Date : 20190710
Dossier : IMM-6117-18
Référence : 2019 CF 906
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2019
En présence de monsieur le juge Shore
ENTRE :
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FARAH LOUIS
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demanderesse
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et
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MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Aperçu
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] de la décision par laquelle un commissaire de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] confirmait la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle la demanderesse n’a pas qualité de réfugiée au sens de la Convention au sens de l’article 96 de la LIPR, et n’est pas une personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR.
II.
Contexte
[2]
La demanderesse est une citoyenne d’Haïti âgée de 30 ans.
[3]
La demanderesse est arrivée au Canada le 21 juillet 2017; elle a présenté une demande d’asile le 8 septembre 2017. Dans son formulaire Fondement de la demande d’asile [formulaire FDA], elle a soulevé deux motifs de crainte de persécution en Haïti.
[4]
Le premier a trait à un litige foncier qui a mené à des actes de violence. Selon la demanderesse, un homme qui revendiquait des droits sur le terrain où elle vivait est venu à sa résidence, accompagné de représentants des autorités judiciaires, de la police et de « bandits »
. Les « bandits »
ont détruit la propriété et ont menacé de commettre d’autres actes de violence si les occupants refusaient de quitter le terrain. Les intrus seraient retournés sur les lieux à trois reprises et auraient continué de détruire les bâtiments et leur contenu.
[5]
Le deuxième motif est fondé sur la persécution fondée sur le sexe. La demanderesse prétend qu’elle a été victime d’une tentative de viol et qu’elle a identifié ses persécuteurs à la police.
[6]
La demanderesse a par la suite affirmé avoir reçu des menaces de mort de la part des personnes impliquées dans le litige foncier. Le formulaire FDA de la demanderesse ne faisait pas mention de cet incident.
[7]
La SAR a conclu que la demanderesse manquait de crédibilité à l’égard de ces motifs allégués.
III.
La décision contestée
[8]
Le 14 novembre 2018, la SAR a confirmé la décision de la SPR datée du 25 janvier 2018, selon laquelle la demanderesse n’a pas qualité de réfugiée au sens de la Convention et n’est pas une personne à protéger; la SAR a, par conséquent, rejeté sa demande d’asile.
[9]
La SAR a conclu que l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle craignait pour sa vie en raison d’un litige foncier n’était pas crédible en raison d’omissions et de contradictions dans le récit de la demanderesse, y compris la confusion entourant les dates importantes du récit et le retour hebdomadaire de la demanderesse à la maison qui était la source du litige et à l’endroit où l’incident en question s’était produit. La SAR a ajouté que la demanderesse n’avait initialement pas fait mention d’une menace de mort et qu’elle l’avait par la suite ajouté dans ses craintes si elle devait retourner en Haïti.
[10]
Quant aux circonstances entourant la tentative de viol alléguée, la SAR ne croyait pas que cet événement avait eu lieu; si tel avait été le cas, la demanderesse l’aurait précisé au juge de paix lorsqu’elle a déclaré la destruction de biens, étant donné que la tentative de viol alléguée aurait eu lieu à l’une des occasions où les « bandits »
ont visité sa propriété et détruit des biens. La SAR a également conclu que, si l’événement s’était produit de la façon décrite par la demanderesse, elle aurait également fait mention de la tentative de viol dans sa réponse à la SPR lorsqu’on lui a demandé quelles étaient ses craintes si elle retournait en Haïti.
IV.
Les questions en litige et la norme de contrôle
[11]
La Cour ne doit répondre qu’à une seule question : La décision de la SAR est‑elle raisonnable?
[12]
Une décision de la SAR dans laquelle cette dernière apprécie la crédibilité d’un demandeur entraîne l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable. Par conséquent, la Cour n’interviendra que si la décision présente des lacunes en ce qui a trait « à la justification […], à la transparence et à l’intelligibilité »
et qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, par. 47 et Jalal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 438, par. 13).
V.
Les dispositions applicables
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Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes en l’espèce :
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VI.
Analyse
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La demanderesse aimerait que la Cour conclue que la conclusion concernant la crédibilité tirée par la SAR était déraisonnable. La demanderesse a en outre fait valoir que la SAR avait tiré une conclusion erronée quant à sa crainte d’être persécutée en raison de son sexe relativement au danger d’être une victime de viol en Haïti.
[15]
En ce qui concerne la conclusion concernant la crédibilité, la demanderesse soutient que la SAR a omis d’examiner l’ensemble de la preuve et qu’au lieu de cela, elle a choisi des extraits qui appuyaient sa conclusion. La demanderesse rappelle à la Cour que cette conduite constitue une erreur susceptible de contrôle (Hamdar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 382, par. 58). Dans la présente affaire, la conclusion de la SAR selon laquelle la demanderesse n’était pas crédible reposait sur de nombreux exemples d’omissions et de contradictions concernant les aspects fondamentaux de sa demande d’asile. Par conséquent, la Cour conclut qu’il était loisible à la SAR de conclure que la demanderesse n’est pas crédible.
[16]
La demanderesse a également déclaré qu’elle craint de retourner en Haïti parce qu’elle avait été victime d’une tentative de viol. En ce qui concerne cette affirmation en particulier, la SAR a reconnu qu’un tribunal doit être sensible au fait que les demandeurs soient moins disposés à parler de tels événements traumatisants, mais elle a encore là conclu au manque de crédibilité à cet égard pour les raisons suivantes. Premièrement, la demanderesse n’a pas hésité à discuter d’un autre événement traumatisant de même nature au tout début de l’audience. Deuxièmement, lorsque la demanderesse s’est adressée à la police après cette tentative de viol alléguée, elle n’a pas signalé l’événement. Elle a plutôt signalé la destruction matérielle des bâtiments et des meubles.
[17]
La SAR a donc conclu que la crainte de la demanderesse à l’égard des « bandits »
est née des actes de violence liés à la revendication territoriale, et non de la tentative de viol alléguée. Il était également loisible à la SAR de tirer cette conclusion. Ayant conclu que la demanderesse n’était pas crédible dans son allégation selon laquelle les « bandits »
avaient causé la destruction de biens, la SAR a également conclu à un manque de crédibilité quant au viol dans le dossier de la demanderesse. La SAR a conclu que le risque de viol auquel la demanderesse était exposée en Haïti était un risque général pour les femmes en Haïti et non un risque personnalisé (Prophète c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31, par. 3).
[18]
La décision appartient aux issues qui sont justifiables au regard des faits et du droit. Par conséquent, l’intervention de la Cour n’est pas nécessaire et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.
JUGEMENT dans le dossier IMM-6117-18
LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.
« Michel M.J. Shore »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 25e jour de juillet 2019
Maxime Deslippes
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM-6117-18
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INTITULÉ :
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FARAH LOUIS c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Montréal (Québec)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 27 juin 2019
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE SHORE
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DATE DES MOTIFS :
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Le 10 juillet 2019
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COMPARUTIONS :
Mark J. Gruszczynski
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Pour la demanderesse
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Lynne Lazaroff
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Pour le défendeur
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Canada Immigration Team
Westmount (Québec)
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Pour la demanderesse
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Procureur général du Canada
Montréal (Québec)
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Pour le défendeur
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