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Date : 20190808


Dossier : IMM-5815-18

Référence : 2019 CF 1058

Ottawa (Ontario), le 8 août 2019

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

PRICYLLE LAMBERTINE OTOU NDZANA

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Pricylle Lambertine Otou Ndzana recherche le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui, le 17 octobre 2018, rejetait son appel de la décision négative de la Section de la protection des réfugiés [SPR]. La demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAR est présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

[2]  Pour les raisons qui suivent, cette demande en contrôle judiciaire doit être rejetée.

I.  Les faits

[3]  Madame Otou Ndzana aura quitté son pays de citoyenneté, le Cameroun, en septembre 2008 pour débuter des études post-secondaires en Tunisie. La demanderesse est maintenant âgée de 33 ans. Ayant terminé ses études en commerce en Tunisie, elle a continué sa formation à Winnipeg où, sur visa d’étudiant, elle s’est inscrite à l’École technique et professionnelle de l’Université de St-Boniface. Ses études à Winnipeg auront duré jusqu’en août 2013. Elle a depuis occupé deux emplois à Winnipeg jusqu’en février 2016 alors qu’elle est arrivée à Montréal en février 2016. La demande d’asile a suivi le 2 décembre 2016.

[4]  C’est la situation familiale de la demanderesse qui, en fait, est à la base de sa demande de statut de réfugié et de personne à être protégée (articles 96 et 97 de la Loi). En effet, la demanderesse se dit être née le 8 mai 1986. Dans son fondement de la demande d’asile, la demanderesse épilogue sur le caractère très colérique de son père. Sans jamais donner de date précise, elle déclare que, « en 2003, à 15 ans lorsque j’étais en 4ième année secondaire, on m’a dit que durant la fin de semaine on ferait une cérémonie pour consacrer ce mariage coutumier » (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 1, au dossier certifié du tribunal, p. 163). Il s’agirait d’un mariage au cousin de son père pour lequel la famille de la demanderesse aurait déjà reçu une partie de la dot. Celle-ci n’aurait été que partielle puisque la cérémonie de mariage ne doit avoir lieu que plus tard. Le fondement de la demande d’asile parle plutôt en termes d’avoir été donnée en mariage alors que celui-ci doit être célébré plus tard. C’est à ce moment que la dot serait complétée.

[5]  Une première incongruité, qui ne semble pas avoir été notée ailleurs, apparaît de ce fondement de la demande d’asile. Je ne fais que la noter. En effet, la demanderesse dit être née en 1986 et dit que la cérémonie eut lieu alors qu’elle avait 15 ans. Mais en 2003, l’année de son mariage coutumier, elle serait plutôt âgée de 17 ans. Pourtant, les lettres d’appui des membres de la famille de la demanderesse parlent de celle-ci comme ayant « à peine 15 ans » dans la lettre de la mère de la demanderesse alors que la jeune sœur parle d’une fête en mai 2003.

[6]  À la suite de cette promesse d’être donnée en mariage, la demanderesse déclare avoir été violée dans la nuit qui a suivi. Selon les dires de la demanderesse, la tradition exigeait qu’elle aille passer une nuit dans sa belle-famille, mais la personne à qui elle était promise aurait perpétré le viol.

[7]  Retournée chez ses parents le lendemain, la demanderesse déclare que « mon père essaya de me convaincre que le cousin à qu’il [sic] m’a donné [sic] en mariage ne devra me prendre chez lui que lorsque j’aurai terminé mes études universitaires surtout qu’il n’a donné qu’une partie de la dot. Il me confia même que cet homme était d’accord pour que je fasse des études universitaires puisque lui bien que notable n’avait pas fait d’études» (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 2, au dossier certifié du tribunal, p. 164).

[8]  La demanderesse devait terminer ses études secondaires et elle est allée habiter chez une tante maternelle. Recherchant une inscription dans une université étrangère, elle fut admise dans une université en Tunisie. C’est ainsi qu’en septembre 2008, elle débuta son séjour en Tunisie. Il s’agissait d’études en commerce/comptabilité qu’elle aurait terminées en juillet 2011. C’est de là qu’elle s’est retrouvée à Winnipeg en août 2011. Il est indiqué à son formulaire qu’elle devait commencer à recevoir des messages de son père en 2012 lui demandant de revenir au pays « pour le mariage avec ABANDA » (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 3, au dossier certifié du tribunal, p. 165). Elle déclare que le père se faisant insistant, « (d)e mon côté je commençais à lui refuser son offre de mari» (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 4, au dossier certifié du tribunal, p. 166). La relation avec son père se serait définitivement rompue en 2013.

[9]  On comprend de son narratif que la mère de la demanderesse et sa tante ont financé dans une certaine mesure ses études à l’étranger. On ne sait pas d’où provenaient ces sommes, mais la demanderesse insiste que son père ne lui avait fourni aucune assistance.

[10]  Malgré que la relation ait été rompue, la demanderesse ajoute que « (d)epuis ce mois de juin 2016, mon père me demande de rentrer au pays pour ce mariage. Selon mon père, cette cérémonie de mariage doit se dérouler en décembre de cette année, car cet homme veut désormais terminer sa dot et reprendre sa femme » (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 4, au dossier certifié du tribunal, p. 166). Je note que le timbre indiquant la réception du fondement de la demande d’asile est daté du 2 décembre 2016.

[11]  La demanderesse invoquait comme raison de sa demande d’asile de devoir épouser ce cousin de son père. Elle indique avoir tenté à 5 reprises d’obtenir sa résidence permanente au Canada. Cela aussi est quelque peu étonnant puisque la demande de résidence permanente doit se faire à partir de l’extérieur du pays, à moins que des considérations autres, comme des considérations de nature humanitaire, soient invoquées. Aucune telle indication n’est faite au dossier pas plus d’ailleurs qu’au sujet de cinq demandes qui auraient été faites. De fait, la demanderesse se plaint qu’elle ne comprend pas pourquoi la résidence permanente ne lui a pas été accordée. Elle aurait même écrit au ministre à cet égard.

[12]  Selon le fondement de la demande d’asile, la demanderesse ne sait pas quand elle a quitté son pays (elle indique à la question 2 e) « 2008-09-10»). D’autre part, les incongruités ne s’arrêtent pas là puisque la demanderesse se dit être arrivée à Montréal en février 2016, alors qu’elle donne comme adresse entre février 2016 et juillet 2016 la ville de Toronto.

II.  La décision de la Section d’appel des réfugiés

[13]  La demande faite a été rejetée par la SPR. Mais le contrôle judiciaire ne peut être demandé que de la décision de la Section d’appel des réfugiés qui a confirmé la décision de la SPR et a aussi rejeté la demande d’asile de la demanderesse. On doit donc se concentrer sur cette dernière décision. Essentiellement, la demande est rejetée par la SAR parce que l’appelante n’était pas crédible. Aucun nouvel élément de preuve n’a été présenté à la SAR et il n’y avait pas lieu de tenir une audience. La SAR a noté la présentation tardive d’une demande d’asile faite en décembre 2016 alors que la demanderesse se trouvait au pays depuis août 2011. Pour la SAR, il ne s’agit pas d’un élément déterminant, mais il ne va pas être ignoré car il a son importance.

[14]  Pour ce qui est de tenter d’obtenir de l’aide dans son pays de nationalité, un facteur qui aurait pu être considéré dans l’ensemble de la preuve, la SAR a noté le comportement violent du père de la demanderesse qui, selon la SAR, n’a pas été tenu en compte suffisamment de la part de la SPR. La SPR aurait dû tenir compte davantage du contexte social au Cameroun. Cependant, au final, cela n’aura pas été suffisant selon la SAR pour renverser les autres éléments à être mis dans la balance pour déterminer si la demande d’asile devrait être accueillie.

[15]  La crédibilité de la demanderesse a été sérieusement entachée lorsqu’elle a allégué qu’elle serait détenue à l’aéroport si elle devait retourner dans son pays d’origine. Alors qu’elle prétend que des documents auraient été signés lors de l’assemblée publique de son « mariage », ce qui pourrait tenter de justifier une intervention à l’aéroport, aucun tel document corroborant la cérémonie de promesse de mariage n’a été produit. On ne sait trop comment les autorités sauraient au sujet du mariage à venir et pourquoi ils interviendraient. Le cartable national de documentation sur le Cameroun ne contient aucune indication justifiant une telle prétention. De fait, le seul élément pertinent à cet aspect de l’affaire est l’article 356 du Code pénal du Cameroun (n° 67/LF/1) qui interdit le mariage forcé et le rend punissable d’un emprisonnement allant de 5 à 10 ans. Cela rend improbable que les autorités au Cameroun interceptent la demanderesse pour la livrer au mariage forcé interdit au Code pénal. Pour la SAR, cette allégation de mariage forcé est au centre de la demande d’asile et, à ce titre, la crédibilité de la demanderesse relativement à une intervention non plausible en aura été grandement affectée.

[16]  La SAR en est aussi venue à la conclusion que les femmes majeures, c’est-à-dire celles de 18 ans et plus, qui ont une bonne situation économique ou qui ont réussi des études avancées, connaissent leurs droits, sont indépendantes et ont donc l’opportunité de choisir leur époux.  Quoique cette évolution ne s’applique pas de façon absolue et qu’il y a des femmes scolarisées qui peuvent être victimes de mariage forcé, la SAR constate plutôt que la règle générale sera que ces femmes ont acquis les compétences nécessaires pour survivre sans se soumettre à ce genre d’abus. Pour la SAR, « le thème dominant de la preuve objective est que les femmes scolarisées âgées de 18 ans et plus ne peuvent être soumises à un mariage forcé» (décision de la SAR, para 22). La conclusion à cet égard se trouve au paragraphe 24 où on indique que « cette preuve montre qu’une femme ayant le profil de l’appelante, c’est-à-dire une femme de plus de 30 ans qui a fait 5 ans d’études post-secondaires, peut s’opposer à un mariage forcé, et que le mariage forcé est maintenant une infraction criminelle au Cameroun».

[17]  La question du soutien financier que la demanderesse aurait reçu de sa famille reste elle aussi nébuleuse. En effet, la demanderesse a indiqué avoir reçu 12 000 $ dans sa demande de visa d’étudiant, mais la source de cette somme n’a pas été établie clairement. Il semble que le père de la demanderesse n’ait pas contribué, et sa mère aurait difficilement pu amasser une telle somme. Mais même là, il aurait pu y avoir une certaine contribution du père puisque la demanderesse aurait déclaré être indépendante financièrement au Canada, mais n’aurait reçu de son père que 500 $ durant son premier semestre au Canada. Cela aura fait dire à la SAR que les explications données au sujet de la contribution financière de sa famille étaient contradictoires et incohérentes. Par ailleurs, une telle question n’était pas déterminante aux dires de la SAR.

[18]  L’élément probablement le plus déterminant est relatif à l’existence d’une personne à qui la demanderesse aurait été promise en mariage. Pour la SAR, il n’existe aucune preuve documentaire objective et indépendante confirmant l’existence de cette personne. De fait, l’appelante a prétendu à l’existence d’un document signé par le Chef du village et d’autres « personnes haut placées » qui auraient été présentes à l’assemblée publique. Cet élément de preuve n’a jamais été produit. On ne connaît même pas la date précise de cette cérémonie. Cette absence « de tout élément de preuve indépendant [sic] objectif ou documentaire relativement au prétendu mariage de l’appelante et prétendu époux va au cœur de la demande d’asile et est une question déterminante » (décision de la SAR, para 34).

[19]  Il y eut un rapport psychologique fait à la demande de l’avocate d’alors de la demanderesse. On prétend que le rapport psychologique a été minimisé et qu’on en a nié l’importance. La SAR note que le rapport psychologique reprend essentiellement des allégations présentées dans le fondement de la demande d’asile, sans plus. On y note que la demanderesse présente des symptômes d’anxiété aigüe et de grave dépression. Par ailleurs, on constate qu’il existe d’autres agents stressants récents, dont le fait que la demanderesse n’a pas obtenu sa résidence permanente au Canada et souffre d’une santé chancelante. D’accord avec la SPR, la SAR voit dans ce rapport peu de valeur probante qui pourrait permettre d’établir la véracité des allégations de la demanderesse.

[20]  On retrouve au dossier trois lettres : une qui provient de la mère de la demanderesse, une qui proviendrait du frère et une qui proviendrait de la jeune sœur qui réside à Chicago. Contrairement à l’allégation qui avait été faite que ces documents n’avaient pas été considérés par la SPR, la SAR voit plutôt dans les motifs de la SPR la preuve que ces éléments ont été considérés et qu’ils n’ont donc pas été écartés de façon arbitraire.

[21]  La SAR a donc conclu que la Section de la protection des réfugiés avait décidé correctement de la demande faite. On lit au paragraphe 45 de la décision de la SAR ce qui suit :

[45]  […] J’estime en outre que la SPR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelante n’était pas crédible quant à des aspects fondamentaux de sa demande d’asile, plus particulièrement les suivants : l’existence de son prétendu époux, le fait qu’elle serait gardée en détention à son retour au Cameroun, et le fait que, en tant que femme instruite de plus de 30 ans, elle serait obligée de respecter le mariage coutumier qu’elle avait contracté à l’âge de 15 ans.  Je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle est exposée à une possibilité sérieuse de persécution au Cameroun ou, selon la prépondérance des probabilités, à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d’être soumise à la torture.

III.  Norme de contrôle et analyse

[22]  Il n’est pas contesté que la norme de contrôle en l’espèce est celle de la décision raisonnable (Aguebor c Le ministre de l’emploi et de l’immigration, 1993, 160 NR 315 (CAF), au para 4; Mavangou c Citoyenneté et Immigration, 2019 CF 177, au para 1; Arafa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 6, au para 28; David c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 755, au para 9).

[23]  La proposition de la demanderesse que la décision sous étude n’est pas raisonnable repose sur trois erreurs alléguées qui constitueraient des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive et sans tenir compte de la preuve. Les trois propositions dites défectueuses sont relatives à :

  • l’existence de son époux;

  • la preuve documentaire relative au mariage forcé pour les femmes ayant fait des études;

  • sa crainte d’être arrêtée à l’aéroport.

[24]  En ce qui a trait aux femmes éduquées qui peuvent être forcées de donner suite à une promesse en mariage, la demanderesse soumet que le tribunal administratif ne pouvait pas ignorer la preuve qu’il pouvait arriver que des femmes scolarisées puissent elles aussi être victimes de mariage forcé. Mais cette exception ne constitue qu’une possibilité sans qu’elle ne soit la règle. D’ailleurs, la SAR avait reconnu qu’il peut y avoir des exceptions. Cependant, rien ne permettrait de croire que la demanderesse pourrait être une de ces personnes.

[25]  Quoi qu’il en soit, ce qui est frappant est que la demanderesse, de par le narratif du fondement de la demande d’asile, ne considérait pas être effectivement mariée à cette personne puisqu’elle indique que son père et ce cousin « pourront changer d’avis pour leur projet de mariage » (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 3, au dossier certifié du tribunal, p. 165). Elle ajoute que « (p)lus les jours avançaient, plus mon père, insistait à propos de ce mariage. De mon côté, je commençais à lui refuser son offre de mari » (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 4, au dossier certifié du tribunal, p. 166). Plus loin encore, on lit que « (d)epuis ce mois de juin 2016, mon père me demande de rentrer au pays pour ce mariage. Selon mon père, cette cérémonie de mariage doit se dérouler en décembre de cette année, car cet homme veut désormais terminer sa dot et reprendre sa femme […]. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles jamais je ne veux être l’épouse de cet homme» (narratif du fondement de la demande d’asile, p. 4, au dossier certifié du tribunal, p. 166). Autrement dit, la demanderesse serait au mieux promise à cet homme, mais elle n’est pas mariée. La preuve ne soutient donc pas l’allégation qu’elle est liée par mariage coutumier ou que la demanderesse se considère tenue à cette promesse. Et, chose claire, elle ne veut pas le marier. On ne sait pas comment, sur la base du dossier, elle pourrait y être forcée.

[26]  Au moment où la demande d’asile a été faite en décembre 2016, la demanderesse était déjà âgée de 30 ans et avait quitté le Cameroun depuis plusieurs années (même si la demanderesse ne peut préciser quand). Ainsi, on peut difficilement critiquer la SAR de voir dans la preuve documentaire selon laquelle les femmes scolarisées au Cameroun ne se voient plus forcées de marier des personnes à cause de la pression paternelle exercée. La demanderesse n’est peut-être pas d’accord avec la conclusion tirée, mais celle-ci repose sur de la preuve solide présentée à la SPR et considérée par la SAR. Si la demanderesse a été promise alors qu’elle avait 15 ans ou 17 ans, il est clair qu’elle ne se considère pas mariée. La preuve documentaire confirme que les femmes éduquées ne se sentent plus contraintes par la pression paternelle, ou même familiale. On voit mal où se trouverait l’absence de décision raisonnable.

[27]  La crainte d’une arrestation si la demanderesse devait retourner dans son pays n’est pas davantage persuasive. En effet, cette crainte d’une arrestation dès l’arrivée à l’aéroport n’est supportée par aucune preuve. De fait, la SAR n’a pas tort de noter que de forcer quelqu’un en mariage constitue maintenant une infraction au Cameroun et, comme indiqué plus haut, on voit mal comment et pourquoi les autorités intercepteraient quelqu’un à son arrivée au pays parce que due en mariage. Pour toute contrepartie, la demanderesse cherche à renverser le fardeau de la preuve en indiquant qu’il n’y a pas de preuve démontrant que cette loi est effectivement mise en œuvre au Cameroun. On ne saurait retenir une telle allégation sans qu’elle soit appuyée d’une quelconque preuve. Les spéculations n’ont pas de valeur probante. Or, tel n’est pas le cas. Quant à une crainte provenant de la pression paternelle, même celle d’un père qu’on dit violent, cela a déjà fait l’objet des commentaires généraux sur la connaissance de ses droits que les femmes camerounaises éduquées ont maintenant et exercent. On peut même suggérer que la demanderesse en est la preuve ayant été hors de son pays de nationalité durant toute sa vie adulte. Encore ici, la preuve de l’absence de raisonnabilité n’a pas été faite.

[28]  Finalement, la demanderesse est confrontée à la conclusion qu’il n’est pas établi qu’il y a eu promesse de mariage et d’existence d’un époux. Il faut bien noter qu’à l’égard de ce qui est au cœur de cette demande d’asile est un événement au sujet duquel nous en savons très peu. En cette matière, la demanderesse s’en remet aux attestations des membres de sa famille. Un examen de ces trois attestations ne permet pas de conclure qu’il y a confirmation d’un mariage que la demanderesse elle-même indique ne pas avoir eu lieu. Qui plus est, la lecture de ces écrits ne révèle pas plus de détails à l’égard de la cérémonie qui aurait eu lieu en 2003, mais dont on ne connaît ni la date, ni les tenants et aboutissants. Le récit à cet égard est loin d’être granulaire. Cette seule déficience manifeste rendait les allégations de la demanderesse très douteuses. La Cour ne peut voir en quoi la conclusion à l’égard de cette promesse de mariage pourrait être qualifiée de déraisonnable.

[29]  Au mieux, on pourrait dire que la demanderesse est en désaccord avec les conclusions qui ont été tirées par la SAR. Mais cela ne constitue pas la démonstration du caractère déraisonnable de la décision rendue. Étant donné l’absence de preuve offerte par la demanderesse, tant au sujet de la promesse en mariage à quelqu’un dont on sait très peu que de sa crainte d’être arrêtée à l’aéroport alors même qu’elle prétend qu’il n’y a aucune preuve d’un mariage promis et qu’elle a elle-même indiqué dans son formulaire de demande d’asile qu’elle n’était pas mariée, la Cour ne peut que constater que la décision de la SAR était raisonnable. Il s’ensuit que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Il n’y a pas de question grave de portée générale qui doive être certifiée. Tant les parties que la Cour en conviennent.

 


JUGEMENT au dossier IMM-5815-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

imm-5815-18

INTITULÉ :

PRICYLLE LAMBERTINE OTOU NDZANA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 JUIN 2019

JUGEMENT ET motifs :

LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

LE 8 août 2019

COMPARUTIONS :

Stéphanie Valois

Pour lA PARTIE DEMANDERESSE

 

Éloïse Eysseric

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocate

Montréal (Québec)

Pour la partie demanderesse

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour la partie défenderesse

 

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