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Date :    20050408

Dossier :    IMM-3932-04

Référence :    2005 CF 472

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2005

Présent :          Monsieur le juge Blanchard

ENTRE :

                                                            NKUM-ILUB IPALA

                                                                                                                         partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                           partie défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Le 31 mars 2004, une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (la Commission) est rendue par le commissaire Jean-Marie Chastenay qui conclut que le demandeur n'a ni la qualité de réfugié ni la qualité de personne à protéger. La présente porte sur le contrôle judiciaire de cette décision aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la LIPR).


[2]                À titre de redressement, le demandeur réclame que cette Cour accueille la demande de contrôle judiciaire, infirme la décision du tribunal et renvoie le dossier devant la Commission.

CONTEXTE FACTUEL

[3]                Le demandeur allègue être un citoyen de la République démocratique du Congo et membre de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). À ce titre, il dit avoir participé à une manifestation visant à contester la façon d'agir du gouvernement de Laurent Désiré Kabila. Il est arrêté dans la nuit du 7 au 8 novembre 1997 et libéré le 28 novembre 1997. Il déclare avoir quitté la République démocratique du Congo le 7 décembre 1997 et être arrivé aux États-Unis le 8 décembre 1997.

[4]                Il réclame l'asile au Canada le 28 juin 2003, demande qui sera refusée par la Commission le 31 mars 2004 au motif qu'il n'a pas déchargé le fardeau d'établir son identité.

[5]                Le 19 novembre 2004, la demande d'autorisation pour introduire une demande de contrôle judiciaire est accordée.

DÉCISION CONTESTÉE

[6]                La Commission conclut que le demandeur n'a ni la qualité de « réfugié » au sens de l'article 96 de la LIPR ni la qualité de « personne à protéger » aux termes du paragraphe 97(1) de la même loi.


[7]                La demande d'asile du demandeur tombe sur la première détermination que doit faire la Commission, soit l'identité. Le demandeur n'a pas produit de documents d'identité acceptables au sens de l'article 106 de la LIPR.

[8]                La Commission se dit d'avis que le demandeur ne s'est pas déchargé de son fardeau de preuve de démontrer qu'il est citoyen de la République démocratique du Congo.

Il se peut que le demandeur soit de la RDC [République Démocratique du Congo]; toutefois, le tribunal ne sait pas d'où il vient, où il a vécu, pendant combien de temps et avec quel statut. Le tribunal ne sait pas si le demandeur est citoyen de la RDC ou citoyen ou résident permanent d'un autre pays. Le tribunal ne sait pas quant [sic] il a quitté son pays, ni son trajet pour venir au Canada.

[9]                Les pièces suivantes sont au nombre des éléments de preuve auxquels la Commission n'accorde aucune valeur probante : permis de conduire, attestation de mariage, attestation de combattant de l'UDPS, carte de membre de l'UDPS, photos, extrait du journal l'Observateur. La Commission dispose également du formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur et de son témoignage.

[10]            La Commission n'accorde aucune valeur probante au permis de conduire, que le demandeur allègue avoir obtenu en 1996, puisqu'elle constate qu'il a en fait été émis le 10 novembre 1997 et délivré le 18 novembre 1997 alors que le demandeur était en prison. La Commission n'accepte pas la prétention du demandeur que ces dates soient erronées.


[11]            De plus, en raison du fait que l'attestation de mariage ne comporte aucun timbre, la Commission note que le demandeur a omis de fournir la procuration qu'il dit avoir donnée à son frère pour contracter son mariage à Kinshasa, en République démocratique du Congo, alors qu'il était aux États-Unis.

[12]            La Commission conclut que le demandeur n'a jamais été membre de l'UDPS puisque l'attestation de combattant est signée par une personne se désignant comme co-Président alors que, selon la preuve documentaire, ce poste n'existe pas, et, parce que la carte de membre ne ressemble pas à la version officielle identifiée dans le Political Handbook 1999. En outre, la Commission juge que le demandeur ignore complètement la structure politique de l'UDPS, ce qui mine sa crédibilité.

