Date : 20190715
Dossier : IMM-5360-18
Référence : 2019 CF 939
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2019
En présence de monsieur le juge Manson
ENTRE :
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JIN GAO
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demanderesse
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et
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LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeurs
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 11 octobre 2018, par laquelle la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de la mesure d’exclusion prise par un commissaire de la Section de l’immigration a pris la mesure d’exclusion au motif qu’elle est interdite de territoire pour avoir fait de fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].
II.
Contexte
[2]
La demanderesse, Mme Jin Gao, née le 24 novembre 1985, est citoyenne chinoise.
[3]
Après son arrivée au Canada, la demanderesse a épousé son premier époux, monsieur Jian Gong, le 19 février 2008. Elle est devenue résidente permanente du Canada le 1er décembre 2008, à titre d’épouse parainnée. Le couple a divorcé en janvier 2010.
[4]
La demanderesse a rencontré son deuxième époux, monsieur Shou Cheng Li, en avril 2010. M. Li est arrivé au Canada en février 2010 et a présenté une demande d’asile. Sa demande d’asile a été rejetée en octobre 2011.
[5]
La demanderesse et M. Li se sont mariés en novembre 2011. Ils ont deux garçons jumeaux, Rex et Sean (7 ans) et une fille, Iris (2 ans). M. Li travaille comme chef cuisiner dans trois restaurants de la région de Toronto, dont il est aussi copropriétaire, et la demanderesse élève leurs enfants.
[6]
En août 2012, la demanderesse a présenté une demande de parrainage pour que M. Li puisse obtenir sa résidence permanente. Cette demande a donné lieu à une enquête concernant de possibles fausses déclarations liées au premier mariage de la demanderesse.
[7]
Dans ses observations, datées du 26 février 2014, à l’intention de l’Agence des services frontaliers du Canada, la demanderesse décrit en détail les circonstances de son premier mariage, indiquant que la relation romantique s’est rapidement détériorée, car son époux avait fait des remarques sur le fait qu’elle ne se maquillait pas et l’avait évincée du logement après trois mois de vie commune.
[8]
Le dossier de la demanderesse a été déféré à la Section de l’immigration pour enquête, en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR, et une audience a eu lieu le 27 avril 2015. La demanderesse était représentée par un consultant en immigration, et un avocat représentant le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a également comparu. La demanderesse a témoigné par l’entremise d’un interprète.
[9]
La demanderesse a soutenu que son premier mariage était authentique. Elle a décrit de quelle façon elle était tombée amoureuse, les circonstances entourant son mariage, son déménagement au Canada pour rejoindre son nouveau mari et la rupture après quelque mois de mariage. Le commissaire a exposé ses motifs de vive voix; selon lui, la demanderesse n’était pas un témoin crédible et il a conclu que son premier mariage avait été contracté uniquement dans le but d’obtenir la résidence permanente au Canada.
[10]
Par conséquent, le 27 avril 2015, le commissaire a pris une mesure d’exclusion après avoir conclu que la demanderesse était interdite de territoire au Canada parce qu’elle avait fait de fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR
III.
Décision faisant l’objet du contrôle
[11]
La demanderesse a interjeté appel à la Section d’appel de l’immigration [la SAI] et a été représentée par le même avocat qui la représente devant la Cour. La demanderesse et M. Li ont témoigné par l’entremise d’un interprète.
[12]
La demanderesse n’a pas contesté la validité juridique de la mesure d’exclusion lors de l’appel, mais a demandé que la mesure soit rejetée ou suspendue pour motifs d’ordre humanitaire. La demanderesse a admis s’être parjurée lors de l’audience devant la Section de l’immigration; son mariage avec M. Gong n’était pas authentique, puisqu’elle (ou ses parents) avait payé environ 50 000 $ pour qu’elle puisse obtenir la résidence permanente à titre de fausse épouse de M. Gong.
[13]
La SAI a confirmé que la mesure d’exclusion était valide sur le plan juridique. La demanderesse ne conteste pas cette conclusion en l’espèce.
[14]
La SAI a conclu que la demanderesse n’était pas crédible, car elle n’avait pas dit la vérité dans le passé, et n’a accordé aucun poids à son témoignage.
[15]
La SAI a examiné les facteurs énoncés dans la décision Ribic de la Cour fédérale, dont celle-ci fait mention dans la décision Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, pour déterminer s’il existe des motifs d’ordre humanitaire justifiant que soit interjeté un appel fondé sur des motifs d’ordre humanitaire dans le contexte de fausses déclarations :
(i) la gravité des fausses déclarations ayant entraîné la mesure de renvoi et les circonstances dans lesquelles elles ont eu lieu;
(ii) les remords exprimés par l’appelant;
(iii) le temps passé au Canada par l’appelant et son degré d’enracinement;
(iv) la présence de membres de la famille de l’appelant au Canada et les conséquences que le renvoi aurait pour la famille;
(v) le soutien que l’appelant peut obtenir de sa famille et de la collectivité;
(vi) l’importance des épreuves que subirait l’appelant s’il était renvoyé du Canada, y compris la situation dans le pays où il serait probablement renvoyé;
(vii) le soutien que l’appelant peut obtenir de sa famille et de la collectivité.
[16]
La SAI a conclu que, à tous égards, la demanderesse n’est pas parvenue à justifier son appel :
(i) Selon la SAI, les fausses déclarations étaient très graves et l’explication de la demanderesse pour justifier pourquoi elle admettait soudainement avoir conclu un faux mariage, à savoir qu’elle voulait être un bon exemple pour ses enfants, n’était pas crédible. Ce facteur a incité la SAI à ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire.
(ii) Selon la SAI, les remords exprimés par la demanderesse pour avoir fait de fausses déclarations n’étaient pas authentiques. Cette conclusion est fondée (1) sur le fait qu’elle a tenté de jeter le blâme sur ses parents, qui, comme elle l’a affirmé, ont versé 50 000 $ pour qu’elle obtienne la résidence permanente et (2) sur l’aspect intéressé de l’aveu de fausses déclarations qu’elle a fait après s’être fait prendre.
(iii) De plus, la SAI a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré s’être enracinée au Canada, qu’elle n’avait que peu d’expérience de travail au Canada et qu’elle ne possédait pas de biens.
(iv) La SAI a souligné que la demanderesse et M. Li ont témoigné que si l’un d’eux devait retourner en Chine, l’autre s’y rendrait aussi, ainsi que les enfants. La SAI a conclu que comme la famille ne serait pas séparée, le renvoi n’aurait que peu de conséquences sur la famille immédiate au Canada.
(v) La SAI a conclu que les seules preuves crédibles de soutien de la collectivité étaient des lettres d’appui concernant M. Li et son entreprise de restauration. La SAI a conclu que ces lettres indiquaient que le mari de la demanderesse bénéficiait du soutien de la collectivité, mais ne disaient rien à cet égard en ce qui concernait la demanderesse.
(vi) Selon la SAI, vu que les parents, la fratrie et les beaux-parents de la demanderesse vivaient encore en Chine, il n’y avait aucune preuve crédible que la demanderesse serait exposée à un risque ou à des difficultés si elle était renvoyée en Chine.
(vii) En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, la SAI devait déterminer si l’intérêt supérieur des trois enfants de la demanderesse l’emportait sur tous les facteurs défavorables décrits ci‑dessus :
1) La SAI a reconnu que Rex est né avec une fente labiale, qu’il a subi une première chirurgie en 2012 et qu’il devait ultérieurement subir une chirurgie de suivi. La SAI a pris acte d’une lettre émanant de l’hôpital provincial du Fujian, en Chine, laquelle recommandait que, comme Rex avait subi une première chirurgie au Canada, la chirurgie de suivi devrait aussi avoir lieu au Canada. La SAI a conclu qu’il n’y avait aucune preuve documentaire indiquant que l’intervention ne pouvait pas avoir lieu en Chine.
2) Selon la SAI, rien ne prouve que Rex a des problèmes d’élocution ou qu’il serait victime d’intimidation s’il retournait en Chine. La SAI a accepté la lettre du médecin dans laquelle il est indiqué que Sean a eu un trouble de la parole, mais que ce problème n’existe plus.
3) La SAI a fait une erreur en indiquant que le nom d’Iris était
« Lily »
, mais elle a conclu qu’il n’y avait pas de preuve précise relativement à l’intérêt supérieur de l’enfant.4) La SAI s’est ensuite penchée sur les services offerts en Chine pour ce qui est de l’enseignement public et des soins de santé et, selon elle, rien ne prouve que les enfants n’auraient pas accès à ces services en Chine à titre d’enfants de citoyens chinois. D’après la SAI, les parents de la demanderesse pourraient l’aider sur le plan financier si elle retournait en Chine.
5) La SAI a examiné les conséquences possibles de la politique de planification familiale en Chine, mais, selon elle, rien n’indiquait que cette politique s’appliquerait aux enfants, puisqu’ils n’étaient pas nés en Chine, et rien n’indiquait que la demanderesse devrait subir une stérilisation forcée. La SAI a souligné que la demanderesse est elle-même née dans une famille de trois enfants.
6) Enfin, la SAI a examiné si les enfants étaient admissibles à la résidence permanente en Chine et a conclu qu’il n’était pas certain que les enfants ne seraient pas en mesure d’obtenir la résidence permanente en Chine.
[17]
Selon la SAI, l’intérêt supérieur des enfants n’était pas un facteur important, et compte tenu des autres facteurs défavorables, aucune mesure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne devait être prise à l’égard de la demanderesse. La SAI a examiné la possibilité d’accorder un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi à titre de solution de rechange, mais elle a conclu qu’il n’y avait pas de motifs d’ordre humanitaire suffisantes pour justifier l’octroi d’un sursis.
[18]
Par conséquent, la SAI a rejeté l’appel de la décision datée du 1er octobre 2018 [la décision].
IV.
Questions en litige et norme de contrôle applicable
[19]
Les questions en litige sont les suivantes :
A) La SAI a-t-elle appliqué le mauvais critère lorsqu’elle a apprécié l’intérêt supérieur des enfants?
B) La SAI a-t-elle apprécié de façon raisonnable la preuve relative à l’intérêt supérieur des enfants et les autres facteurs énoncés dans la décision Ribic?
C) La SAI a-t-elle commis une erreur en refusant l’octroi d’un sursis l’exécution de la mesure de renvoi?
[20]
La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Nguyen-Tran c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 93).
V.
Dispositions pertinentes
[21]
Le paragraphe 40(1) de la LIPR dispose qu’un résident permanent du Canada peut être interdit de territoire pour fausses déclarations :
40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :
a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;
[…]
[22]
Le paragraphe 67(1) de la LIPR précise dans quelles circonstances la SAI peut faire droit à un appel :
67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :
a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;
b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;
c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.
[23]
Le paragraphe 68(1) de la LIPR précise dans quelles circonstances la SAI peut accorder un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi :
68 (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.
VI.
Discussion
A)
La SAI a-t-elle appliqué le mauvais critère lorsqu’elle a apprécié l’intérêt supérieur des enfants?
[24]
La demanderesse soutient que la SAI a commis une erreur en appliquant le critère des difficultés, car, au pararagraphe 65 de sa décision, la SAI a exigé de la demanderesse qu’elle prouve que ses enfants seraient confrontés à des difficultés.
[25]
Dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 SCR 817 (CSC), au paragraphe 75, la Cour suprême du Canada énonce ce qui est exigé, selon la norme de la décision raisonnable, lorsqu’un décideur apprécie l’intérêt supérieur des enfants :
… pour que l’exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l’intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt. Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. Toutefois, quand l’intérêt des enfants est minimisé, d’une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.
[Non souligné dans l’original.]
[26]
Au paragraphe 65 de la décision, la SAI a affirmé que « [m]ême si le Canada offrait aux enfants une meilleure éducation que la Chine, le fait de ne pas avoir la meilleure éducation ou une meilleure éducation n’équivaut pas à des difficultés pour les enfants »
. Cependant, comme le juge Brown l’a souligné dans la décision Osorio Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 373, au paragraphe 25, la mention de difficultés dans une analyse relative à l’intérêt supérieur de l’enfant ne justifie pas à elle seule un contrôle judiciaire :
Cependant, il faut également examiner les motifs globalement pour déterminer si l’agent s’est écarté d’une analyse appropriée de l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour d’appel fédérale a déclaré que la mention de difficultés ne justifiait pas à elle seule un contrôle judiciaire. D’ailleurs, selon elle, même une analyse axée sur les difficultés pourrait ne pas justifier l’intervention de la Cour. Très souvent, comme les demandeurs l’ont fait en l’espèce par exemple, sinon presque toujours, les auteurs d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire invoquent dans leurs observations sur l’intérêt supérieur un bon nombre de conséquences défavorables advenant le renvoi de l’enfant, y compris un niveau médiocre d’éducation, un niveau de vie inférieur et la possibilité d’être exposé à la criminalité et à des actes de violence. Lorsque comme en l’espèce, les demandeurs font eux‑mêmes valoir ce qu’on pourrait dûment qualifier de « difficultés » subies par l’enfant en cas de renvoi, l’agent saisi de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne pourra habituellement pas être blâmé pour avoir employé l’expression « difficultés » dans son analyse, puisque se faisant, il résume simplement et fidèlement les conséquences alléguées par les demandeurs eux‑mêmes.
[Non souligné dans l’original.]
[27]
Après avoir examiné la décision dans son ensemble, je conclus que la SAI a bien interprété le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant.
B)
La SAI a-t-elle apprécié de façon raisonnable la preuve relativement à l’intérêt supérieur des enfants et les autres facteurs énoncés dans la décision Ribic?
[28]
L’alinéa 67(1)c) de la LIPR dispose expressément que de fausses déclarations ayant justifié une mesure de renvoi peuvent être excusées s’il existe des motifs d’ordre humanitaire. Ainsi, même si le législateur avait l’intention de s’assurer que de fausses déclarations entraînent des conséquences, il est également reconnu que la prise de mesures spéciales pour considérations humanitaires peut être envisagée dans certaines circonstances où une mesure de renvoi a été prise à la suite de fausses déclarations (Li c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 451, au par. 34).
[29]
Le poids à accorder aux facteurs énoncés dans la décision Ribic relève du pouvoir discrétionnaire de la SAI et, en contrôle judiciaire, il faut faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la SAI (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux par. 66 et 67).
[30]
Cependant, en l’espèce, le ton et la teneur de l’analyse de la SAI relative aux motifs d’ordre humanitaire laissent croire que la SAI souhaitait punir la demanderesse et ses enfants en raison des fausses déclarations faites par la demanderesse. En adoptant cette approche, la SAI n’a pas apprécié de façon raisonnable la preuve concernant l’intérêt supérieur des enfants, ainsi que la preuve concernant les autres facteurs énoncés dans la décision Ribic.
[31]
La demanderesse a produit des éléments de preuve pertinents concernant les difficultés qu’auraient ses enfants pour ce qui est d’obtenir le statut de résident permanent, d’aller à l’école et de se faire soigner dans le système public, les difficultés liées à la fente palatine de Rex et la possibilité d’une stérilisation forcée. Je relève notamment ce qui suit :
(i) Une lettre du Bureau de la sécurité publique de la ville de Changle, datée du 23 novembre 2015, dans laquelle il est écrit à propos de Rex : [traduction]
«Si l’enfant doit subir une nouvelle chirurgie réparatrice, aucuns frais médicaux ne seront remboursés. (Li Haohan est un citoyen canadien qui n’est pas admissible aux avantages médicaux offerts par la Chine) »
;(ii) Une lettre d’un médecin de l’hôpital provincial du Fujian, datée du 16 novembre 2015, qui recommande que la future chirurgie de la fente palatine de Rex soit effectuée dans le même hôpital, au Canada, où sa première chirurgie a été effectuée;
(iii) Une réponse à une demande de renseignements datée du 1er octobre 2012, qui précise que les enfants nés dans une famille dont le nombre d’enfants dépasse les limites prévues par la politique de planification familiale de la Chine ont des difficultés à avoir accès aux services d’éducation et de soins de santé;
(iv) Des documents dans lesquels il est précisé qu’il y a toujours des cas de stérilisation forcée de femmes qui ont atteint ou dépassé le nombre prescrit d’enfants qu’elles peuvent avoir selon la politique de planification familiale de la Chine;
(v) Des documents faisant état des amendes importantes infligées aux familles qui ont plus d’enfants que ce que permet la limite prévue dans la politique de planification familiale de la Chine.
[32]
La SAI a écarté les éléments de preuve un par un, au motif qu’aucun document ne démontrait de manière conclusive que la politique de planification familiale s’appliquerait aux enfants nés à l’étranger de citoyens chinois, et, par conséquent, elle a conclu que la demanderesse n’avait pas établi que les enfants ne pourraient pas obtenir la résidence permanente et qu’il n’auraient pas accès aux services d’éducation et de soins de santé. Par ailleurs, selon la SAI, rien ne prouve que la demanderesse serait forcée de se faire stériliser, car ses enfants sont nés à l’extérieur de la Chine.
[33]
L’approche utilisée n’a pas permis à la SAI de reconnaître que la prépondérance de la preuve donne à penser qu’une partie ou que l’ensemble des enfants se heurteraient à des obstacles considérables pour ce qui est de l’obtention de la résidence permanente et de l’accès à l’enseignement public et au système de soins de santé chinois. Par ailleurs, la preuve permet aussi de croire que la demanderesse pourrait très bien être forcée de se faire stériliser à son retour en Chine. Bien qu’aucun élément de preuve ne permette de démontrer de façon définitive que cela est inévitable, la SAI a commis une erreur en n’évaluant pas la preuve dans son ensemble.
[34]
L’utilisation de cette approche erronée est aussi mise en lumière par le fait que la SAI a mentionné à plusieurs reprises que la demanderesse et son mari ont déclaré dans leur témoignage que si l’un deux était forcé de retourner en Chine, toute la famille suivrait. La SAI s’est appuyée sur ce témoignage dans l’ensemble de sa décision pour écarter plusieurs motifs d’ordre humanitaire, car elle estimait que si les membres de la famille retournaient tous en Chine plutôt que seulement un certain nombre d’entre eux s, les difficultés qu’ils pourraient rencontrer lors de leur retour en Chine ne pourraient pas être très graves. Il est déraisonnable, dans le cadre d’une analyse de motifs d’ordre humanitaire, de reprocher aux membres d’une famille de vouloir demeurer ensemble et de ne pas séparer de jeunes enfants de l’un de leurs parents, surtout lorsque cet aspect est soulevé à de nombreuses reprises dans l’exposé des motifs.
[35]
La demanderesse s’est conduite de façon répréhensible en mentant de façon répétée aux autorités de l’immigration durant une longue période de temps. Cependant, selon le libellé explicite du paragraphe 67(1) de la LIPR, la demanderesse a droit à un examen complet des motifs d’ordre humanitaire sur lequel se fonde sa demande. Compte tenu de l’approche de la SAI sur cette question, un examen complet n’a pas été fait. Par conséquent, la présente demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à la SAI pour un réexamen complet afin de déterminer si la mesure de renvoi prise à l’endroit de la demanderesse doit être annulée ou suspendue, conformément aux présents motifs.
JUGEMENT dans le dossier IMM-5360-18
LA COUR STATUE :
La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAI pour nouvel examen.
Il n’y a aucune question à certifier.
« Michael D. Manson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 5e jour d’août 2019.
Claude Leclerc, traducteur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
|
IMM-5360-18
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INTITULÉ :
|
JIN GAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
|
Toronto (Ontario)
|
DATE DE L’AUDIENCE :
|
LE 10 JUILLET 2019
|
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :
|
LE JUGE MANSON.
|
DATE DES MOTIFS ET
DU JUGEMENT :
|
LE 15 JUILLET 2019
|
COMPARUTIONS :
Raoul Boulakia
|
pour la demanderesse
|
Catherine Vasilaros
|
pour les défendeurs
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Raoul Boulakia
Avocat
Toronto (Ontario)
|
pour la demanderesse
|
Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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pour les défendeurs
|