Date : 20040112
Dossier : IMM-4965-03
Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
HEKTOR CARKU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE KELLEN
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 22 mai 2003 dans laquelle la Commission a refusé de reconnaître au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger.
LES FAITS
[2] Le demandeur est un citoyen albanais âgé de 26 ans. Il allègue craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social, c'est-à-dire à une famille d'activistes perçue comme s'opposant au gouvernement. Il affirme être un membre actif du Parti démocratique (le PD). Il soutient que ses activités politiques ainsi que les activités politiques de son père ont attiré sur lui l'attention d'un certain policier albanais qui l'a agressé et qui a menacé de le tuer. Il croit que s'il retourne en Albanie il sera persécuté par le Parti socialiste et ses partisans, et qu'il ne pourra pas se réclamer de la protection de l'État.
[3] Le demandeur a quitté l'Albanie pour venir au Canada le 11 mars 2002, et il a présenté une demande d'asile à son arrivée. Lorsqu'il a comparu devant la Commission, cette dernière a rejeté sa demande pour manque de crédibilité.
[4] La Commission n'a pas ajouté foi à l'allégation selon laquelle le demandeur a été victime d'une grave agression qui l'a amené à fuir l'Albanie. La Commission a énoncé ce qui suit aux pages 5 et 6 de ses motifs :
Tant lors de son entrevue que dans une déclaration écrite qu'il a lui-même faite en albanais, le demandeur d'asile n'a pas mentionné que ces agressions, auxquelles il a fait référence oralement lors de son audience, constituaient la raison pour laquelle il avait fui l'Albanie au moment où il l'avait fait.
[...]
Je rejette l'explication du demandeur d'asile à cet égard et je rejette aussi toutes les explications qu'il a fournies quant à l'absence de renseignements essentiels dans ses documents [...]. J'estime que, si le demandeur d'asile avait été victime de l'agression grave environ un mois avant sa supposée fuite de l'Albanie, cet incident aurait été mentionné, avec insistance et de manière bien visible, dans toutes les communications que le demandeur d'asile a pu avoir avec les représentants d'Immigration Canada, qui étaient particulièrement désireux de connaître les raisons pour lesquelles ce dernier était venu au Canada et y avait demandé l'asile.
[5] La Commission est arrivée à la conclusion suivante à la page 6 de ses motifs :
Je ne dispose d'aucun élément de preuve crédible ou digne de foi me permettant de déterminer que le demandeur d'asile a été victime de quelque forme de mauvais traitements en Albanie depuis 1998, du fait de quelque profil politique.
ANALYSE
[6] Lors de l'audience, j'ai demandé si le demandeur avait présenté une preuve corroborante pour prouver qu'il avait été victime d'une grave agression à la suite de laquelle il a dû passer trois jours à l'hôpital et à cause de laquelle il s'est enfui au Canada et y a présenté une demande d'asile. Il n'y a aucune mention d'un tel document dans la décision de la Commission ou dans les mémoires des parties. J'ai été surpris d'apprendre qu'il existe un rapport médical, établi par un expert médicolégal du ministère de la Justice de l'Albanie à la demande de l'avocat du père du demandeur, qui confirme la véracité des allégations au sujet de l'agression, des blessures, du séjour à l'hôpital à la suite de l'agression, des faits entourant l'agression et du contexte général de l'affaire.
[7] Le rapport médical en question contredit directement la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'a pas été « victime de l'agression grave environ un mois avant sa supposée fuite de l'Albanie » . Ce rapport médical est un élément de preuve important et pertinent. Il n'est ni mentionné ni analysé dans les motifs de la Commission. La Cour peut déduire de ce silence que la Commission a tiré sa conclusion principale sans tenir compte de cet élément de preuve. Il est bien établi que la Commission est tenue d'expliquer un tel rapport parce qu'il s'agit d'un élément de preuve important, pertinent et allant à l'encontre de la principale conclusion de fait. Voir les motifs du juge Evans (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) dans Cepeda-Gutierrez et al. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35. Pour ce motif, l'affaire doit être renvoyée à la Commission pour qu'elle statue sur elle conformément à la présente décision.
[8] Les parties et la Cour conviennent que la présente demande ne soulève pas de question grave de portée générale devant être certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué de la Commission aux fins d'une nouvelle audition.
« Michael A. Kelen » __________________________
Juge
Traduction certifiée conforme
Aleksandra Koziorowska, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4965-03
INTITULÉ : HEKTOR CARKU
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 7 JANVIER 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET
ORDONNANCE : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 12 JANVIER 2004
COMPARUTIONS :
Micheal Crane POUR LE DEMANDEUR
Jeremiah A. Eastman POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Micheal Crane POUR LE DEMANDEUR
Avocat
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Ministère de la Justice
The Exchange Tower
2, First Canadian Place, bureau 3400
C.P. 36
Toronto (Ontario) M5X 1K5
COUR FÉDÉRALE
Date : 20040112
Dossier : IMM-4965-03
ENTRE :
HEKTOR CARKU
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE