Date : 20030922
Dossier : DES-2-03
Référence : 2003 CF 1089
AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1)
de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
ET le renvoi de ce certificat à la Cour fédérale du Canada en vertu
du paragraphe 77(1) et des articles 78 et 80 de la Loi
ET ERNST ZÜNDEL
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE BLAIS
[1] Le 1er mai 2003, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le solliciteur général du Canada [les ministres] ont signé un certificat interdisant de territoire pour des raisons de sécurité Ernst Christof Friedrich Zündel [M. Zündel], un résident permanent du Canada. En ma qualité de juge désigné en vertu de l'article 76 et des paragraphes 80(1) et 83(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, je suis appelé à décider si M. Zündel doit être maintenu en détention et si le certificat est raisonnable.
[2] Le procès public s'est ouvert au début de mai 2003 et se poursuit depuis.
GENÈSE DE L'INSTANCE
[3] À l'ouverture du procès public, le 30 juillet 2003, l'avocat de M. Zündel a présenté oralement une requête en vue d'obtenir ma récusation. Il a fait valoir que je ne devais pas statuer sur la demande de mise en liberté ou me prononcer sur le caractère raisonnable du certificat parce que j'avais déjà conclu que M. Zündel manquait globalement de crédibilité : [TRADUCTION] « Je dois malheureusement vous demander de vous récuser pour cause de crainte raisonnable de partialité [...] J'estime en effet que vous êtes intervenu intempestivement dans le débat et que vous avez manifesté de l'hostilité envers l'accusé [...] »
[4] Les avocats des deux ministres ont déposé un mémoire auquel l'avocat de M. Zündel a choisi de ne pas répondre.
QUESTION EN LITIGE
[5] Mes propos ont-ils suscité une crainte raisonnable de partialité?
JURISPRUDENCE APPLICABLE
[6] Au fil des ans, un ensemble de principes clairs ont été élaborés par nos tribunaux au sujet du concept de la crainte raisonnable de partialité.
[7] Les décisions qui suivent illustrent ces principes.
[8] Dans le jugement Ahani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998) 159 F.T.R. 252, [1998] A.C.F. no 1765 (conf. à (2000) 7 Imm. L.R. (3d) 1, [2000] A.C.F. no 114), le juge Denault a confirmé la façon dont le critère relatif à la crainte raisonnable de partialité devait s'appliquer :
[paragr. 7] Comme la Cour suprême du Canada l'a dit dans l'arrêt R. c. S. (R.D.)[voir note 3 infra], la façon dont le critère relatif à la crainte raisonnable de partialité devrait s'appliquer a été énoncée par le juge de Grandpré, en dissidence, dans l'arrêtCommittee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie) [voir note 4 infra] :
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Note 3: [1997] 3 R.C.S. 484
Note 4: [1978] 1 R.C.S. 369, aux pages 394 et 395
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[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. [...] ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? » |
[...] Toutefois, les motifs de crainte doivent être sérieux et je [...] refuse d'admettre que le critère doit être celui d' « une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne » . |
[9] Une autre décision qui porte explicitement sur le concept de la crainte raisonnable de partialité est l'arrêt R. c. R.D.S., [1997] 3 R.C.S. 484 [l'arrêt R.D.S.]. Dans cette affaire, un policier de race blanche avait arrêté un jeune Noir âgé de quinze ans à qui l'on reprochait d'avoir gêné l'arrestation d'un autre jeune. L'inculpé était notamment accusé d'avoir illégalement exercé des voies de fait contre un policier. Le policier et l'accusé étaient les deux seuls témoins et leurs versions des faits divergeaient considérablement. Le juge du tribunal pour adolescents a apprécié les témoignages et a conclu que l'accusé devait être acquitté. Dans des motifs prononcés oralement, le juge a fait remarquer qu'il était déjà arrivé que des policiers trompent le tribunal et réagissent avec excès, particulièrement vis-à-vis de groupes non blancs, et que cela semblait dénoter un état d'esprit suspect. Elle a également déclaré que ses remarques ne visaient pas le policier qui avait témoigné devant le tribunal. Cette décision a été confirmée dans un arrêt majoritaire de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse. La question litigieuse consistait à savoir si les commentaires faits par le juge avaient suscité une crainte raisonnable de partialité. Le juge Cory a déclaré ce qui suit :
[paragr. 130] À l'évidence, il vaut mieux que le juge appelé à statuer sur la crédibilité évite de faire tout commentaire qui pourrait donner l'impression qu'il a jugé de la crédibilité en s'appuyant sur des généralisations plutôt que sur des démonstrations précises de la véracité ou du manque d'honnêteté du témoin au procès. Il est vrai que les juges n'ont pas à rester passifs ni à faire abstraction de toute leur expérience qui les aide à tirer des conclusions de fait. Voir Brouillard c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 39; Propos sur la conduite des juges, op. cit., à la p. 15. Néanmoins, les juges ont un large pouvoir et les propos qu'ils tiennent en public sont passés au crible. Le juge ne doit pas, par ses commentaires, amener les parties ou l'observateur renseigné et raisonnable à croire qu'il s'est, de fait, basé sur des généralisations.
[paragr. 131] Quand ils commencent leur déposition, tous les témoins doivent être traités sur un pied d'égalité, sans considération de race, religion, nationalité, sexe, occupation ou autre caractéristique. C'est seulement après qu'un témoin a été jaugé et évalué qu'on peut décider de sa crédibilité. De toute évidence, le témoignage d'un policier ou de quelque autre catégorie de témoins, ne saurait être automatiquement préféré à celui de l'accusé, tout comme l'on ne saurait préférer le témoignage des témoins aux yeux bleus à celui des témoins aux yeux gris. Voilà la règle générale à suivre. En particulier, toute indication, de la part du juge, qu'il convient de toujours préférer le témoignage des policiers à celui des accusés noirs amènerait l'observateur raisonnable et renseigné à conclure à la crainte raisonnable de partialité.
[...]
[paragr. 134] Formuler la proposition générale que les juges doivent éviter de faire des commentaires basés sur des généralisations lorsqu'ils apprécient la crédibilité de témoins n'amène pas ipso facto à la conclusion que, lorsqu'un juge agit ainsi, il en résulte une crainte raisonnable de partialité. Dans un certain nombre de cas limité, les commentaires peuvent être à propos. De plus, si malheureux puissent-ils paraître, pris isolément, ces commentaires doivent être examinés selon le contexte, du point de vue de la personne raisonnable et renseignée qui est censée connaître toutes les circonstances pertinentes de l'affaire, y compris la présomption d'intégrité judiciaire et le contexte social sous-jacent.
[...]
[paragr. 138] Dans Pirbhai Estate c. Pirbhai, [1987] B.C.J. No. 2685, autorisation de pourvoi refusée, [1988] 1 R.C.S. xii, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique était saisie d'une allégation de crainte raisonnable de partialité. Au sujet de la crédibilité d'un témoin, le juge du procès avait fait remarquer que le témoin avait donné des réponses ambiguës et évasives. Le juge du procès avait dit ensuite à la p. 5 : [TRADUCTION] « [i]l m'apparaît évident qu'il a exploité une entreprise prospère au Pakistan dans une société corrompue. » Le juge Seaton a considéré l'ensemble de la procédure et a conclu en ces termes aux pp. 5 et 6 : [TRADUCTION] « Je pense que ces remarques sont malheureuses, mais qu'aucune personne raisonnable en en prenant connaissance ne craindrait que le juge du procès ne soit partial dans cette cause. » Il appert du reste des motifs du juge du procès qu'il a tiré ses conclusions concernant la crédibilité sur la foi de la preuve et non sur la foi du genre de parti pris ou de préjugé que semblaient indiquer ses commentaires au sujet de la « société corrompue » .
[...]
[paragr. 141] Ces exemples montrent que les allégations de crainte de partialité ne seront généralement pas admises à moins que la conduite reprochée, interprétée selon son contexte, ne crée véritablement l'impression qu'une décision a été prise sur la foi d'un préjugé ou de généralisations. Voici le principe primordial qui se dégage de cette jurisprudence : les commentaires ou la conduite reprochés ne doivent pas être examinés isolément, mais bien selon le contexte des circonstances et par rapport à l'ensemble de la procédure.
[...]
[paragr. 143] [...] La fonction essentielle du juge, qui est de trancher les questions de crédibilité et d'en arriver à des conclusions sur les faits, perdrait tout son sens si la crédibilité des policiers devait être reconnue aveuglément, chaque fois que leur déposition s'oppose à celle d'un autre témoin. Une conclusion défavorable concernant la crédibilité de l'agent Stienburg ne pourrait susciter une crainte de partialité que si elle donnait raisonnablement l'impression qu'elle est basée sur des généralisations stéréotypées ou, pour reprendre les propos du juge Scalia dans l'arrêt Liteky, précité, sur des opinions [TRADUCTION] « erronées ou inappropriées » , non justifiées par la preuve.
[...]
[paragr. 146] Il ressort des motifs du juge Sparks, qu'avant de faire les remarques contestées, elle a eu un doute raisonnable quant à la véracité du témoignage du policier et qu'elle a estimé que R.D.S. était un témoin crédible. Elle a motivé ces conclusions de manière convaincante. De toute évidence, le juge Sparks a tenu compte de la charge incombant au ministère public de prouver tous les éléments de l'infraction hors de tout doute raisonnable et elle a vérifié s'il s'était acquitté de cette charge. Ses conclusions initiales sur la crédibilité ne reposaient aucunement sur des généralisations ou des stéréotypes. Ses motifs de rejet ou d'acceptation des témoignages pouvaient s'appliquer à n'importe quel témoin, sans égard à sa race ou à son sexe.
[Non souligné dans l'original]
[10] Dans l'affaire Beno c. Canada (Commissaire et président de la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces armées canadiennes en Somalie) (C.A.), [1997] 2 C.F. 527, il s'agissait de l'appel d'une ordonnance par laquelle la Section de première instance avait enjoint au président de la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie de ne tirer aucune conclusion défavorable au sujet de l'intimé Beno, pour cause de crainte raisonnable de partialité. Lors du témoignage de l'officier Beno devant la Commission, le président lui a lancé qu'il ne lui « servira[it] à rien de tergiverser » . Peu de temps après, lors d'un petit-déjeuner de travail à un mess des officiers, le président, selon un affidavit déposé par un brigadier-général, avait dit que le brigadier général Beno n'avait pas répondu franchement et qu'il tentait peut-être de dissimuler quelque chose. Pour faire droit à l'appel, le juge en chef Isaac et les juges Pratte et Stone ont déclaré ce qui suit :
[paragr. 29] Il convient, en premier lieu, de remarquer que la preuve ne contient rien, mais absolument rien, qui puisse permettre de croire que la remarque du président ce jour-là a été inspirée par quelque chose d'autre que sa perception honnête, bien que probablement erronée, du témoignage de Beno. Il réagissait clairement au témoignage de celui-ci; dans les circonstances, on ne peut raisonnablement dire que ses propos trahissaient une tendance à fonder sa décision sur autre chose que la preuve. Assurément, aucun élément de preuve ne pouvait écarter la présomption selon laquelle le président agirait de façon impartiale [...] Il faut plus qu'un simple soupçon ou des réserves émanant d' « une personne de nature scrupuleuse ou tatillonne » pour écarter cette présomption (voir la dissidence du juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty et autres c. Office national de l'énergie et autres, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394).
