Date : 20030609
Dossier : T-213-03
Référence : 2003 CFPI 722
ENTRE :
PRAIRIE ACID RAIN COALITION,
PEMBINA INSTITUTE FOR APPROPRIATE DEVELOPMENT
et TOXICS WATCH SOCIETY OF ALBERTA
demandeurs
et
LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS
et TRUENORTH ENERGY CORP.
défendeurs
[1] Le présent recours en révision judiciaire a trait à l'élaboration, par la défenderesse TrueNorth Energy Corp., d'un projet relatif à des sables bitumineux à Fort Hills (Alberta). L'objet de la révision est une décision du 13 décembre 2002 du ministre des Pêches et des Océans (le ministre) ainsi que la destruction du lit et du chenal à Fort Creek.
[2] Les demandeurs ont sollicité, dans leur avis de demande déposé le 6 février 2003 et signifié le 17 février 2003 en vertu de l'article 317 des Règles, la transmission des documents dont le ministre disposait lorsqu'il a pris sa décision; ces documents devaient être transmis dans les 20 jours de la signification, mais ils ne sont toujours pas produits quelque trois mois plus tard. De là la présente demande de production.
[3] Les demandeurs désirent poursuivre la présente demande de contrôle judiciaire afin de ne pas être pris par surprise dans le cas où le projet, actuellement en suspens en raison de la conjoncture et des incertitudes dans le domaine économique, se poursuivrait sans avertissement et selon un calendrier pouvant l'emporter de vitesse sur le contrôle judiciaire. Les avocats de la défenderesse TrueNorth, pas plus tard que le 15 mai 2003, se sont dit surpris et découragés face aux querelles de procédure opposant les demandeurs et le ministère de la Justice et ont déclaré désirer aller de l'avant. À une étape précédente, de fait, TrueNorth a refusé de s'engager à ne pas débuter la mise en oeuvre du projet avant l'issue du présent recours en révision judiciaire; cela a incité les demandeurs à poursuivre celui-ci, TrueNorth s'étant réservée le droit de redémarrer le projet à son gré et au moment choisi par elle, sans avertissement. Les demandeurs estiment d'ailleurs que ce n'est pas là la seule option qui s'offre à TrueNorth, celle-ci pouvant également procéder à une vente clé en main, les autorisations et permis requis ayant été obtenus.
[4] Le ministre soutient qu'est théorique la question de la production forcée des documents, puisqu'il n'y a plus de question réelle et concrète en litige entre les parties et qu'en tout état de cause, sur le fondement de Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, à la page 353, la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour instruire l'affaire. La Couronne renvoie à cet égard à un communiqué de presse du 13 janvier 2003 où TruthNorth a annoncé la décision de son conseil d'administration de reporter le projet à plus tard. Quoi qu'il en soit toutefois, affirme la Couronne, si le projet devait être mis en branle, cela prendrait du temps, suffisamment de temps soit pour que le ministre fournisse les documents, soit pour que les demandeurs demandent une injonction.
[5] Je signale que le ministre s'est engagé à aviser les demandeurs au cas où il publierait d'autres rapports, mais cela pourrait bien être une piètre consolation si TrueNorth devait décider que la situation a changé et qu'il convient de mettre en oeuvre immédiatement le projet.
[6] Étant donné les positions adoptées par les avocats de TrueNorth, le refus de s'engager à ce que le projet ne démarre pas avant l'issue du présent recours en révision judiciaire et le désir de TrueNorth que ce recours aille de l'avant, il semble assurément que la question en litige n'est pas qu'éventuellement réelle mais constitue bien en fait, dans l'esprit des demandeurs et de TrueNorth, une question réelle ou, pour reprendre les termes de la Cour suprême dans Borowski, précité, à la page 353, un différend concret et tangible. La seule preuve au contraire consiste en un communiqué de presse publié il y a cinq mois par TrueNorth, que celle-ci désire clairement ne pas avaliser à titre d'engagement.
[7] Comme je conclus en l'existence d'un différend concret et tangible, je n'ai pas à examiner s'il y a lieu d'instruire la demande, quoique théorique, en exerçant le pouvoir discrétionnaire imparti à la Cour, tel qu'il en est traité dans Borowski, aux pages 358 et suivantes. Si, toutefois, je devais examiner cette question, la preuve laisse voir assurément un rapport continu de contestation, un intérêt direct des demandeurs, des conséquences accessoires, qui découlent du fait que le défaut d'obtenir maintenant, ou du moins en temps utile, une décision en l'espèce pourrait prendre les demandeurs au dépourvu advenant le redémarrage sans avertissement du projet et, finalement, l'intérêt manifeste pour le public d'un règlement de la question. Comme je l'ai dit, je ne vais pas examiner ces sujets ou d'autres encore pouvant avoir un rapport puisque, tel qu'il est souligné dans Borowski, il n'existe pas un ensemble explicite ou ordonné de critères.
[8] Les documents en la possession du ministre défendeur visés par la demande en vertu de l'article 317 des Règles et par la présente requête doivent être produits dans les 21 jours. Les dépens de la requête, d'un montant de 485,29 $, sont adjugés aux demandeurs tel qu'il est demandé.
« John A. Hargrave »
Protonotaire
Vancouver (Colombie-Britannique)
Le 9 juin 2003
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER
DOSSIER : T-213-03
INTITULÉ : Prairie Acid Rain Coalition et al. c. Le Ministre des Pêches et des Océans et al.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le protonotaire Hargrave
DATE DES MOTIFS : Le 9 juin 2003
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Timothy J. Howard
Bruce Hughson
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POUR LES DEMANDEURS
POUR LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sierra Legal Defence Fund Avocats Vancouver (Colombie-Britannique)
Morris A Rosenberg Sous-procureur général du Canada Ministère de la Justice Edmonton (Alberta)
Fraser Milner Casgrain LLP Edmonton (Alberta) |
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POUR LES DEMANDEURS
POUR LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS DÉFENDEUR
POUR LA DÉFENDERESSE TRUENORTH ENERGY CORP. |