Référence: 2004 CF 360
Ottawa (Ontario), ce 10ième jour de mars 2004
Présent : LE JUGE HARRINGTON
ENTRE:
UNTEL 2004
demandeur
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
ET
Dossier: IMM-6432-03
ENTRE:
UNTEL 2004
demandeur
et
SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Est-ce que le demandeur était un activiste étudiant pendant les années 80 dans un pays qu'on ne peut identifier en raison d'une ordonnance de confidentialité? Je ne le sais pas.
[2] Est-ce que le demandeur est recherché par la police dans son pays d'origine? Je ne le sais pas.
[3] Est-ce le demandeur a été trouvé coupable par contumace d'un délit dans son pays d'origine, et a-t-il reconnu cette déclaration de culpabilité par la suite? Je ne le sais pas.
[4] Les présentes sont deux demandes de contrôle judiciaire de la Section du statut de la Commission de l'Immigration et du statut de réfugié rendue le 25 avril 2003, à l'encontre de deux décisions. Une décision porte sur une demande de résidence permanente en vertu de considérations humanitaires soumise le 11 septembre 2000 en vertu de l'article 25 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 et l'autre décision porte sur l'examen des risques avant renvoi ("ERAR"), où la Commission a conclu que le demandeur ne serait pas à risque advenant son retour dans son pays et qu'il ne serait pas sujet à un risque de persécution, de torture, de menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités.
[5] Le dossier portant le numéro IMM-3704-03 porte sur la demande de résidence permanente en vertu de considérations humanitaires et le dossier portant le numéro IMM-6432-03 porte sur une demande d'ERAR. Les motifs qui suivent s'appliquent aux deux dossiers.
[6] Les faits connus sont qu'il n'a pas eu au Canada, un examen impartial concernant le domaine de protection avant le renvoi au pays d'origine, ni sur la demande de statut de résidence permanente pour motifs d'ordre humanitaire.
[7] La Commission n'a pas accepté l'identité du demandeur. Même si l'agent l'a cru en partie, elle ne croyait pas que M. Untel avait été trouvé coupable d'un délit dans son pays d'origine et qu'il avait été condamné à six ans d'emprisonnement pour des crimes qu'il dit n'avoir jamais commis. La Commission est arrivée à la conclusion que la personne recherchée est quelqu'un « d'autre » et que c'est celle-ci qui a été trouvée coupable de ces crimes.
[8] Il appert que cette « autre » personne porte le même nom de famille et prénom que celui du père du demandeur. Le demandeur et cette autre personne sont nés tous les deux la même journée et ont vécu à la même place avec beaucoup des mêmes amis.
[9] La preuve documentaire illustre le fait que la police a confondu les deux prénoms et par le fait même l'identité de ces deux personnes. Le demandeur a obtenu cinq affidavits de personnes qui l'on connu pendant les années en question. Tous les cinq ont dit qu'il n'y avait qu'une personne « M. Untel » . Un des affiants a même mentionné qu'il avait vu des dossiers criminels dans son pays et avait noté la confusion concernant l'identité de la personne. Le demandeur et les cinq affiants se sont portés volontaires pour être interrogés à ce sujet mais cette offre a été refusée.
[10] N'oublions pas que le fardeau de la preuve demeure sur les épaules du demandeur. Toutefois, il est aussi raisonnable de dire qu'il lui serait impossible de produire le certificat de naissance d'une personne qui n'existe pas. Il est aussi important de souligner qu'il est interdit pour le demandeur de posséder le certificat de naissance de quelqu'un d'autre.
[11] Le demandeur est venu au Canada avec le passeport de son frère parce qu'il dit qu'il était impossible pour lui d'obtenir le sien. L'histoire de son voyage vers le Canada n'a pas été jugée crédible par la Commission et ce, même en constatant le passeport timbré de visas ainsi que le billet d'avion. Le fait que la Commission n'a pas cru le demandeur est manifestement déraisonnable car l'agent d'immigration a refusé de croire ce qui en toute évidence « saute aux yeux » .
