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Date : 20001026


T-1400-96

T-1401-96

T-1402-96

T-1403-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38 et 56 de la

     Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée,

     ET les appels interjetés des décisions rendues par la

     Commission des oppositions des marques de commerce

     le 12 avril 1996 dans les oppositions formulées par

     Quo Vadis International Ltd./Ltée aux demandes suivantes

     de Cullman Ventures Inc.

     655 583 « YEAR-AT-A-GLANCE » (T-1400-96)

     655 590 « MONTH-AT-A-GLANCE » (T-1403-96)

     655 593 « WEEK-AT-A-GLANCE » (T-1402-96)

     655 595 « DAY-AT-A-GLANCE » (T-1401-960)

E n t r e :

     CULLMAN VENTURES, INC.

     appelante

     - et -

     QUO VADIS INTERNATIONAL LTD./LTÉE

     intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX


A.      INTRODUCTION

[1]      La Cour est saisie de quatre appels interjetés en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce(la Loi) de quatre décisions en date du 12 avril 1996 par lesquelles le président de la Commission des oppositions des marques de commerce, G.W. Partington, a rejeté quatre demandes d'enregistrement de marques de commerce présentées par Cullman Ventures Inc. (Cullman), à savoir les marques DAY-AT-A-GLANCE, WEEK-AT-A-GLANCE, MONTH-AT-A-GLANCE, dont l'usage remonte à 1974 et qui sont employées en liaison avec [TRADUCTION] « des agendas, des carnets de rendez-vous, des calendriers et des registres » . Cullman a également demandé l'enregistrement de la marque de commerce YEAR-AT-A-GLANCE, dont l'usage remonte à 1989, mais qui est employée uniquement en liaison avec des calendriers.

[2]      La Commission des oppositions a accueilli en partie l'opposition formulée par Quo Vadis Ltd./Ltée (Quo Vadis). La Commission des oppositions a jugé, relativement à toutes les demandes d'enregistrement de Cullman, que les marques n'étaient pas enregistrables parce qu'elles ne donnaient pas une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises, contrairement à l'alinéa 12(1)b) de la Loi. En outre, pour des raisons différentes, la Commission des oppositions a statué que les marques projetées qui suivent ne pouvaient être enregistrées en liaison avec les marchandises suivantes :

     a)      la marque DAY-AT-A-GLANCE ne pouvait être enregistrée pour des calendriers et des registres ;
     b)      de même, la marque WEEK-AT-A-GLANCE ne pouvait être enregistrée pour des registres ;
     c)      également, la marque MONTH-AT-A-GLANCE ne pouvait être enregistrée pour des registres.

La Commission a justifié son refus par le fait que, bien que Quo Vadis se fût déchargée du fardeau initial de la preuve, que Cullman ne s'était pas acquittée de la charge ultime qui lui incombait de faire la preuve de sa date revendiquée de premier emploi, contrairement à l'article 30 de la Loi.

[3]      Quo Vadis avait invoqué un troisième moyen d'opposition, en l'occurrence l'argument que les marques de commerce dont l'enregistrement était demandé ne permettaient pas de distinguer les marchandises de la requérante de celles de tiers. La Commission des oppositions a jugé que, comme Quo Vadis n'avait invoqué aucune allégation de fait particulier pour étayer le moyen qu'elle tirait de l'absence de caractère distinctif, ce moyen se limitait à l'allégation que la marque de Cullman n'est pas distinctive en ce qu'elle ne donnait pas une description claire ou qu'elle donnait une description fausse ou trompeuse, en langue anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises de Cullman. Par conséquent, la décision qui sera rendue au sujet de ce moyen permettra effectivement de trancher le troisième moyen d'opposition.

[4]      La Commission des oppositions a également conclu que les éléments de preuve présentés par Cullman n'étaient pas suffisants pour établir le caractère distinctif au sens du paragraphe 12(2) de la Loi.

[5]      Dans les présents appels, Cullman ne conteste pas la conclusion de la Commission des oppositions suivant laquelle les marques DAY, WEEK et MONTH-AT-A-GLANCE dont l'enregistrement est proposé vont à l'encontre de la date d'emploi revendiquée en vertu de l'article 30 pour ce qui est des registres. De plus, Cullman n'a pas insisté pour dire que la Commission des oppositions avait commis une erreur au sujet de la conclusion qu'elle avait tirée en vertu du paragraphe 12(2).

[6]      En conséquence, dans les appels dont je suis saisi, Cullman conteste les conclusions suivantes de la Commission des oppositions :

     (1)      Toutes les marques dont l'enregistrement est proposé tombent sous le coup de l'interdiction formulée à l'alinéa 12(1)b) de la Loi et ne sont donc pas enregistrables ;
     (2)      La marque DAY-AT-A-GLANCE, employée en liaison avec des calendriers, va à l'encontre de l'article 30 de la Loi, en ce qui concerne la date de premier emploi revendiquée (1974).

[7]      Cullman a déposé devant la Commission des oppositions deux affidavits. Le premier avait été souscrit par Catherine Ujihara, gérante des ventes et du service à la clientèle chez Keith Clark Office Products Ltd. (KCOP), la filiale canadienne de la division Keith Clark de Cullman aux États-Unis. L'autre affidavit était celui de Nancy Nephew, gérante de crédit chez Schaeffer-Eaton Pen Inc. (SEP), entreprise pour laquelle elle travaille depuis 1979 et qui était le prédécesseur en titre qui était propriétaire de la marque de commerce enregistrée AT-A-GLANCE.

[8]      M meUjihara a joint à son affidavit de nombreuses annexes pour démontrer comment les marques de commerce dont l'enregistrement est demandé étaient affichées. Elle a déclaré ce qui suit :

     (1)      En mars 1988, Cullman a acquis la gamme de produits AT-A-GLANCE de SEP et a chargé KCOP de vendre ces produits à des grossistes au Canada.
     (2)      Elle a expliqué que la gamme de produits AT-A-GLANCE est constituée d'une série d'agendas et de carnets de rendez-vous (collectivement désignés sous le nom d'agendas), de carnets d'adresses et de calendriers. Ils portent habituellement une année déterminée. Ces produits sont vendus au Canada à des grands magasins, des papeteries, des magasins de cartes de souhaits et des boutiques spécialisées.
     (3)      Elle a expliqué en détail comment les produits étaient commercialisés. Fabriqués aux États-Unis, ces produits arborent depuis 1990 la marque de commerce AT-A-GLANCE lorsqu'ils sont expédiés au Canada dans des boîtes. Ces boîtes sont ouvertes pour exposer les produits au point de vente.
     (4)      Elle a produit en annexe plusieurs catalogues de produits distribués par KCOP entre 1988 et 1993. Ces catalogues étaient envoyés à des grossistes et à des détaillants et avaient également été distribués à des boutiques de cadeaux, à des bijouteries et à des papeteries de même qu'à de grandes entreprises telles que les gouvernements.
     (5)      Pour ce qui est des calendriers, elle a affirmé que les produits
         YEAR-AT-A-GLANCE sont habituellement des calendriers muraux qui sont vendus dans certaines boutiques spécialisées.
     (6)      Elle a précisé que les produits AT-A-GLANCE étaient exposés dans des foires commerciales au Canada et qu'ils étaient annoncés dans des magazines spécialisés.
     (7)      Elle a ajouté que les agendas, carnets d'adresses et calendriers arboraient la marque de commerce AT-A-GLANCE sur une étiquette en papier pelable apposée à l'endos et que la marque de commerce AT-A-GLANCE ou l'une des marques de commerce dont l'enregistrement est demandé et qui font l'objet du présent appel figurait sur la deuxième de couverture et que bon nombre d'entre elles figuraient sur la face extérieure du plat supérieur.

[9]      Dans son affidavit, Nancy Nephew a évoqué de nombreux documents et a parlé de ce qui s'était passé depuis qu'elle avait été engagée par SEP en 1979 et du moment et de la façon dont on avait apposé sur la gamme de produits AT-A-GLANCE les marques de commerce dont l'enregistrement est demandé, y compris les marques DAY-AT-A-GLANCE, WEEK-AT-A-GLANCE et MONTH AT-A-GLANCE. Elle a expliqué en détail comment les produits AT-A-GLANCE étaient commercialisés au Canada par le biais des catalogues distribués par sa société-mère américaine, la division Schaeffer-Eaton de Textron Inc. dans lesquels était insérée une liste de prix canadiens. Elle a ensuite décrit les produits de la série AT-A-GLANCE. Elle a affirmé que la presque totalité des produits arboraient sur la couverture les marques dont l'enregistrement est demandé ou encore sur la page de garde, c'est-à-dire sur la première page à l'intérieur du plat recto. Elle a produit des bons de commande remontant à 1987 et provenant de divers grands magasins canadiens. Elle a soutenu qu'elle n'avait pas en main de bons de commande plus anciens, mais a confirmé qu'elle avait personnellement eu connaissance qu'au cours de chaque année comprise entre 1979 et 1987 des produits AT-A-GLANCE avaient été vendus à des grands magasins canadiens. Elle a parlé de publicité faite en collaboration avec ces grands magasins et a également cité des chiffres de ventes. Elle a témoigné, se fondant sur sa connaissance du marché, que les marques dont l'enregistrement est demandé étaient largement associées au Canada en 1987 aux marchandises de la division Schaeffer-Eaton de Textron Canada Ltd., en l'occurrence des agendas, des carnets de rendez-vous, des calendriers et des registres.

[10]      Quo Vadis a déposé deux affidavits devant la Commission des oppositions. Le premier affidavit a été souscrit par Gina Petrone. Elle s'occupe de la banque de données des marques de commerce au cabinet des avocats de Quo Vadis. L'autre affidavit a été souscrit par Olivier Beltrami, qui est le vice-président de Quo Vadis depuis 1987.

[11]      Dans son affidavit, MmePetrone a cité neuf définitions tirées de dictionnaires dans lesquelles le mot anglais glance( « coup d'oeil » ) ou l'expression « at a glance » ( « en un coup d'oeil » ) figuraient. Elle a ensuite cité le catalogue de trois fournisseurs du Québec, à savoir :

1. Un extrait du catalogue de 1986 du Magasin Pilon qui indique que l'agenda de poche montre un mois sur deux pages ou une semaine sur deux pages ou une journée par page ;
2. Le catalogue de 1976 de la Papeterie Sociale et Commerciale Inc. qui décrit les agendas en indiquant, par exemple, « un jour par page » , « trois jours par page » , « journée entière d'un côté de la page » ;
3. Le catalogue de septembre 1990 de J.M. Bruno qui décrit les agendas de la manière suivante : « de janvier à décembre, toute votre semaine d'un seul coup d'oeil » .

[12]      Dans son affidavit, Olivier Beltrami a formulé des observations au sujet des affidavits souscrits par Catherine Ujihara et Nancy Nephew en signalant plusieurs lacunes qu'il avait relevées. Il a essentiellement déclaré dans son affidavit que les marques dont l'enregistrement est demandé ne sont pas bien connues au Canada et que les quantités vendues ne sont pas importantes.

B.      LA DÉCISION DE LA COMMISSION DES OPPOSITIONS
     a)      Au sujet de l'application de l'alinéa 12(1)b) de la Loi -- l'interdiction relative à la description claire

[13]      Pour examiner le raisonnement qu'a suivi la Commission des oppositions au sujet de cet aspect de tous les appels dont je suis saisi, je m'inspire de la décision que la Commission des oppositions a rendue en réponse à la demande présentée par Cullman en vue de faire enregistrer la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE (appel T-1401-96). La Commission des oppositions a suivi essentiellement le même raisonnement dans tous les autres appels.

[14]      La Commission des oppositions a appliqué les principes suivants pour formuler son raisonnement :

     (1)      La question de savoir si la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE donne ou non une description claire de la nature et de la qualité des « agendas et carnets de rendez-vous » doit être envisagée du point de vue de l'acheteur moyen de ces marchandises ;
     (2)      Il ne faut pas décomposer la marque de commerce en ses éléments constitutifs ni l'analyser avec soin, mais il faut plutôt la considérer dans son ensemble selon l'impression générale qui s'en dégage, conformément aux décisions Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25, aux pages 27 et 28, et Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183, à la page 186 ;
     (3)      « Le fardeau d'établir que sa marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE est enregistrable incombe à la requérante. Toutefois, le fardeau initial de la preuve à l'égard de ce motif repose sur l'opposante, qui doit produire des éléments suffisants de preuve qui, si on y ajoute foi, appuient la véracité de ses allégations selon lesquelles la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE ne donne pas une description claire ou donne une description fausse ou trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises de la requérante. Il est donc nécessaire d'examiner la preuve de l'opposante ainsi que celle de la requérante et les transcriptions des contre-interrogatoires de MmeUjihara et de MmeNephew, afin de déterminer si l'opposante s'est acquittée du fardeau initial de la preuve qui lui incombait. »

[15]      La Commission des oppositions a ensuite examiné diverses définitions du mot anglais « glance » (coup d'oeil) tirées de plusieurs dictionnaires. Elle a retenu l'idée de « regard rapide » , de « regard rapide ou bref » , de « regard bref ou superficiel » . Elle a cité un autre dictionnaire suivant lequel si l'on voit quelque chose du premier coup d'oeil, « on le voit immédiatement, sans avoir à y penser ou à l'examiner beaucoup » .

[16]      La Commission des oppositions a ensuite examiné des extraits de la transcription du contre-interrogatoire de MmeUjihara dans lesquels celle-ci déclare ce qui suit au sujet des diverses marques de commerce :

     Eh bien, dans cette catégorie, on en a de plusieurs sortes différentes, par exemple, selon leur fonction. Ainsi, s'il y a une journée par page, nous l'appelons la JOURNÉE EN UN COUP D'OEIL ; s'il y a une semaine sur deux pages, nous l'appelons la SEMAINE EN UN COUP D'OEIL ; si c'est un mois complet sur deux pages, il s'agit alors du MOIS EN UN COUP D'OEIL, et si c'est un calendrier mural comportant l'année complète, on dira ANNÉE EN UN COUP D'OEIL ; mais ils sont tous positionnés comme notre meilleur ligne de produits. Je dirais nos produits de meilleurs qualité. [Non souligné dans l'original]

[17]      En ce qui concerne YEAR-AT-A-GLANCE, le témoin a déclaré : « C'est toute l'année. Habituellement, il s'agit d'un calendrier mural » .

[18]      En plus de citer des extraits du contre-interrogatoire du témoin de Cullman, Mme Ujihara, la Commission des oppositions a examiné deux dépliants publicitaires de Grand & Toy se rapportant à des carnets de rendez-vous et des agendas de divers fournisseurs qui produisent ces articles, dont Cullman et Quo Vadis. Voici le résumé qu'elle en a fait :

     « Une journée sur deux pages » , « un jour par page » , « deux jours par page » , « un mois sur deux pages » , « trois jours par page » , « la semaine en un coup d'oeil et le mois en un coup d'oeil » , « mois en un coup d'oeil, organisateur, etc. » , « un mois par page » , « deux semaines sur deux pages » , « deux jours sur deux pages » , « LA SEMAINE EN UN COUP D'OEIL » , « une semaine sur deux pages » , « double présentation : la semaine en un coup d'oeil et le mois en un coup d'oeil » , « une section spéciale, le mois en un coup d'oeil, qui précède la section la semaine en un coup d'oeil » , « un mois par page » , « le mois en un coup d'oeil, calendrier de quatre ans » , « un jour sur deux pages » et « une semaine sur deux pages » .

[19]      La Commission des oppositions a exprimé sa conclusion dans les termes suivants :

     Compte tenu de ce qui précède, j'ai conclu que l'opposante s'est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait relativement au motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) , en ce que la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE appliquée à des « agendas, livres de rendez-vous, calendriers » décrit la fonction ou le résultat principal atteint par suite de l'utilisation des marchandises de la requérante, c'est-à-dire que celles-ci permettent à l'utilisateur de voir, en un coup d'oeil, les inscriptions pour une semaine après avoir consigné les rendes-vous sur l'agenda ou le livre de rendez-vous.À cet égard, dans l'arrêt Thompson Research Associated Ltd. c. Registraire des marques de commerce,67 C.P.R. (2d) 205, p. 208, le juge Mahoney a fait remarquer que la nature ou la qualité d'une marchandise vise sa fonction, et il a citél'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans S.C. Johnson & Son, Ltd. c. Marketing International Ltd.,44 C.P.R. (2d) 16, p. 25, à l'appui de sa conclusion. [Non souligné dans l'original.]

[20]      La Commission des oppositions a ajouté ce qui suit :

     Comme l'opposante s'est acquittée du fardeau initial de la preuve qui lui incombait à l'égard du deuxième motif, la requérante doit s'acquitter du fardeau légal qui lui incombe d'établir que sa marque de commerce est enregistrable. Au paragraphe 17 de son affidavit, MmeUjihara mentionne que la valeur de gros des marchandises de la requérante vendues au Canada en liaison avec sa marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE qui, pour chaque exercice allant de 1988 à 1992, était supérieure à 30 000 $. Cependant, je conclus que la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau légal qui lui incombait d'établir que la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE ne donne pas une description claire de la nature de ses marchandises. En outre, la preuve de la requérante ne permet pas d'établir que la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE est devenue distinctive relativement à ses agendas, ses livres de rendez-vous et ses calendriers au Canada, à la date de production de la présente demande [le 19 avril 1990], au sens du paragraphe 12(2) de la Loi sur les marques de commerce. J'ai donc conclu que la marque de commerce de la requérante n'est pas enregistrable en raison de l'alinéa 12(1)b) de la Loi. [Non souligné dans l'original.]
     b)      Date présumée de premier emploi -- DAY-AT-A-GLANCE pour des calendriers

[21]      La Commission des oppositions a entamé son analyse de l'alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerceen posant les grands principes suivants :

     (1)      Bien que le fardeau ultime d'établir que sa demande est conforme à l'alinéa 30b)de la Loi repose sur la requérante, le fardeau initial de la preuve repose sur l'opposante (Joseph E. Seagram & Son Ltd. et al. c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330) ;
     (2)      Pour se décharger du fardeau de la preuve qui lui incombe en ce qui concerne une question déterminée, l'opposante doit produire des éléments de preuve admissibles suffisants qui permettraient de conclure que les faits allégués à l'appui de cette question existent (John Labatt Co. c. Molson Companies Ltd.,30 C.P.R. (3d) 293, à la page 298) ;
     (3)      Ce fardeau n'est pas aussi exigeant pour ce qui est de la question de l'inobservation de l'alinéa 30b)de la Loi (Tune Masters c. Mr. P'sMastertune Ignition Services Ltd.,10 C.P.R. (3d) 84, à la page 89) ;
     (4)      Citant la décision Coca-Cola Ltd. c. Compagnie Française de Commerce International Cofci, S.A., 35 C.P.R. (3d) 405, elle a affirmé que l'opposante peut invoquer le contre-interrogatoire du déposant de la requérante pour s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombe.

[22]      La Commission des oppositions a souligné que l'opposante avait invoqué les affidavits des déposantes de Cullman, MmesUjihara et Nephew ainsi que les transcriptions de leurs contre-interrogatoire à l'appui du moyen qu'elle faisait valoir en ce qui concerne la date revendiquée. Elle a fait remarquer que la requérante n'avait demandé à aucune des deux déposantes de Cullman, lors de leur contre-interrogatoire, de déposer des documents qui auraient appuyé soit la prétendue date de premier emploi de Cullman, soit le transfert, des prédécesseurs de la requérante à cette dernière, des droits afférents à la marque de commerce. Elle a affirmé que MmeUjihara n'avait pu témoigner que des activités touchant la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE au Canada après l'acquisition, par la requérante, de la marque de commerce en mars 1988. Elle a de plus signalé que Nancy Nephew s'était jointe au prédécesseur en titre de la requérante en 1979, qu'elle était devenue directrice des ventes de la compagnie en 1983, qu'elle n'avait aucune connaissance directe du transfert des droits afférents à la marque de commerce des prédécesseurs de la requérante à la requérante même.

[23]      La Commission des oppositions a déclaré qu'elle n'était pas convaincue que la preuve indiquait que la requérante ou son prédécesseur en titre avait employé la marque de commerce DAY-AT-A-GLANCE en liaison avec ce que le consommateur moyen appellerait des calendriers.

C.      ANALYSE
     (a)      Norme de contrôle

[24]      Cullman a déposé les quatre nouveaux affidavits suivants devant notre Cour :

     (1)      l'affidavit de James D. Bacon, le vice-président des services à la clientèle et de la logistique à la division Keith-Clark de Cullman Ventures Inc. aux États-Unis, poste qu'il occupe depuis seize ans ;
     (2)      l'affidavit de Robert Burge, de Toronto, qui est responsable des achats chez Corporate Express Canada, un fournisseur qui vend des articles de bureau à des clients commerciaux et qui n'exploite pas un commerce de vente au détail mais qui vend par l'entremise d'une équipe de vente et de catalogues à des bureaux et à de grandes entreprises ;
     (3)      l'affidavit de Douglas G. Cowie, directeur des techniques marchandes chez Grand & Toy, qui serait l'un des plus grands vendeurs canadiens de vente au détail d'articles de bureau à des entreprises commerciales et au grand public et qui exploite 79 points de vente au détail dans quatre provinces et qui vend directement à des entreprises commerciales ;
     (4)      l'affidavit de Karen L. Hérault, une employée des avocats canadiens de Cullman.

[25]      Cullman a également déposé une copie certifiée conforme du certificat d'enregistrement de sa marque de commerce AT-A-GLANCE, qui a été accordé pour la première fois à son prédécesseur en titre en 1936 et dont la date de premier emploi remonte à janvier 1934. Les marchandises énumérées au certificat d'enregistrement sont des carnets de notes (les registres), des albums photos, des agendas et des albums de découpures.

[26]      Dans son affidavit, M. Bacon a décrit les produits Keith Clark et a déclaré que les produits qui portent une date sont classés selon les diverses dates de l'année en cause. Ainsi, a-t-il déclaré, un agenda daté comporte une section particulière où l'on peut inscrire des notes et qui est coiffée de chaque quantième de l'année. Il a précisé que, pour conserver un lien visuel entre les divers produits de la série AT-A-GLANCE, ces produits sont distribués dans des boîtes-présentoirs qui portent la marque de commerce AT-A-GLANCE, les mots « « PREMIUM PLANNERS » et les mots « KEITH CLARK » . Il a reconnu que les calendriers YEAR-AT-A-GLANCE n'étaient pas emballés de cette manière parce qu'ils étaient trop gros pour être mis dans des boîtes. Ils étaient plutôt emballés la plupart du temps dans du plastique transparent à travers lequel on peut voir la marque de commerce YEAR-AT-A-GLANCE et les mots KEITH CLARK.

[27]      M. Bacon a affirmé que les marques de commerce dont l'enregistrement est demandé ont été employées pour certains produits datés faisant partie de la série AT-A-GLANCE et qu'elles étaient censées permettre de distinguer certain produits de cette série l'un de l'autre et de les distinguer des marchandises des tiers. Il a déclaré, dans son affidavit, que d'autres personnes de l'industrie pouvaient, évidemment, employer les termes « DAY » , « WEEK » , « MONTH » ou « YEAR » pour désigner leurs produits mais a prévenu que s'ils essayaient d'employer un nom composé avec l'expression « AT-A-GLANCE » , Keith Clark s'y opposerait parce qu'ainsi, elles utiliseraient la marque de commerce enregistrée AT-A-GLANCE de Keith Clark avec laquelle elle utilise les marques de commerce dont l'enregistrement est demandé de sorte que les consommateurs qui les verraient se souviendraient de la marque de commerce AT-A-GLANCE, ce qui faciliterait l'identification des produits portant ces marques de commerce et les autres produits de la série AT-A-GLANCE. Il a affirmé qu'il n'était pas rare dans l'industrie qu'un fabricant d'agendas ou de calendriers aient des marques de commerce qui se différencient l'une de l'autre par les mots « DAY » , « WEEK » , « MONTH » et « YEAR » comme c'est le cas pour les marques de commerce des produits de la série AT-A-GLANCE dont l'enregistrement est demandé. Il a affirmé qu'il ne connaissait aucune compagnie dans l'industrie dont une série de marques de commerce se différenciaient l'une de l'autre par les mots en question.

[28]      Dans son affidavit, M. Burge, a déclaré qu'il était personnellement au courant du fait qu'une gamme d'agendas et de registres AT-A-GLANCE étaient vendus au Canada depuis au moins une trentaine d'années et il a reconnu que les marques AT-A-GLANCE, DAY AT-A-GLANCE, WEEK AT-A-GLANCE et MONTH AT-A-GLANCE étaient des marques ou des marques de commerce portant sur des agendas ou des registres et que la marque YEAR-AT-A-GLANCE concernait des calendriers muraux, marques qu'il associe toutes à un seul fabricant, en l'occurrence Keith Clark, auparavant Schaeffer-Eaton. Il a déclaré que, dans le cas de la gamme de produits AT-A-GLANCE de Keith Clark, les marques de commerce dont l'enregistrement est demandé désignent différents produits. Il souligne qu'il achète depuis au moins une trentaine d'années en vue de les revendre au public des produits portant les marques de commerce dont l'enregistrement est demandé. Il ajoute que de nombreuses compagnies vendent des agendas et qu'il existe de nombreuses marques de commerce bien connues en matière d'agendas. Il a ajouté que AT-A-GLANCE est une marque d'agendas de première qualité et que d'autres fabricants d'agendas n'utiliseraient pas les marques dont l'enregistrement est demandé comme marques ou marques de commerce pour des agendas ou des calendriers muraux, parce que le public et l'industrie reconnaissent que ces mots désignent des marques employées par Keith Clark pour sa gamme d'agendas, de registres et de calendriers muraux de première qualité.

[29]      Dans son affidavit, M. Cowie, de Grand & Toy, a déclaré qu'il travaillait pour Grand & Toy depuis dix-sept ans et qu'il reconnaissait AT-A-GLANCE et les marques de commerce dont l'enregistrement est demandé comme des marques de commerce se rapportant à des produits de gestion du temps que sa compagnie obtient de Keith Clark. Il affirme que ces produits sont bien connus et reconnus par les consommateurs et par le personnel de sélection de produits comme lui-même en tant que produits de gestion du temps de la série AT-A-GLANCE et que, dans cette série de produits AT-A-GLANCE, il y a divers produits tels que des agendas et des calendriers qui se distinguent l'un de l'autre par les marques DAY-AT-A-GLANCE, WEEK-AT-A-GLANCE et MONTH-AT-A-GLANCE, et que certains calendriers se distinguaient d'autres éléments de la série par la marque de commerce YEAR-AT-A-GLANCE.

[30]      M. Cowie a précisé que Grand & Toy avait aussi d'autres marques de produits de gestion du temps, dont Brownline, Blueline et Quo Vadis. Il a ajouté que les produits de gestion du temps sont liés à une marque déterminée et qu'ils dépendent de cette marque, ce qui signifie que, dans le cas de ces produits, le consommateur recherche habituellement la même marque de produit que celle qu'il a achetée l'année précédente. Il a affirmé que les produits de gestion du temps AT-A-GLANCE sont bien connus dans le commerce et par les consommateurs en tant que produits de gestion du temps. Il a ajouté que chacune des marques était assurément une marque de commerce hautement reconnue tant par l'industrie que par les consommateurs et que les consommateurs demandent ces produits par leur nom au magasin de sa compagnie.

[31]      Karen Hérault a annexé sous la cote A à son affidavit la définition suivante du mot « calendar » (calendrier) tirée du New Illustrated Webster's Dictionary.En voici le texte :

     [TRADUCTION]

     Calendrier : n.m. 1. Système de division du temps en années, en mois en jours, etc. 2. Almanach 3. État, date par date, d'un ensemble d'activités sur une période donnée.


[32]      L'intimée, Quo Vadis, a déposé devant notre Cour l'affidavit de M. Francis Beltrami, qui a déclaré que Quo Vadis emploie depuis plusieurs années des expressions semblables à DAY-AT-A-GLANCE, WEEK-AT-A-GLANCE, MONTH-AT-A-GLANCE et YEAR-AT-A-GLANCE pour expliquer aux consommateurs canadiens les caractéristiques de ses produits et en particulier de ses agendas. Pour illustrer cette affirmation, il a annexé six agendas, en l'occurrence : (1) « L'Agenda Planning -- Planning Jour » , où l'on trouve les phrases suivantes : « Votre journée organisée d'un seul coup d'oeil » , « Anno-Planning : L'organisation de l'année d'un seul coup d'oeil » et « ANNO-Planning : L'organisation de l'année d'un seul coup d'oeil » ; (2) « L'Agenda Planning - Ministre » , où l'on trouve les phrases qui suivent : « Votre semaine organisée d'un seul coup d'oeil » et « L'Organisation horizontale de votre année d'un seul coup d'oeil » ; (3) « L'Agenda Planning - Mensuel » , dans lequel on trouve ce qui suit : « Votre mois organisé d'un seul coup d'oeil » et « Anno-Planning : L'Organisation de l'année d'un seul coup d'oeil » ; (4) « L'Agenda Planning Diary - Planning Day » où figurent les expressions suivantes : « Your Day Planned at a Single Glance » et « Anno-Planning » : « The Organization of your Year at a Single Glance » ; (5) « L'Agenda Planning Diary Monthly » , où l'on trouve les phrases suivantes : « Your Month Planned at a Single Glance » et « ANNO-Planning: The Organization of Your Year at a Single Glance » ; (6) « Agenda Planning Diary - Minister » où l'on trouve les phrases suivantes : « Your Week Plan at a Single Glance » et « Anno-Planning: The Organization of your Year at a Single Glance » . M. Beltrami affirme que ces expressions décrivent les caractéristiques des agendas et sont utilisées par Quo Vadis depuis 1971. Il a soutenu que Quo Vadis employait des expressions semblables dans sa publicité et dans ses catalogues.

[33]      Dans l'arrêt récent Brasseries Molson c. John Labatt Ltée., [2000] 3 C.F. 145, la Cour d'appel fédérale a eu l'occasion de réaffirmer la norme de contrôle applicable dans le cas des appels interjetés en vertu de l'article 56 qui prévoit, à son paragraphe (5) que lors de l'appel, on peut soumettre à la Cour d'appel fédérale des preuves supplémentaires en plus de celles qui ont été présentées au registraire et que la Cour peut exercer le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire.

[34]      Le juge Rothstein a écrit en son nom et au nom du juge Létourneau. Le juge Isaac était dissident quant au résultat, mais n'a pas jugé nécessaire d'exprimer une opinion au sujet de la norme de contrôle.

[35]      Si j'ai bien compris, le juge Rothstein a posé les principes suivants :

     (1)      Au paragraphe 47 : « Lors de l'appel sous le régime de l'article 56, le dossier constitué devant le registraire forme la base de la preuve devant le juge de la Section de première instance qui est saisi de l'appel ; les parties peuvent ajouter à cette preuve. Bien que le terme procès de novosoit devenu d'utilisation courante pour décrire l'appel de l'article 56, il n'est pas tout à fait approprié pour décrire la nature de cet appel » ;
     (2)      Au paragraphe 48, il a déclaré qu'un appel sous le régime de l'article 56 implique, du moins en partie, une révision des conclusions du registraire. Du fait que les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues, ses décisions méritent une certaine déférence. Il a ensuite cité l'extrait suivant de la décision du juge Ritchie dans l'arrêt Benson & Hedges (Canada) Limited v. St. Regis Tobacco Corporation, [1969] R.C.S. 192, à la page 200 :
         [Traduction] À mon avis la décision du registraire sur la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion doit être considérée comme étant d'un grand poids et la conclusion d'un fonctionnaire qui, au cours de son travail quotidien, doit rendre des décisions sur ce point et sur d'autres questions connexes en vertu de la Loi ne doit pas être rejetée à la légère, mais comme l'a déclaré le juge Thorson, alors président de la Cour de l'Échiquier, dans l'affaire Freed and Freed Limited c. The Registrar of Trade Marks et al[14 C.P.R. 19] :
             [. . .] le fait de se fonder sur la décision du registraire portant que deux marques se ressemblent au point de créer de la confusion ne doit pas aller jusqu'à décharger le juge qui entend l'appel de cette décision de l'obligation de trancher la question en tenant compte des circonstances de l'espèce.
     (3)      Le juge Rothstein a ensuite cité la décision rendue par le juge Strayer dans l'affaire McDonald's Corp. c. Silcorp Ltd., (1989) 24 C.P.R. (3d) 207, à la page 210, en déclarant que « bien que la Cour doive demeurer libre de revoir la décision du registraire, cette décision ne doit pas être rejetée à la légère » .
     (4)      Le juge Rothstein a ensuite écrit ce qui suit au paragraphe 49 :
     Il semble clair qu'en matière d'oppositions, lorsque le litige porte essentiellement sur des faitsrelatifs à la confusion ou au caractère distinctif, la décision du registraire ou de la Commission constitue une conclusion de fait et non l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, la Cour ne devrait pas réviser cette décision avec autant de retenue que s'il s'agissait de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.La Cour est donc libre d'examiner les faits afin d'établir si la décision du registraire ou de la Commission était exacte; cependant cette décision ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles[...] Bien qu'à diverses reprises, la Cour d'appel fédérale ait jugé qu'en appel, la Cour avait l'obligation d'établir si le registraire avait ou non rendu une décision « manifestement erronée » ou s'il avait simplement « eu tort » , il semble que le juge saisi d'un appel semblable à l'espèce soit tenu de tirer ses propres conclusions quant à l'exactitude de la décision du registraire. Ce faisant, il doit toutefois tenir compte de l'expérience et des connaissances particulières dont dispose le registraire ou la Commission et surtout prendre en considération, le cas échéant, le fait que de nouvelles preuves, dont ne disposait pas la Commission, ont été déposées devant lui.[ Non souligné dans l'original.]
     (5)      Au paragraphe 51 de ses motifs, il a conclu :
     Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedgeset McDonald's Corp.est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle.Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.[ Non souligné dans l'original.]
    
     b)      Les dispositions législatives

        

[36]      Voici le texte de l'alinéa 12(1)b), du paragraphe 12(2) et de l'alinéa 30b)

de la Loi :


12. (1) Subject to l'article 13, a trade-mark is registrable if it is not

     . . .

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

(2) A trade-mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrableif it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

the wares or services in association with which it is registered in that countryand has been used, unlessat the date of filing of the application in accordance with l'article 30 it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

     . . .

(b) in the case of a trade-mark that has been used in Canada, the date from which the applicant or his named predecessors in title, if any, have so used the trade-markin association with each of the general classes of wares or services described in the application; [emphasis mine]


12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants :

     . . .

b) qu'elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d'origine de ces marchandises ou services;

(2) Une marque de commerce qui n'est pas enregistrable en raison de l'alinéa (1)a) ou b) peut être enregistréesi elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d'une demande d'enregistrementla concernant.

30. Quiconque sollicite l'enregistrement d'une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

     . . .

b) dans le cas d'une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerceen liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande ;

[C'est moi qui souligne.]

     c)      Les principes

[37]      Les principes qui guident l'interprétation de l'alinéa 12(1)b) de la Loi sont bien connus et ont été appliqués de façon constante par notre Cour (voir le jugement Thomson Research Associates Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 67 C.P.R. (2d) 205, C.F. 1re inst. le juge Mahoney, confirmé en appel par la Cour d'appel fédérale à (1983), 71 C.P.R. (2d) 287).

[38]      Je retiens les principes suivants du jugement rendu par le juge Mahoney, de la Section de première instance :

1. la première impression détermine si une marque de commerce constitue une description claire ;
2. l'adjectif « claire » qui figure à l'alinéa 12(1)b) de la Loi n'est pas tautologique. Il qualifie un autre mot. Il n'est pas synonyme de « précise » mais veut dire dans le contexte de cet alinéa, « facile à comprendre, évidente ou simple » ;
3. aux fins d'établir si une marque de commerce est descriptive, il ne convient pas de faire une analyse approfondie et critique des mots pour déterminer s'ils comportent d'autres implications lorsqu'on les utilise seuls ou en liaison avec certaines marchandises ; ce qu'il faut faire, c'est considérer ces mots tels qu'il sont utilisés en liaison avec certaines marchandises et établir ce que ces termes, dans le contexte où ils sont utilisés, représenteraient pour le public en général qui les verra et se formera une idée sur leur connotation.

[39]      Pour décider si une marque de commerce donne une description de la nature ou de la qualité des marchandises auxquelles elle est associée, il faut tenir compte du résultat obtenu et de l'effet lui-même. Dans l'arrêt General Motors Corp. v. Norman William Bellows, [1949] R.C.S. 679, dans lequel la marque de commerce « FRIGIDAIRE » a été jugée valide parce qu'elle donnait une description du produit auquel elle était associée, le juge Rand a exprimé ce concept de la façon suivante, à la page 688 :

     [TRADUCTION] Quelle est l'essence du concept de réfrigérateur ? Incontestablement, celui d'air froid servant à la conservation et non le procédé par lequel on obtient le résultat de la conservation, mais bien l'effet lui-même, qui est la propriété fonctionnelle de l'article lui-même. Tout le reste en découle. L'air doit évidemment être conservé dans un réceptacle, mais c'est le résultat qui compte, indépendamment du procédé utilisé pour y parvenir.[ Non souligné dans l'original.]

[40]      La Coursuprême a suivi l'arrêt General Motorsdans l'affaire S.C. Johnson & Son Ltd. et al. v. Marketing International Ltd., 44 C.P.R.(2d) 16, [1980] 1 R.C.S. 96, dans laquelle l'enregistrement du mot « OFF! » associé à un insectifuge a été considéré comme décrivant le produit visé. Après avoir consulté divers dictionnaires et avoir constaté la présence dans le registre des marques de commerce de marques telles que « BUGZOFF » pour des insecticides et « GREESOFF » , « MIST-OFF » , « OZOFF » , « EASY-OFF » et « SPRAYITOFF » pour divers composés, le juge Pigeon, qui s'exprimait au nom de la Cour, a déclaré que toutes ces expressions révélaient l'emploi du mot « OFF » pour désigner une substance conçue pour se débarrasser de quelque chose, en d'autres mots, un répulsif ou un repousseur. Voici ce qu'il a déclaré au sujet du jugement de première instance, à la page 25 du recueil 44 C.P.R. (2d) [à la page 110 du recueil R.C.S.] :

[...] [I]l n'a pas tenu compte de l'élément essentiel suivant : le mot est employé elliptiquement à l'égard d'un insectifuge et, dans ce contexte, il décrit la marchandise ou son effet. Il a également omis de prendre en considération qu'en demandant l'enregistrement de la marque de commerce, Johnson É-U. réclamait en fait le droit exclusif d'utiliser un mot commun, couramment employé à l'égard de diverses marchandises ayant toutes la propriété de repousser quelque chose ou de s'en débarrasser. La diversité et le nombre de marques de commerce qui se terminent par « off » et figurent actuellement au registre montrent à quel point cet emploi est répandu. [Non souligné dans l'original.]

[41]      La Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel interjeté du jugement du juge Mahoney dans l'affaire Thompson Research Associates Ltd., précitée. Cette affaire portait sur la marque de commerce « ULTRA FRESH » , employée en liaison avec des compositions chimiques de type bactériostatique et fongistatique vendues notamment à l'industrie du textile et à l'industrie de la bonnetterie. Le juge Mahoney avait conclu que la marque de commerce donnait une description claire du produit parce qu'elle « indique clairement l'effet principal, sinon le seul effet, de leur application à d'autres marchandises ou, en d'autres mots, leur fonction » . La Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit :

À notre avis, ULTRA FRESH décrit clairement, lorsqu'ils sont employés comme prévu, la fonction, l'objet et l'effet des bactériostatiques et des fongistatiquesen liaison avec lesquels ces mots sont employés comme marque de commerce. [Non souligné dans l'original.]

[42]      Dans l'affaire The Drackett Co. of Canada v. American Home Products,[1968] 2 R.C. de l'Éch. 89, le juge Cattanach a refusé l'enregistrement de la marque ONCE-A-WEEK en liaison avec un nettoyant pour plancher au motif qu'elle violait l'interdiction contenue à l'alinéa 12(1)b) de la Loi. Il a déclaré que, face à un nettoyant pour plancher portant un nom comme ONCE-A-WEEK, un consommateur supposerait qu'il suffit d'employer ce produit une fois par semaine et qu'il est efficace pour une telle période de temps, ce qui, à son sens, constituait un attribut ou une propriété qui se rapportait directement à la durabilité ou à l'excellence du produit. Il a statué que le mot « nature » à l'alinéa 12(1)b)doit s'entendre [TRADUCTION] « d'un aspect, d'un trait ou d'une caractéristique du produit » et il a conclu que la marque de commerce projetée impliquait de toute évidence que le produit auquel une telle marque de commerce devait être associée devait être employé chaque semaine, ce qui était une allusion directe à la nature de ce produit.

[43]      Le principe sous-jacent à l'alinéa 12(1)b) de la Loi a fait l'objet d'observations dans de nombreuses décisions dont l'arrêt Channell Limited and another v. M.A. Rombough and another, [1924] R.C.S. 600, dans lequel la Cour suprême du Canada a invalidé l'enregistrement de la marque O'CEDAR employée en liaison avec la vente d'un poli à meuble au motif que cette marque était descriptive, et dans le jugement Great Lakes Hotels v. Nosherry Limited, 56 C.P.R. 165, dans lequel le juge Cattanach a confirmé la validité du mot PENTHOUSE en liaison avec des services de restauration sur place et des services de traiteur à l'extérieur.

[44]      La raison pour laquelle le législateur fédéral interdit l'enregistrement de marques clairement descriptives est que l'enregistrement confère au titulaire de l'enregistrement le droit à un usage exclusif. Comme les mots les plus courants de la langue française (ou de la langue anglaise) pourraient être employés comme marques de commerce et comme le lexique d'une langue donnée est un bien qui appartient en commun à tous, le législateur fédéral ne voulait pas qu'une personne acquière un monopole sur l'emploi d'un mot qui évoque la nature ou la qualité du bien visé de manière à empêcher d'autres membres du public d'y recourir à des fins descriptives.



     d)      Application de ces principes au cas qui nous occupe
         (i)      Les marques projetées donnent-elles une description claire des produits en cause ?

[45]      Le point central de la thèse de l'avocat de l'appelante tourne autour de la distinction reconnue qui existe entre les marques qui donnent une description claire des marchandises auxquelles elles sont associées et les marques suggestives, y compris celles qui comportent une allusion indirecte et habile à la nature des marchandises. Il cite à l'appui de sa thèse le jugement GWG Ltd. c. Registraire des marques de commerce, (1981) 55 C.P.R. (2d) 1, dans lequel le juge Cattanach a accueilli l'appel interjeté de la décision par laquelle le registraire des marques de commerce avait refusé d'enregistrer la marque KIDFITTERS en liaison avec des vêtements, à savoir des jeans, des vestes et des jupes, au motif qu'ils constituaient une description claire d'un aspect caractéristique intrinsèque de ces marchandises.

[46]      Si j'ai bien compris ce jugement, le juge Cattanach a estimé que le mot inventé « kidfitters » avait une foule de sens et que la marque de commerce donnerait une description claire des marchandises si elle véhiculait le sens que les marchandises étaient expressément conçues pour les enfants. Il a toutefois estimé que la marque pouvait notamment avoir le sens d' « une personne qui ajuste des vêtements pour enfants » , et qu'il s'agirait là d'un service. Voici les conclusions qu'il a tirées à la page 6 :

D'après moi, dire de la marque de commerce KIDFITTERS employée en liaison avec des jeans, des vestes et des jupes, qui ne sont pas, à moins d'indication contraire, uniquement des vêtements pour enfants, en prenant le sens des deux mots qui composent le mot inventé, qu'elle constitue une description claire de la nature de ces marchandises parce qu'elles sont conçues pour des enfants plutôt qu'elle ne décrit le service rendu par le fabricant revient à faire un exercice de gymnastique intellectuelle.

[47]      Citant et approuvant les propos tenus par lord McNaughton dans l'arrêt Standard Ideal Co. v. Standard Sanitary M.F.G. Co., [1911] A.C. 78, le juge Cattanach a déclaré ce qui suit :

Lorsqu'il existe une référence de ce genre, la marque de commerce ne constitue pas une description claire, puisqu'on peut facilement lui attribuer un autre sens. Lorsqu'il y a une allusion cachée à la nature des marchandises, la marque de commerce est suggestive et ne constitue pas une description claire.

[48]      Il a également évoqué la question de savoir si le mot « kidfitters » était un mot que, dans le cours habituel de leurs affaires, d'autres commerçants seraient susceptibles de désirer employer dans le cadre de leur entreprise. Il a répondu par la négative à cette question en se fondant sur les affidavits déposés en preuve.

