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Date : 20051219

Dossier : IMM-3630-05

Référence : 2005 CF 1714

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

NAZIR HUSSAIN

demandeur

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté deux fois la demande d'asile de M. Nazir Hussain au motif que celui-ci avait une possibilité de refuge interne viable (PRI) au Pakistan, à l'extérieur de la province de l'Azad-Cachemire. Sa demande d'examen des risques avant renvoi a également été rejetée, l'agent d'ERAR ayant conclu que la preuve présentée par M. Hussain à l'appui de cette demande, bien que nouvelle sur le plan technique, reprenait pour l'essentiel le même type d'éléments de preuve dont la CISR avait été saisie. En conséquence, l'agent d'ERAR a décidé qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve justifiant une conclusion différente de celle que la CISR avait tirée.

[2]                M. Hussain sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent d'ERAR, reprochant à celui-ci d'avoir commis une erreur en omettant de tenir dûment compte de la nouvelle preuve déposée à l'appui de la demande d'ERAR en question. De plus, M. Hussain fait valoir que l'agent d'ERAR a accordé trop d'importance aux conclusions que la CISR avait tirées et n'a pas procédé à une évaluation indépendante du risque auquel M. Hussain serait exposé s'il retournait au Pakistan.

[3]                Pour les motifs exposés ci-après, je suis d'avis que l'agent d'ERAR n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle en l'espèce. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Faits à l'origine du litige

[4]                M. Hussain est un citoyen du Pakistan Occupied Kashmir (Cachemire occupé par le Pakistan), également appelé Azad-Cachemire. Lorsqu'il vivait au Pakistan, M. Hussain a participé activement aux activités du United Kashmir People's National Party (UKPNP), qui revendique l'établissement d'un État du Cachemire indépendant. M. Hussain fait valoir que, lorsqu'il se trouvait au Pakistan, une descente a eu lieu à son domicile et la police l'a arrêté et battu à maintes reprises en raison des activités politiques auxquelles il se livrait. Il ajoute qu'il a été attaqué par des bandits pro-pakistanais et qu'il a été enlevé et battu par des membres d'un parti pro-pakistanais.

[5]                M. Hussain affirme qu'après avoir été accusé d'activités antigouvernementales, il a fui le Pakistan. Il est arrivé au Canada le 5 décembre 2000 et a demandé l'asile dès son arrivée parce qu'il craignait, disait-il, d'être persécuté et torturé et que sa vie soit menacée en raison de ses opinions et activités politiques comme membre du UKPNP.

[6]                La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d'asile de M. Hussain le 14 décembre 2001. La Commission a reconnu qu'il était membre et activiste du UKPNP, mais n'a pas jugé nécessaire de décider si la crainte de persécution qu'il disait ressentir était bien fondée, parce qu'elle était convaincue que les activités politiques de M. Hussain s'étaient limitées à la région de l'Azad-Cachemire et qu'il n'était pas connu en dehors de cette province.

[7]                Tout en reconnaissant l'autorité du gouvernement militaire et de la police du Pakistan dans l'ensemble du pays, la Commission a conclu qu'en raison du caractère local des activités politiques de M. Hussain et du fait qu'il n'était pas connu à l'échelle nationale, il n'existait pas plus qu'une simple possibilité qu'il attire l'attention des autorités pakistanaises à l'extérieur de l'Azad-Cachemire, et que, par conséquent, il avait une PRI viable au Pakistan. La Commission a donc rejeté la demande d'asile du demandeur.

[8]                La juge Dawson a annulé cette décision lors du contrôle judiciaire s'y rapportant, au motif que la Commission avait omis de faire référence au témoignage de deux témoins que M. Hussain avait appelés relativement à la question de l'existence d'une PRI. Ces deux personnes étaient membres du UKPNP et chacune d'elles a témoigné au sujet de sa conviction que M. Hussain ne serait en sécurité nulle part au Pakistan.

[9]                La CISR a par la suite réentendu la demande d'asile de M. Hussain le 29 janvier 2003. Dans une décision du 13 mars 2003, elle a rejeté à nouveau la demande d'asile du demandeur, concluant encore une fois qu'il avait une PRI viable au Pakistan.

[10]            Le 20 juillet 2003, le juge Campbell a refusé au demandeur l'autorisation de solliciter le contrôle judiciaire de cette décision.

[11]            Par la suite, M. Hussain a présenté sa demande d'ERAR en octobre 2003 et déposé des éléments de preuve supplémentaires à l'appui de cette demande en septembre 2004. Cette nouvelle preuve comprenait deux déclarations solennelles d'autres membres du UKPNP, dont la CISR avait accueilli la demande d'asile au Canada. Ces personnes ont déclaré que M. Hussain avait continué à participer activement au mouvement du UKPNP au Canada et que, à leur avis, il ne serait en sécurité nulle part au Pakistan.

[12]            M. Hussain a également remis à l'agent d'ERAR une copie d'un article de journal du 16 septembre 2003, qui décrivait sur la descente effectuée au domicile de M. Hussain situé dans l'Azad-Cachemire par la police et les forces de sécurité pakistanaises. Il a aussi déposé auprès de l'agent des copies de lettres qu'il avait reçues de son épouse et du secrétaire général du UKPNP et selon lesquelles la police pakistanaise ainsi que des militants continuent à le rechercher dans l'Azad-Cachemire.

[13]            Enfin, M. Hussain a remis à l'agent d'ERAR des documents montrant que le gouvernement du Canada avait banni plusieurs organisations pro-pakistanaises, notamment le Harkat-ul-Mujahidin, le Jaish-e-Mohammad et le Lashkar-e-Tayyiba.

Décision de l'agent d'ERAR

[14]            Selon l'agent d'ERAR, la question déterminante à trancher dans la demande de M. Hussain était de savoir si la nouvelle preuve présentée par celui-ci montrait que la situation au Pakistan avait changé depuis la décision du 13 mars 2003 de la CISR au point où les conclusions de celle-ci au sujet de l'existence d'une PRI n'étaient plus valables.

[15]            L'agent d'ERAR a souligné que, dans les observations qu'il lui avait présentées au soutien de sa demande d'ERAR, M. Hussain lui avait essentiellement demandé de réexaminer la demande d'asile qu'il avait déposée, et a précisé qu'une demande d'ERAR n'était pas le recours qui convenait pour ce réexamen. L'agent a également conclu que la plupart des nouveaux éléments de preuve fournis par M. Hussain étaient essentiellement des renseignements plus récents de la même nature que ceux que la CISR avait déjà évalués.

[16]            L'agent a ensuite examiné chacun des documents déposés à l'appui de la demande d'ERAR de M. Hussain en expliquant pourquoi une importance minime devait être accordée à chacun d'eux. Il a également examiné quelques-uns des documents objectifs concernant la situation au Pakistan, notamment le Human Rights Report du 28 février 2005 du Département d'État des États-Unis et le Country Report for Pakistan d'avril 2005 du Home Office du Royaume-Uni. L'agent a souligné que ces renseignements ne corroboraient pas l'allégation de M. Hussain selon laquelle les membres du UKPNP étaient pris pour cible, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Azad-Cachemire.

[17]            En conséquence, l'agent a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve crédibles et dignes de foi justifiant une décision différente de celle que la CISR avait prise et selon laquelle M. Hussain avait une PRI viable au Pakistan, à l'extérieur de l'Azad-Cachemire.

Questions en litige

[18]            Bien que M. Hussain énonce dans son mémoire des faits et du droit un certain nombre de questions soulevées par la présente demande de contrôle judiciaire, il appert de sa plaidoirie que sa demande repose essentiellement sur son allégation selon laquelle l'agent d'ERAR n'a pas évalué et apprécié correctement et de façon indépendante les nouveaux éléments de preuve présentés au sujet de sa situation, accordant trop d'importance aux conclusions tirées par la CISR quant à l'existence d'une PRI.

Norme de contrôle

[19]            Avant d'examiner le bien-fondé de la demande de M. Hussain, il est nécessaire de déterminer la norme de contrôle applicable.

[20]            Comme l'avocate du ministre le souligne, la Cour fédérale a rendu des décisions contradictoires au sujet de la question de savoir si la décision d'un agent d'ERAR devrait être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable ou de la décision manifestement déraisonnable. Cependant, il n'est pas nécessaire que je tranche cette question en l'espèce, parce que je suis d'avis que la décision de l'agent peut résister à l'examen selon la norme plus exigeante du caractère raisonnable.

Analyse

[21]            Un examen de la décision de l'agent d'ERAR montre que celui-ci a bien compris que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'ERAR après une décision défavorable de la CISR, il ne doit pas procéder à une réévaluation complète du risque auquel le demandeur est exposé. Sa tâche se limite plutôt à évaluer les nouveaux éléments de preuve découverts après l'audition de la demande d'asile du demandeur ou auxquels celui-ci ne pouvait pas raisonnablement avoir accès auparavant : Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. n ° 1945, 2004 CF 1612, au paragraphe 17; Bolombo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. n ° 459, 2005 CF 375, au paragraphe 7.

[22]            Dans la présente affaire, l'agent d'ERAR a commencé son analyse en examinant les conclusions de la CISR. Il a ensuite examiné chaque nouvel élément de preuve présenté par M. Hussain en expliquant pourquoi, à son avis, une importance minime devait être accordée à ceux-ci.

[23]            À titre d'exemple, l'agent a examiné les deux déclarations solennelles faites par des membres du UKPNP se trouvant au Canada et que M. Hussain avait invoquées pour soutenir qu'il n'avait pas une PRI viable au Pakistan. L'agent souligne que les déclarations sont imprécises et hypothétiques et ne sont donc guère utiles comme preuve nouvelle concernant la question de la PRI. Après avoir examiné les déclarations solennelles en question, je suis d'avis qu'il était raisonnablement loisible à l'agent d'en arriver à cette conclusion.

[24]            Il convient également de souligner que ces déclarations semblent très semblables au témoignage produit par deux autres membres du UKPNP devant la CISR et que celle-ci a rejeté essentiellement pour la même raison.

[25]            Bien qu'il semble avoir accepté l'authenticité de l'article de journal concernant les descentes de police effectuées continuellement au domicile de M. Hussain, l'agent a tout à fait raisonnablement conclu que cette preuve portait sur le risque continuel auquel M. Hussain serait exposé s'il était renvoyé dans l'Azad-Cachemire, mais non sur la question déterminante de l'existence d'une PRI ailleurs au Pakistan.

[26]            Dans le même ordre d'idées, l'agent a tout à fait raisonnablement conclu que les lettres de l'épouse de M. Hussain et du secrétaire général du UKPNP étaient simplement des éléments de preuve supplémentaires concernant la situation à laquelle M. Hussain était exposé dans l'Azad-Cachemire et ne portaient nullement sur l'existence d'une PRI.

[27]            L'agent a ensuite comparé cette preuve aux renseignements objectifs concernant la situation au Pakistan et a fait remarquer que ces documents ne comportaient manifestement aucun renseignement au sujet du risque auquel les membres du UKPNP seraient apparemment exposés dans ce pays.

[28]            Après avoir évalué la preuve, l'agent d'ERAR a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve crédibles devant lui qui justifieraient une décision différente de celle de la CISR. Je suis d'avis qu'il a bien compris le risque invoqué par M. Hussain, qu'il a examiné la situation de façon indépendante et qu'il lui était raisonnablement loisible d'en arriver à la conclusion qu'il a tirée à la lumière de la preuve.

Conclusion

[29]            Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande est rejetée.

Certification

[30]            Aucune partie n'a proposé de question à faire certifier et aucune question de cette nature ne se pose en l'espèce.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

            1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                   Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-3630-05

INTITULÉ :                                                          NAZIR HUSSAIN

                                                                              c.

                                                                              LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 14 DÉCEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :                                         LE 19 DÉCEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Birjinder P.S. Mangat                                              POUR LE DEMANDEUR

Camille Audain                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Mangat Law Office                                                  POUR LE DEMANDEUR

Calgary (Alberta)

John H. Sims, c.r.                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

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