Date: 19980202
Dossier: T-2766-96
DANS L'AFFAIRE DE LA Loi sur la citoyenneté,
L.R.C. (1985), chap. C-29
ET DANS L'AFFAIRE D'un appel de la décision
d'un juge de la Citoyenneté
ET DANS L'AFFAIRE DE
AMENA WEISS,
Appelante.
MOTIFS ET DISPOSITIF DU JUGEMENT
LE JUGE PINARD :
[1] Un juge de la citoyenneté a, le 1er novembre 1996, rejeté la demande de l'appelante en vue d'obtenir la citoyenneté canadienne pour les motifs que cette dernière avait fait défaut de se conformer aux alinéas 5(1)d) et 5(1)e)1 de la Loi sur la citoyenneté (la "Loi").
[2] Il s'agit ici d'une procédure à caractère de novo. Comme à toute fin pratique l'appelante ne connaît ni l'anglais ni le français, un de ses fils a été assermenté et a agi comme interprète lors de l'audition du présent appel. Interrogée devant moi par l'amicus curiae, l'appelante n'a pas démontré avoir acquis une connaissance suffisante de l'une des deux langues officielles ni une connaissance suffisante du Canada ainsi que des responsabilités et privilèges de la citoyenneté canadienne.
[3] Le juge de la citoyenneté n'ayant pas recommandé au ministre responsable de dispenser l'appelante, pour des raisons humanitaires, des exigences relatives à la langue et aux connaissances du Canada, j'entends maintenant considérer s'il existe des circonstances spéciales pouvant justifier semblable recommandation (au sujet de la compétence de cette Cour à cet égard, voir la décision du juge en chef adjoint Thurlow dans l'affaire Re Dr. Aurelio Salon, Jr. (1978), 88 D.L.R. (3d) 238).
[4] L'appelante n'a jamais fréquenté l'école de sa vie. Elle est analphabète et n'a jamais travaillé à l'extérieur du foyer familial. Elle s'est mariée à 14 ans, a accouché de 15 enfants et en a élevé 11. Ceux-ci, de même que son époux, un retraité âgé de 60 ans, sont tous citoyens canadiens. L'appelante est maintenant âgée de 55 ans, est entourée de sa famille et ne sort jamais seule.
[5] Compte tenu de ces circonstances particulières, je ne crois pas que refuser à l'appelante la citoyenneté canadienne puisse servir quelque intérêt. Je suis donc d'avis qu'il s'agit ici d'un cas où, pour des raisons humanitaires, l'appelante devrait être dispensée des exigences édictées aux alinéas 5(1)d) et 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté.
[6] En conséquence, je recommande, comme l'a d'ailleurs suggéré l'amicus curiae, que la discrétion ministérielle soit exercée de façon à accorder à l'appelante la citoyenneté canadienne.
JUGE
OTTAWA (ONTARIO)
Le 2 février 1998
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1 Les alinéas 5(1)d) et 5(1)e) se lisent comme suit: 5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois: [. . .] d) a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada; e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;