Date : 19971009
Dossier : T-2408-91
OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 9 OCTOBRE 1997
EN PRÉSENCE DE : MADAME LE JUGE McGILLIS
ENTRE :
MERCK & CO., INC. et
MERCK FROSST CANADA INC.,
demanderesses,
- et -
APOTEX INC.,
défenderesse.
ORDONNANCE
[1] La requête est rejetée. Les dépens sont adjugés à la défenderesse sur la base des frais entre parties.
D. McGillis |
Juge |
OTTAWA (ONTARIO)
Traduction certifiée conforme |
Suzanne Bolduc, LL.B. |
Date : 19971009
Dossier : T-2408-91
ENTRE :
MERCK & CO., INC. et
MERCK FROSST CANADA INC.,
demanderesses,
- et -
APOTEX INC.,
défenderesse.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE McGILLIS
[1] Les demanderesses Merck & Company Inc. et Merck Frosst Canada Inc. (Merck) ont interjeté appel de la décision datée du 4 juillet 1997 par laquelle le protonotaire adjoint Giles a statué que la référence dans le cadre de la présente action en contrefaçon de brevet ne visait que les quantités de maléate d'énalapril mentionnées dans le jugement modifié de la Cour.
[2] Les faits suivants sont pertinents pour les besoins du présent appel.
[3] En septembre 1991, Merck a intenté une action dans laquelle elle alléguait qu'Apotex avait contrefait son brevet visant l'énalapril et le maléate d'énalapril. En novembre 1993, le juge MacKay a ordonné à Apotex de conserver et de remettre à l'avocat de Merck des copies de documents concernant l'énalapril et le maléate d'énalapril acquis par elle avant et après la date du brevet de Merck (l'ordonnance de production).
[4] En janvier 1994, le juge Tremblay-Lamer a ordonné, en vertu de la règle 480 des Règles de la Cour fédérale et avec le consentement des parties, que les questions de fait se rapportant aux dommages ou aux profits découlant de toute conclusion de contrefaçon soient déterminées dans le cadre d'une référence qui aurait lieu après l'instruction.
[5] L'instruction de l'action en contrefaçon a eu lieu devant le juge MacKay en mars et avril 1994. En décembre 1994, le juge MacKay a conclu qu'Apotex avait contrefait le brevet de Merck et a donné gain de cause à celle-ci. Apotex a interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale qui, en avril 1995, a accueilli en partie l'appel et a modifié les paragraphes 1, 3, 4, 5 et 7 du jugement du juge MacKay.
[6] Ces deux jugements portent ce qui suit1 :
(Jugement du juge MacKay) LA COUR ORDONNE ET DÉCIDE ce qui suit :
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(Jugement modifié par la Cour d'appel) LA COUR ORDONNE ET DÉCIDE ce qui suit :
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[7] Peu après, les parties ont eu un désaccord sur l'interprétation à donner au jugement modifié, particulièrement en ce qui a trait à la portée de la référence.
[8] Vu l'importance de l'ordonnance de production à l'égard de la question de la référence, les avocats des parties ont présenté des requêtes devant le juge MacKay au sujet de la portée de cette ordonnance. En décembre 1995, le juge MacKay a ordonné qu'Apotex conserve et remette à Merck des renseignements à l'égard des points suivants :
a) tout l'énalapril ou tout le maléate d'énalapril en la possession ou sous le contrôle d'Apotex à compter de la date à laquelle l'ordonnance a été rendue jusqu'au jugement de la Cour d'appel daté du 19 avril 1995; |
b) le maléate d'énalapril en la possession ou sous le contrôle d'Apotex, et provenant des lots P-65478, P-65479 et P-65480 ainsi que des 44,9 kilogrammes de maléate d'énalapril en vrac acheté d'un client étranger de Delmar Chemicals Inc. du 19 avril jusqu'au 6 juillet 1995. |
[9] Le 9 mai 1996, la Cour d'appel a accueilli en partie l'appel interjeté par Apotex de l'ordonnance rendue par le juge MacKay en décembre 1995 relativement à l'ordonnance de production et a dit ce qui suit dans les motifs de son jugement2 :
[...] l'ordonnance de production intérimaire en date du 4 novembre 1993 demeure en vigueur en vue d'assurer l'accessibilité des dossiers aux fins de l'évaluation des dommages ou de la comptabilisation des profits à l'égard des quatre lots jugés contrefaits. Toutefois, nous sommes d'avis que le juge de première instance a commis une erreur en concluant que l'ordonnance intérimaire du 4 novembre 1993 restait en vigueur pour d'autres quantités de maléate d'énalapril. Par suite du jugement de la présente Cour en date du 19 avril 1995, l'ordonnance intérimaire, à compter de sa délivrance, ne s'est jamais appliquée à d'autres quantités. |
[10] En conséquence, la Cour d'appel a annulé l'ordonnance de décembre 1995 et a rendu un jugement qui renfermait, notamment, la condition suivante3 :
[...] les ordonnances de production du 4 novembre 1993 et du 5 décembre 1995 se limitent dans leur application à la production concernant les lots P-65478, P-65479, P-65480 et les 44,9 kg de maléate d'énalapril achetés à un client étranger de Delmar Chemicals Inc. |
[11] En mars 1996, Merck a présenté une requête par laquelle elle demandait à la Cour d'appel de modifier les paragraphes 1, 3, 4 et 5 du jugement modifié en étendant l'application de ces dispositions à un autre lot de maléate d'énalapril en vrac ainsi qu'à " toutes autres quantités de maléate d'énalapril en vrac acquises après l'octroi du brevet ". La Cour d'appel a rejeté la requête de Merck et a dit ce qui suit dans ses motifs de jugement datés du 6 mars 19964 :
Nous ne sommes pas convaincus que la réparation demandée par les intimées relève de la compétence de la Cour. Il paraît évident que si le lot P-65388 n'a pas été mentionné dans notre jugement, c'est simplement parce qu'il ne s'agissait pas d'une question qui avait été explicitement soulevée lors de l'appel. S'il existe un recours en ce qui concerne ce lot, ce n'est que par une demande appropriée présentée au juge de première instance et encore uniquement dans la mesure où il pourrait être démontré que ce dernier devrait examiner cette question en vertu de la règle 337(5). |
[...] |
Il est peut-être superflu de signaler que les recours susceptibles d'être intentés devant la Cour permettent de punir les parties qui omettent de se conformer à ses jugements ou ses ordonnances. Si, comme elles l'affirment, il est passé outre sciemment au jugement rendu par la Cour, les intimées peuvent faire trancher cette question de la façon appropriée par la Section de première instance plutôt que de tenter d'obtenir un redressement au moyen d'une requête présentée sur le fondement de la règle 337(5). En l'espèce, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur le bien-fondé de cette affirmation, si tant est qu'il soit nécessaire de le faire. |
[12] En mai 1996, Merck a présenté une requête devant la Section de première instance demandant, notamment, l'émission d'un bref de délivrance prévoyant la " remise à [Merck] de tout le maléate d'énalapril, en vrac ou sous forme de comprimés, acquis par [Apotex] après le 16 octobre 1990 ou en excédent de la quantité de maléate d'énalapril jugée protégée par l'article 56 de la Loi sur les brevets [...] ". En rejetant la requête de Merck, le juge Nadon a dit ce qui suit aux pages 7 et 8 des motifs de son ordonnance datée du 16 mai 1996 :
Je conviens avec Merck que l'injonction interdit en termes larges à Apotex de contrefaire son brevet. Toutefois, il ne faut pas oublier qu'en ce qui concerne la contrefaçon, le jugement définitif de la Cour est très précis. Il a été statué que les lots P-65478, P-65479 et P-65480 de maléate d'énalapril en vrac et les 44,9 kilogrammes de maléate d'énalapril achetés par Apotex à un client étranger de Delmar Chemicals Inc. en mars 1993 contrefaisaient le brevet de Merck. Cette conclusion constitue le fondement de l'ordonnance de délivrance de la Cour qui se trouve au paragraphe 4 du jugement définitif. Telle est, selon moi, la portée du jugement concernant la contrefaçon. |
[...] |
Pour accueillir la requête de Merck, il me faut nécessairement conclure que les quantités de maléate d'énalapril actuellement en la possession d'Apotex, si tel est le cas, constituent, dans la même mesure que les trois " lots P " et les 44,9 kilogrammes de maléate d'énalapril décrits au paragraphe 1 du jugement définitif, une contrefaçon du brevet de Merck. Merck cherche à obtenir une telle conclusion sans devoir passer par un procès. À mon avis, il m'est impossible d'arriver à une telle conclusion dans le cadre de l'instance actuelle. Si les quantités de substances que possède actuellement Apotex contrefont le brevet d'Apotex, Merck peut demander à cette Cour une ordonnance pour outrage contre Apotex puisque cette dernière est soumise à une injonction permanente qui lui interdit de contrefaire le brevet nE 1,275,349. |
Il importe de souligner que, par sa requête en vue d'examiner de nouveau le jugement définitif et de le modifier, de la manière décrite ci-dessus, Merck a cherché à faire élargir la portée de ce jugement de façon à inclure [TRADUCTION] " toutes les quantités de maléate d'énalapril en vrac acquises après l'octroi du brevet ". En d'autres termes, Merck demandait à la Cour d'appel de déclarer que [TRADUCTION] " toutes les autres quantités de maléate d'énalapril en vrac acquises après l'octroi du brevet " par Apotex constitueraient une contrefaçon du brevet nE 1,275,349. Si la Cour d'appel avait fait droit à la requête de Merck, il ne fait aucun doute qu'une ordonnance de délivrance d'une portée plus large aurait été appropriée. Ainsi qu'il ressort des motifs du jugement du juge Stone, la Cour d'appel a refusé de rendre l'ordonnance sollicitée par Merck. |
[13] L'historique récent des actes de procédure présentés dans le cadre de la présente affaire confirme que la Cour a rejeté judicieusement chaque tentative de Merck visant à élargir l'application du jugement modifié ou de l'ordonnance de production.
[14] Dans la présente requête, l'avocat de Merck a fait valoir que la référence devrait viser plus que les trois lots de maléate d'énalapril et la quantité en vrac de 44,9 kilogrammes indiquée au paragraphe 5 du jugement modifié. Je ne peux souscrire à cet argument. Selon moi, la Cour d'appel a clairement délimité les conditions de la référence au paragraphe 5 du jugement modifié, et ces conditions doivent régir la conduite de la référence. Compte tenu des circonstances, le protonotaire adjoint Giles n'a commis aucune erreur en concluant que la référence ne devait porter que sur le maléate d'énalapril indiqué au paragraphe 5 du jugement modifié.
[15] Par conséquent, la requête est rejetée.
[16] L'avocat d'Apotex fait valoir que les dépens de la présente requête devraient être adjugés sur la base des frais entre procureur et client. Je ne suis pas d'accord pour dire que, dans la poursuite des voies procédurales qui s'offraient à l'avocat de Merck, la conduite de ce dernier justifie, à ce stade-ci, l'imposition de frais entre procureur et client. Les dépens de la requête sont donc adjugés à Apotex sur la base des frais entre parties.
D. McGillis |
Juge |
OTTAWA (ONTARIO)
9 OCTOBRE 1997
Traduction certifiée conforme |
Suzanne Bolduc, LL.B. |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NE DU GREFFE : T-2408-91 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : MERCK & CO., INC. et MERCK FROSST CANADA INC. c. APOTEX INC. |
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO) |
DATE DE L'AUDIENCE : 30 SEPTEMBRE 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE McGILLIS
EN DATE DU 9 OCTOBRE 1997
ONT COMPARU :
ALEXANDER MACKLIN POUR LES DEMANDERESSES |
H.B. RADOMSKI POUR LA DÉFENDERESSE |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
GOWLING, STRATHY & HENDERSON POUR LES DEMANDERESSES |
OTTAWA (ONTARIO)
GOODMAN, PHILLIPS & VINEBERG POUR LA DÉFENDERESSE |
TORONTO (ONTARIO)
__________________1 Les modifications qui ont été apportées par la Cour d'appel fédérale au jugement de première instance et qui sont importantes pour les besoins du présent appel sont en caractères gras.
2 Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., et al., A-814-95, 9 mai 1996, à la page 1.
3 Apotex Inc. c. Merck & Co. Inc., et al., A-724-94, 6 mars 1996, aux pages 2 et 3.
4 Merck & Co. Inc, et al. c. Apotex, T-2408-91, 16 mai 1996.