Toronto (Ontario), le 9 février 2006
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE vonFinckenstein
ENTRE :
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
(Prononcés à l'audience, puis exposés par écrit pour plus de clarté et de précision)
Le contexte
[1] Le demandeur est un citoyen homosexuel du Nigeria de 45 ans. Le demandeur a découvert à un très jeune âge qu'il était homosexuel et a eu de nombreuses relations depuis l'âge de 16 ans. En janvier 2004, sa mère l'a surpris dans une « position compromettante » avec son ami. Il allègue que sa mère a avisé sa famille élargie, qui a ensuite décidé de le tuer en l'empoisonnant ou en engageant les services de groupes de justiciers locaux.
[2] Le demandeur s'est caché, mais lorsque les locaux commerciaux où il travaillait ont été incendiés, il a décidé de quitter le pays. Il est arrivé au Canada le 1er mai 2004 et a déposé sa demande d'asile immédiatement.
[3] Dans sa décision du 21 décembre 2004, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger. La Commission a conclu que le demandeur n'était pas crédible et qu'il n'avait pas réussi à démontrer qu'il ne pouvait pas se prévaloir de la protection de l'État du Nigeria.
[4] Le demandeur demande l'annulation de cette décision. Il allègue :
a) que la conclusion au sujet du manque de crédibilité est manifestement déraisonnable;
b) que la conclusion au sujet de la protection de l'État est contradictoire, puisqu'on ne peut pas s'attendre à ce qu'une personne cherche à obtenir une protection inefficace de l'État uniquement pour prouver qu'il n'existe pas de protection.
[5] Aucune des parties n'a contesté la norme de contrôle applicable en l'espèce, soit la décision manifestement déraisonnable (voir Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732).
La conclusion au sujet de la crédibilité
[6] La Commission, en tant que juge des faits, est la mieux placée pour apprécier la crédibilité du demandeur. Bien que la Cour eût pu tirer des conclusions différentes sur différents points, aucune conclusion individuelle et aucune combinaison de conclusions ne peuvent être considérées comme manifestement déraisonnable. La Commission a amplement étayé sa conclusion que compte tenu de sa discrétion et de son style de vie effacé, le demandeur n'avait rien à craindre parce qu'il ne serait pas perçu comme homosexuel.
[7] En ce qui concerne la protection de l'État, le demandeur n'a simplement pas réussi à en démontrer l'absence. Bien qu'il soit vrai que l'homosexualité est illégale au Nigeria et qu'un homosexuel est passible d'une peine d'emprisonnement de 14 ans, la preuve démontre que cette loi est rarement mise en application, et que les autorités tolèrent les activités homosexuelles clandestines. Ce qui est plus important encore, c'est que les autorités adoptent maintenant une attitude répressive envers les groupes de justiciers, qui sont la source principale des craintes du demandeur. Ainsi, le simple fait d'exprimer une crainte envers les groupes de justiciers (si grande soit-elle), sans avoir tenté d'obtenir la protection de la police en raison de la loi nigériane sur l'homosexualité, ne suffit pas pour établir l'absence de la protection de l'État.
[8] Comme la Cour suprême l'a affirmé dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au paragraphe 50 :
D'après les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur
[9] Par conséquent, la présente demande ne pourra pas être accueillie.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée.
« K. von Finckenstein »
JUGE
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-31-05
INTITULÉ : aLLEN AJIBOLA COLE
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 8 FÉVRIER 2006
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE von FINCKENSTEIN
DATE DES MOTIFS : LE 9 FÉVRIER 2006
COMPARUTIONS:
Solomon Orjiwuru POUR LE DEMANDEUR
Anshumala Juyal POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Solomon Orjiwuru
Toronto (Ontario) POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR