Date : 20040406
Dossier : T-1427-03
Référence : 2004 CF 530
Toronto (Ontario), le 6 avril 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN
ENTRE :
DARLENE COWTON
demanderesse
et
DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
Contexte
[1] La demanderesse est devenue invalide par suite d'un accident de travail. Elle reçoit donc des prestations d'invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (RPC), depuis 1987. En juin 2002, elle a également commencé à recevoir des prestations de cotisant invalide pour le compte de sa petite-fille, Mekayla Cowton. La fille majeure de la demanderesse, Rilene Cowton, a mis au monde Mekayla le 21 mars 1996. La demanderesse a la garde physique de Mekayla depuis sa naissance. Le 18 septembre 1996, par ordonnance judiciaire, elle a obtenu également la garde partagée de Mekayla avec sa fille.
[2] La demanderesse prétend avoir communiqué pour la première fois avec Développement des ressources humaines Canada (DRHC) en 1996 afin de se renseigner quant à savoir si elle avait droit à des prestations pour sa petite-fille. Elle prétend avoir reçu à la même époque un formulaire de demande à cette fin. Alors qu'elle remplissait la demande, elle aurait encore une fois communiqué avec DRHC pour obtenir des éclaircissements quant à son statut relativement à sa petite-fille. Elle soutient qu'un employé de DRHC l'aurait alors informée qu'en tant que grand-mère, elle n'avait pas droit à des prestations pour Mekayla.
[3] Au début de 2003, la demanderesse a communiqué encore une fois avec DRHC et elle a été informée qu'elle avait droit à des prestations pour Mekayla. Elle a également été informée qu'elle devrait demander le versement rétroactif de prestations au motif qu'elle avait reçu un avis erroné en 1996. La demanderesse a suivi ce conseil et a déposé une demande accompagnée d'une note explicative, qui a été reçue par DRHC le 15 mai 2003.
[4] Dans un avis de droit aux prestations daté du 6 juin 2003, DRHC a informé la demanderesse que des prestations lui seraient versées à partir de juin 2002, c'est-à-dire à compter du 11e mois précédant la date de réception de sa demande. Ces prestations ont été accordées en application du paragraphe 74(2) du RPC.
[5] Un examen de la preuve du défendeur indique que, bien qu'ils aient été consignés au dossier, les actes accomplis relativement à la demanderesse le 5 janvier 1996 et le 26 février 1996 avaient trait à d'autres questions.
[6] L'affidavit de l'agente de révision indique que l'unité des demandes de renseignements téléphoniques de DRHC inscrit normalement une note au dossier relativement aux appels qu'elle reçoit et aux formulaires de demande qu'elle fait parvenir aux clients. Il n'y a rien au dossier de la demanderesse relativement à des demandes de prestations pour sa petite-fille et il n'y a rien non plus à son dossier indiquant qu'un formulaire de demande lui a été envoyé en 1996.
[7] Le 27 juin 2003, la demanderesse a été informée par écrit que son allégation avait fait l'objet d'un examen approfondi et qu'il avait été décidé qu'elle n'avait pas reçu d'avis erroné d'un fonctionnaire de DRHC.
[8] Le 6 août 2003, la demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agente.
Questions en litige
1) Quelle est la norme de contrôle applicable?
2) Le défendeur a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il a rejeté la demande de la demanderesse?
Dispositions législatives applicables
Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8
66. (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu'un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l'application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas_:
a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,
b) le partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension en application de l'article 55 ou 55.1,
c) la cession d'une pension de retraite conformément à l'article 65.1,
le ministre prend les mesures correctives qu'il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l'autorité de la présente loi s'il n'y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.
74. Une demande de prestation d'enfant de cotisant invalide ou une demande de prestation d'orphelin peut être faite, pour le compte d'un enfant de cotisant invalide ou pour celui d'un orphelin, par cet enfant ou par cet orphelin, ou par toute autre personne ou tout autre organisme à qui la prestation serait, si la demande était approuvée, payable selon la présente partie.