[13]            La Commission remarque de plus que les photos du demandeur figurant sur son permis de conduire, sa carte de membre de l'UDPS et l'attestation de combattant de l'UDPS sont identiques, même si la carte de membre date de 1996, le permis de conduire de 1997 et l'attestation de combattant de 1998. Le demandeur n'a pas su fournir une explication sur ce fait, ce qui, selon la Commission, ébranle sa crédibilité.


[14]            Le déclarant comme un document de complaisance, la Commission n'accorde aucune valeur probante à l'avis de recherche se trouvant dans le journal l'Observateur du 5 août 2003. La Commission interroge le demandeur sur la raison d'être de cet avis mentionnant que la famille Ipala recherche son fils, et se dit insatisfaite de sa réponse à l'effet que sa famille rapprochée, soit son père, sa mère, etc., savent où il se trouve mais que sa famille agrandie l'ignore.

[15]            Enfin, la Commission reconnaît que le demandeur a déclaré avoir demandé avec insuccès l'asile aux États-Unis. Elle n'accepte cependant pas son explication qu'il a essuyé ce refus en raison de contradictions attribuables à une mauvaise interprétation, puisqu'elle est contredite par sa réponse à la question 41 de son FRP, à l'effet qu'il avait été mal conseillé par un compatriote congolais. Il s'agit d'un autre élément minant la crédibilité du demandeur aux yeux de la Commission.

[16]            En somme, la Commission déclare que le demandeur n'a pas suppléé à l'absence de documents destinés à établir sa citoyenneté en en obtenant une corroboration indépendante. La Commission note que le demandeur n'a pas son passeport de même que le billet d'avion avec lequel il a voyagé. Ceci, ajouté au manque de documents d'identité, prive la Commission de documents importants et pertinents qui auraient pu corroborer le témoignage du demandeur : Elazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 212, en ligne : QL.

QUESTIONS EN LITIGE


[17]            La question qui se dégage du présent dossier est la suivante : la Commission a-t-elle rendu une décision manifestement déraisonnable en rejetant la demande d'asile du demandeur au motif qu'il n'avait pas établi son identité?

ANALYSE

[18]            La norme de révision applicable à l'appréciation des pièces d'identité par la Commission est le caractère manifestement déraisonnable : Gasparyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 863; Adar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 695, en ligne : QL; Mbabazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1191. Dans le contexte d'un contrôle judiciaire, cette Cour doit faire preuve de déférence à l'égard de l'appréciation, par la Commission, des pièces d'identité et des témoignages des demandeurs d'asile puisqu'elle y est directement confrontée et dispose d'un niveau élevé de compétence dans ce domaine.

[19]            L'article 106 de la LIPR stipule :


106. La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s'agissant de crédibilité, le fait que, n'étant pas muni de papiers d'identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n'a pas pris les mesures voulues pour s'en procurer.

106. The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.



[20]            Le demandeur soumet que la Commission a erré en minant sa crédibilité parce que ce dernier n'a pas su fournir une explication sur le fait que la même photo figure sur trois documents d'identité qui datent de 1996, 1997 et 1998 respectivement.

[21]            À l'audience, la Cour constate qu'il y a eu en effet une explication donnée en ce qui a trait à ces photos. Selon le témoignage du demandeur devant la Commission, « ... il y a des clichés de huit photos, donc on peut utiliser la même carte de photos pour ... pour différents dossiers » .

[22]            J'accepte les prétentions du demandeur sur ce point. La Commission a erré en déclarant qu'il n'y a eu aucune explication donnée sur ce sujet. Toutefois, compte tenu des autres éléments de preuve considérés par la Commission, et traités dans ses motifs, l'erreur n'est pas déterminante.

[23]            Selon le demandeur, la décision de la Commission est largement basée sur l'itinéraire du demandeur avant sa venue au Canada et sur le fait que le demandeur n'a pas déposé en preuve le document de voyage avec lequel il a quitté son pays. Il soutient qu'il existe une preuve de son trajet puisqu'il a déposé le billet d'autobus par lequel il est arrivé au poste de Lacolle pour revendiquer le statut de réfugié.


[24]            Le demandeur prétend également qu'il existe une preuve de son identité, soit son passeport congolais saisi par le « United States Immigration and Naturalization Service » (USINS) aux États-Unis. La Commission aurait pu, selon le demandeur, avoir facilement accès à ce dossier. À ceci le défendeur réplique que cette prétention est une indication supplémentaire du manque de crédibilité du demandeur. Le défendeur souligne que le demandeur mentionne avoir lui-même déposé, devant la Commission, des documents de son dossier de l'USINS afin de prouver son identité, ce qui le porte à questionner pourquoi, dans ces circonstances, le demandeur n'a pas déposé les autres documents?

[25]            Le défendeur souligne que la Commission a, à bon droit, appliqué le principe qui se dégage de la décision du juge Nadon, tel qu'il était alors, dans Elazi, supra, voulant que la Commission peut légitimement exprimer des réserves à l'encontre d'un revendicateur prétendant avoir détruit, perdu ou retourné au passeur le passeport et le billet d'avion utilisés pour venir au Canada.

[17] J'en profite pour ajouter qu'il est tout à fait raisonnable pour la Section du Statut de donner une grande importance au passeport d'un demandeur ainsi qu'à son billet d'avion. Ces documents, à mon avis, sont des documents essentiels pour démontrer l'identité d'un demandeur et son périple pour venir au Canada.[...]

[18] De diminuer l'importance du passeport et du billet d'avion comme documents devant être produits ou d'excuser leurs non-production pour toutes sortes de motifs, ne sert, à mon avis, qu'à encourager tous ceux qui ne pensent qu'à prendre avantage d'un système ayant comme seul but de permettre à de véritables réfugiés de venir au Canada.


[26]            Je suis d'avis que le demandeur se méprend sur l'interprétation qu'il tire du fondement de la décision de la Commission. Cette dernière a fondé sa décision sur le manque de crédibilité du demandeur qui n'a pas prouvé son identité. Elle s'est penchée sur le trajet du demandeur de façon accessoire et, à ce sujet, n'a pas conclu qu'il tentait de la priver de renseignements mais plutôt qu'il n'a pas fourni de preuve suffisante à cet effet. La Commission a spécifié que les documents que le demandeur prétend avoir remis à son passeur auraient pu corroborer son identité.

[27]            Enfin, le demandeur conteste le fait que la Commission n'ait accordé aucune valeur probante à son permis de conduire et à l'attestation de mariage. En ce qui a trait au permis de conduire, le demandeur avance que si la Commission « ne croit pas que le demandeur ait demandé le permis avant de rentrer en prison comme il l'a expliqué, le commissaire peut logiquement croire que le demandeur n'était pas en prison. » Quant à l'attestation de mariage, le demandeur fait valoir que le mariage par procuration existe en République démocratique du Congo et qu'il n'avait aucun intérêt à en inventer un.

[28]            En ce qui a trait au permis de conduire, je constate que les deux dates apparaissant sur le permis, notamment la date « délivrée » du permis, le 10 novembre 1997, et la date du renouvellement, le 13 novembre 1997, sont, selon le demandeur, des erreurs, puisque le permis aurait été émis en 1996. Je suis d'avis, compte tenu du fait qu'il s'agissait de deux dates différentes sur le même document, qu'il n'était pas manifestement déraisonnable de rejeter l'explication du demandeur et, en conséquence, d'accorder aucune valeur probante au permis.


[29]            Il est convenu que le mariage par procuration peut exister en République démocratique du Congo. Comme l'indique la Commission, l'attestation de mariage datée du 25 octobre 2001 ne comporte aucun timbre. Selon la preuve documentaire, ces timbres, depuis 1998, sont affixés aux documents officiels et reflètent les frais juridiques ou administratifs liés à l'obtention de tels documents. Au surplus, le demandeur a omis de fournir la procuration qu'il dit avoir donnée à son frère, un document qui aurait servi à corroborer le mariage. Dans les circonstances, il n'était pas manifestement déraisonnable pour la Commission d'accorder aucune valeur probante à l'attestation de mariage.

[30]            Deux autres pièces d'identité ont également été déposées, soit la carte d'adhésion de l'UDPS ainsi que l'attestation de combattant UDPS. L'authenticité de ces pièces a été attaquée par la Commission. Une lecture attentive de la transcription du témoignage du demandeur à ce sujet démontre qu'il n'a pu expliquer de façon satisfaisante les lacunes identifiées dans ces documents par la Commission.

[31]            J'accepte l'argument du défendeur voulant qu'il est du ressort de la Commission d'évaluer la valeur probante des documents d'identité et qu'en l'espèce le demandeur n'a pas démontré que cette appréciation revêt un caractère manifestement déraisonnable : Aleshkina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 589.


[32]            En outre, la conclusion de la Commission sur la crédibilité du demandeur est également fondée sur son peu de connaissance de l'UDPS et sur les incohérences dans sa preuve. Le demandeur s'est vu accorder la possibilité d'y répondre mais n'a pas su satisfaire la Commission avec ses réponses. Je suis d'avis qu'en l'espèce aucune erreur susceptible de révision n'a été commise par la Commission et que ses conclusions ne sont pas manifestement déraisonnables.

[33]            En dernier lieu, je ne peux conclure que la Commission a erré, tel que le prétend le demandeur, en ne poursuivant pas l'analyse de la demande d'asile. La jurisprudence de cette Cour indique clairement que la revendication d'asile doit être rejetée dès que la Commission détermine que l'identité du demandeur n'est pas prouvée : Najam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 FC 425; Husein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 726, en ligne : QL. Je m'en remets donc aux propos du juge Beaudry dans Najam, supra, pour conclure que la Commission n'a pas erré en ne poussant pas plus loin son analyse.

[14] L'article 106 de la Loi précise sans équivoque que les questions d'identité ont une incidence sur la crédibilité du demandeur. Puisque la norme de contrôle applicable aux affaires où la crédibilité mise en doute est celle de la nature manifestement déraisonnable de la décision de la Commission, il est logique de conclure que la question de savoir si le demandeur possède des documents acceptables établissant son identité ne doit être contrôlée par la Cour que si la Commission est arrivée à une conclusion manifestement déraisonnable.[...]

[...]

[16] La preuve de l'identité du revendicateur est d'une importance cruciale pour sa revendication. Je partage l'avis du défendeur qui affirme que si l'identité du revendicateur n'est pas prouvée, la revendication doit être rejetée; c'est donc dire que la Commission n'a pas besoin de faire une analyse de la preuve concernant d'autres aspects de la revendication.[...] (Je souligne)


CONCLUSION

[34]            En somme, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'a pas pu établir son identité est au coeur de la conclusion tirée au sujet de la crédibilité et, compte tenu des faits et de la preuve au dossier, je suis d'avis qu'elle n'est pas manifestement déraisonnable. Par conséquent, l'intervention de cette Cour, par le biais du contrôle judiciaire, n'est pas de mise. La demande est rejetée.

[35]            Les parties n'ont pas proposé la certification d'une question grave de portée générale telle qu'envisagée à l'article 74(d) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, S.C. 2001 c. 27. Aucune question grave de portée générale ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.


                                                                                                                     « Edmond P. Blanchard »            

                                                                                                                                                      juge                         


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                             

DOSSIER :                                         IMM-3932-04

INTITULÉ :                                        Nkum-Ilub Ipala c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 15 février 2005

MOTIFS[de l'ordonnance ou du jugement] : L'honorable Edmond P. Blanchard

DATE DES MOTIFS :                       le 8 avril 2005

COMPARUTIONS:

Me Eveline Fiset                                                            POUR LE DEMANDEUR

Me Simone Truong                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Eveline Fiset                                                            POUR LE DEMANDEUR

477, rue St-François-Xavier

Bureau 308

Montréal (Québec) H2Y 2T2

514-904-0048 Fax : 514-904-0281

John J. Sims, c.r.                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

514-283-3295 Fax : 514-283-3856


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