[paragr. 30] [...] Il est tout à fait indiqué, même pour un juge des faits, d'intervenir dans le but de clarifier les incohérences constatées dans la preuve : voir Brouillard c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 39, aux pages 42 à 48; Jones v. National Coal Board, [1957] 2 All E.R. 155 (C.A.).
[paragr. 31] La seule raison pour laquelle le juge a conclu que la remarque du président ce jour-là manifestait de la partialité est qu'il ne partageait pas l'évaluation du comportement et de la crédibilité de Beno faite par le président. Mais, ce n'est pas là une raison valable pour mettre en doute son impartialité. Il y a une différence entre être impartial et avoir raison. Le président devait se former une idée du témoignage que rendait le témoin; il devait fonder cette opinion sur sa perception honnête des faits. Pour ce qui concerne l'allégation de partialité, il importe peu qu'il ait mal interprété le témoignage ou qu'il ait été moins impressionné que le juge par la franchise du témoin. À notre avis, il s'agissait d'une erreur grossière pour le juge de conclure que les événements du 30 janvier donnaient lieu à un soupçon voulant que le président n'était pas impartial. La seule inférence raisonnable qui pouvait alors être tirée de ces événements était que le président avait mal interprété le témoignage et, comme il l'avait dit, qu'il examinerait la transcription avant de se décider.
[Non souligné dans l'original]
ANALYSE
[11] Pour déterminer si mes propos ont effectivement suscité une crainte raisonnable de partialité, j'ai pris la peine de lire attentivement le compte rendu de l'audience publique qui s'est tenue les 29 et 30 juillet 2003. Compte tenu de la gravité des allégations formulées par l'avocat de M. Zündel, des extraits de ce procès-verbal sont reproduits ci-après.
[12] Par souci de clarté, j'utiliserai des lettres, en commençant par la lettre A, en caractères gras et en italiques, pour établir un lien entre les allégations de Me Christie et les passages pertinents du procès-verbal, soit en reproduisant les propos exacts cités par Me Christie soit la réponse à l'allégation en question.
[13] Voici les observations formulées par l'avocat de M. Zündel, Me Christie au sujet de la crainte raisonnable de partialité :
[TRADUCTION]
p. 822
Me CHRISTIE : ...
Il a été interrogé au sujet de ce qu'il pense des couples composés de conjoints de races différentes et on lui a demandé s'il souscrivait aux opinions formulées dans ce livret. Il a alors élevé une objection. (A) Le juge a déclaré que M. Zündel avait rédigé et assemblé le livre, ce qui contredit ce qu'il a déclaré sous serment. Vous avez alors dit : « Je ne veux plus qu'on tourne autour du pot » . (B) Je me suis élevé contre ces propos et vous m'avez rappelé à l'ordre dans les termes les plus nets en me disant que si j'ajoutais ce que vous avez appelé d'autres commentaires, mon intervention serait considérée déplacée. Ma perception était que toute parole de ma part serait considérée comme un outrage au tribunal. Je me suis bien sûr tu.
[14] Alors qu'en fait, j'ai dit ceci :
[TRADUCTION]
p. 765 :
Q. [Me MacINTOSH] : Souscrivez-vous aux vues de Hitler en ce qui concerne le mélange des races, par exemple en ce qui concerne les couples formés de conjoints de race différente? Quel est votre avis au sujet des couples interraciaux, M. Zündel?
Me CHRISTIE : Vraiment, Monsieur le Juge, j'ai été assez patient, mais il ne s'agit que d'une enquête sur le cautionnement. Je viens d'entendre la question suivante : Quel est votre avis au sujet des couples interraciaux? En quoi cela concerne-t-il le risque d'évasion, le danger pour la sécurité du Canada ou quelque aspect que ce soit du cautionnement? J'ai du mal à saisir et je m'oppose à ces questions.
LA COUR : Je comprends, mais je crois qu'il est important de savoir ce que M. Zündel pense de cette question, parce qu'il est difficile de suivre. C'est une question très franche... Je crois que la question est acceptable.
LE TÉMOIN : J'aimerais rectifier quelque chose. L'ouvrage a été publié par M. Dietz aux États-Unis. Ce n'est pas moi qui en suit l'auteur ou l'éditeur. J'ai fourni les photos.
[...]
p. 766
LA COUR : (A) Il importe de bien comprendre. On tourne encore autour du pot. Ce sont des photos que vous avez fournies et les commentaires qu'on y trouve. Rappelez-vous ce que vous avez dit hier et aujourd'hui au sujet de vos opinions bien arrêtées et sur le fait que vous ne voulez pas que vos opinions soient interprétées différemment de ce qu'elles sont. Il est important de savoir si vous partagez ces opinions parce que vous avez mis votre nom là-dessus.
LE TÉMOIN : Il m'a demandé ce que je pensais des couples interraciaux. C'est la question qu'il m'a posée.
p. 767
LA COUR : Oui.
LE TÉMOIN : Je n'ai pas encore eu l'occasion de répondre.
Ce que je pense, c'est qu'on peut épouser qui l'on veut. J'ai épousé ma femme. Pour moi, l'idée d'un couple interracial ...
LA COUR : Vous êtes en désaccord avec l'homme qui a collaboré avec vous pour ce livre et vous n'êtes pas d'accord avec ce commentaire sur les déclarations d'Adolf Hitler. Vous ne partagez pas l'avis de Thomson à ce sujet...
LE TÉMOIN : Il m'a posé une question sur la race, mais je ne suis pas au courant de ces affirmations générales sur les opinions raciales de Hitler. Mein Kampf, par exemple, compte 600 ou 700 pages. Est-ce que vous m'interrogez au sujet du programme du parti ou sur les idées de Hitler sur la race et sur....
LA COUR : M. Zündel, le titre de ce livre est : « The Hitler We Loved & Why » . Il compte plus de photos que de texte. Chaque photo est accompagnée de trois, quatre ou cinq lignes de commentaires explicatifs. [TRADUCTION] « Nous l'aimions parce que, grâce à lui, nos médias de divertissement étaient libres de la perversion que constituent le mélange des races et le suicide de la race » . Pas besoin de photo pour comprendre. C'est très clair.
p. 768
Si j'ai bien compris, si ce n'est pas vous, alors c'est M. Thomson qui soutient que M. Hitler - - nous n'avons pas besoin de références très subtiles pour savoir qu'il s'oppose un peu à ce qu'il qualifie de mélange des races et de suicide de la race. Ce sont les paroles de M. Thomson.
La question était simple : est-ce que vous partagez ou non ces vues. Votre nom figure sur la page couverture de cet ouvrage. Si vous ne partagez pas ces vues, dites que vous n'y souscrivez pas. C'est une question fort simple, mais vous tournez autour du pot.
LE TÉMOIN : À ma décharge, avant que Me Christie ne se lève pour s'opposer, Me MacIntosh m'avait interrogé au sujet de Hitler et de ses opinions sur la race. Me Christie s'est levé et a dit : « C'est une enquête sur le cautionnement » . Je croyais que j'allais répondre à sa question, mais vous êtes revenu à ce livre.
Devons-nous laisser cette question sans réponse?
LA COUR : Partagez-vous ces vues? Oui ou non.
LE TÉMOIN : Non, je ne les partage pas.
p. 769
Me CHRISTIE : Je tiens à souligner officiellement qu'il n'a pas à être jugé pour les opinions qu'il formule à l'audience ni pour celles qui lui sont imputées dans le certificat. Il s'agit d'une enquête sur le cautionnement. C'est déplacé et il ne tourne pas autour du pot.
Me MacINTOSH : Pour ce qui est de la question de savoir si un cautionnement devrait ou non être fourni, à mon humble avis, vous avez le droit de tenir compte de l'ensemble de la preuve. Ainsi que la Cour l'a dit aux deux avocats à l'ouverture de l'audience, certains éléments de preuve seront présentés dans le cadre des deux instances et un certain chevauchement est inévitable...
LA COUR : ... (B)Par ailleurs lorsqu'un avocat intervient de façon officielle au procès et explique pourquoi et dans quels cas il s'agit d'un contre-interrogatoire, je tolère les objections motivées et je prends ensuite une décision. Un avocat n'est pas censé intervenir pour faire des déclarations officielles. Voilà qui est clair. Ce genre de propos n'a pas sa place. Nous sommes dans une salle d'audience et (p. 770)j'essaie de faire preuve de souplesse envers tout le monde. Il s'agit d'un contre-interrogatoire et il y a un grand nombre de pièces et d'éléments de preuve. J'essaie d'être juste envers tout le monde et de m'assurer que M. Zündel peut faire valoir son point de vue devant le tribunal et expliquer les raisons pour lesquelles il estime qu'il ne devrait pas être maintenu en détention. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici.
Ainsi que nous l'avons déjà souligné, on ne peut se contenter d'examiner uniquement la question de la détention. Il y a un chevauchement - c'est le terme qui a été employé - et j'en suis bien conscient. Nous faisons pour le mieux et nous sommes capables de faire preuve d'encore plus de souplesse. Il s'agit d'une affaire dans laquelle la loi nous impose une obligation bien précise et c'est ce que j'essaie de faire et ce, de façon très minutieuse. J'essaie de respecter rigoureusement les règles.
[15] À mon avis, Me Christie m'a de toute évidence mal cité et je n'ai jamais laissé entendre que toute autre intervention de Me Christie pourrait être considérée comme un outrage au tribunal. Il s'agissait simplement d'appliquer une règle fondamentale pour faciliter le déroulement de l'instance.
[16] Les avocats peuvent en tout temps élever des objections sur lesquelles une décision peut être rendue. J'ai simplement dit que l'avocat qui prend la parole officiellement au cours du procès sans élever d'objection n'agit pas comme il le devrait. C'est bien ce que prévoient les Règles de la Cour fédérale et c'est la façon habituelle de procéder devant toute juridiction lors d'un contre-interrogatoire. Je n'ai jamais songé à l'outrage au tribunal et il n'en est d'ailleurs nulle part question dans la transcription.
[17] Une autre allégation formulée par Me Christie concernait le contrôle du site de Zündel :
[TRADUCTION]
p. 825
Me CHRISTIE : ...
(C)Vous avez affirmé qu'il contrôle ses livres, son télécopieur son site Web. Je tiens à signaler que, tant que nous n'aurons pas entendu d'expert au sujet de son site Web, en formulant des commentaires de ce genre, vous contre-interrogez en fait M. Zündel et vous intervenez là encore dans le débat. Aux yeux de l'observateur impartial, force est de conclure que vous avez préjugé la question, que le débat est clos. Pour l'observateur raisonnable, la décision a déjà été prise.
On pourrait dire, comme vous l'avez fait, Monsieur le Juge : « Ce n'est que sur ce point que je ne vous crois pas » . Mais, lorsque vous appelez à la barre un témoin qui a juré de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, comment pouvez-vous dire que vous accepter d'autres déclarations qu'il a faites sous serment? Toute sa crédibilité s'en trouve ébranlée.
J'estime qu'avant d'avoir pris connaissance de tous les éléments de preuve qui vous ont été soumis à vous et à Ingrid Zündel, qui, selon le témoignage de M. Zündel, est la propriétaire du site Web, donc la titulaire du mot de passe, le programmeur du site Web, avant d'entendre la déposition de cette dernière, le qualifier de menteur, crée à mon humble avis dans l'esprit de l'observateur impartial une impression de parti pris suffisamment grave pour amener cette même personne à conclure que vous ne croyez pas non plus les autres affirmations de ce témoin.
[Non souligné dans l'original]
[18] Voici en fait ce que j'ai dit :
[TRADUCTION]
p. 631
Q. [MacINTOSH] : En tant que personnage bien connu au Canada, vous affirmez que vous n'avez aucun pouvoir sur ce qui est diffusé sur le site Zündel et sur ce qui en sort? C'est exact?
A. Au bout du compte, je n'ai aucun contrôle.
LA COUR : (C)Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire par « au bout du compte » ? Je veux être sûr de bien comprendre parce que cette question est importante.
Je n'ai pas besoin de ces questions parce que vous êtes devant le tribunal depuis quatre ou cinq jours. Il s'agit d'un site Web. C'est votre femme qui contrôle le mot de passe. Il y a des informations qui se retrouvent sur le site et qui échappent à votre contrôle. C'est comme si vous soumettiez un manuscrit à un éditeur en sachant ce qu'il contient et ce qui va être publié. C'est à peu près la même chose qui se passe dans le cas de votre émission télévisée et de votre émission radiophonique. Si vous avez sur votre site Web quelque chose qui va tout à fait à l'encontre de vos convictions et de vos opinions, est-ce que vous le tolérez et vous vous dites : « Je n'ai aucun contrôle sur le mot de passe; elle peut donc dire que je suis stupide ou que je suis l'être le plus abject qui soit? » Est-ce que vous toléreriez cela, puisque vous n'avez aucun contrôle sur le mot de passe?
Est-ce que vous pensez un seul instant que je vais croire cela?
LE TÉMOIN : Laissez-moi vous expliquer la situation.
LA COUR : Expliquez-moi parce que plus nous en parlons, plus les choses s'embrouillent.
[...]
p. 633
LA COUR : Oui, mais un site Web n'est qu'un moyen de véhiculer d'une certaine façon des idées et d'appuyer un écrit. Lorsqu'on regarde la télévision, on fixe un écran. Lorsqu'on consulte un site Web, c'est comme si on lisait un livre.
Me CHRISTIE : Excusez-moi, je m'oppose.
LA COUR : Vous vous opposez à... ?
Me CHRISTIE : Je m'oppose. Permettez-moi d'expliquer ce à quoi je m'oppose.
Vous venez de dire qu'un site Web est comme un livre. Monsieur le Juge, est-ce que vous vous rendez compte qu'un site Web peut être modifié trois fois par jour, contrairement à un livre? Si vous avez l'intention de contre-interroger ce témoin en vous fondant sur des présomptions de fait au sujet des sites Web, il faut alors que quelqu'un vous dise qu'il suffit d'effleurer une touche de clavier pour le modifier. C'est différent dans le cas d'un livre, d'une émission télévisée ou radiodiffusée qui, une fois réalisés, sont immuables.
[...]
p. 634
LA COUR : Vous vous opposez à...
Me CHRISTIE : Vous venez de dire qu'un site Web, c'est comme un livre.
LA COUR : Vous ne pouvez vraiment justifier votre objection en invoquant quelques questions que j'ai posées pour qu'il clarifie sa position. J'essaie seulement de comprendre. Je ne crois pas que je vais tolérer, à moins que vous ne les justifiez, des objections à une question qui n'a pas encore été posée au témoin. Je crois que j'ai le droit de poser des questions aux témoins.
Me CHRISTIE : Tout à fait, mais...
[...]
p. 635
LA COUR : Je ne veux pas vous harceler, M. Zündel. J'essaie seulement de comprendre.
Sur le site Web, il y a des (p. 636)informations qui circulent, qui circulent peut-être plus rapidement que dans le cas d'un livre ou d'un autre moyen de communication, mais ce que j'essaie de comprendre, c'est qui contrôle ces informations et ce que vous en savez...
LE TÉMOIN : Je suis heureux que vous men posiez la question, parce que je veux vous expliquer ce méli-mélo.
Vous venez de parler du contrôle de l'émission radiophonique et de la réalisation d'une émission télévisée ou radiodiffusée. Dans ce cas, c'est moi qui avait le contrôle...
