidavit, Mme Vansickle souligne que le processus décrit ci-dessus prend généralement neuf mois, du début jusqu’à la fin. Ceci ne comprend pas la période au cours de laquelle un dossier demeure dans le dossier des demandes de dispense ministérielle à régler, ce qui, selon ce que j’en comprends, signifie le temps après l’acheminement d’une recommandation au ministre pour examen, une fois que les diverses étapes décrites au paragraphe 39 ci-dessus ont été franchies.
[41]
Mme Vansickle ajoute que le processus de préparation d’une recommandation ministérielle peut prendre encore plus de temps lorsque des facteurs de complexité entrent en jeu, comme des retards attribuables à des organismes partenaires ou à un demandeur pour répondre à des demandes de renseignements, des observations répétées ou de nouveaux arguments présentés par le demandeur, une jurisprudence récente qui a une incidence sur une affaire, ou l’obligation de divulguer une recommandation mise à jour au demandeur. Puisque de tels facteurs interviennent très souvent, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’ASFC ait raisonnablement souvent besoin de bien plus que neuf mois pour préparer une recommandation à soumettre à l’examen du ministre.
[42]
En d’autres mots, certains délais qui ont pour conséquence de prolonger la durée totale du traitement bien au-delà de neuf mois peuvent ne pas être plus longs que ce que la nature du processus exige de façon prima facie. Je m’attends à ce que des demandes de mandamus liées à des cas portant sur de tels délais dépendent de la question de savoir si l’ASFC a justifié le délai de façon satisfaisante.
[43]
En l’espèce, Mme Vansickle soutient que les facteurs mentionnés précédemment, considérés avec l’ensemble des autres facteurs, ont eu une incidence directe sur le traitement de la demande de M. Tameh. En l’occurrence, des changements de nature administrative et aux politiques ont été apportés, notamment une réorganisation interne qui a mené à la création de l’UEM. Notons également les décisions de l’Union européenne et du gouvernement du Canada de retirer le MEK de la liste d’entités terroristes, les décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (CAF) et la CSC dans Agraira, précitée, ainsi que des modifications à la LIPR, qui ont eu une incidence sur les dispositions relatives à la dispense ministérielle.
[44]
De plus, la décision de la CSC dans l’arrêt Agraira, précité, a forcé l’ASFC à modifier de manière substantielle son approche relative au traitement des demandes de dispense ministérielle. Il fallait donc plus de temps pour examiner les observations de M. Tameh quant à l’incidence du retrait du MEK de la liste des entités terroristes par l’Union européenne et par le gouvernement du Canada.
[45]
Mme Vansickle souligne également que la préoccupation première de l’ASFC, immédiatement après la décision rendue dans l’arrêt Agraira, précité, a été de réévaluer les décisions relatives à la dispense ministérielle en instance devant notre Cour. Plus récemment, l’ASFC s’est penchée sur l’examen d’autres dossiers en suspens, dont la demande de M. Tameh, qui se trouve actuellement à une étape avancée du traitement.
[46]
À mon avis, l’explication de Mme Vansickle est raisonnable quant à certains délais dans le traitement de la demande de M. Tameh. Plusieurs causes du délai relevées par Mme Vansickle étaient de nature exceptionnelle, et il est raisonnable de penser qu’elles puissent avoir eu une incidence importante sur le traitement de demandes de dispense ministérielle par l’ASFC. À cet égard, mentionnons, notamment, la réorganisation interne effectuée en 2008, suite à plusieurs décisions rendues par notre Cour, le retrait du MEK des listes d’entités terroristes par l’Union européenne et le Canada, ainsi que les décisions rendues par la CAF et la CSC dans l’arrêt Agraira, précité.
[47]
Néanmoins, même ces événements exceptionnels, collectivement et conjointement avec les autres motifs de délai mis en l’avant par Mme Vansickle, ne peuvent justifier de façon satisfaisante tous les délais dans le traitement de la demande de M. Tameh. Cela vaut peu importe que l’on commence à compter à partir du jour où la juge Mactavish a renvoyé l’affaire au ministre pour réexamen, il y a plus de huit ans de cela, ou que l’on compte à partir de la date de la décision rendue par la CSC dans l’arrêt Agraira, précité, c’est-à-dire il y a presque quatre ans de cela.
[48]
À mon avis, un délai raisonnable attribuable à la réorganisation interne se situerait entre 12 et 18 mois. Tout au plus, il serait raisonnable d’attribuer un délai global de 12 à 18 mois au retrait du MEK de la liste d’entités terroristes par l’Union européenne et le Canada.
[49]
Il s’ensuit qu’au mieux, ces événements, combinés au temps pris pour examiner les observations supplémentaires présentées par M. Tameh concernant ces événements, ne font que fournir une explication raisonnable des raisons pour lesquelles une décision n’avait toujours pas été rendue en décembre 2012 en ce qui a trait à la demande de dispense ministérielle de M. Tameh. Je reconnais que le fait que M. Tameh ait demandé en octobre 2012 qu’aucune décision ne soit prise à l’égard de sa demande avant que la CSC rende sa décision dans l’arrêt Agraira, en juin 2013, a été un facteur de complexité. Ce délai de huit mois semble avoir été le seul qui puisse lui être attribué dans tout l’historique de sa demande.
[50]
Étant donné que la décision rendue par la CSC dans l’arrêt Agraira, précité, au paragraphe 87, a élargi l’éventail des facteurs qui peuvent s’avérer pertinents à l’égard de la détermination du contenu de l’« intérêt national »
pour les besoins de la mise en œuvre du paragraphe 34(2), il est compréhensible que d’autres délais considérables dans le traitement de la demande de M. Tameh en application de cette disposition en aient découlé, après juin 2013.
[51]
Néanmoins, l’évolution du droit engendrée par cette décision ne constitue pas une justification raisonnable du délai de 45 mois depuis juin 2013, particulièrement en considérant tout le travail qui avait déjà été fait à l’égard de la demande de M. Tameh.
[52]
Bien que le caractère raisonnable d’un délai dépendra, dans une large mesure, de la matrice factuelle particulière qui existe dans une affaire donnée, la jurisprudence peut fournir quelques paramètres utiles (Esmaeili, précitée, paragraphe 11; Hanano, précitée, paragraphes 13 à 15; Dragan, précitée, paragraphe 55; Platonov c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16104 (CF), paragraphe 10 (1re inst.)).
[53]
Dans Esmaeili, précitée, au paragraphe 15, un délai de cinq ans suivant la présentation d’une demande de dispense ministérielle en application du paragraphe 34(2) de la LIPR renvoyée au ministre pour nouvel examen avait été jugé déraisonnable. Dans Douze, précitée, aux paragraphes 31 à 33, une conclusion similaire a été tirée dans le cas d’un délai de presque trois ans dans le traitement d’une demande de dispense ministérielle présentée en application du paragraphe 35(2).
[54]
Dans d’autres contextes, des délais variant entre deux et quatre ans et demi dans le traitement de demandes de citoyenneté ou de résidence permanente au Canada ont été jugés déraisonnables, malgré l’obligation d’effectuer une vérification des antécédents des demandeurs ou des évaluations liées à la sécurité nationale : (voir les décisions qui ont fait l’objet d’un nouvel examen dans Dragan, précitée, aux paragraphes 49 à 58; et dans Hanano, précitée, aux paragraphes 15 et 16). Je reconnais que les dispositions législatives qui ont précisément fourni le cadre d’analyse dans ces cas se distinguaient suffisamment des paragraphes 34(2) et 35(2) de la LIRP pour en diminuer l’utilité aux fins de la présente affaire.
[55]
Quoi qu’il en soit, la jurisprudence évoquée ci-dessus appuie en grande partie mon avis selon lequel le délai de 45 mois dans le traitement de la demande de M. Tameh depuis la décision rendue dans l’arrêt Agraira, précité, est devenu déraisonnable, d’autant plus compte tenu du délai cumulatif avant ce moment précis. Je précise tout de suite que, dans certains cas, un délai plus court que celui dont il est question ici pourrait être déraisonnable, selon les « facteurs de complexité »
et si le délai est attribuable au demandeur, au-delà de la période qui peut lui avoir été accordée pour répondre à l’ASFC.
[56]
Ma thèse selon laquelle, à la suite de l’arrêt Agraira, le délai dans le traitement de la demande de M. Tameh est devenu déraisonnable est étayée par les éléments de preuve présentés en l’espèce. Comme je l’ai déjà indiqué, Mme Vansickle a déclaré que le processus de préparation d’une recommandation finale au ministre « prend généralement neuf mois »
du début jusqu’à la fin, sous réserve des « facteurs de complexité »
. De tels facteurs semblent avoir été présents dans la décision initiale du ministre Stockwell Day à l’égard de la demande de M. Tameh; pourtant, cette décision a été prise environ 26 mois après la communication à M. Tameh de la première recommandation de l’ASFC, en août 2005. Les facteurs de complexité semblaient alors avoir diminué temporairement après que la juge Mactavish a renvoyé la demande de M. Tameh au ministre, en juillet 2008, puisque M. Tameh avait été avisé par le nouveau ministre, en septembre 2009, que l’ASFC allait lui transmettre une nouvelle recommandation en vue d’une décision « dans les 18 prochains mois »
. Finalement, la nouvelle recommandation a, en fin de compte, été communiquée à M. Tameh pour commentaires en septembre 2012, un peu plus de quatre ans après la date du jugement rendu par la juge Mactavish.
[57]
Compte tenu de tout ce qui précède, je considère que la période de temps écoulée entre juillet 2008 et septembre 2012 se situe à la limite de ce qui est raisonnablement acceptable dans les circonstances décrites aux paragraphes 40 à 51. Compte tenu de la nature des circonstances exceptionnelles qui sont intervenues et des répercussions sur la demande de M. Tameh durant cette période, il est difficile d’envisager des circonstances qui auraient pu raisonnablement entraîner un plus long délai, tout particulièrement à la lumière du témoignage de Mme Vansickle selon lequel, de façon générale, le processus prend environ neuf mois « du début jusqu’à la fin »
.
[58]
Néanmoins, je considère que le délai supplémentaire de 45 mois qui s’est maintenant écoulé depuis la décision rendue par la CSC dans l’arrêt Agraira, précité, est déraisonnable, indépendamment de l’incidence que la décision a eue sur le traitement des demandes de dispense ministérielle par l’ASFC. En d’autres termes, je conclus que le ministre n’a pas justifié de façon satisfaisante le délai supplémentaire.
[59]
Je retiens la proposition générale du ministre selon laquelle, lorsqu’une demande de dispense ministérielle soulève des questions de sécurité nationale, la Cour devrait hésiter à rendre une ordonnance de mandamus si celle-ci a comme résultat une enquête avortée ou asphyxiée (Seyoboka c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1290, au paragraphe 9). Toutefois, cette proposition a des limites et elle ne saurait servir de fondement à la thèse du ministre selon laquelle il ne devrait pas être assujetti à quelque limite de temps que ce soit lorsqu’il rend une décision en application du paragraphe 34(2). Dans certaines circonstances, le délai requis pour le traitement d’une demande donnée pourrait bien s’étendre au point où il serait tout à fait justifié de rendre une ordonnance de mandamus dans les circonstances.
3)
Possibilité d’un recours adéquat
[60]
En l’absence de toute observation de la part du ministre sur ce point, je retiens la thèse de M. Tameh selon laquelle il n’existe aucun autre recours qui lui permettrait d’obtenir réparation suite à la décision qu’il est interdit de territoire au Canada.
4)
Incidence d’une ordonnance de mandamus sur le plan pratique
[61]
M. Tameh soutient que, si une ordonnance de mandamus est rendue, le ministre sera tenu de rendre une décision qui pourrait avoir une incidence très réelle pour lui sur le plan pratique. Plus précisément, il indique qu’en tant que réfugié au sens de la Convention dont la demande de résidence permanente a été rejetée, il risque le renvoi du Canada. De plus, il ne dispose actuellement d’aucun droit absolu lui permettant de quitter le pays et d’y revenir par la suite. De plus, en ce qui le concerne, le chemin de la résidence permanente et de la citoyenneté, et les avantages qui en découlent, lui est également interdit dans les faits à l’heure actuelle. Si le ministre rend une décision favorable à l’égard de sa demande de dispense en application du paragraphe 34(2), la voie lui donnant potentiellement droit à un tel statut lui sera ouverte.
[62]
En réponse, le ministre indique que M. Tameh est autorisé à demeurer au Canada de façon permanente en vertu du principe de non-refoulement, et qu’il peut travailler, faire des études et être admissible à certaines prestations de maladie et d’autres avantages sociaux.
[63]
Je suis convaincu qu’indépendamment de ces divers avantages soulevés par le ministre, une ordonnance de mandamus pourrait avoir une incidence très réelle pour M. Tameh sur le plan pratique, notamment, en lui ouvrant la voie de l’obtention d’une éventuelle résidence permanente et, peut-être tôt ou tard, de la citoyenneté au Canada.
5)
Aucun empêchement à l’obtention du redressement demandé en vertu de l’équité
[64]
Le ministre n’a présenté aucun élément empêchant d’obtenir, en vertu de l’équité, l’ordonnance de mandamus demandée par M. Tameh.
6)
Prépondérance des inconvénients
[65]
Le ministre soutient que, compte tenu de la prépondérance des inconvénients, un bref de mandamus ne devrait pas être accordé.
[66]
À cet égard, le ministre s’appuie essentiellement sur le fait qu’il a un vaste éventail de fonctions et de responsabilités, dont beaucoup sont essentielles à la sécurité nationale du Canada. Notamment, il souligne être responsable de l’application de plus de 15 lois et que, de concert avec ses organismes, il administre plus de 130 lois, en tout ou en partie. Il soutient qu’il devrait avoir la souplesse d’établir ses priorités à l’égard de ses nombreuses fonctions selon son bon jugement et que, s’il était tenu de rendre ses décisions dans un délai précis, cela pourrait détourner son attention d’une situation urgente. Subsidiairement, il indique que cette situation pourrait avoir une incidence négative sur d’autres décisions qu’il lui incombe personnellement de prendre.
[67]
Dans une certaine mesure, je ne suis pas indifférent aux observations du ministre. Cependant, elles ne justifient aucunement, ni individuellement ni collectivement, sa thèse selon laquelle il doit absolument avoir carte blanche en ce qui a trait au temps dont il dispose pour rendre des décisions en application du paragraphe 34(2) de la LIPR. Il vient un moment où le délai pour rendre une décision en application de cette disposition peut atteindre le point qu’il serait approprié d’exiger du ministre qu’il rende une décision dans un délai précis.
[68]
Dans de telles circonstances, les inquiétudes du ministre peuvent être prises en compte, dans une large mesure, en accordant suffisamment de temps au ministre pour lui donner la latitude nécessaire afin de pouvoir équilibrer ses autres priorités, alors qu’il s’occupe également des questions visées par l’ordonnance de mandamus (Kalachnikov, précitée, au paragraphe 24).
[69]
Dans ses observations écrites, le ministre a indiqué que l’ASFC était disposée à terminer un projet de recommandation ministérielle et à le communiquer à M. Tameh dans les trois mois suivant la date de l’ordonnance rendue par notre Cour, accueillant la présente demande avec le consentement des parties. Le ministre a ajouté que M. Tameh disposerait alors de deux mois supplémentaires pour présenter ses observations à l’égard du projet de recommandation. Dans les trois mois supplémentaires qui suivraient, l’ASFC présenterait alors au ministre la dernière recommandation relative à la dispense ministérielle, à moins qu’en raison des modifications apportées par l’ASFC en réponse aux observations de M. Tameh, il soit nécessaire de communiquer d’autres renseignements à ce dernier. Dans ce dernier cas, les délais de deux et trois mois mentionnés ci-dessus s’appliqueraient de nouveau, ce qui, dans les faits, aurait comme conséquence d’ajouter cinq mois au processus. Toutefois, personne ne s’est prononcé en ce qui a trait au délai à l’intérieur duquel le ministre serait tenu de rendre sa décision, une fois qu’il aurait reçu le projet de recommandation de l’ASFC.
[70]
À l’audience relative à la présente demande, j’ai laissé entendre que le délai de cinq à huit mois mentionné ci-dessus n’était pas raisonnable dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui a trait au délai déjà écoulé et au fait que le ministre ne serait pas tenu de rendre une décision à l’intérieur d’une période précise. En réponse, l’avocat a réduit la période initialement prévue ci-dessus de trois mois à 30 jours. Cependant, l’avocate du ministre s’est catégoriquement opposée à tout délai imposé au ministre pour rendre sa décision, une fois que l’ASFC lui a fait parvenir un dossier.
[71]
En réponse, j’ai demandé à l’avocate du ministre de solliciter des directives en ce qui a trait à une période de temps plus raisonnable au cours de laquelle la recommandation de l’ASFC pourrait être acheminée au ministre, et au cours de laquelle le ministre rendrait alors sa décision.
[72]
En fin de compte, après l’audience, l’avocate du ministre et l’avocat de M. Tameh ont décidé d’adopter le calendrier suivant :
Dans les 30 jours suivant la date de l’ordonnance de la Cour, l’ASFC communiquera à M. Tameh le projet de recommandation relativement à la dispense ministérielle.
M. Tameh disposera alors de 30 jours à compter de la date à laquelle le projet de recommandation lui aura été communiqué pour transmettre ses observations à cet égard à l’ASFC.
Puis, le président de l’ASFC présentera le projet de recommandation, accompagné des observations de M. Tameh, au ministre dans les 60 jours suivant la réception de ces observations. Subsidiairement, si l’ASFC modifie sa recommandation en réponse aux observations de M. Tameh et que ces modifications doivent lui être communiquées, l’ASFC présentera la recommandation mise à jour à M. Tameh dans les 45 jours suivant la réception des observations supplémentaires de M. Tameh. Selon ce dernier scénario, M. Tameh disposera ensuite de 30 jours pour présenter d’autres observations à l’ASFC en réponse à la recommandation mise à jour, puis le président de l’ASFC disposera de 60 jours après la réception des observations finales de M. Tameh pour communiquer la recommandation et les observations de M. Tameh au ministre.
Dans les 60 jours suivant la réception de la recommandation et des observations du président de l’ASFC, le ministre rendra une décision au sujet de la demande de M. Tameh.
La Cour conserve sa compétence concernant toute prorogation ou autre question qui pourrait se poser et aurait une incidence sur l’ordonnance de la Cour.
[73]
Puisque M. Tameh a consenti au calendrier qui précède, je suis prêt à l’adopter et à l’inclure dans l’ordonnance que je vais rendre et par laquelle j’accorde le mandamus.
V.
Conclusion
[74]
Pour les motifs précités, la demande de mandamus déposée par M. Tameh est accueillie, et assujettie au calendrier présenté au paragraphe 72 ci-dessus.
[75]
Les parties n’ont pas proposé de question aux fins de certification. Puisque le temps nécessaire au traitement des demandes de dispense ministérielle en application du paragraphe 34(2) de la LIPR dépend beaucoup des faits, je conclus qu’il n’y a aucune question à certifier.
VI.
Dépens
[76]
M. Tameh a demandé que lui soient accordés des dépens correspondant aux sommes qu’il a engagées pour la présente demande, sur la base avocat-client.
[77]
L’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, dispose ce qui suit : « Sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales, la demande d’autorisation, la demande de contrôle judiciaire ou l’appel introduit en application des présentes règles ne donnent pas lieu à des dépens »
(Je souligne.).
[78]
Notre Cour conclut que les délais indus dans le traitement d’une demande en application de la LIPR constituent de telles « raisons spéciales »
dans plusieurs cas (voir Aghdam c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 131, aux paragraphes 21 et 22, et les affaires qui y sont mentionnées). Puisque plus de huit ans se sont maintenant écoulés depuis que la juge Mactavish a renvoyé l’affaire au ministre pour qu’il rende une nouvelle décision relativement à la demande de M. Tameh, je suis disposé à considérer que ces circonstances sont spéciales et qu’elles justifient l’adjudication d’un montant forfaitaire de 4 000 $, TVH et débours compris, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire.
JUGEMENT
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
la demande est accueillie en partie;
les parties doivent exécuter les étapes décrites ci-dessous dans les délais impartis :
Dans les 30 jours suivant la date de l’ordonnance de la Cour, l’ASFC communiquera à M. Tameh le projet de recommandation relativement à la dispense ministérielle.
M. Tameh disposera alors de 30 jours à compter de la date à laquelle le projet de recommandation lui aura été communiqué pour transmettre ses observations à cet égard à l’ASFC.
Puis, le président de l’ASFC présentera le projet de recommandation, accompagné des observations de M. Tameh, au ministre dans les 60 jours suivant la réception de ces observations. Subsidiairement, si l’ASFC modifie sa recommandation en réponse aux observations de M. Tameh et que ces modifications doivent lui être communiquées, l’ASFC présentera la recommandation mise à jour à M. Tameh dans les 45 jours suivant la réception des observations supplémentaires de M. Tameh. Selon ce dernier scénario, M. Tameh disposera ensuite de 30 jours pour présenter d’autres observations à l’ASFC en réponse à la recommandation mise à jour, puis le président de l’ASFC disposera de 60 jours après la réception des observations finales de M. Tameh pour communiquer la recommandation et les observations de M. Tameh au ministre.
Dans les 60 jours suivant la réception de la recommandation et des observations du président de l’ASFC, le ministre rendra une décision au sujet de la demande de M. Tameh.
La Cour conserve sa compétence concernant toute prorogation ou autre question qui pourrait se poser et aurait une incidence sur l’ordonnance de la Cour.
Le ministre paiera les dépens de M. Tameh totalisant 4 000 $, TVH et débours compris;
Aucune question n’est soumise pour être certifiée.
« Paul S. Crampton »
Juge en chef
Traduction certifiée conforme
Ce 29e jour de mai 2020
Lionbridge
ANNEXE
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-2418-16
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INTITULÉ :
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MORTEZA MOMENZADEH AMEH c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Vancouver (Colombie-Britannique)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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LE 27 FÉVRIER 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE EN CHEF CRAMPTON
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DATE DES MOTIFS :
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Le 16 mars 2017
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COMPARUTIONS :
Shane Molyneaux
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Pour le demandeur
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Helen Park
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shane Molyneaux
Avocat
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour le demandeur
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William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Vancouver (Colombie-Britannique)
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Pour le défendeur
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