Date : 20030812
Dossier : T-1226-03
Référence : 2003 CF 974
ENTRE :
FELIX DENNIS
et
DENNIS PUBLISHING INC.
demandeurs
et
GENEX COMMUNICATIONS INC.
et
6057276 CANADA INC.
défenderesses
Requête de la part de la partie demanderesse visant à obtenir :
A) une ordonnance pour émettre une injonction provisoire, une injonction interlocutoire et une injonction permanente enjoignant les défenderesses, leurs agents, officiers, administrateurs, représentants, employés, licenciés, successeurs et cessionnaires, compagnies apparentées ou rattachées et tous ceux sur qui les défenderesses ont exercé un certain contrôle ou quiconque agissant sous, par, à travers ou avec la direction, le contrôle ou la permission des défenderesses, ou quiconque ayant connaissance de cette ordonnance, en les empêchant, directement ou indirectement, de :
i) enfreindre la marque de commerce canadienne no 509,557 pour la marque de commerce Maxim;
ii) vendre, distribuer ou publiciser les marchandises ou services en association avec toute marque de commerce, nom commercial et/ou nom de domaine qui inclut l'élément Maxim ou de toute marque de commerce et/ou nom commercial créant confusion avec celui-ci en rapport avec des publications imprimées ou en format électronique, incluant mais non limitativement les magazines; et
iii) diriger l'attention du public sur les marchandises, services ou affaires des défenderesses à un point tel qu'il y a ou qu'il risque d'y avoir de la confusion au Canada entre les marchandises, services ou affaires des défenderesses et les marchandises, services ou affaires des demandeurs;
B) une ordonnance condamnant les défenderesses à payer le coût de cette action sur une base avocat-client; et
C) toute autre conclusion que l'honorable juge de cette Cour pourrait estimer juste.
[Articles 80, 359, 364, 373 et 374 des Règles de la Cour fédérale (1998)
et articles 7, 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce]
[1] Il s'agit ici de considérer seulement la requête pour injonction interlocutoire, une injonction provisoire ayant été accordée aux demandeurs pour valoir jusqu'à la date de l'ordonnance supportée par les présents motifs. En matière de violation de marques de commerce, la partie désirant obtenir une injonction interlocutoire doit généralement démontrer :
a) l'existence d'une question sérieuse à juger;
b) que le demandeur subira un préjudice irréparable si l'injonction n'est pas émise; et
c) que la balance des inconvénients favorise la partie demanderesse.
Le défaut de satisfaire à une seule de ces exigences suffit pour entraîner le rejet de la requête (voir RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (C.S.C.)).
[2] C'est le test que j'entends appliquer en l'espèce, ne considérant pas être en présence d'un cas de violation flagrante, par les défenderesses, de la marque de commerce MAXIM des demandeurs.
[3] Après audition des procureurs des parties et révision de la preuve au dossier, je considère que les demandeurs ont établi une apparence de droit suffisante, satisfaisant ainsi à la première des trois exigences. En effet, sur leur site internet, les défenderesses ont annoncé leur intention de débuter la vente de leur magazine, comportant, en titre, le mot MAXIMUM, le ou vers le début du mois d'août 2003. À l'audition devant moi, leur procureur a précisé la date du 15 août 2003. Il appert en outre que les défenderesses entendent utiliser le mot MAXIMUM en association avec un magazine qui s'adresse aux hommes et qu'ils se proposent de vendre au Québec. Vu que le mot MAXIMUM comporte le mot « maxim » , qui est la marque des demandeurs également associée à un magazine s'adressant aux hommes et vendu notamment au Québec, je vois là suffisamment d'éléments, à ce stage, pour me permettre de conclure, en dépit des distinctions plaidées par les défenderesses, que la confusion résultant de l'usage du mot MAXIMUM par les défenderesses constitue une question sérieuse à juger.
[4] Toutefois, les demandeurs ne m'ont pas convaincu qu'ils subiraient, si le remède temporaire demandé ne leur était pas accordé, un préjudice irréparable, c'est-à-dire, un préjudice qui n'est pas susceptible d'être compensé par des dommages-intérêts ou qui peut difficilement l'être. Je suis d'avis que si les demandeurs réussissaient ultimement à obtenir une injonction permanente, ils pourraient être adéquatement compensés par des dommages et intérêts. Ceux-ci pourraient être bien établis à l'aide des comptes détaillés que les défenderesses, par leurs procureurs, se sont engagés à tenir en regard des ventes de leur magazine MAXIMUM. Aucun élément de preuve sérieux ne fait ombrage à l'intégrité des défenderesses, pas plus qu'à leur capacité de payer semblables dommages-intérêts.
[5] Quant à la perte d'achalandage pouvant résulter d'une confusion finalement reconnue, il est établi qu'elle peut bien être compensée par des dommages-intérêts. En effet, dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Centre Ice Ltd. v. National Hockey League (F.C.A.)[1994] F.C.J. no 68 au paragraphe 9, M. Le juge Heald a énoncé ce qui suit :
On the evidence adduced herein, the learned Motions Judge found that the Appellants' use of the trade name "Center Ice" was confusing to the public. In my view, this conclusion was reasonably open to him on this record. He then went on to state:
As well, there is evidence, that this confusion has resulted in members of public being discontent to find out that the plaintiff does not carry the products advertised by the defendants. Thus, it can reasonably be concluded that to allow the defendants to continue using the trade name "Center Ice" will result in confusion between the litigants' products and a loss of goodwill which the plaintiff cannot be compensated for in damages.
...
I am unable to agree that a finding of confusion between competing products necessarily leads to a loss of goodwill for which the plaintiff cannot be compensated in damages. A similar issue was considered by the Alberta Court of Appeal in Petro-Canada Inc. V. Good Neighbor Fast Food Stores Ltd. Kerans J.A. speaking for the Court said:
The suit here sounds in passing off, and the first category of harm alleged is diminution of goodwill as a result of confusion of names in the minds of reasonable persons. There is evidence in the material presented by the applicant to indicate that it is reasonable for him to allege the existence of confusion. That kind of confusion, as we have said in other suits, leads to loss of "name" goodwill the loss of which in the normal course is a kind of damage which, when suffered by a commercial firm in the ordinary course, is fairly readily calculable and therefore can be fairly compensated for in damages.
(J'ai souligné)
[6] Enfin, la dépréciation alléguée de la marque MAXIM, résultant de l'utilisation qu'entend faire les défenderesses du mot MAXIMUM, est purement spéculative. Aucun exemplaire du magazine des défenderesses n'a encore été mis en vente et rien dans la preuve, par ailleurs, ne permet d'envisager sérieusement l'hypothèse soulevée par les demandeurs voulant que les éditeurs du magazine MAXIMUM publient du contenu vulgaire et obscène. Or, il est bien établi que le dommage allégué irréparable, en semblable matière, ne peut pas être purement spéculatif. En concluant de la sorte, je ne dis pas que l'absence de mise en marché de produits comportant une marque de commerce qu'on allègue contrevenante constitue en soit une fin de non recevoir à toute demande d'injonction interlocutoire par qui se croit lésé. Cela ne serait sûrement pas le cas, par exemple, lorsqu'il y a violation flagrante d'une marque de commerce ou lorsqu'une incapacité de l'utilisateur de cette marque de payer des dommages-intérêts est sérieusement établie. Il est indéniable, toutefois, que l'absence d'un produit complet et réel à examiner, comme dans le présent cas, rend la tâche de qui doit prouver un préjudice irréparable beaucoup plus difficile.
[7] Ainsi, les demandeurs ayant fait défaut de prouver le préjudice irréparable requis, le remède temporaire que constitue l'injonction interlocutoire demandée ne peut être accordé.
[8] En conséquence, la requête est rejetée.
[9] Les demandeurs ayant rencontré l'exigence d'établir une apparence de droit suffisante, il n'y aura cependant pas d'adjudication immédiate des dépens, ceux-ci devant suivre l'issue de la cause principale.
juge
Montréal (Québec)
Le 12 août 2003
COUR FÉDÉRALE
Date : 20030812
Dossier : T-1226-03
Entre :
FELIX DENNIS
et
DENNIS PUBLISHING INC.
demandeurs
et
GENEX COMMUNICATIONS INC.
et
6057276 CANADA INC.
défenderesses
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1226-03
INTITULÉ : FELIX DENNIS
et
DENNIS PUBLISHING INC.
demandeurs
et
GENEX COMMUNICATIONS INC.
et
6057276 CANADA INC.
défenderesses
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 11 août 2003
MOTIFSDE L'ORDONNANCE : L'HONORABLE JUGE PINARD
DATE DES MOTIFS : Le 12 août 2003
COMPARUTIONS:
Me Mario Welsh POUR LES DEMANDEURS
Me Andrea Rush
Me Louis Duquet POUR LES DÉFENDERESSES
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Heenan Blaikie Aubut POUR LES DEMANDEURS
Québec (Québec)
O'Brien, avocats POUR LES DÉFENDERESSES
Québec (Québec)