Date : 20190806
Dossier : IMM-6417-18
Référence : 2019 CF 1038
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 6 août 2019
En présence de monsieur le juge Annis
ENTRE :
|
OSMAN MOHAMMED
|
demandeur
|
et
|
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
défendeur
|
JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [la Loi], qui vise à faire annuler la décision rendue le 29 octobre 2018 [la décision] par la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, laquelle confirmait la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de rejeter la demande d’asile du demandeur.
[2]
Le demandeur est un citoyen du Ghana. Il s’est représenté lui-même devant la SPR, parce que son conseil aurait fait défaut de comparaître. Il a demandé que l’audience soit ajournée, mais l’ajournement ne lui a pas été accordé en raison de ses réponses aux questions de la SPR, et sa demande d’asile a été rejetée pour des motifs liés à la crédibilité et à la protection de l’État. Le demandeur a interjeté appel devant la SAR en alléguant une atteinte à son droit à l’assistance d’un conseil et à un procès équitable, tentant par la même occasion d’introduire en preuve son propre témoignage par affidavit ainsi qu’une lettre de l’Aide juridique.
[3]
La SAR a confirmé la décision de la SPR en rejetant l’argument du demandeur selon lequel il y avait eu violation de son droit à l’assistance d’un conseil et en approuvant les nombreuses conclusions formulées contre lui en matière de crédibilité, de même que la conclusion selon laquelle il n’avait pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État. La SAR a rejeté les nouveaux éléments de preuve, puisqu’ils ne répondaient ni aux exigences du paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, ni aux facteurs énoncés dans l’arrêt Raza. Les nouveaux éléments de preuve constituaient en fait des réponses que le demandeur aurait dû fournir pendant ou après l’audience devant la SPR et qui, de toute façon, étaient incompatibles avec ses réponses aux questions de la SPR.
[4]
Le demandeur a soutenu qu’il n’avait pas eu droit à une audience équitable, parce que son conseil ne s’était pas présenté à l’audience sur sa demande d’asile et que la SPR avait rejeté sa demande d’ajournement. Il a cependant renoncé à sa prétention à l’audience, en reconnaissant qu’aucune responsabilité ne pouvait être attribuée au conseil pour son absence. Les autres questions en litige devaient par conséquent être examinées au regard de la norme de la décision raisonnable, selon laquelle la Cour n’intervient que si la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit »
(Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2000 CSC 9, par. 47).
[5]
Le demandeur a également soutenu que le refus de sa demande d’ajournement était déraisonnable, parce que la SPR avait omis de prendre en compte les facteurs énoncés dans l’arrêt Siloch c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 10, 151 NR 76 [Siloch]. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale affirmait ceci, aux paragraphes 3 et 4 (je souligne) :
Il est reconnu qu’en l’absence de règles précises établies par loi ou règlement, les tribunaux administratifs fixent leur propre procédure, et que l’ajournement d’une procédure relève [largement] de leur pouvoir discrétionnaire, à la condition qu’ils respectent les règles de l’équité et, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, à condition qu’ils respectent les règles de justice naturelle (Prassad c. Canada (MEI), [1989] 1 R.C.S. 560, à la p. 569, le juge Sopinka).
Dans les affaires d’immigration, il existe une règle qui est énoncée dans le Règlement sur l’immigration, laquelle est ainsi libellée :
35(1) L’arbitre qui préside l’enquête peut l’ajourner à tout moment si l’ajournement n’entravera pas le déroulement de l’enquête ni ne la retardera indûment.
Il est également reconnu que, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’accorder un ajournement en vertu du paragraphe 35(1) du Règlement, l’arbitre doit tenir compte de facteurs comme ceux-ci :
a) la question de savoir si la requérante a fait son possible pour être représentée par un avocat;
b) le nombre d’ajournements déjà accordés;
c) le délai pour lequel l’ajournement est demandé;
d) l’effet de l’ajournement sur le système d’immigration;
e) la question de savoir si l’ajournement retarde, empêche ou paralyse indûment la conduite de l’enquête;
f) la faute ou le blâme à imputer à la requérante du fait qu’elle n’est pas prête;
g) la question de savoir si des ajournements ont déjà été accordés péremptoirement;
h) tout autre facteur pertinent.
[6]
Il est à noter que, récemment, dans l’arrêt Montana c Canada (Revenu national), 2017 CAF 194, par. 8, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’argument selon lequel les facteurs énoncés dans l’arrêt Siloch doivent être examinés chaque fois qu’une partie demande un ajournement, affirmant que ceux-ci constituent plutôt une liste non exhaustive de types de facteurs auxquels peut se reporter le juge appelé à trancher une affaire, selon les faits en cause.
[7]
De plus, il importe de noter que les règles sur le changement de date et d’heure d’une procédure ont été révisées de façon radicale depuis l’arrêt Siloch. L’exercice du pouvoir discrétionnaire a été considérablement circonscrit et les délais pour obtenir une ordonnance modifiant la date ou l’heure de la procédure sont dorénavant très serrés, ainsi que le prévoit l’article 54 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 [les Règles] :
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
[8]
Dans une décision rendue oralement à l’audience, le commissaire de la SPR a fait remarquer que les explications données par le demandeur au sujet du défaut de comparaître de son conseil étaient contradictoires : [traduction] « Votre récit ne cesse de changer et je ne crois donc pas ce que vous dites au sujet de vos efforts pour retenir les services d’un conseil pour aujourd’hui »
. Le commissaire de la SPR a aussi fait remarquer que le demandeur n’avait d’aucune façon suivi les Règles pour faire changer la date d’audience, comme il est décrit ci-dessus, et qu’il n’avait pas fait preuve de diligence pour retenir, dès que possible, les services d’un conseil avant le jour de l’audience. En outre, le commissaire de la SPR a insisté sur le fait que la Commission est chargée d’entendre un grand nombre d’audiences sur les demandes d’asile et que le demandeur n’avait fourni aucune raison valable pour annuler l’audience prévue. Donc, compte tenu de ce qui précède, la déférence s’impose et il n’appartient pas à la Cour d’intervenir à l’égard de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du commissaire de refuser d’accorder l’ajournement en appliquant les Règles.
[9]
Le demandeur n’a soulevé aucune autre question susceptible d’avoir une incidence en l’espèce, vu l’abandon de la question concernant l’équité procédurale. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée et aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.
JUGEMENT dans le dossier IMM-6417-18
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.
« Peter Annis »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 13e jour d’août 2019
Maxime Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-6417-18
|
INTITULÉ :
|
OSMAN MOHAMMED c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
|
LIEU DE L’AUDIENCE :
|
TORONTO (ONTARIO)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
Le 8 juillet 2019
|
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
|
Le juge ANNIS
|
DATE DES MOTIFS :
|
Le 6 août 2019
|
COMPARUTIONS :
Xian Chen An
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Nicholas Dodokin
|
POUR LE DÉFENDEUR
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Dov Maierovitz
Avocat
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
|
POUR LE DÉFENDEUR
|