[12] Tel qu'énoncé dans l'affaire Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1980] 2 C.F. 302, lorsqu'un demandeur jure que les allégations sont vraies, cela crée une présomption :
J'estime que la Commission a agi arbitrairement en mettant en doute, sans justes motifs, la véracité des déclarations sous serment du requérant susmentionnées. Quand un requérant jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu'elles le sont, à moins qu'il n'existe des raisons d'en douter ... En l'espèce, je ne vois aucune raison valable pour la Commission de douter de la sincérité des allégations susmentionnées du requérant.
[13] Or, malgré la latitude qui lui est accordée dans l'appréciation de la crédibilité, la Commission a l'obligation de faire connaître toutes conclusions défavorables quant à la crédibilité en « termes clairs et explicites » (voir Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no. 228). Ceci comprend normalement l'obligation de donner des exemples ou des illustrations de motifs afin d'expliquer pourquoi le témoignage du demandeur n'est pas accepté tel qu'élaboré dans Gonzalez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no. 1256.
Selon moi, la Commission se trouvait dans l'obligation de justifier, en termes clairs et explicites, pourquoi elle doutait de la crédibilité de l'appelant ... L'évaluation (précitée) que la Commission a faite au sujet de la crédibilité de l'appelant est lacunaire parce qu'elle est exposée en termes vagues et généraux. La Commission a conclu que le témoignage de l'appelant était insuffisamment détaillé et parfois incohérent. Il aurait certainement fallu commenter de façon plus explicite l'insuffisance de détails et les incohérence relevées. (Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no. 228.)
[14] La Commission suggère que le demandeur n'a pas une crainte subjective de persécution. C'est peut-être le cas, mais la question doit être posée en gardant l'esprit ouvert à d'autres possibilités. Puisqu'en l'espèce, un examen rigoureux de la preuve révèle qu'il est tout-à-fait impossible qu'il existe autant de « coïncidences majeures » . Il est aussi impossible de conclure que le demandeur ait été le sujet d'un procès juste et équitable. Cependant, la crédibilité du demandeur est mise en cause par les éléments de preuve relative aux articles 96 et 97 de la Loi. Ces éléments de preuve sont très importants et ne peuvent être ignorés dans le présent litige.
[15] De plus, il y a des objections additionnelles soulevées par le demandeur qui n'ont pas besoin d'être réglées par cette instance et qui pourraient être traitées subsidiairement. Ces objections incluent la question de savoir si la décision d'examen des risques avant renvoi ( « ERAR » ) doit être divulguée au demandeur pour qu'il fasse ses propres commentaires, et s'il est raisonnable que le même agent d'immigration entende les deux causes et que celui-ci décide de l'ERAR ainsi que de la demande pour considérations d'ordre humanitaire.
ORDONNANCE
[16] Puisqu'en l'espèce, l'article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés ( « Règlement » ) s'applique seulement à l'ERAR, j'ordonne que la demande ERAR soit entendue en premier lieu. Une fois l'ERAR décidé, la demande pour considérations d'ordre humanitaire peut, si nécessaire, être considérée.
[17] J'ordonne également que l'ERAR soit entendue par un autre agent d'immigration et que le dossier du procès soit divulgué en conformité avec l'article 167 du Règlement. Le demandeur et les cinq affiants qui ont déposé des affidavits peuvent être présents lors du procès et peuvent aussi déposer de la preuve.
"Sean Harrington"
Juge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : IMM-3704-04,
IMM-6432-03
INTITULÉ : UNTEL 2004
et
SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA
ET:
UNTEL 2004
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 24 FÉVRIER 2004
MOTIFSDE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE: LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 10 MARS 2004
COMPARUTIONS:
Me Denis Girard POUR LE DEMANDEUR
Me Jocelyne Murphy POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Me Denis Girard POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada