Date : 20190723
Dossier : T‑720‑17
Référence : 2019 CF 973
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2019
En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly
ENTRE :
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TIMOTHY E. LEAHY
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demandeur
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et
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LE MINISTRE DE LA JUSTICE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
M. Timothy Leahy soutient qu’il est autorisé à pratiquer le droit devant la Cour fédérale, même s’il n’est pas membre d’un barreau provincial. Il fait valoir que la Loi sur les Cours fédérales n’exige pas l’appartenance à un barreau provincial; elle ne fait qu’énoncer que les avocats et les procureurs d’une province peuvent pratiquer le droit à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale (LRC 1985, c F‑7, par. 11(1) et (2)).
[2]
M. Leahy a déjà été autorisé à pratiquer le droit en Ontario. Toutefois, le Barreau de l’Ontario a révoqué son permis d’exercice en 2014. Néanmoins, M. Leahy soutient qu’il détient toujours un certificat délivré par la Cour d’appel de l’Ontario qui l’autorise à agir à titre de procureur devant les tribunaux de l’Ontario. Ce certificat n’a jamais été retiré ou révoqué. En outre, il soutient que la Loi sur les Cours fédérales énonce les exigences pour comparaître devant les Cours fédérales et que cette loi l’emporte sur toute loi provinciale, ou toute règle ou tout règlement administratif des barreaux qui est incompatible.
[3]
À l’origine de la présente demande se trouve la demande de M. Leahy visant à faire annuler la décision du ministère de la Justice (Canada) de communiquer avec le Barreau de l’Ontario en ce qui concerne son droit de comparaître devant les Cours fédérales. Cette communication a amené le Barreau à contacter la Cour fédérale en 2014 pour l’informer que M. Leahy était enregistré comme ne pratiquant pas actuellement le droit et ne souscrivant pas l’assurance requise pour le faire. Le Barreau a révoqué le permis d’exercice de M. Leahy en 2014.
[4]
M. Leahy demande ce qui suit :
une ordonnance interdisant au ministère de la Justice de solliciter l’intervention du Barreau;
une ordonnance obligeant le ministère de la Justice à respecter les Règles des Cours fédérales;
un jugement déclaratoire portant qu’il peut agir à titre d’avocat devant les Cours fédérales.
[5]
En raison d’un litige précédent devant la Cour (31 juillet 2017, T‑720‑12) et devant la Cour d’appel fédérale (2017 CAF 246), la seule question qui reste à trancher est de savoir si la Cour a compétence pour accorder le jugement déclaratoire que souhaite obtenir M. Leahy et, le cas échéant, si elle devrait le faire.
II.
La Cour fédérale a‑t‑elle compétence pour accorder le jugement déclaratoire que souhaite obtenir M. Leahy?
[6]
À mon avis, ce n’est pas le cas.
[7]
Selon la Loi sur les Cours fédérales, les avocats et procureurs qui exercent dans une province peuvent agir à ce titre à la Cour d’appel fédérale ou à la Cour fédérale (par. 11(1) et (2)). Dans des circonstances limitées, la Cour fédérale a accordé la permission à une personne qui n’avait pas ces qualifications de comparaître devant la Cour pour le compte d’une partie pour une raison exceptionnelle et unique (Doret c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 447, au par. 8; Barreau de Montréal c Byer, 2004 CanLII 48077, au par. 37).
[8]
M. Leahy soutient que la Loi sur les Cours fédérales n’exige pas l’appartenance à un barreau provincial. Par conséquent, le fait que le Barreau de l’Ontario ait révoqué son permis d’exercer le droit ne l’empêche pas, selon lui, d’agir à titre de procureur devant les Cours fédérales. Le libellé du paragraphe 11(2) de la Loi sur les Cours fédérales, soutient‑il, est clair et l’emporte sur toute loi provinciale, toute règle ou tout règlement administratif au contraire.
[9]
Je ne puis être d’accord.
[10]
M. Leahy invoque un certificat délivré par la Cour d’appel de l’Ontario en 1991 pour faire valoir qu’il est toujours autorisé à agir à titre d’avocat devant les tribunaux de l’Ontario. Toutefois, ce certificat ne peut avoir préséance sur une décision claire de 2014 du Barreau de l’Ontario indiquant le contraire, comme l’a reconnu la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Cette cour a prononcé une injonction permanente contre M. Leahy en ce qui concerne la pratique de droit : Law Society of Upper Canada c Timothy Edward Leahy, (7 juin 2018, FC‑18‑59119) aux par. 2 et 3; Law Society of Ontario c Leahy, 2018 ONSC 4722, confirmée par 2018 ONCA 1010.
[11]
De plus, la Cour a déjà interprété la Loi sur les Cours fédérales comme laissant aux barreaux provinciaux la tâche de déterminer quelles étaient les personnes autorisées à pratiquer le droit et, par conséquent, à comparaître devant les Cours fédérales. Sans des circonstances spéciales, la Cour fédérale ne peut autoriser d’autres personnes à le faire (Parmar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (23 juin 2000, IMM‑1219‑00) aux par. 5 et 7; voir aussi Liew c The Privacy Commissioner and The Minister of Justice, T‑2256‑16 (CF)). La Cour suprême de la Colombie‑Britannique en est venue à la même interprétation de la Loi sur les Cours fédérales dans Law Society (British Columbia) c Bonnar, 2010 BCSC 969.
[12]
Par conséquent, aucun fondement juridique, que ce soit dans la loi ou la jurisprudence, ne permet d’accorder le jugement déclaratoire que souhaite obtenir M. Leahy.
III.
Si la Cour a compétence, devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder le jugement déclaratoire que souhaite obtenir M. Leahy?
[13]
Même si la Cour avait compétence pour rendre l’ordonnance que sollicite M. Leahy, je refuserais de l’exercer.
[14]
M. Leahy n’a présenté aucune circonstance impérieuse ou exceptionnelle qui justifierait l’octroi d’un jugement déclaratoire aussi extraordinaire. De plus, un tel jugement déclaratoire serait contraire à la décision du Barreau de l’Ontario et aux précédents de la Cour et des tribunaux de l’Ontario. Je ne vois aucune raison pour laquelle la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour contredire ces autres décisions.
IV.
Conclusion et dispositif
[15]
Aucun fondement juridique ne permet l’octroi du jugement déclaratoire que sollicite M. Leahy, et, même s’il y en avait un, la Cour n’exercerait pas son pouvoir discrétionnaire en sa faveur. Par conséquent, la présente demande est rejetée avec dépens.
JUGEMENT dans le dossier T‑720‑17
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.
« James W. O’Reilly »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 7e jour d’août 2019
Christian Laroche, LL.B., juriste‑traducteur
ANNEXE
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COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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T‑720‑17
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INTITULÉ :
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TIMOTHY E. LEAHY c LE MINISTRE DE LA JUSTICE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 19 février 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE O’REILLY
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DATE DU JUGEMENT
ET DES MOTIFS :
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Le 23 juillet 2019
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COMPARUTIONS :
Timothy E. Leahy
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POUR LE DEMANDEUR – POUR SON PROPRE COMPTE
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Shain Widdifield
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous‑procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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