Or, il n'en est rien dans le cas du site Web. Tout le monde peut me le reprocher. Je me reproche moi-même ma négligence et mon insouciance en ce qui concerne le site Web...
[19] Et plus loin :
[TRADUCTION]
p. 823
Me CHRISTIE : (D) ... Vous avez également dit que vous ne croyez pas M. Zündel, et vous l'avez dit à plusieurs reprises en ce qui concerne le contrôle du site Web.
C'est une enquête sur le cautionnement. Vous n'avez pas entendu le témoignage du propriétaire du site Web (p. 824)alors qu'il vous était loisible de le faire. Vous avez toujours parlé du site Web de M. Zündel.
Par la suite, vous avez dit au bout d'un certain temps que vos commentaires sur le fait que vous ne le croyez pas « ne portaient pas sur tout » , mais ce n'est qu'après que vous avez donné cette précision. Il semble que vous ayez décidé de nuancer vos propos après avoir pris conscience des incidences qu'ils pouvaient avoir dans l'esprit d'une personne raisonnable. J'estime que l'observateur raisonnable conclurait que vos déclarations sur le peu de foi que vous ajoutez aux dires du témoin avaient une portée beaucoup plus large que ce que vous avez laissé entendre par la suite.
page 660 :
Q. [Me MacINTOSH] : ...
Après l'échange avec le juge Blais, lorsque celui-ci vous a demandé si vous aviez peur de laisser quelqu'un décider de ce qui est diffusé sur le site et que le juge a dit qu'il ne pouvait concevoir que quelqu'un se serve de son nom sur un ordinateur et qu'il aurait du mal à dormir si tel était le cas, vous avez dit ceci, à la page 195 :
« J'ai des soucis, et comme Monsieur le Juge l'a dit, il m'arrive d'avoir du mal à m'endormir. »
Q. Pour quelle raison?
A. Parce qu'elle est une romancière, Monsieur. [La femme de M. Zündel est une romancière.]
Si vous craigniez que votre femme actuelle ne diffuse certains renseignements sur votre site Web, a fortiori vous devriez avoir votre mot à dire lorsqu'il s'agit d'informations qui y ont été mises avant votre mariage à cette femme, n'est-ce pas M. Zündel?
A. Vous parlez de la responsabilité finale. Mes conseillers juridiques m'ont dit, en ce qui concerne les huit dernières années, que si je n'avais pas de mot de passe, je n'avais pas...
LA COUR : Excusez-moi, nous ne vous interrogeons pas au sujet (p. 661)de votre responsabilité légale, sur l'identité du propriétaire du site, ou quoi que ce soit. Il s'agit de savoir si, lorsqu'une personne qui a des opinions bien arrêtées utilise un site Web, si vous partagez leurs vues et si vous participez d'une façon ou d'une autre. La question de responsabilité finale ou de responsabilité légale est autre chose. Je crois que nous sommes à côté de la question ici.
LE TÉMOIN : Des soucis, j'ai eu des soucis lorsque mon nom a été utilisé sur le site.
LA COUR : Vous parlez de soucis. J'ai employé un autre terme.
LE TÉMOIN : J'ai illustré une fois de plus la situation ce matin avec les noms qui figurent sur le site de Zündel que des chefs de section de la prison m'ont signalés. Voilà une situation qui m'empêche de dormir. Voilà ce que je veux dire.
À la prison, on m'a dit de ne pas révéler le nom des gardiens ou des chefs et je ne l'ai pas fait. Pourtant, le chef de section s'est présenté à ma cellule et m'a appris qu'il y avait des documents où mon nom figurait. J'ai répondu : « Et bien, chef, je n'ai pas accès à un ordinateur. Je vais me renseigner » . Je me suis renseigné et j'ai constaté que ma femme a diffusé quelque chose que M. Fromm avait écrit (p. 662).
LA COUR : (D) De toute façon, M. Zündel, plus nous en parlons et moins je vous crois.
Si vous avez d'autres questions, posez-les.
Je ne songe pas à tout ce que vous avez dit. Je pense à la dernière partie de vos propos. Pour conclure que vous avez raison, je dois conclure que vous n'êtes pas assez intelligent pour garder le contrôle de votre propre site Web. C'est très difficile à croire. Jusqu'à maintenant, vos arguments sont loin de me convaincre, loin de là. Je crois que nous devrions passer à une autre série de questions.
p. 666 :
Me CHRISTIE : Est-ce que ça fait vraiment partie du site de Zündel, Monsieur le Juge? Est-ce bien établi?
LA COUR : Voici une photocopie d'un document que l'on trouve sur le site Web. Voyez la note au bas.
Me CHRISTIE : La note du bas ne précise pas l'adresse du site, elle est en partie effacée. Mon collègue est-il disposé à témoigner sous serment ou à soumettre à la Cour des éléments de preuve tendant à démontrer que ce document (p. 667) provient bel et bien du site de Zündel? Je ne l'ai pas entendu. Si ce témoin admet que ce document provient du site de Zündel ou affirme qu'il en est l'auteur, ce document devient pertinent. Sinon, j'émets des doutes à son sujet, c'est tout.
LA COUR : Qu'est-ce que vous mettez en doute? Vous doutez que ce document ait été imprimé à partir de ce qui figurait à l'écran du site de Zündel? Vous dites que vous n'avez pas d'éléments de preuve à ce sujet?
Me CHRISTIE : Il n'y a pas de preuve à ce sujet. Pour qu'il soit pertinent, il est tout à fait possible de demander à ce témoin s'il en est l'auteur ou, sinon, s'il savait qu'il provenait du site de Zündel. Avant de pouvoir s'en servir en preuve, il faut à tout le moins établir cela.