[49]      L'avocat de l'appelante soutient que la marque projetée doit donner une description claire de la nature et de la qualité du produit, citant à l'appui de son argument le jugement Provenzano c. Registraire des marques de commerce, 37 C.P.R. (2d) 189, dans lequel le juge Addy a autorisé l'enregistrement de la marque « KOOL ONE » en liaison avec de la bière. Dans ce jugement, le juge Addy a déclaré que, pour être clairement descriptifs et non simplement suggestifs, les mots employés doivent évoquer la composition du produit. Le juge Addy a statué que les mots « Kool One » évoquent seulement l'état dans lequel la bière peut être vendue ou consommée ou non et qu'ils ne renvoient pas à une qualité intrinsèque du produit ou à sa nature et qu'ils ne donnent par conséquent pas une description de la bière elle-même.

[50]      La Cour d'appel fédérale a confirmé la conclusion du juge Addy par la voix du juge Heald qui a déclaré, à 40 CPR (2d) 288, que lorsqu'on l'applique à de la bière, le qualificatif anglais « cool » ne décrit nullement une caractéristique ou une qualité inhérente de la bière, étant donné que la température à laquelle la bière peut être consommée n'a rien à voir avec la nature ou la qualité de la bière elle-même. En d'autres termes, cet adjectif n'évoque que l'état dans lequel la bière peut ou non être consommée.

[51]      Pour cette raison, l'avocat de Cullman soutient que les marchandises ne sont pas un jour, une semaine ou un mois, et que sous leur forme achevée (c'est-à-dire lorsque l'acheteur les a utilisées), elle peuvent renfermer des renseignements personnels au sujet des rendez-vous, activités ou pensées de l'acheteur au sujet d'une partie du jour, de la semaine, du mois ou de l'année en cause, ce qui ne constitue pas une caractéristique intrinsèque des marchandises elles-mêmes. Il ajoute que l'expression « AT-A-GLANCE » renvoie à une action ou à une opération intellectuelle de l'utilisateur qui n'a rien à voir avec les marchandises et il fait remarquer que l'utilisateur peut absorber des renseignements rapidement après avoir jeté un simple coup d'oeil au produit.

[52]      L'avocat de l'appelante cite également l'arrêt Jordan & Ste-Michelle Cellars Ltd. c. T.G. Bright & Co. Ltd.(1984), 81 CPR (2d) 103, de la Cour d'appel fédérale, dans lequel les juges Heald et Stone ont statué (le juge en chef Thurlow étant dissident), qu'il n'était pas nécessaire que les mots BRIGHTS CHILLABLE RED employés en liaison avec du vin donnent une description claire de la méthode suggérée pour servir et savourer les vins de l'intimée et qu'il suffisait qu'ils évoquent ce procédé. Les mots en question ne se rapportaient pas à la composition du vin lui-même. Ils n'avaient aucun rapport avec la nature inhérente du vin, mais uniquement avec ce que peut en faire le consommateur qui l'a entre les mains et qui doit en accepter la nature et les caractéristiques telles qu'il les reçoit.

[53]      L'avocat de Cullman invoque également le jugement rendu par le juge Addy dans l'affaire Thomas J. Lipton Ltd. v. Salada Foods Ltd. (No. 3), 45 CPR (2d) 157, dans laquelle la marque « LIPTON CUP · A · TEA » employée en liaison avec du thé était en litige. Si j'ai bien compris son raisonnement, le juge Addy a estimé qu'en considérant la marque de commerce comme un tout, dans le contexte de cette affaire, on ne pouvait prétendre que cette marque donnait une description des marchandises à vendre. Lipton ne vendait pas des tasses (contenants) remplies de thé en feuilles, de thé en sachets ou de thé liquide. Le mot « cup » désignait simplement le récipient dans lequel le thé serait ultimement consommé.

[54]      Je n'accepte pas l'argument de Cullman suivant lequel, lorsqu'elles sont associées à des agendas ou à des calendriers, les marques projetées DAY-AT-A-GLANCE, WEEK-AT-A-GLANCE, MONTH-AT-A-GLANCE et YEAR-AT-A-GLANCE suggèrent simplement la nature ou la qualité des marchandises en question et n'évoquent pas la composition de ces marchandises. De plus, je n'accepte pas son argument que d'autres personnes dans cette industrie ne sont pas intéressées à employer ces mots courants.

[55]      À mon avis, dans le contexte d'agendas et de calendriers, la marque de commerce en cause comporte une connotation descriptive précise, une description explicite (voir l'arrêt Home Juice Company c. Orange Maison Limitée, [1970] R.C.S. 942) et une allusion directe à la nature ou à la qualité des agendas ou des calendriers, et non une allusion indirecte ou à une simple suggestion. Ces allusions ou connotations directes se rapportent à une caractéristique matérielle des marchandises (la disposition, la conception ou la consultation des agendas), ainsi qu'à la fonction de ces agendas et calendriers, en l'occurrence permettre à la personne qui les consulte de repérer rapidement les rendez-vous et activités qu'elle a consignées dans l'agenda ou le calendrier en question, qu'il s'agisse d'un agenda ou d'un calendrier quotidien, hebdomadaire, mensuel ou annuel. La déposante de Cullman, Catherine Ujihara, a établi un lien clair entre les marques projetées et les caractéristiques matérielles des marchandises ainsi que leur fonction et leur objet (voir le paragraphe 16 des présents motifs). Les personnes qui ont souscrit des affidavits devant notre Cour pour le compte de Cullman n'ont pas modifié le témoignage de MmeUjihara. En revanche, M. Beltrami s'est dit d'avis que les mots en question décrivait une caractéristique des agendas.

[56]      Dans ces conditions, il n'existe à mon avis aucune raison qui justifie d'annuler la décision de la Commission des oppositions. À mon avis, la Commission a eu raison d'envisager la question comme en étant une de première impression, et elle n'a commis aucune erreur dans son interprétation de la preuve. Qui plus est, elle a eu raison de citer la jurisprudence citée, qui s'accorde tout à fait avec les décisions supplémentaires citées dans les présents motifs.

[57]      Ma conclusion sur ce point est renforcée par les dépliants publicitaires de Grand & Toy. La mention des produits de concurrents commerciaux qui vendent eux aussi des agendas démontre à l'évidence, à mon avis, la nature et la qualité inhérente de ces marchandises pour ce qui est de leur présentation matérielle et de leur fonction. Il serait dans ces conditions illogique d'accorder à un concurrent le droit à l'emploi exclusif de mots ou d'expressions courants qui constituent une description de leur nature, de leur qualité, de leur effet ou de leur fonction inhérents.

[58]      Les conclusions que j'ai tirées au sujet de l'interdiction de donner une description claire des marchandises me permettent effectivement de trancher le troisième moyen invoqué par Quo Vadis dans le même sens que la Commission des oppositions. Si la conclusion que je tire au sujet de l'alinéa 12(1)b)est erronée, je rejetterais le troisième moyen tiré par Quo Vadis de l'absence de caractère distinctif au motif que les nouveaux éléments de preuve que Cullman a portés à ma connaissance démontrent qu'ajouté à la marque de commerce enregistrée AT-A-GLANCE, l'usage que Cullman fait des marques de commerce dont l'enregistrement est demandé satisfait au critère du caractère distinctif. Cette conclusion n'a toutefois rien à voir avec le paragraphe 12(2) de la Loi, que Cullman n'a pas invoqué.

                                            

         (ii)      Cullman a-t-elle correctement revendiqué la date de premier emploi des calendriers DAY-AT-A-GLANCE ?

[59]      Cullman conteste la conclusion de la Commission des oppositions suivant laquelle la marque DAY-AT-A-GLANCE n'était pas employée en liaison avec ce que le consommateur moyen qualifierait de calendriers. Cullman affirme que la Commission des oppositions a tiré cette conclusion sans tenir compte du témoignage de Nancy Nephew ou des autres faits allégués. Cullman reconnaît toutefois que Nancy Nephew a témoigné que sa compagnie (Schaeffer-Eaton) avait vendu des calendriers muraux au cours des années où elle avait travaillé pour cette compagnie et que, s'ils étaient annoncés dans le catalogue, [TRADUCTION] « on en vendait » . Mme Nephew a déclaré que les carnets de rendez-vous comportaient parfois des calendriers, mais elle a établi une distinction entre ces calendriers et [TRADUCTION] « les vrais calendriers qui vont sur le mur » et a ajouté qu'elle ne les qualifierait pas de calendriers faisant partie de la série AT-A-GLANCE.

[60]      Cullman soutient qu'il existe de nouveaux éléments de preuve qui devraient amener la Cour à conclure que la marque DAY-AT-A-GLANCE était effectivement employée en liaison avec des calendriers en même temps qu'elle était utilisée en liaison avec des carnets de rendez-vous et des agendas. Ces nouveaux éléments de preuve consistent en la définition suivante du terme « calendrier » : [TRADUCTION] « Système de division du temps en années, en mois en jours, en semaines, etc. » de sorte que les carnets de rendez-vous et les agendas sont en fait des calendriers à plusieurs pages.

[61]      Cullman conteste également la décision de la Commission des oppositions sur ce point en affirmant qu'elle s'est trompée au sujet du fardeau de la preuve. Cullman soutient que Quo Vadis n'a présenté aucune preuve positive tendant à démontrer que la marque de Cullman n'était pas utilisée à la date revendiquée.

[62]      À mon avis, la Commission des oppositions ne s'est pas méprise au sujet de la question du fardeau initial et du fardeau ultime de la preuve dans le cas d'une contestation fondée sur l'alinéa 30b). La Commission des oppositions s'est fondée sur la décision qu'elle avait déjà rendue dans l'affaire Joseph E. Seagram & Son Limited et al. v. Seagram Real Estate Ltd., supra. Dans l'arrêt Brasserie Labatt Co. Ltée c. Brasserie Molson, société en nom collectif, 68 C.P.R. (3d) 216, le juge Heald a souscrit à l'opinion formulée par le juge McNair dans l'affaire Labattprécédente, l'affaire Brasserie Labatt c. Compagnies Molson, 30 CPR (3d) 293, à la page 298. À la page 231, le juge Heald a rejeté l'argument de l'avocat de Labatt suivant lequel le registraire [TRADUCTION] « doit se limiter à la totalité des éléments de preuve présentés au sujet du moyen à l'égard duquel ces éléments de preuve ont été déposés » et suivant lequel le registraire doit examiner la preuve en fonction de chaque point litigieux et de chaque moyen. Le juge Heald s'est dit d'avis que le registraire a le droit d'examiner l'ensemble de la preuve pour décider si la marque est enregistrable et pour s'assurer qu'il n'y a pas de moyens d'opposition valables.

[63]      Vu ces décisions, il appert que la Commission des oppositions disposait d'éléments de preuve qui la justifiait de conclure que Quo Vadis s'était déchargée du fardeau initial de la preuve, compte tenu de l'ensemble de la preuve et notamment des affidavits et du contre-interrogatoire de Nancy Nephew.

                                            

[64]      Je ne puis me rendre à l'argument de Cullman suivant lequel les nouveaux éléments de preuve qui ont été soumis à la Cour sous forme de définitions du mot « calendrier » modifient sensiblement la conclusion de la Commission des oppositions suivant laquelle l'expression DAY-AT-A-GLANCE n'était pas employée en liaison avec des calendriers. Il ressort à l'évidence de la preuve que les carnets de rendez-vous et les agendas ne sont pas des calendriers dans l'esprit des déposants de Cullman. Les calendriers de Cullman sont soit des calendriers muraux, soit des calendriers mensuels de bureau. Ils ont un format différent de celui des agendas et sont matériellement différents et distincts des agendas. Le fait que les carnets de rendez-vous et les agendas puissent parfois comporter un calendrier ne change rien au fait que ces marchandises sont différentes, comme le confirme le fait que Cullman a demandé l'enregistrement de la marque projetée DAY-AT-A-GLANCE avec de multiples marchandises. Si les calendriers et les agendas (agendas et carnets de rendez-vous) étaient une seule et même marchandise, Cullman n'aurait pas besoin de les différencier lorsqu'elle en demande l'enregistrement.

DISPOSITIF

[65]      Par ces motifs, les quatre appels interjetés par Cullman pour contester les décisions par lesquelles la Commission des oppositions a refusé d'enregistrer les marques projetées DAY-AT-A-GLANCE, WEEK-AT-A-GLANCE, MONTH-AT-A-GLANCE et YEAR-AT-A-GLANCE sont rejetés avec dépens. L'intimée Quo Vadis a droit à ses dépens dans les quatre appels, mais à uniquement une série de dépens en ce qui concerne la préparation de son mémoire et à une série de dépens pour la comparution de son avocat devant notre Cour.

     François Lemieux

    

     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

LE 26 OCTOBRE 2000


Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


            

                                            

Date : 20001026


T-1400-96

T-1401-96

T-1402-96

T-1403-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 26 OCTOBRE 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX


     AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38 et 56 de la

     Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, modifiée,


     ET les appels interjetés des décisions rendues par la

     Commission des oppositions des marques de commerce

     le 12 avril 1996 dans les oppositions formulées par

     Quo Vadis International Ltd./Ltée aux demandes suivantes

     de Cullman Ventures Inc.

     655 583 « YEAR-AT-A-GLANCE » (T-1400-96)

     655 590 « MONTH-AT-A-GLANCE » (T-1403-96)

     655 593 « WEEK-AT-A-GLANCE » (T-1402-96)

     655 595 « DAY-AT-A-GLANCE » (T-1401-960)


E n t r e :

     CULLMAN VENTURES, INC.

     appelante

     - et -


     QUO VADIS INTERNATIONAL LTD./LTÉE

     intimée


     ORDONNANCE

     Les quatre appels interjetés par Cullman pour contester les décisions par lesquelles la Commission des oppositions a refusé d'enregistrer les marques projetées DAY-AT-A-GLANCE, WEEK-AT-A-GLANCE, MONTH-AT-A-GLANCE et YEAR-AT-A-GLANCE sont rejetées avec dépens. L'intimée Quo Vadis a droit à ses dépens dans les quatre appels, mais à uniquement une série de dépens en ce qui concerne la préparation de son mémoire et à une série de dépens pour la comparution de son avocat devant notre Cour.

     François Lemieux

    

     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

LE 26 OCTOBRE 2000


Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


Nos DU GREFFE :              T-1400-96, T-1401-96, T-1402-96, T-1403-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      CULLMAN VENTURES INC. c. QUO VADIS INTERNATIONAL LTD. / LTÉE

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA

DATES DE L'AUDIENCE:      Les 1eret 2 mai 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCEprononcés par le juge Lemieux le 26 octobre 2000



ONT COMPARU :

Mes George Fisk                          pour l'appelante

et J. Zakaib

Mes Stéphane Létrouneau                      pour l'intimée

et Isabelle Jomphe


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon                      pour l'appelante

Ottawa

Fasken Martineau Dumoulin LLP                  pour l'intimée

Montréal

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