Question 1
[9] Dans la décision Kissoon c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2004] A.C.F. no 69, au paragraphe 4, la juge Snider a conclu :
La décision du ministre au titre du paragraphe 66(4) du RPC est discrétionnaire. L'obligation du ministre de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées n'intervient que dans le cas où il est convaincu qu'un avis erroné a été donné ou qu'une erreur administrative a été commise. L'obligation de prendre des mesures correctives est conditionnelle. Elle ne limite donc pas le pouvoir discrétionnaire du ministre de déterminer tout d'abord s'il est convaincu qu'une erreur a été commise (Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2). Compte tenu de la nature discrétionnaire de la décision du ministre, la norme de contrôle applicable est la décision manifestement déraisonnable (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, à la page 24). Cela signifie que la décision du ministre ne devrait être annulée que si elle a été « prise arbitrairement ou de mauvaise foi, qu'elle n'est pas étayée par la preuve ou que [le] ministre a omis de tenir compte des facteurs pertinents » (Suresh, précité).
[10] Je suis entièrement d'accord avec la juge Snider et je vais donc appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable en l'espèce.
Question 2
[11] La demanderesse soutient que les inscriptions au dossier faites par DRHC relativement à ses communications avec des clients ne sont ni complètes ni fiables et ne devraient pas être jugées déterminantes quant à la demande en l'espèce. Elle souligne que l'impression de l'écran W1, qui est jointe comme pièce G au dossier du défendeur, ne fait pas mention des demandes qu'elle a faites en 1996 relativement à ses droits. Elle ajoute que le dossier n'indique pas non plus qu'une demande lui a été envoyée en 1996 et en 2003. Les seules conversations dont il est fait mention au dossier sont celles entre l'agente et la demanderesse relativement à la deuxième demande et au versement rétroactif de prestations.
[12] La demanderesse a également produit une demande de 1996 partiellement remplie pour établir qu'elle était en train de préparer sa demande à cette époque, mais qu'elle s'était arrêtée lorsqu'elle avait reçu le présumé avis erroné d'un employé de DRHC.
[13] Les dossiers informatisés de 1996 montrent que la demanderesse a communiqué avec DRHC à cette époque, mais ne font pas mention de la demande qu'elle aurait faite pour sa petite-fille. Il n'y a rien dans les dossiers informatisés pour la période de 1996 à 2000.
[14] Le formulaire de demande utilisé en 1996 est le même que celui utilisé aujourd'hui. En conséquence, le fait que la demanderesse soit en possession d'un formulaire partiellement rempli n'établit pas à quel moment les renseignements qui y figurent ont été inscrits.
[15] Personne à DRHC n'a d'intérêt personnel quant à l'issue de la demande de la demanderesse. Personne n'était donc incité à modifier les dossiers. De plus, mis à part l'allégation de la demanderesse, il n'y aucune preuve indiquant que certaines communications n'ont pas été consignées au dossier.
[16] Vu (1) que rien dans les dossiers de DRHC ne prouve que des demandes aient été faites en 1996 relativement au droit à des prestations pour la petite-fille de la demanderesse, et encore moins qu'un avis erroné ait été donné, et (2) qu'il n'y a aucune preuve de mauvaise foi, d'exercice irrégulier d'un pouvoir discrétionnaire, de prise en compte de considérations non pertinentes ou de non-prise en compte d'éléments de preuve pertinents, il n'était pas déraisonnable pour le défendeur de rejeter la demande de la demanderesse.
[17] En conséquence, j'estime que le défendeur n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle.
Conclusion
[18] Pour ces motifs, la présente demande sera rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée. Il n'y aura pas d'ordonnance quant aux dépens.
« K. von Finckenstein »
Juge
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1427-03
INTITULÉ : DARLENE COWTON
c.
DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 5 AVRIL 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE von FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 6 AVRIL 2004
COMPARUTIONS :
Darlene Cowton POUR LA DEMANDERESSE,
POUR SON PROPRE COMPTE
Rose Gabrielle Birba POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Darlene Cowton POUR LA DEMANDERESSE,
Caledon Est (Ontario) POUR SON PROPRE COMPTE
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
COUR FÉDÉRALE
Date : 20040406
Dossier : T-1427-03
ENTRE :
DARLENE COWTON
demanderesse
et
DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE