Date : 19980414
Dossier : IMM-1497-97
OTTAWA (ONTARIO), LE 14 AVRIL 1998
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE TEITELBAUM
ENTRE :
MUSTAFA ABDULWAHAB OMAR,
demandeur,
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
O R D O N N A N C E
Pour les raisons indiquées dans mes motifs d'ordonnance, la présente affaire est renvoyée à un nouveau tribunal pour qu'il procède à une nouvelle audition.
" Max M. Teitelbaum "
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Christiane Delon, LL.L.
Date : 19980414
Dossier : IMM-1497-97
ENTRE :
MUSTAFA ABDULWAHAB OMAR,
demandeur,
- et -
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE TEITELBAUM
INTRODUCTION
[1] La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision datée du 3 mars 1997 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a décrété que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
LES FAITS
[2] Le demandeur, un citoyen de la Somalie âgé de 22 ans, est né et a grandi à Afgoye, à une vingtaine de kilomètres de Mogadiscio. En 1991, après avoir renversé le gouvernement de Siyad Barre, les Hawiye ont commencé à attaquer et à tuer des Darood. Le père du demandeur, qui appartenait à un sous-clan des Darood, les Majerteen, a emmené sa famille en Éthiopie. Il a payé un agent pour qu'il emmène le demandeur au Canada. À son arrivée, celui-ci a sollicité le statut de réfugié.
[3] Le tribunal a souscrit à la prétention du demandeur selon laquelle il serait vulnérable dans le sud de la Somalie parce qu'il est un jeune homme Darood. Cependant, le tribunal a pris en compte plusieurs éléments de preuve documentaire indiquant que les Darood vivent en sûreté dans le nord-est de la Somalie, comme dans la zone de Bossaso. Le tribunal a été confronté à un conflit entre la preuve documentaire et la preuve du demandeur selon laquelle la situation n'était pas sûre dans la zone de Bossaso. Le tribunal s'est prononcé contre le demandeur tout en déclarant que ce dernier n'était pas allé dans le nord-est de la Somalie et que ses renseignements sur la zone étaient erronés. Le demandeur, a-t-il convenu, aurait eu de la difficulté à se rendre dans la zone de Bossaso, mais il n'a pas cru que cela serait exagérément difficile. Le tribunal a fait remarquer que des milliers de réfugiés somaliens s'étaient installés dans la zone et que, pour un jeune homme comme le demandeur, il ne serait pas si difficile que cela de s'y rendre.
ARGUMENTS INVOQUÉS
1. Les arguments du demandeur
[4] Le demandeur fait valoir qu'il y a cinq éléments de preuve documentaire qui indiquent que dans la zone de Bossaso les autorités ne voient pas d'un bon oeil le retour de personnes expulsées. Cette preuve se composait de lettres entre le gouverneur de la région de Bari en Somalie (qui englobe la zone de Bossaso) et l'ambassade des Pays-Bas à Nairobi. Le demandeur allègue qu'il s'agissait là d'une preuve dont disposait le tribunal, et non d'une preuve qu'il pouvait raisonnablement s'attendre à trouver dans une bibliothèque ou un journal. Il ajoute que tous les membres du tribunal et lui-même auraient dû être informés de l'existence de cette preuve.
[5] Le demandeur fait donc valoir que le tribunal a commis une erreur dans l'obligation dans laquelle il se trouvait de divulguer au demandeur des éléments de preuve en sa possession.
2. Les arguments du défendeur
[6] Le défendeur soutient que seuls deux des cinq documents cités par le demandeur datent d'avant l'audition de ce dernier. Cela signifie donc que les trois documents restants n'auraient pu avoir été soumis au tribunal et sont sans rapport avec la présente demande de contrôle judiciaire. En outre, le demandeur dispose encore d'une occasion sérieuse de faire prendre en considération cette nouvelle preuve dans le cadre de la révision d'ordre humanitaire ou d'intérêt public que prévoit le paragraphe 114(2) de la Loi sur l'immigration.
[7] En ce qui concerne les deux documents datant d'avant l'audition, le défendeur fait valoir que le demandeur n'a fourni aucune preuve pour corroborer qu'il ne pouvait les consulter au Centre de documentation de la Commission. Le défendeur ajoute que le demandeur n'a aucunement prouvé qu'il avait cherché des documents concernant une possibilité de refuge intérieur (PRI), mais qu'il n'est pas parvenu à trouver ces deux documents. En outre, le défendeur fait remarquer que le demandeur n'a fourni aucune preuve que le tribunal n'était pas au courant de cette preuve.
[8] Le défendeur ajoute qu'en tout état de cause, il incombe au demandeur de prouver de manière claire et convaincante le bien-fondé de sa revendication. Selon lui, le tribunal n'est aucunement tenu d'analyser toutes les preuves que le demandeur pourrait raisonnablement déposer. C'est sur les épaules du demandeur que pèse le fardeau de la preuve, et le défendeur fait remarquer que ce dernier était représenté par un avocat à l'audience.
[9] Enfin, le défendeur ajoute que le tribunal a fondé sur une abondante documentation sa décision relative à la disponibilité d'une PRI dans la zone de Bossaso.
ANALYSE
[10] Il est bien établi en droit que dans une procédure de contrôle judiciaire, la cour doit contrôler la décision en se fondant exclusivement sur la preuve qui a été soumise au tribunal [Dance c. Canada (MCI) (1995), 101 F.T.R. 9 (C.F. 1re inst.)]. Je suis donc convaincu que la cour ne devrait pas prendre en compte les éléments de preuve documentaire présentés après que le tribunal a rendu sa décision.
[11] Dans sa décision, le tribunal indique ce qui suit :
[TRADUCTION] |
Le tribunal n'a trouvé dans les documents aucune preuve que les Midgan sont persécutés dans la zone de Bossaso, que les Majerteen recrutaient des jeunes hommes de force pour combattre les Hawiye, qu'il y avait d'importants combats entre les Majerteen et les Hawiye dans le nord-est ou que les Majerteen tuaient des Somaliens qui, jugeaient-ils d'après leur accent, n'étaient pas des Majerteen. |
[12] Le tribunal analyse ensuite d'autres documents qui lui ont été soumis, et conclut qu'en Somalie, la zone de Bossaso est [TRADUCTION] " prospère et relativement pacifique ".
[13] Il semble que la Section du statut de réfugié avait en sa possession - mais pas les membres du tribunal qui ont conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention - une lettre datée du 14 juin 1996, adressée au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Justice des Pays-Bas, tous deux situés à La Haye, ainsi qu'une copie destinée à l'ambassadeur des Pays-Bas au Kenya, une lettre datée du 26 juin 1996, de l'ambassadeur des Pays-Bas au gouverneur de la région de Bari (Bossaso), une lettre datée du 20 mars 1997 de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à M. H.A. Wolf, chef du Service de l'immigration et de la naturalisation, en vue de déterminer l'authenticité de la lettre susmentionnée du 14 juin 1996, ainsi que la lettre de réponse datée du 26 juin 1996, la lettre de réponse datée du 18 avril 1997 et la note de service datée du 16 avril 1997.
[14] Les documents qui précèdent ont été déposés par le demandeur en tant que pièces C, D, E, F, et G dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.
[15] Comme je l'ai indiqué, le tribunal ne peut prendre en considération que les documents dont la date est antérieure à celle de l'audition du demandeur.
[16] Comme je l'ai indiqué aussi, la décision du tribunal est datée du 3 mars 1997 et l'audition tenue devant ce dernier a eu lieu le 5 janvier 1997. Par conséquent, les lettres du 20 mars 1997 et du 18 avril 1997, ainsi que la note de service du 16 avril 1997, ne peuvent être prises en compte dans le cadre du présent contrôle judiciaire.
[17] Quant aux lettres datées du 14 juin 1996 et la réponse du 20 juin 1996, je suis persuadé que les membres du tribunal auraient dû prendre en considération ces documents, parce qu'ils se trouvaient entre les mains de la Section du statut de réfugié, et qu'ils étaient d'une grande importance pour la détermination d'une PRI en Somalie.
[18] Je suis également persuadé que dans les circonstances de l'espèce, et après avoir entendu les arguments du demandeur, il aurait été extrêmement difficile pour ce dernier de connaître l'existence de ces deux documents.
[19] Une question s'est posée au sujet de la possibilité qu'avait le demandeur de se rendre dans le nord-est de la Somalie où il bénéficiait d'une présumée PRI. Ayant décidé que le tribunal avait commis une erreur en ne tenant pas compte des lettres datées du 14 et du 26 juin 1996 pour déterminer si le requérant disposait d'une PRI, il ne m'est pas nécessaire d'examiner cette question dans les présents motifs.
CONCLUSION
[20] Pour les motifs qui précèdent, je suis persuadé que le tribunal a commis une erreur dans sa décision datée du 3 mars 1997. L'affaire est renvoyée à un nouveau tribunal pour qu'il procède à une nouvelle audition.
[21] Les parties n'ont présenté aucune question à certifier.
" Max M. Teitelbaum "
J.C.F.C.
OTTAWA (ONTARIO)
Le 14 avril 1998
Traduction certifiée conforme
Christiane Delon, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NE DU GREFFE : IMM-1497-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Mustafa Abdulwahab Omar c. M.C.I. |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : 18 mars 1998
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
PRONONCÉS PAR : Monsieur le juge Teitelbaum
EN DATE DU : 14 avril 1998
ONT COMPARU :
Me David P. Yerzy pour le demandeur
Me James Brender pour le défendeur
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Me David P. Yerzy pour le demandeur
Toronto (Ontario)
Me George Thomson pour le défendeur
Sous-procureur général
du Canada