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Date : 19991203


Dossier : IMM-3957-98


Ottawa (Ontario), le 3 décembre 1999

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE MULDOON


ENTRE :


MIKHAEL NARODITSKIY



demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION



défendeur



ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens, ceux-ci étant fixés à 1 100 $ et le demandeur devant les verser immédiatement au défendeur.


                                 F.C. Muldoon

                                         Juge


Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.





Date : 19991203


Dossier : IMM-3957-98


ENTRE :


MIKHAEL NARODITSKIY



demandeur


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION



défendeur



MOTIFS DE L"ORDONNANCE


[1]      Il s"agit d"une demande présentée conformément à l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale , L.C. 1990, ch. 8, art. 5, en vue du contrôle judiciaire d"une décision par laquelle un agent des visas a rejeté, le 24 juin 1998, la demande que le demandeur avait présentée à titre d"immigrant appartenant à la catégorie des " immigrants indépendants ". Le demandeur sollicite un bref de certiorari annulant la décision de l"agent des visas, un bref de mandamus enjoignant au défendeur de renvoyer la demande pour nouvel examen par un autre agent ainsi qu"une ordonnance lui adjugeant les dépens.

Les faits

[2]      Le demandeur, Mikhael Naroditskiy, est un citoyen israélien. Il a présenté une demande de résidence permanente à l"ambassade du Canada, au Portugal, vers le 28 avril 1998 à titre de réparateur de matériel de soudure conformément à la Classification canadienne descriptive des professions , Ottawa : Emploi et Immigration Canada, 1977 (ci-après la CCDP). Il a joint un exposé de ses antécédents professionnels à sa demande. Le demandeur a obtenu une entrevue le 14 novembre 1997.

[3]      On a demandé au demandeur d"apporter à l"entrevue une preuve de son expérience professionnelle sous la forme de références détaillées énonçant ses fonctions et responsabilités. Le demandeur a apporté les références de trois entreprises pour lesquelles il avait travaillé. Deux de ces lettres traitaient de l"expérience du demandeur dans le domaine de la plomberie, du soudage et de la serrurerie, et notamment de la réparation de matériel de soudure (dossier certifié aux pages 56-57) et trois traitaient de son expérience dans le domaine de la réparation du matériel de soudure (dossier certifié, aux pages 55-57). Une autre lettre, dont il sera ci-dessous fait mention, provenait d"Israel Electric Corporation Ltd. (ci-après IECL).

[4]      Pendant l"entrevue, le demandeur a affirmé que pendant qu"il travaillait pour IECL, il était chargé de réparer et d"entretenir les machines à souder et à découper et que, dans l"exercice de ses fonctions quotidiennes, il s"occupait de l"inspection, de l"entretien et de la réparation de matériel de soudure. Le demandeur allègue avoir également discuté des fonctions qu"il exerçait chez Pergal Company (ci-après Pergal) où il travaillait alors, après avoir quitté IECL (dossier du demandeur, onglet 3 au paragraphe 7). L"agent des visas, M. Drapeau, a brièvement noté que le demandeur travaillait chez Pergal.

[5]      En vérifiant les références d"IECL après l"entrevue, l"agent des visas s"est rendu compte que certaines parties de la lettre avaient été modifiées. La copie de la lettre que le demandeur avait soumise à l"agent des visas disait ceci (dossier certifié, à la page 53) :

[TRADUCTION]
La présente vise à attester que M. MICHAEL NARODITSKIY [...] travaille comme soudeur-monteur au sein du service des systèmes de tuyauterie de notre société depuis le 17 février 1994. M. Naroditskiy s"occupe de la réparation du matériel de soudure, du remplacement des pièces défectueuses et du soudage des systèmes de tuyauterie en acier pour l"air et l"eau approvisionnant la centrale.
M. Naroditskiy est un travailleur expérimenté hautement qualifié. Il s"acquitte de ses tâches avec énormément de bonne volonté et d"une façon fort responsable [...]

Selon la transcription d"un message électronique daté du 23 mars 1998, la lettre initiale se lisait apparemment comme suit (dossier certifié, à la page 51) :

[TRADUCTION]
Nous confirmons que vous travaillez temporairement comme soudeur-monteur en vertu d"un contrat spécial depuis le 17 février 1994 au sein du service des systèmes de tuyauterie. Ce document est remis à la suite de la demande que vous avez faite à l"intention du collège Amal, à Kyriat Haim.

[6]      Avant de découvrir les modifications qui avaient été apportées aux références initiales, M. Drapeau avait clairement de la sympathie pour le demandeur. Voici les notes qu"il a inscrites dans le CAIPS (Système de traitement informatisé des dossiers d"immigration) (dossier certifié, à la page 15) :

[TRADUCTION]
[...] Il [le demandeur] semble être un homme aimable et accessible qui a fait de grands efforts en vue d"améliorer sa formation professionnelle et d"assurer l"avenir de sa famille[.] Il semble avoir une solide expérience dans le domaine de la plomberie et du soudage [...] il a suivi des cours en vue de perfectionner son anglais depuis que sa demande a été rejetée à Rome. Il est également qualifié à titre d"ingénieur [...] J"estime qu"il devrait être admis si les certificats médicaux et si les références ne permettent de déceler aucun problème -- [traduction]

[7]      Après que la falsification de document eut été découverte, l"agent des visas a adopté une attitude beaucoup plus glaciale. En demandant des explications au demandeur au sujet des contradictions existant entre les deux versions, l"agent des visas a écrit une lettre, le 6 avril 1998 (dossier certifié, à la page 50) :

[TRADUCTION]
[...] Malheureusement, nous avons été informés que le contenu de cette lettre est tout à fait différent de la lettre initiale signée par le directeur adjoint du personnel qui vous a été remise. Si vous n"êtes pas en mesure de nous donner des explications satisfaisantes à ce sujet, nous nous verrons obligés de rejeter votre demande.

[8]      Une fois qu"il a été confronté avec la version corrigée de la lettre initiale, le demandeur a fourni d"autres documents à l"agent des visas en vue de tenter de prouver qu"il avait de l"expérience à titre de réparateur de matériel de soudure chez IECL. Il y avait notamment des photographies et trois lettres, apparemment rédigées par des compagnons de travail, disant que le demandeur travaillait comme soudeur-monteur chez IECL. Dans une autre lettre, M. Leybovich Moshe disait que le demandeur avait travaillé pour IECL comme soudeur-monteur, qu"il avait utilisé des machines à oxycouper et qu"il [TRADUCTION] " [pouvait] réparer différents types de matériel de soudure au gaz et de soudure électrique, effectuer des travaux de soudage, installer des tuyaux d"acier et lire des dessins techniques " (dossier certifié, à la page 32). Une autre lettre disait que le demandeur avait travaillé comme superviseur chez IECL, qu"il avait travaillé comme soudeur-monteur, qu"il pouvait lire des dessins techniques et effectuer des travaux de soudage. Le demandeur avait également rédigé à l"intention de l"agent des visas une lettre dans laquelle il expliquait comment et pourquoi les références initiales d"IECL avaient été modifiées.

[9]      Malgré les efforts du demandeur, la lettre de refus datée du 24 juin 1998 indiquait qu"aucun point n"avait été attribué à l"égard de l"expérience que le demandeur avait à titre de réparateur de matériel de soudure. La lettre ne renfermait aucune explication à ce sujet mais, lorsqu"il a par la suite expliqué sa décision dans son affidavit, l"agent des visas a déclaré ce qui suit (dossier du demandeur, onglet 4, au paragraphe 7) :

[TRADUCTION]
7.      J"ai conclu que les explications que le demandeur avait données au sujet de la falsification du document étaient insuffisantes et que les pièces additionnelles qu"il a soumises n"établissaient pas qu"il avait de fait l"expérience qu"il affirmait avoir à titre de réparateur de matériel de soudure. Les photos ne démontraient pas que le demandeur avait pareille expérience.
8.      Nous n"avons pas le temps de vérifier toutes les références, mais la présentation d"une lettre falsifiée rédigée de façon à donner l"impression que le demandeur était hautement qualifié à titre de réparateur de matériel de soudure avait pour effet d"influer sur le poids de toutes les références qui avaient été fournies [...]
9.      J"ai conclu que les références montraient plutôt que le demandeur travaillait comme soudeur, comme plombier et comme serrurier [...] [traduction]

[10]      Le nombre total de points attribués au demandeur en vertu de la description 8584-190 de la CCDP s"élevait à soixante-cinq et cela était donc insuffisant pour que celui-ci soit admis comme immigrant au Canada.

Les questions de droit

[11]      Le demandeur soulève trois questions. Premièrement, il s"agit de savoir si l"agent des visas estimait que le demandeur avait peut-être acquis de l"expérience comme réparateur de matériel de soudure pendant qu"il travaillait chez IECL. Deuxièmement, il s"agit de savoir si l"agent des visas a commis une erreur en n"incluant pas les onze mois d"expérience que le demandeur avait chez Pergal lorsqu"il a apprécié l"expérience professionnelle. Il s"agit enfin de savoir si l"agent des visas a commis une erreur de droit en appréciant la personnalité du demandeur et en n"exerçant pas le pouvoir discrétionnaire qu"il possède en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement sur l"immigration de 1978, DORS/78-172.

[12]      En ce qui concerne la première question, l"avocat du demandeur reconnaît que la version exacte des références données par IECL ne traite pas de l"expérience que ce dernier a pu acquérir à titre de réparateur de matériel de soudure. Toutefois, il maintient que la lettre ne niait pas que le demandeur avait acquis pareille expérience. L"avocat soutient en outre qu"étant donné que la lettre ne dit rien à ce sujet et qu"étant donné que le directeur adjoint du personnel a désigné la profession du demandeur comme étant celle de soudeur-monteur, l"agent des visas a supposé que le demandeur n"avait acquis aucune expérience en tant que réparateur de matériel de soudure pendant qu"il travaillait chez IECL. Toutefois, l"agent des visas ne peut pas présumer qu"un demandeur n"a pas d"expérience en ce qui concerne la profession désignée : Dhaliwal c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) (T-2422-91, 17 février 1992) et Hajariwala c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1989] 2 C.F. 79 (C.F. 1re inst.).

[13]      Le défendeur reconnaît que la version corrigée des références d"IECL a amené l"agent des visas à croire que le demandeur était soudeur-monteur. Toutefois, un individu que le directeur adjoint du personnel désigne comme étant un soudeur-monteur ne répare pas du matériel de soudure et n"exerce pas les fonctions y afférentes. Quoi qu"il en soit, le défendeur soutient que les références ainsi que la lettre justificative que le demandeur a fournie ne décrivaient pas les fonctions de réparateur de matériel de soudure telles qu"elles sont énoncées dans la description 8584-190 de la CCDP . Les lettres décrivaient plutôt les fonctions de soudeur-monteur, telles qu"elles sont énumérées dans la description 8335-114 de la CCDP . Seule la lettre de M. Leybovich Moshe décrivait certaines des fonctions exercées par un réparateur de matériel de soudure; toutefois, M. Moshe a uniquement déclaré que le demandeur pouvait effectuer ces tâches (c"est-à-dire qu"il avait la formation requise) et non qu"il les effectuait de fait chez IECL.

[14]      Les articles 3 et 4 de l"annexe I du Règlement prévoient ce qui suit :

3.      Expérience          Des points d"appréciation sont attribués pour l"expérience acquise dans la profession pour laquelle le requérant est apprécié selon l"article 4 [...]
4.      Facteur professionnel      Des points d"appréciation sont attribués en fonction des possibilités d"emploi au Canada dans la profession que le requérant est prêt à exercer au Canada [...]

L"article 3 exige clairement que, si la version exacte des références renferme des preuves de l"expérience du demandeur dans la profession désignée, l"agent des visas doit en tenir compte. Toutefois, comme le défendeur le soutient, l"employeur qui déclare par écrit au collège Amal qu"un employé n"exerce qu"une seule profession n"est pas susceptible de cacher le fait que le travailleur exerce également activement une autre profession. De plus, il serait déraisonnable de s"attendre à ce que l"agent des visas fasse pareille inférence. De fait, on ne peut pas inférer, à l"aide du contenu des références corrigées, que le demandeur a acquis de l"expérience comme réparateur de matériel de soudure pendant qu"il travaillait pour IECL.

[15]      Dans son affidavit, l"agent des visas laisse entendre que si une inférence avait été faite dans les nouvelles références au sujet de l"expérience professionnelle pertinente, il en aurait fort peu tenu compte ou il n"en aurait peut-être même pas tenu compte dans la décision finale qu"il avait prise de ne pas attribuer de points à l"égard de l"expérience professionnelle. Le paragraphe 7 de l"affidavit montre que l"agent des visas a fondé sa conclusion au sujet de l"expérience professionnelle sur tous les documents soumis par le demandeur. Le paragraphe 8 révèle que l"on a accordé peu d"importance aux références et qu"elles ont donc eu peu d"influence.

[16]      La deuxième question soulevée par le demandeur se rapporte aux onze mois d"expérience que le demandeur aurait apparemment comme réparateur de matériel de soudure chez Pergal. Le demandeur allègue que l"agent des visas a commis une erreur en n"attribuant pas de points pour cette expérience lorsqu"il a effectué le calcul en vertu de l"article 3 de l"annexe I. Le défendeur soutient que l"agent des visas ne disposait d"aucun élément de preuve au sujet de l"expérience pertinente acquise chez Pergal. En particulier, est-il soutenu, l"expérience que le demandeur a acquise chez Pergal n"est pas visée par la description des fonctions de réparateur de matériel de soudure.

[17]      En ce qui concerne la norme de contrôle qu"il convient d"appliquer à la conclusion en question, le défendeur soutient que cette cour devrait faire preuve d"énormément de retenue étant donné qu"il s"agit d"une conclusion de fait. Il soutient que la norme qu"il convient d"appliquer est celle du caractère manifestement déraisonnable et il se fonde à cet égard sur la décision Hanif c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (IMM-3744-97, 29 juin 1998) (juge Mackay) (C.F. 1re inst.). Le juge Mackay ne cite aucun arrêt ni aucun ouvrage justifiant l"adoption de cette norme à l"égard des questions de fait, mais cette cour est convaincue que l"application du critère pragmatique et fonctionnel montrerait qu"il s"agit de la norme appropriée.

[18]      La pièce jointe au formulaire de demande dans laquelle sont énoncés les antécédents professionnels du demandeur comporte une brève annotation, faite par l"agent des visas, à savoir que le demandeur avait travaillé chez Pergal du mois de décembre 1996 jusqu"à la date de l"entrevue. Toutefois, à part cette annotation, aucune description de son expérience n"est donnée. Le demandeur affirme avoir décrit en détail son travail chez Pergal et que ce travail a quelque chose à voir avec la profession de réparateur de matériel de soudure, mais qu"aucun autre élément de preuve ne laisse entendre que c"est le cas. D"autre part, on avait demandé au demandeur d"apporter des références à l"entrevue afin de justifier toute allégation concernant l"expérience professionnelle pertinente. L"absence de pareille lettre de la part de Pergal laisse fortement entendre que le demandeur n"avait aucune expérience professionnelle pertinente. Il est possible qu"en analysant quelque peu à fond la conclusion de l"agent des visas, cette cour puisse déterminer qu"il a tiré une conclusion de fait erronée. Toutefois, étant donné qu"elle n"a pu constater l"existence d"aucune erreur dans les motifs énoncés par l"agent des visas à l"égard de Pergal, cette cour conclut que la conclusion selon laquelle le demandeur n"avait aucune expérience ne devrait pas être modifiée.

[19]      Troisièmement, le demandeur affirme que l"agent des visas a commis une erreur de droit en appréciant sa personnalité ou en omettant sans motif légitime d"exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) du Règlement. Cette cour examinera d"abord la façon dont la personnalité du demandeur a été appréciée.

[20]      Le demandeur soutient qu"avant que la tromperie concernant les références ait été découverte, l"agent des visas était prêt à lui attribuer le maximum de dix points prévu à l"égard de la personnalité. Toutefois, en découvrant la falsification, l"agent des visas a changé d"idée, mais sans motiver sa lettre de refus. Le demandeur soutient qu"étant donné que l"agent des visas avait présumément changé d"idée et en l"absence de motifs écrits à l"appui, on peut uniquement supposer que l"agent des visas a tenu compte de la tromperie et qu"il n"a pas tenu compte des autres facteurs se rapportant à sa personnalité. Le demandeur ajoute que cela équivalait à une erreur de droit; voir Chen c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration, [1991] 3 C.F. 350 (C.A.F.) (ci-après l"affaire Chen ).

[21]      L"avocate du défendeur décrit d"une façon plus prosaïque l"opinion que l"agent des visas avait initialement exprimée au sujet de la personnalité du demandeur. Elle soutient que, de toute façon, toute opinion relative à la personnalité était fondée sur l"hypothèse selon laquelle le demandeur avait de l"expérience à titre de réparateur de matériel de soudure. L"avocate soutient enfin que le fait que le demandeur a soumis des références falsifiées montre son manque d"esprit d"initiative et d"ingéniosité et sa difficulté d"adaptation et que cela peut donc justifier l"attribution d"un nombre peu élevé de points; voir Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (IMM-4355-96, 30 octobre 1997) (C.F. 1re inst.).

[22]      Ni l"une ni l"autre partie n"a présenté d"arguments au sujet de la norme de contrôle qu"il convient d"appliquer. Étant donné que la question se rapporte à la façon dont l"agent des visas a appliqué la loi, soit une chose qui ne relève pas de son domaine de connaissances, cette cour considère que la norme qu"il convient d"appliquer est celle de la décision correcte.

[23]      Le demandeur a raison d"affirmer qu"à l"entrevue, l"agent des visas l"a jugé raisonnablement apte. Il n"était probablement pas justifié d"attribuer le nombre maximum de dix points, mais dans les notes du CAIPS, l"agent a dit que, selon lui, le demandeur avait de l"initiative et aurait de la facilité à s"adapter. Par conséquent, s"il n"avait pas agi d"une façon malhonnête, le demandeur aurait probablement obtenu plus que les trois points qui lui ont été attribués à l"égard de la personnalité. Il ressort également clairement de la lettre du 6 avril 1998 que le fait que le demandeur a tenté de soumettre une lettre falsifiée a influé sur le nombre de points qu"il a obtenus. Toutefois, même si le nombre de points a uniquement été réduit à cause de la falsification, cela n"équivaut pas à une erreur de droit. Il est strictement interdit de porter un jugement moral au sujet d"un demandeur : B"Ghiel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (8 juillet 1998, IMM-2545-907) (C.F. 1re inst.). Toutefois, dans la décision Chen, supra, à la page 358, le juge Strayer fait la remarque suivante :

Elle [la Cour d"appel fédérale] a reconnu qu"il peut exister des circonstances dans lesquelles une fausse réponse peut justifier le refus d"admission [...]

[24]      Quelles peuvent donc être ces circonstances? À la page 361, le juge Strayer reconnaît que la " personnalité ", telle qu"elle est définie dans la colonne II de l"annexe I, devrait aider à indiquer la capacité, sur le plan financier, de l"immigrant de réussir son installation au Canada. L"article 9 de la colonne II de l"annexe I prévoit ce qui suit :

9.      Personnalité      Des points d"appréciation sont attribués au requérant au cours d"une entrevue qui permettra de déterminer si lui et les personnes à sa charge sont en mesure de réussir leur installation au Canada, d"après la faculté d"adaptation du requérant, sa motivation, son esprit d"initiative, son ingéniosité et autres qualités semblables.

[25]      Les circonstances dans lesquelles une réponse fausse justifie un refus comprendraient donc les cas dans lesquels le mensonge particulier reflète d"une façon avantageuse, au point de vue de l"article 9, les chances que le demandeur a de réussir son installation au pays, sur le plan financier. D"autre part, la preuve selon laquelle l"agent des visas a attribué au demandeur un nombre moindre de points à l"égard de la personnalité pour des motifs qui n"ont rien à voir avec l"article 9 pourrait laisser entendre que l"agent des visas a porté un jugement moral. Serait-il si terrible que le Canada exige que les immigrants ne trichent pas et ne mentent pas pour obtenir un avantage?

[26]      Malheureusement, le demandeur n"a pas avancé son argument plus à fond. Compte tenu de la décision Chen, supra , il ne s"agit pas de savoir si un nombre réduit de points a été attribué lorsque la tromperie a été découverte, mais si la réduction montrait que les facteurs énumérés à l"article 9, de la colonne II de l"annexe I, ont été de nouveau appréciés. Le demandeur a soutenu qu"aucun élément de preuve ne démontrait que l"agent des visas s"était aventuré en dehors des limites de l"article 9, sauf pour noter qu"il n"a donné aucun motif afin de justifier le fait qu"il avait de nouveau apprécié sa personnalité. Par ailleurs, il y a la lettre falsifiée avec la réduction du nombre de points attribués à la personnalité en découlant. Toutefois, il n"y a rien dans cette preuve qui montre que l"agent des visas ait porté un jugement moral ou qui nous amène à supposer qu"il l"ait fait. En l"absence d"une preuve forte de ce genre, la Cour ne supposera pas que pareil jugement a été porté et que cela ne peut donc pas avoir pour effet de modifier la conclusion que l"agent des visas a tirée au sujet de la personnalité. Quelle conclusion est-il possible de tirer au sujet de la personnalité en ce qui concerne les chances de succès de pareil immigrant? Ce genre de tromperie à laquelle on se livre une seule fois à l"endroit de l"État pourrait bien devenir une habitude annuelle lorsqu"il s"agit de préparer les déclarations de revenu, avec le coût que la chose comporte pour le Canada et les Canadiens.

[27]      Le demandeur soutient enfin que l"agent des visas était prêt à exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) en vue de faire droit à la demande, mais qu"il a changé d"idée lorsque les références fournies par IECL ont été contestées. Le paragraphe 11(3) du Règlement prévoit ce qui suit :

(3)      L"agent des visas peut
     a)      délivrer un visa d"immigrant à un immigrant qui n"obtient pas le nombre de points d"appréciation requis par les articles 9 ou 10 [...]
s"il est d"avis qu"il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d"appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d"immigration supérieur et ont reçu l"approbation de ce dernier.

[28]      La présente demande est fondée sur l"allégation selon laquelle l"agent des visas a initialement apprécié le demandeur à titre de soudeur-monteur. Toutefois, cela est clairement erroné, étant donné que, dans les notes du CAIPS, l"agent des visas a inscrit en français qu"il avait apprécié le demandeur dans le domaine de la plomberie et du soudage ainsi que dans le domaine de l"ingénierie et non simplement en sa qualité de soudeur-monteur. Cet argument, qui est fondé sur une appréciation erronée des faits, doit être rejeté.

Conclusion

[29]      Les trois questions en litige ayant été tranchées en faveur du défendeur, la demande est rejetée en entier. Aucun argument écrit n"ayant été soumis au sujet des dépens, la Cour se fonderait normalement sur l"article 22 des Règles de 1993 de la Cour fédérale en matière d"immigration et n"adjugerait pas les dépens. Toutefois, il n"y aurait dans ce cas-ci aucune affaire à régler si le demandeur n"avait pas altéré le texte de la lettre d"IECL. Le fait que les références ont été altérées, ce qui était en fait une falsification de documents, constitue une raison spéciale permettant d"adjuger les dépens de l"instance au défendeur qui en a été victime, au détriment du demandeur. Cette cour fixe pareils dépens à 1 100 $, somme que le demandeur devra verser immédiatement au défendeur.

                                 F.C. Muldoon

                                         Juge


OTTAWA (ONTARIO)

Le 3 décembre 1999


Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  IMM-3957-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          MIKHAEL NARODITSKIY c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L"AUDIENCE :              LE 26 OCTOBRE 1999


MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE MULDOON EN DATE DU 3 DÉCEMBRE 1999.


ONT COMPARU :

Mira Thow                      POUR LE DEMANDEUR

Aliyah Rahaman                  POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mira Thow                      POUR LE DEMANDEUR

Zaifman Associates

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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