Date : 20050104
Dossier : T-1605-04
Référence : 2005 CF 1
Ottawa (Ontario), le 4 janvier 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
AGUSTAWESTLAND INTERNATIONAL LIMITED
demanderesse
et
LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS
ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
et SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS INC.
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(concernant les dépens)
[1] Les parties ont présenté des observations concernant les dépens relatifs à deux requêtes :
1. une requête présentée par les défendeurs dans le but de faire radier la demande de contrôle judiciaire;
2. une requête présentée par la demanderesse dans le but d'obtenir un jugement déclaratoire portant que la demande a été introduite dans les délais prescrits ou, à titre subsidiaire, dans le but d'obtenir une prolongation du délai imparti pour présenter une demande de contrôle judiciaire.
[2] La demanderesse a eu gain de cause relativement aux deux requêtes et demande maintenant que les dépens lui soient adjugés sur la base avocat-client ou, subsidiairement, selon un barème plus élevé. Les défendeurs soutiennent que les dépens devraient suivre l'issue de la cause.
Agusta
[3] Agusta prétend que ce sont les actes dilatoires de Travaux publics qui ont rendu nécessaire la requête visant à obtenir une prolongation de délai. Elle soutient en outre que Travaux publics lui a dit qu'il contesterait la compétence du Tribunal canadien du commerce extérieur en ce qui a trait à la révision de la procédure d'adjudication du marché parce qu'Agusta n'était pas un « fournisseur canadien » , et que c'est l'une des raisons pour lesquelles Agusta n'a pas déposé de plainte auprès du Tribunal. Agusta fait valoir que, après avoir indiqué que le Tribunal n'avait pas compétence, Travaux publics a prétendu, une fois expiré le délai imparti pour déposer une plainte portant sur la passation d'un marché public auprès du Tribunal, qu'Agusta aurait dû porter plainte auprès du Tribunal avant de présenter une demande de contrôle judiciaire. Dans les motifs de l'ordonnance que j'ai rendus le 3 novembre 2004, j'ai écrit au paragraphe 68 :
[TRADUCTION]
Pour tous ces motifs, la Cour est convaincue que Agusta avait des raisons valables de ne pas porter plainte plus tôt auprès du Tribunal.
Subsidiairement, Agusta soutient que les questions juridiques complexes et la somme de travail en cause dans les deux requêtes justifient que les dépens soient adjugés selon un barème plus élevé, conformément au paragraphe 403(3) des Règles de la Cour fédérale (1998).
Sikorsky
[4] Sikorsky prétend que les dépens devraient suivre l'issue de la cause parce qu'Agusta a déposé sa demande de contrôle judiciaire en retard et que le Tribunal offre un autre recours approprié. Il convient de mentionner que, comme le Tribunal n'a pas examiné la plainte d'Agusta et que c'est au Tribunal qu'il appartient de statuer sur sa propre compétence selon l'article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602, Sikorsky fait erreur en affirmant que le Tribunal offre un tel recours. Il est seulement possible qu'il le fasse et, bien qu'il ait pu constituer un organe « compétent » , comme il est indiqué au paragraphe 69 des motifs du 3 novembre, le Tribunal a refusé d'enquêter sur la plainte.
[5] Sikorsky soutient que la question du dépôt tardif de la demande de contrôle judiciaire n'a pas été totalement réglée car, à son avis, Agusta conteste deux décisions distinctes de Travaux publics, l'une portant sur la structuration de la procédure de passation du marché et l'autre, sur l'attribution du marché. Elle soutient également que la confusion concernant la question de l' « autre recours approprié » est attribuable au fait qu'Agusta n'a pas porté plainte auprès du Tribunal à la première occasion, de sorte que ce dernier n'a pas eu la possibilité de décider si Augusta est un « fournisseur canadien » . Ce n'est que si Augusta est un fournisseur canadien que le Tribunal a compétence.
Travaux publics
[6] Travaux publics soutient que les dépens ne sont accordés sur la base avocat-client que dans les cas où la conduite a été « répréhensible, scandaleuse ou outrageante » (Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 194 D.L.R. (4th) 483) et qu'il n'a rien fait pour mériter ce genre de condamnation. Il fait valoir qu'il ne pouvait pas faire part à Augusta de sa position sur la compétence du Tribunal lors de l'audition des requêtes parce qu'il n'avait aucune instruction de son client et qu'il ne connaissait pas les prétentions qu'Augusta allait ensuite faire valoir devant le Tribunal sur la question de la compétence auxquelles il pourrait répondre. Travaux publics soutient en outre qu'il n'était pas important de savoir si Augusta est un « fournisseur canadien » ou non puisque celle-ci s'est elle-même privée du recours en ne déposant pas une plainte auprès du Tribunal dans les délais impartis pour le faire.
[7] En ce qui concerne les prétentions subsidiaires d'Agusta, Travaux publics soutient que celle-ci n'a pas quantifié et décrit en détail la nature exacte de la complexité et du surplus de travail en cause et qu'elle doit le faire pour avoir droit aux dépens selon un barème plus élevé.
ANALYSE
[8] Dans mes motifs du 3 novembre, j'ai indiqué, au sujet de la position que Travaux publics faisait valoir devant la Cour, qu'il ne pouvait pas, d'une part, soutenir que le Tribunal constituait un autre recours approprié et, d'autre part, dire qu'il prétendrait le contraire devant le Tribunal. Augusta a indiqué qu'un fonctionnaire de Travaux publics lui avait dit que la compétence du Tribunal pour instruire la plainte serait contestée, comme cela avait été le cas lorsque le prédécesseur d'Agusta, E. H. Industries Ltd., avait déposé une plainte auprès du Tribunal au début de la procédure de passation du marché des hélicoptères en 2000.
[9] Bien que la conduite de Travaux publics puisse certainement être qualifiée de contradictoire, il ne s'agit pas, à mon avis, d'une conduite qui pourrait être considérée comme répréhensible, scandaleuse ou outrageante et qui pourrait justifier, en conséquence, l'adjudication des dépens sur la base avocat-client. Agusta doit elle-même décider s'il y a lieu de déposer ou non une plainte portant sur la passation du marché, et non se fier à l'avis d'un fonctionnaire de Travaux publics à cet égard. L'adjudication des dépens sur la base avocat-client n'est donc pas justifiée.
[10] En ce qui concerne les arguments invoqués par les défendeurs à l'encontre de la prolongation de délai, une jurisprudence abondante indique que la Cour accorde régulièrement des prolongations de ce genre dans des circonstances similaires.
[11] J'estime qu'il est approprié que les dépens soient adjugés à Agusta relativement aux deux requêtes. Compte tenu de la position des défendeurs, la Cour a estimé qu'il était dans l'intérêt de la justice qu'Agusta ait la possibilité de déposer sa plainte auprès du Tribunal. Augusta l'a fait, et le Tribunal a décidé qu'il ne pouvait pas la recevoir parce qu'elle n'avait pas été déposée dans les délais. Vu les efforts qui ont été consacrés à la préparation des requêtes et la complexité de celle-ci, je suis d'avis d'accorder ses dépens à Augusta selon un barème plus élevé, soit en fonction du montant maximal prévu à la colonne IV du tarif B, étant donné que ces requêtes exigeaient raisonnablement deux avocats pour chaque partie.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
que ses dépens soient adjugés à Agusta pour les deux requêtes selon un barème plus élevé, conformément aux présents motifs et peu importe l'issue de la cause.
« Michael A. Kelen »
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1605-04
INTITULÉ : AGUSTAWESTLAND INTERNATIONAL LIMITED
c.
LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
et SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS INC.
LIEU DE L'AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 26 OCTOBRE 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE
(concernant les dépens) : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE MARDI 4 JANVIER 2005
COMPARUTIONS :
G. Cameron POUR LA DEMANDERESSE
M. Gardner
V. Cherneski
M. Ciavaglia POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DES TRAVAUX
J. Brongers PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
B. A. McIsaac, c.r. POUR LA DÉFENDERESSE, SIKORSKY
R. B. Mills INTERNATIONAL OPERATIONS INC.
V. Gruben
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Blake Cassels & Graydon, LLP POUR LA DEMANDERESSE
Ottawa (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DES TRAVAUX
Sous-procureur général du Canada PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
McCarthy Tetrault POUR LA DÉFENDERESSE, SIKORSKY
Ottawa (Ontario) INTERNATIONAL OPERATIONS INC.
COUR FÉDÉRALE
Date : 20050104
Dossier : T-1605-04
ENTRE :
AGUSTAWESTLAND INTERNATIONAL LIMITED
demanderesse
et
LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS
ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX
et SIKORSKY INTERNATIONAL OPERATIONS INC.
défendeurs
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE
(concernant les dépens)