Date : 19991012 Dossier : T-1-99
ENTRE
JOHN MURRAY CLEARWATER,
demandeur,
-et
LE MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN,
défendeur.
MOTIFS MODIFIÉS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE CULLEN
[1] Le demandeur sollicite une ordonnance enjoignant au ministère défendeur de retirer certains des frais facturés conformément à la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, et modifications (ci-après la Loi), au sujet de documents pour lesquels le demandeur a fait une demande de communication aux Archives nationales en 1997 et 1998. Le demandeur cherche également à obtenir une ordonnance enjoignant aux Archives nationales de modifier leur politique concernant l'imposition de frais pour l'avenir et ce, afin de la rendre conforme à la politique du Conseil du Trésor.
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Les faits
[2] Le demandeur, John Murray Clearwater, a fait en 1997 et 1998 la demande de copies de documents que détiennent les Archives nationales du Canada (ci-après les « AN » ). À la suite de la réception de chacune des demandes faites par le demandeur, les AN lui ont écrit pour l'informer que des frais seraient exigés pour le traitement de ses demandes. Le demandeur a été informé qu'on lui facturerait 350 $ pour sa demande de 1997 (demande no 1027-97-A-0079). La documentation demandée correspondait à plus de deux mille pages, et les AN évaluaient à approximativement 35 heures le [TRADUCTION] « temps de préparation » nécessaire à son traitement. La somme facturée pour la demande de 1998 (demande no 1027-98-A-00118) était de 248,40 $ et incluait 70 $ pour la [TRADUCTION] « recherche et la préparation » de presque neuf cents pages de documentation.
[3] Le demandeur a déposé des plaintes auprès du Commissaire à l'information (ci-après le « Commissaire » ) contestant premièrement les frais de 1997 pour le temps de « préparation » (dossier no 3100-10238/001) et deuxièmement, les frais de 1998 pour le temps de « recherche et de préparation » (dossier no 3100-11650/001). Le Commissaire a rendu une décision défavorable au demandeur dans les deux cas. Le demandeur a déposé son avis de demande auprès de la Cour le 4 janvier 1999, 42 jours après la décision du Commissaire relative aux frais de 1998 et approximativement 425 jours après la décision du Commissaire concernant les frais de 1997.
[4] Les documents que le demandeur a demandés en 1997 et en 1998 portaient une cote de sécurité. Par conséquent, le traitement des deux demandes du demandeur allaient comporter
Page : 3 plusieurs étapes. Les deux parties conviennent que, premièrement, l'on allait peut-être avoir à effectuer une recherche pour trouver les documents demandés. Une fois repérés, les documents seraient passés en revue, c'est-à-dire lus par des agents responsables. Ces agents allaient ensuite surligner tout passage jugé confidentiel. En l'espèce, ces agents venaient du ministère de la Défense nationale et du SCRS. En passant les documents en revue et en les surlignant, les agents auraient peut-être à faire plusieurs copies du document afin de s'aider à en faire l'examen et d'en garder des copies pour le dossier; ils auraient peut-être à y ajouter des observations relatives aux choix faits dans ce qui devait être retranché et ils auraient peut-être à effectuer une recherche pour trouver le document.
[5] Le demandeur croit qu'il a été facturé incorrectement en 1997 et en 1998 pour une ou plusieurs des activités mentionnées ci-haut. Il fonde son argumentation sur une lettre que lui a fait parvenir le Président du Conseil du Trésor [voir la pièce L au dossier du demandeur], dans laquelle il est écrit : [TRADUCTION] « [l']utilisation de la technologie de pointe réduit généralement le temps nécessaire pour rendre les documents accessibles aux demandeurs... » . Le demandeur a également reçu une lettre du ministère de la Justice [voir la pièce K au dossier du demandeur], qui dit: [TRADUCTION] « ... Je suis d'accord avec vous que les nouvelles technologies, de façon générale, devraient réduire le coût ainsi que le temps de préparation... » . Le demandeur a également fait allusion, au paragraphe cinq de son affidavit, à une conversation au cours de laquelle on lui aurait dit qu'une partie des frais exigés de lui en 1997 était pour le temps consacré à insérer les recommandations du SCRS ou du MAECI. Toutefois, le demandeur n'a soumis aucune preuve à l'audition pour appuyer cette allégation.
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[6] Le défendeur a affirmé que le demandeur, en 1997 tout comme en 1998, avait été facturé
pour des activités autres que celles mentionnées ci-haut. Pour quelles raisons a-t-on exigé ces
frais? Les deux parties s'accordent pour dire qu'une fois le surlignage terminé, un photocopieur
spécial, connu sous le nom de « photocopieur à retranchements automatiques » , est alors utilisé
pour copier chaque page du document (au moyen d'un laser, le photocopieur efface, ou
retranche, tous les passages confidentiels surlignés). Bien que le demandeur ait commencé en
disant qu'il était simplement nécessaire d'alimenter le photocopieur avec les pages, il s'est
ultérieurement ravisé, et a admis que certaines activités, qu'il a appelées [TRADUCTION]
« contrôles de la qualité » , étaient nécessaires. Le défendeur affirme que c'est pour ce type d'activité que le demandeur doit avoir été facturé.
[7] Les autres activités nécessaires à la préparation d'un document confidentiel visant à le
rendre accessible au public ont été énumérées par le témoin du défendeur, la Directrice de la
Division de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels des AN, au
paragraphe 6 de son affidavit
[TRADUCTION]
iii) puisque cette machine [photocopieur à retranchements automatiques] avoisine maintenant la désuétude, le préposé doit réexaminer les pages retranchées et des retranchements additionnels peuvent être nécessaires. La vérification additionnelle a pour but de garantir l'exactitude du procédé et nécessite de photocopier des pages de nouveau.
iv) la préparation consistant à retirer toutes les pages où de l'information a été exemptée ou exclue en entier se fait à la main. À la place de l'information retranchée une page est insérée, marquant que la page originale a été retranchée en entier et cette page porte une étampe indiquant qu'il s'agit d'une exemption ou d'une exclusion.
v) le document final à être rendu public est alors étampé afin d'indiquer où l'on a retranché de l'information (exemptée ou exclue - cela comprend les cas où l'on
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a retranché des phrases ou des paragraphes).
En ce qui a trait aux frais exigés en 1998, le témoin a également affirmé au paragraphe 11 de son affidavit
[TRADUCTION]
...les activités que je considérais facturables étaient celles qui étaient directement liées au temps consacré à rendre les documents accessibles au public, activités que je qualifie de préparation « physique » ou « matérielle » de l'information traitée. Dans le présent cas, l'activité de « préparation » consiste uniquement à effectuer des opérations « couper-coller » .
Les questions de droit
[8] Avant d'aborder les questions en litige, je constate que le demandeur, autant dans ses prétentions écrites qu'à l'audition, n'a pas donné suite à la contestation des frais exigés en 1997. En dépit de cela, sa demande fait bel et bien état des frais exigés en 1997, je trancherai donc la question dans les motifs de ma décision. Ainsi, je statuerai sur cinq questions : premièrement, une plainte relative à des frais exigés en vertu de la Loi peut-elle, à bon droit, être entendue par la Cour? deuxièmement, la présente demande, plus particulièrement en ce qui a trait aux frais exigés en 1997, peut-elle à bon droit être entendue par la Cour? troisièmement, les frais exigés en 1998 ont-ils été correctement évalués? quatrièmement, l'article 48 de la Loi opère-t-il un renversement du fardeau de la preuve plaçant ainsi le fardeau d'établir la légitimité des frais à la charge du défendeur? cinquièmement, les dépens.
[9] Le demandeur s'adresse à la Cour conformément à l'article 41 de la Loi. La première question dont la Cour est saisie est de savoir si le libellé de la disposition permet un appel sur une plainte relative aux frais. Il importe de noter que cela ne constituait pas une question litigieuse pour les parties. Toutefois, puisqu'il s'agit d'une question de compétence, la Cour doit
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trancher la question. L'article 41 est rédigé comme suit
La personne qui s'est vu refuser communication totale ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi et qui a déposé une plainte à ce sujet devant le Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 37(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, proroger ou en autoriser la prorogation.
[10] À première vue, l'article 41 permet seulement de faire appel d'une décision du Commissaire par laquelle il refuse la communication d'un document demandé en vertu de la Loi. En l'espèce cependant, le demandeur fait appel de l'imposition de frais et non d'un refus de communication d'un document. Le demandeur n'a pas soulevé cette question alors que le défendeur a cité la décision Rubin c. Canada (Ministre des Finances) (1987), 35 D.L.R. (4th) 517 (CI 1`e inst.) (ci-après Rubin). Dans cette affaire, le juge en chef adjoint Jerome pose le principe, à la page 521, que les plaintes relatives aux frais pourraient être permises en vertu de l'article 41.
Sans statuer de façon formelle pour autant, nous pouvons présumer, pour les fins du présent débat, que le sens de l'expression « recours en révision de la décision de refus » de l'article 41 est suffisamment large pour s'appliquer à la présente demande.
[11] Ne s'agissant là que d'une supposition, le juge n'a pas cité de précédent; il a plutôt fait
reposer cette supposition, celle de la page 521, sur une observation selon laquelle les appels
ayant trait aux frais semblaient « opportun [s] » . Pourtant, le paragraphe 10(3) de la Loi appuie
mieux la thèse du juge. La disposition prévoit
10(3) Le défaut de communication totale ou partielle d'un document dans les délais prévus par la présente loi vaut décision de refus de communication.
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[12] Le délai pertinent quant à la présente demande se trouve à l'article 7 de la Loi. La
disposition prévoit
7. Le responsable de l'institution fédérale à qui est faite une demande de communication de document est tenu, dans les trente jours suivant sa réception, [...]
b) le cas échéant, de donner communication totale ou partielle du document.
[13] Le demandeur a présenté une demande de communication de certains documents aux AN à la fin du mois d'août 1997. Conformément à l'article 7, les AN avaient donc jusqu'à la fin du mois de septembre, en supposant que le délai n'était pas prorogé, pour donner communication des documents pour lesquels le demandeur avait fait une demande. Selon le paragraphe 10(3), le défaut de donner communication dans ce délai aurait été assimilable à une décision de refus de communication de la part des AN. Parce que le demandeur n'a pas payé les frais exigés de 350 $, les AN n'ont pas donné communication des documents à l'intérieur du délai. Le défaut d'agir des AN doit donc valoir décision de refus de communication. Considérant qu'il y ait eu refus de communication, le demandeur était en droit d'interjeter appel devant la Cour en vertu de l'article 41.
[14] La deuxième question devant la Cour est de savoir si l'appel interjeté par le demandeur relativement aux frais exigés en 1997 est prescrit selon les termes de l'article 41. Conformément à cet article, le délai commence à courir « suivant le compte rendu du Commissaire » et ce, pendant quarante-cinq jours. Le Commissaire a rendu compte des conclusions de son enquête dans une lettre au demandeur datée du 3 novembre 1997. Le 4 janvier 1999, soit approximativement quatre cent vingt-cinq jours plus tard, le demandeur a déposé son avis de demande à la Cour. Le délai de quarante-cinq jours s'en trouve dépassé de plus d'un an. Le délai
Page : 8 de prescription peut continuer à courir au-delà de quarante-cinq jours, étant donné que « la Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation » .
[15] Il n'y a pas de jurisprudence qui traite des principes gouvernant le pouvoir
discrétionnaire de proroger le délai de prescription conféré à la Cour par l'article 41. Puisque le
libellé du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par
L.C. 1990, ch. 8, art. 5), est toutefois similaire à celui de l'article 41 de la Loi, la jurisprudence se
rattachant au paragraphe 18.1(2) est une source convaincante en ce qui a trait aux principes que
la Cour tend à définir. Le paragraphe 18.1(2) prévoit
18.1(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours ... ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.
