Date : 20040623
Dossier : IMM-5550-03
Référence neutre : 2004 CF 899
Ottawa (Ontario), le 23 juin 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
TAHIR MAHMOOD AKHTAR
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
NATURE DE LA DEMANDE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) qui a décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.
[2] La présente demande soulève plusieurs questions mais l'affaire peut être décidée à partir de la conclusion relative à l'identité. Puisque l'affaire doit être renvoyée à la Commission, je ne tirerai pas de conclusions quant aux autres questions soulevées.
HISTORIQUE
[3] Le demandeur a prétendu qu'il avait subi de la persécution aux mains de la Ligue musulmane du Pakistan (PML) et de la police parce qu'il était membre du Parti du peuple pakistanais (PPP).
[4] Dans son témoignage, le demandeur a fait état d'une série d'agressions, d'arrestations et de mauvais traitements perpétrés par le PML ou par la police, ou par les deux. Plusieurs de ces incidents se sont produits dans différentes périodes d'élection.
[5] Dans sa décision, le Commissaire ne tire pas de conclusion précise concernant l'existence de ces faits, quoiqu'on semble avoir accepté qu'ils se sont produits. Toutefois, le Commissaire paraît avoir décidé qu'ils ne constituaient pas de la persécution.
[6] On ne peut que présumer que, selon le Commissaire, le demandeur n'avait pas besoin de protection parce que seuls les chefs du PPP étaient ciblés pour des agressions.
[7] Le Commissaire a rejeté les éléments de preuve offerts par le demandeur sur la question de l'identité. Ce rejet était fondé sur l'omission du demandeur de produire son passeport et son billet d'avion.
ANALYSE
[8] La norme de contrôle applicable aux questions de faits est la décision manifestement déraisonnable. Dans la présente affaire, je considère que la question de l'identité est une question de fait.
[9] Lorsqu'on la lit dans son ensemble, la décision du Commissaire se résume comme suit :
a) Le demandeur a été frappé à coups de poing et à coups de pieds, giflé, menacé, arrêté et on l'a agressé parce qu'il était membre du PPP.
b) Le demandeur était un simple membre du PPP et, par conséquent, il ne pouvait être la cible du PML ou de la police puisque seuls les chefs du PPP sont ciblés pour le genre d'agression subie par le demandeur.
c) Le demandeur n'a pas prouvé son identité en tant que membre du PPP ou en tant que citoyen du Pakistan.
[10] Puisque chacune des conclusions en contredit une autre, je conclus que la décision est manifestement déraisonnable.
[11] Si le Commissaire a conclu que le demandeur n'était pas crédible, il a omis de le dire en des termes clairs et sans équivoques comme le requiert Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (CAF).
[12] Lorsqu'il a rejeté le témoignage du demandeur relatif à son identité au motif qu'il n'avait pas produit son passeport et son billet d'avion, le Commissaire a ignoré ou n'a pas commenté les éléments de preuves cruciaux suivants qui ont été présentés et qui sont tout à fait pertinents en ce qui concerne l'identité du demandeur :
- son certificat de naissance
- son certificat de résident
- sa carte de membre du PPP
- son certificat d'études secondaires
- son certificat d'école intermédiaire
- son relevé de notes de l'Université du Punjab
- son diplôme de baccalauréat de l'Université du Punjab
- deux lettres provenant de personnages officiels du PPP
- une lettre provenant d'un avocat pakistanais
- un mandat d'arrestation
[13] Même si le Commissaire a parlé du fait que de faux documents sont disponibles au Pakistan, il n'a tiré aucune conclusion selon laquelle tous ces documents ou certains d'entre eux étaient des faux. Aucun élément de preuve soumis ne permettait de tirer cette conclusion.
[14] Le fait d'ignorer tous ces éléments de preuve ou de les rejeter sans motifs constitue un manquement à l'exigence qu'a le Commissaire en vertu de la loi de fournir des motifs au soutien de sa décision et un manquement à la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait manifestement déraisonnables.
[15] La présente affaire est reliée de si près aux faits qu'elle ne soulève pas de question pour certification.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
a) la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du Commissaire est annulée et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire;
b) Aucune question ne sera certifiée.
« Michael L. Phelan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Caroline Raymond, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5550-03
INTITULÉ : TAHIR MAHMOOD AKHTAR
c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 25 MARS 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 23 JUIN 2004
COMPARUTIONS :
Chantal Desloges POUR LE DEMANDEUR
Greg G. George POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Chantal Desloges POUR LE DEMANDEUR
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)