Date : 19980828
Dossier : IMM-4281-97
ENTRE :
AIDA SIRI XHEKO et BAJRAM QAZIM XHEKO,
demandeurs,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE ORDONNANCE
LE JUGE GIBSON :
[1] Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié (la "SSR") de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, conformément à la définition établie au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration1. La SSR a rendu sa décision le 9 septembre 1997.
[2] Les demandeurs sont citoyens de l'Albanie. Ils revendiquent le statut de réfugié au sens de la Convention parce qu'ils prétendent craindre avec raison d'être persécutés s'ils devaient retourner en Albanie, du fait de leur appartenance à un groupe social et de leurs opinions politiques réelles ou présumées.
[3] Avant la prise de pouvoir par les communistes, en 1944, le père de Aida Siri Xheko (la demanderesse principale) était étroitement lié à la monarchie albanaise. Après cette prise de pouvoir, la demanderesse principale et sa famille ont subi un dur traitement. Leur maison familiale a été confisquée en 1946 et remise entre les mains de deux haut-fonctionnaires du Parti communiste. Ces derniers ainsi que leur famille habitaient encore la maison au moment de l'audience devant la SSR.
[4] En 1992, le Parti communiste a été chassé du pouvoir en Albanie. Le père de la demanderesse principale a alors fait des démarches en vue de récupérer la maison familiale. En juillet 1993, il a trouvé la mort dans un accident de la route survenu dans des circonstances mystérieuses.
[5] Deux mois après ce décès, le frère de la demanderesse principale s'est rendu à l'ancienne maison familiale et s'est querellé. Il a été accusé et reconnu coupable de voies de fait et de possession d'une arme à feu.
[6] Par la suite, la demanderesse ainsi que son mari, Bajram Qazim Xheko (le "second demandeur" ont reçu des appels de menaces anonymes. Un jour, une roche a brisé une fenêtre de leur appartement. Une autre fois, alors que les demandeurs se trouvaient dans la rue, le second demandeur a été frappé et ils ont été sommés de quitter l'Albanie, s'ils tenaient à rester en vie. Les requérants ont tenté en vain, au moins deux fois, d'obtenir l'assistance de la police.
[7] En septembre 1994, les demandeurs sont venus au Canada où le second demandeur, un professeur d'université, a assisté à une conférence. Ils sont demeurés au Canada et ils ont revendiqué le statut de réfugiés en décembre 1994.
[8] La SSR a décidé qu'il n'existait aucun lien entre la crainte des demandeurs d'être persécutés en Albanie et les motifs de persécution au sens de la Convention, y compris les motifs liés à l'opinion politique et à l'appartenance à un groupe social. La SSR a affirmé :
[TRADUCTION] |
En l'espèce, l'origine des problèmes de la demanderesse principale remonte à son désir de récupérer la maison de son père. Après la chute du régime communiste en Albanie, la demanderesse principale et son père n'ont pas fait l'objet de persécution en raison de leurs opinions politiques. Leurs problèmes ont commencé lorsqu'ils ont tenté de récupérer la maison. Même si les (occupants de la maison) ont menacé les demandeurs de représailles criminelles, ils ne l'ont pas fait pour l'un des motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention. (Les occupants de la maison) voulaient uniquement conserver la maison. Le tribunal a souligné qu'à la suite de la chute du régime communiste, le père de la demanderesse n'a pas été persécuté en raison de ses opinions politiques. Le tribunal reconnaît que le père de la demanderesse peut avoir souffert sous l'empire de ce régime. Toutefois, comme la définition de réfugié au sens de la Convention vise l'avenir, le tribunal doit déterminer s'il existe une "possibilité raisonnable ou sérieuse" que les demandeurs soient persécutés s'ils devaient retourner en Albanie. |
[9] Dans son mémoire supplémentaire, l'avocat des demandeurs a soulevé environ seize questions litigieuses. Devant moi, il a articulé son argumentation autour de la question de savoir si la SSR a commis une erreur de droit susceptible de révision judiciaire au motif qu'elle n'a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents et qu'elle a fondé sa décision sur une interprétation fautive des éléments de preuve, sur des conclusions de fait erronées et sur des éléments de preuve non pertinents. Essentiellement, l'avocat a soutenu que cette décision se révélait tout simplement manifestement déraisonnable.
[10] Compte tenu de l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise, j'estime que la décision de la SSR est raisonnable.
[11] Dans la décision Rivero c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration2, monsieur le juge Pinard était saisi d'une affaire dans laquelle la SSR avait décidé, tout comme dans la présente espèce, que les représailles redoutées par les requérants constituaient une "vendetta de nature privée ou encore une vengeance personnelle ... donc des activités criminelles et non de la persécution." Il a affirmé :
En dernière analyse, il s'agit d'une conclusion fondée principalement sur des faits. À la lumière de la preuve présentée à la Commission, je conclus que celle-ci n"a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. Par surcroît, les requérants n"ont pas réussi à montrer que les inférences de la Section du statut de réfugié, un tribunal spécialisé, n'étaient pas raisonnables ... |
[12] À mon avis, cette décision est applicable en l'espèce.
[13] En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
[14] Les avocats n'ont pas proposé de questions aux fins de certification. Aucune question ne sera certifiée.
"Frederick E. Gibson"
Juge
Toronto (Ontario)
Le 28 août 1998
Traduction certifiée conforme
Julie Boulanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
No DE GREFFE : IMM-4281-97 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : AIDA SIRI XHEKO et |
BAJRAM QAZIM XHEKO |
- et - |
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
ET DE L'IMMIGRATION |
DATE DE L'AUDIENCE : LE JEUDI 27 AOÛT 1998 |
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO) |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : LE JUGE GIBSON |
EN DATE DU : VENDREDI, 28 AOÛT 1998 |
ONT COMPARU :
M. Jeffrey L. Goldman |
pour les demandeurs |
Mme Susan Nucci |
pour le défendeur |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jeffrey L. Goldman |
Avocat |
2, avenue Sheppard Est, |
bureau 900 |
Willowdale (Ontario) |
M2N 5Y7 |
pour les demandeurs |
Morris Rosenberg |
Sous-procureur général |
du Canada |
pour le défendeur |
2 22 novembre 1996, IMM-511-96 (C.F. 1re inst.) (non publiée).