[16] Dans l'arrêt Grewal c. M.E.I., [1985] 2 C.F. 263 (ci-après Greiva~ le juge en chef Thurlow, à la page 277, a énoncé plusieurs critères pertinents aux fins de déterminer si la Cour doit exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 18.1(2) et ainsi proroger un délai, notamment : 1) le demandeur avait-il l'intention de présenter une demande à la Cour à l'intérieur du délai de prescription prévu à l'article pertinent? 2) quelle est la longueur de la période pour laquelle prorogation est exigée? et 3) la prorogation de délai causera-t-elle un préjudice à la partie adverse et, si c'est le cas, qu'elle sera la nature du préjudice? À cette liste doit être ajouté 4) la cause du demandeur est-elle défendable? Voir Conseil des Canadiens c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence), [ 1997] C.F. 48.
Il est à noter toutefois que cette liste n'est pas exhaustive; comme le juge en chef Thurlow l'affirme aux pages 277 et 278
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Cependant, en dernière analyse, la question de savoir si l'explication donnée justifie la prorogation nécessaire doit dépendre des faits de l'espèce et, à mon avis, nous commettrions une erreur si nous tentions d'énoncer des règles qui auraient l'effet de restreindre un pouvoir discrétionnaire que le Parlement n'a pas jugé bon de restreindre.
[17] En ce qui a trait au premier critère, le demandeur n'a pas présenté de preuve quant à son intention de déposer une demande à la Cour à l'intérieur du délai de prescription prévu par l'article 41 de la Loi. En fait, la preuve démontre que bien que le demandeur ait été mis au courant de son droit d'en appeler devant la Cour par une lettre datée du 3 novembre 1997, il était plus intéressé à lancer une campagne de lettres contre divers ministères (voir les pièces F, G, H, 1, M, et P au dossier du demandeur). Pour ce qui en est du deuxième critère, la période de prorogation nécessaire à la révision des frais exigés en 1997 serait de plus d'un an. Ces deux facteurs militent contre la prorogation du délai.
[18] Quant au troisième critère, aucune preuve n'a été présentée pour démontrer que le fait d'accorder une prorogation de délai porterait préjudice aux défendeurs. Cela dispose favorablement la Cour à accorder une prorogation. Finalement, la cause du demandeur est-elle défendable?
[19] Le demandeur a exercé un recours en révision relativement aux frais de préparation que les AN lui ont exigés pour la communication de certains documents. Le demandeur fonde son recours en révision sur l'allégation que le ministère défendeur [TRADUCTION] « a commis une erreur en s'appuyant sur l'article 11 de la Loi pour exiger des frais. »
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[20] Le paragraphe 11(2) de la Loi prévoit
11(2) Le responsable de l'institution fédérale à qui la demande est faite peut en outre exiger, avant de donner communication ou par la suite, le versement d'un montant déterminé par règlement, s'il faut plus de cinq heures pour rechercher le document ou pour en prélever la partie communicable.
La politique du Conseil du Trésor, telle qu'énoncée dans le Rapport de mise en oeuvre no 49
(23 juin 1995), Point 3-Frais, fait la distinction entre les activités pour lesquelles des frais de
« préparation » peuvent être exigés et les autres
Il semble, par contre, un peu plus difficile de déterminer quelles activités se rattachent à la préparation. Les activités touchant la préparation qui peuvent être facturées sont celles directement liées au temps consacré pour mettre les documents sous une forme accessible aux personnes qui en font la demande. Ces activités incluent notamment les opérations « couper-coller » . Cependant, le temps consacré aux opérations administratives telles que la production de copies à des fins d'examen, l'incorporation de commentaires formulés au cours du processus de prise de décision, la recherche de documents et la copie de documents aux fins de versement aux dossiers ne font pas partie des activités liées à la préparation et, par conséquent, ne sont pas facturables.
Lorsqu'un document est divulgué en entier, les activités tant de préparation que de reproduction sont assez claires. Ce n'est que lorsqu'une personne demande de consulter une copie, plutôt que le document original, que des frais de reproduction entrent en jeu. Le processus se complique encore davantage lorsque le document contient des exceptions. Pour qu'un document puisse être consulté, il se peut que les institutions doivent en faire une copie pour protéger l'original. Bien que la production de copies aux fins d'examen ne soit pas facturable, le temps consacré à préparer des copies aux fins de consultation peut être attribué à la préparation et peut êrtre facturé.
[21] Le demandeur craint que les AN lui aient exigé des frais pour des activités se rattachant non pas à la « préparation » mais plutôt à l' « examen » . Puisque le Règlement sur l'accès à l'information, DORS/83-507, et ses modifications, ne contient aucune disposition permettant d'exiger des frais pour des activités d' « examen » , les AN ne peuvent exiger de frais pour ce type de travail. La crainte du demandeur semble reposer sur deux fondements distincts. Premièrement, le demandeur affirme que toutes les activités effectuées avant de faire des
Page: 11 photocopies, incluant le surlignage, font partie du processus d' « examen » et qu'ainsi, elles ne sont pas facturables. Deuxièmement, le demandeur a affirmé qu'aucune activité de
« préparation » n'est requise lorsque l'on utilise un photocopieur à retranchements automatiques. En tenant compte des observations du défendeur, toutefois, le demandeur s'est ravisé et a admis que lors de cette phase de « préparation » , un certain [TRADUCTION] « contrôle de la qualité » peut être nécessaire.
[22] Au soutien de ses prétentions, le demandeur semble s'être fié à deux affirmations générales faites par deux représentants distincts du gouvernement et qui énoncent que les photocopieurs à retranchements automatiques peuvent contribuer à diminuer le temps requis pour les activités de « préparation » . Le demandeur s'est également fié à une déclaration qu'il affirme qu'un représentant du gouvernement lui a faite et dans laquelle ce représentant aurait admis qu'une partie des frais qu'on lui a exigés en 1997 étaient pour du temps consacré à [TRADUCTION] « l'insertion des recommandations » du SCRS ou du MAECI - clairement une activité d' « examen » et pour laquelle les AN ne peuvent exiger de frais. Finalement, il a maintenu que, logiquement, les AN avaient dû lui exiger des frais incorrectement pour des activités d'examen puisqu'il n'y avait guère d'activités de préparation - incluant les activités de [TRADUCTION] « contrôle de la qualité » , pour lesquelles les AN pouvaient exiger des frais.
[23] Le Commissaire a affirmé dans une lettre adressée au demandeur et datée du 3 novembre 1997, que, d'une façon générale, un certain travail de préparation restait nécessaire bien que l'on utilise les photocopieurs à retranchements automatiques. Le témoin du défendeur a également
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affirmé au paragraphe 6 de son affidavit
[TRADUCTION]
iii) puisque cette machine [photocopieur à retranchements automatiques] avoisine maintenant la désuétude, le préposé doit réexaminer les pages retranchées et des retranchements additionnels peuvent être nécessaires. La vérification additionnelle a pour but de garantir l'exactitude du procédé et nécessite de photocopier des pages de nouveau.
iv) la préparation consistant à retirer toutes les pages où de l'information a été exemptée ou exclue en entier se fait à la main. À la place de l'information retranchée une page est insérée, marquant que la page originale a été retranchée en entier et cette page porte une étampe indiquant qu'il s'agit d'une exemption ou d'une exclusion.
v) le document final à être rendu public est alors étampé afin d'indiquer où l'on a retranché de l'information (exemptée ou exclue - cela comprend les cas où l'on a retranché des phrases ou des paragraphes).
[24] Le demandeur a émis une opinion sur ce que le processus comprend, mais pour étayer son opinion, il ne fait que citer des énoncés ambigus, des généralités hâtives, de ministres et du Président du Conseil du Trésor. Il affirme également qu'un représentant du gouvernement a admis que le demandeur était facturé pour des activités d' « examen » , mais il n'a pas présenté de preuve relativement à cette admission. Il serait difficile de conclure, avec si peu, que le demandeur a été facturé pour autre chose que du temps de « préparation » , plus particulièrement à la lumière de la preuve présentée par le témoin du défendeur décrivant en détail de nombreuses activités de « préparation » qui restent à faire, malgré l'utilisation par les AN d'un photocopieur à retranchements automatiques. Ajoutons à cela le fait que le demandeur reconnaît qu'il subsiste certaines activités de « préparation » malgré l'utilisation par les AN du photocopieur de haute technologie.
[25] Comme je l'ai mentionné précédemment, la cause du demandeur doit être défendable
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pour que la Cour puisse exercer son pouvoir discrétionnaire et ainsi accorder une prorogation de
délai. Dans la décision LeBlanc c. Banque Nationale dit Canada, [1994] 1 C.F. 81, le juge
MacKay a écrit, à la page 92
Bien que cette Cour n'ait pas, lorsqu'elle examine une demande de prorogation de délai, à apprécier de façon définitive le bien-fondé des arguments du requérant, elle doit être persuadée, comme l'enseigne clairement la jurisprudence, que ce dernier a une cause soutenable et qu'il a une chance raisonnable d'avoir gain de cause.
Malheureusement pour le demandeur, il n'y a guère de fondement probatoire à son allégation qu'il ya eu dérogation à l'article 11. La preuve la plus convainquante qui étaye les allégations du demandeur concernant les frais de « préparation » ne tient que de la conjecture. Les déclarations des ministres n'ajoutent rien. La preuve est insuffisante pour que le demandeur ait une chance raisonnable de démontrer qu'il a été facturé pour des activités qui ne sont pas visées à l'article 11 de la politique du Conseil du Trésor. De plus, étant donné que le demandeur n'a jamais eu l'intention de présenter une demande à la Cour à l'intéreur du délai de prescription prévu à l'article 41 de la Loi et qu'un délai de prorogation d'un an serait requis, il ne fait aucun doute que la présente affaire n'est pas propice à l'exercice par la Cour du pouvoir discrétionnaire prévu à l'article 41 de proroger le délai de prescription.
[26] La question sur laquelle la Cour doit ensuite statuer a trait au frais imposés au demandeur en 1998 et pour lesquels le demandeur intente un recours en révision. Étant donné que les carences sur le plan de la preuve existent autant pour les frais de 1998 visés par le recours en révision que pour les frais de 1997, une bonne partie de ce qui a été écrit précédemment s'applique également aux frais de 1998. De fait, tandis que le demandeur connaît le même
Page : 14 problème de pénurie de preuve, le témoin du défendeur a soumis de la preuve portant plus particulièrement sur les frais de 1998, et le paragraphe 11 de son affidavit est rédigé comme suit
[TRADUCTION]
...les activités que je considérais facturables étaient celles qui étaient directement liées au temps consacré à rendre les documents accessibles au public, activités que je qualifie de préparation « physique » ou « matérielle » de l'information traitée. Dans le présent cas, l'activité de « préparation » consiste uniquement à effectuer des opérations « couper-coller » .
Il est vrai que les décisions du Commissaire de 1998 font allusion au fait que le demandeur ait été facturé pour le [TRADUCTION « marquage des pages à être photocopiées » (voir la pièce U au dossier du demandeur). Le demandeur, lui aussi, a affirmé avoir été facturé pour du « marquage » et a également affirmé que le marquage n'est pas une activité pour laquelle des frais peuvent être exigés puisque cela est simplement une manifestation physique d'un « processus intellectuel » (je crois que le demandeur entend par là lecture et examen). Si les AN ont effectivement facturé pour le « marquage » , la politique du Conseil du Trésor leur permet toutefois clairement de le faire
Pour qu'un document puisse être consulté, il se peut que les institutions doivent en faire une copie pour protéger l'original. Bien que la production de copies aux fins d'examen ne soit pas facturable, le temps consacré à préparer des copies aux fins de consultation peut être attribué à la préparation et peut être facturé.
Somme toute, le demandeur n'a su réfuter la preuve claire contenue dans l'affidavit du témoin du défendeur. Je conclus par conséquent que le demandeur a été facturé pour des activités visées au paragraphe 11 de l'affidavit et que les activités « couper-coller » s'inscrivent dans le cadre de l'article 11 de la Loi et de la politique pertinente du Conseil du Trésor en tant qu'activités facturables.
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[27] La quatrième question sur laquelle la Cour doit se pencher a trait au renversement du
fardeau de la preuve qu'opère l'article 48 de la Loi, imposant le fardeau au défendeur, ce à quoi
le demandeur fait allusion dans sa demande. L'article 48 prévoit
48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41 ou 42, la charge d'établir le bien-fondé du refus de communication totale ou partielle d'un document incombe à l'institution fédérale concernée.
Le demandeur n'a pas présenté de prétentions relativement à cette question et il n'est pas certain qu'elle soit pertinente en l'espèce. Ce n'est qu'en faisant une analogie entre les expressions
« refus de communication > , et « exiger des frais » que l'article 48 peut trouver application et transférer le fardeau d'établir la légitimité des frais au défendeur. Il n'y a toutefois aucun fondement permettant une telle analogie et, en l'absence de prétentions, la Cour ne se prononce pas sur cette question.
[28] En plus du retrait des frais, le demandeur a demandé une ordonnance enjoignant aux AN de changer leur politique concernant l'imposition de frais pour l'avenir. Étant donné que ce type de remède excéderait les limites de la compétence de la Cour, l'ordonnance ne peut être considérée.
[29] En m'appuyant sur l'analyse qui précède, je conclus que la demande de contrôle judiciaire doit être entièrement rejetée.
[30] Quant à la question des dépens, le demandeur affirme que la Cour doit lui accorder les dépens conformément au paragraphe 53(2) de la Loi. Le paragraphe 53(2) prévoit
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(2) Dans les cas où elle estime que l'objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.
La question de savoir si l'article 41 de la Loi peut s'appliquer à des contestations de frais a été abordée dans la présente demande. La question, comme en témoigne l'affaire Rarbiti, précitée, n'est pas nouvelle pour la Cour. Celle de la prorogation de délai conformément à l'article 41 de la Loi, comme en témoigne l'affaire Gretival, précitée, ne l'est pas non plus. En outre, le demandeur semble avoir perdu de vue le véritable enjeu de la demande de révision, en souhaitant par moments que la Cour critique divers ministres plutôt que les décisions du Commissaire. Inversement, j'ai été impressionné par les prétentions tant orales qu'écrites des avocats des défendeurs. Naturellement, ils ont également demandé que les dépens leur soient adjugés. Toutefois, je ne suis pas d'avis que les circonstances nécessitent l'adjudication de dépens.
Ottawa (Ontario) B. Cullen Le 12 octobre 1999.
J. C. F. C.
Traduction certifiée conforme
Kathleen Larochelle, LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
N ° DE DOSSIER: T-1-99
INTITULÉ DE LA CAUSE: JOHN MURRAY CLEARWATER
C. LE MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN
LIEU DE L'AUDIENCE: OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE: LE 13 SEPTEMBRE 1999
MOTIFS MODIFIÉS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR: LE JUGE CULLEN EN DATE DU: 12 OCTOBRE 1999 ONT COMPARU
JOHN M. CLEARWATER EN SON PROPRE NOM
SUSANNE PEREIRA POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS AU DOSSIER
MORRIS ROSENBERG POUR LE DÉFENDEUR SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL
DU CANADA