LA COUR : Je crois que nous connaissons la réponse.
Me CHRISTIE : Pas moi.
LA COUR : À moins qu'il ne se qualifie de personne absolument illettrée pour ce qui est du site de Zündel...
Me CHRISTIE : Il pourrait dire qu'il en est l'auteur, mais il faudrait lui poser la question.
LA COUR : J'ai déjà dit il y a quelques minutes (p. 668)que je ne crois pas qu'il soit illettré au point d'ignorer ce qui se trouve sur ce site Web. Ce sont les éléments de preuve dont je dispose, mais dans le cadre du présent contrôle, je dois tirer des conclusions à partir de la preuve qui m'a été soumise, c'est-à-dire d'après la déposition des témoins et les documents produits.
J'ai déjà dit officiellement que je ne crois pas tout ce que j'ai entendu de la part du témoin à ce sujet. C'est mon devoir. Vous n'êtes peut-être pas très heureux de cela, mais sur ce point précis, je ne crois pas le témoin.
On pourrait l'interroger à ce sujet, mais je sais déjà la réponse à cause de ce qu'il a dit ce matin. Vous pourriez lui poser n'importe quelle question au sujet du site : il ignore tout. Il ne sait pas comment ça fonctionne. C'est la réponse qu'il m'a faite il y a deux mois. Il ne sait pas comment appuyer sur les touches ou utiliser le mot de passe. Il ne sait pas comment ça marche. C'est ce qu'il a dit.
Est-ce que mes souvenirs sont exacts?
LE TÉMOIN : Ils sont tout à fait exacts.
LA COUR : Vous allez donc (p. 669) lui demander s'il existe une copie de ce qui figurait sur l'écran du site Web?
Me CHRISTIE : Non. Demandez-lui s'il en est l'auteur. C'est ce qui rendrait cet élément de preuve pertinent. Sinon, mon collègue devrait présenter des éléments de preuve au sujet de sa provenance.
LA COUR : Nous le savons déjà. Il va répondre qu'il n'en est pas l'auteur. Il a déjà dit que c'est Mme Rimland qui tapait ses manuscrits à sa place. Cela faisait partie de son travail. C'est ce qu'il a déjà dit. Il l'a dit ce matin et il l'a dit devant les deux autres tribunaux.
Me CHRISTIE : ... Est-ce que ça constitue oui ou non un élément de preuve? Ce n'est pas un élément de preuve si ça ne provient pas du site de Zündel. Vous avez au moins bien exposé (p. 670) sa position, que vous ne croyez pas, c'est-à-dire qu'il n'a aucun contrôle sur le site de Zündel et qu'il ne pouvait savoir si ce document provenait du site de Zündel. Vous avez le choix de ne pas le croire.
[...]
p. 672
LA COUR : ... Je comprends votre point de vue, mais dans votre exposé final, Me Christie, vous allez (p. 673)probablement dire que je ne devrais pas tenir compte de ce document. Vous devriez attendre un peu avant de le faire. Pour l'instant, je crois que ce document est acceptable au même titre que les autres documents qui ont été versés en preuve. Il est de toute évidence pertinent. La question qui se pose au sujet de sa valeur véritable et de son influence est une question différente sur laquelle nous reviendrons plus tard.
Me CHRISTIE : Merci, Monsieur le Juge.
[...]
p. 674 :
LA COUR : Excusez-moi, avant de passer à la question suivante, je veux revenir au dernier document.
LE TÉMOIN : D'accord.
LA COUR : Avez-vous entrepris des démarches depuis (p. 675) pour communiquer avec votre femme pour lui faire part de votre déception et de votre désaccord avec ce document? Êtes-vous en désaccord avec le contenu de ce document?
LE TÉMOIN : Non...
[...]
LE TÉMOIN : Vous me demandez si je suis entièrement en désaccord avec son contenu. Je ne suis pas totalement contre...
[20] Il convient également de signaler que de nombreux documents ont été soumis à la Cour, notamment une décision émanant d'un autre tribunal au sujet de la crédibilité du témoin Zündel et de sa connaissance du « site de Zündel » et de son degré de contrôle sur ce dernier.
[21] J'ai, ainsi que j'en avais le droit, posé plusieurs questions pour clarifier la position du témoin sur cette question et pour exprimer mes doutes, comme par exemple à la page 662 de la transcription (voir supra, au paragraphe 19).
[22] En ce qui concerne la question de ma supposée hostilité envers M. Zündel :
[TRADUCTION]
p. 822
Me CHRISTIE : (E) ... À diverses reprises, vous êtes intervenu lors du contre-interrogatoire d'une manière qui témoignait d'une hostilité manifeste envers M. Zündel.
[...]
En ce qui concerne le livre « The Hitler We Loved & Why » , nous pensons qu'il n'a rien à voir avec le risque d'évasion ou le terrorisme et qu'il a été déposé en preuve inutilement dans le but d'attaquer les opinions de M. Zündel. Quoi qu'il en soit, M. Zündel a bien expliqué à ce sujet que sa contribution à cet ouvrage se limitait aux photos qu'il avait fournies.
Au cours de l'échange que vous avez eu avec lui, M. Zündel a déclaré, en réponse à vos questions sur le livre en question, qu'il n'avait pas écrit le texte mais qu'il avait fourni les photos.
[23] Je crois au contraire que j'ai tout fait pour assurer un procès équitable à M. Zündel ainsi que les passages suivants l'illustrent :
[TRADUCTION]
p. 818
Q. [Me MacINTOSH] : Je vous signale, M. Zündel, que parler de liberté de parole en fonction de la couleur de la peau est un exemple classique de racisme.
LA COUR : (E)Il a répondu à la question [...]
Me MacINTOSH : Nous avons sa réponse.
LA COUR : Vous avez sa réponse maintenant.
Soit dit en passant, Me MacIntosh, vous devriez savoir que nous n'allons pas revenir constamment sur la transcription de ce que le témoin a dit la veille... Nous n'allons pas revenir sur tous les procès-verbaux. Nous n'allons pas revenir la semaine prochaine sur les déclarations faites aujourd'hui. Cela ne serait pas acceptable.
Me MacINTOSH : À mon humble avis, il y a des contradictions dans son témoignage.
LA COUR : Vous avez posé une question et il a répondu. A-t-il tort ou raison? La réponse est-elle exacte? Je l'ignore pour le moment, mais il a répondu à votre question. ...
[24] Deuxièmement, dans les observations que j'ai formulées au sujet des questions posées par Me MacIntosh à M. Zündel :
[TRADUCTION]
p. 695
LA COUR : C'est clair. Vous ne pouvez exiger d'un témoin qu'il se rappelle tout le contenu de ces milliers de pages. On le comprend bien.
Me MacINTOSH : D'accord.
[25] Troisièmement, lorsque j'ai statué sur l'objection élevée par Me Christie :
[TRADUCTION]
p. 719
LA COUR : ... Je crois que Me Christie a raison en ce sens qu'il ne s'agit pas d'une citation textuelle. Il faut donc être prudent. Vous pouvez poser des questions (p. 720)au sujet du témoin sans oublier cependant qu'il ne s'agit pas de citations textuelles du site de Zündel.
Êtes-vous d'accord avec moi sur ce point?
Me MacINTOSH : Oui, ça va.
[26] Quatrièmement :
[TRADUCTION]
p. 726
Q. [Me MacINTOSH] : Ainsi, lorsqu'on trouve sur le site de Zündel des affirmations comme : [TRADUCTION] « Je, Ernst Zündel, suis l'auteur du site de Zündel » ou encore : [TRADUCTION] « Je, Ernst (p. 727) Zündel, ai fait ceci ou cela » , vous soutenez que c'est votre femme qui est l'auteur de ces lignes?
A. C'est la raison pour laquelle j'étais surpris lorsque vous me les avez montrées la première fois, parce que...
LA COUR : Le témoin a déjà répondu que lorsque vous lui avez montré la citation, il a dit : [TRADUCTION] « Bien sûr, c'est elle qui l'a tapé » .
Me MacINTOSH : Je soulève une question différente.
Q. Est-ce que vous me dites que les déclarations qui se trouvent sur le site de Zündel et qui sont libellées à la première personne, que votre femme qui a un doctorat en éducation ne sait pas faire la différence entre la première, la deuxième et la troisième personnes? Elle est anglophone.
A. Me MacIntosh, c'est la raison pour laquelle j'étais surpris lorsque vous me l'avez montré la première fois. Je ne sais pas. Était-elle fatiguée lorsqu'elle a rédigé le texte?
LA COUR : Voyons donc! Quels sont les deux mots que l'on trouve à la toute fin du texte? « Ernst Zündel » . Lorsqu'on écrit quelque chose au nom de quelqu'un d'autre, on ne peut l'écrire à la première personne. Vous pouvez déformer la réalité (p. 728) et je vous ai déjà fait part de mon sentiment à ce sujet.
Me MacINTOSH : Je passe à autre chose, Monsieur le Juge.
[27] Et finalement, au sujet des conditions de détention de M. Zündel :
[TRADUCTION]
p. 967
LA COUR : ... En toute déférence pour les autorités qui le méritent, j'ai aussi du respect pour M. Zündel qui a besoin d'un peu plus de souplesse en ce qui concerne les conditions de sa détention. Ce n'est pas un criminel. Il est incarcéré dans un but précis en vertu de nos lois, mais je crois qu'il a droit à un peu plus de souplesse, au même titre que toute autre personne.
Je ne sais pas quel espace il occupe. Je l'ignore, mais nous pourrions lui faciliter la vie. Par ailleurs, compte tenu du nombre de documents (p. 968) qu'il a, il devrait avoir le droit d'écrire. C'est tellement élémentaire que je suis mal à l'aise d'en parler dans une salle d'audience...
LA COUR : Il y a probablement des stylos, mais l'accès au matériel pose un problème.
Vous êtes un homme raisonnable. Il n'y a que des gens raisonnables ici et nous allons essayer de trouver une solution raisonnable et de trouver une façon de vous donner satisfaction.
[Non souligné dans l'original]
[28] Voici les observations formulées par Me MacIntosh au sujet de la requête en récusation :
[TRADUCTION]
p. 829
Me MacINTOSH : À mon humble avis, vous ne devriez pas vous récuser. Il s'agit d'une allégation tout à fait spécieuse qui n'est fondée ni en fait ni en droit. Il n'y a pas de crainte raisonnable de partialité. Un juge de première instance ou tout juge agissant de façon consciencieuse et avec diligence a le droit d'intervenir à l'audience pour poser des questions aux témoins pour clarifier des points qui demeurent obscurs et qui ont trait aux éléments de preuve qui lui ont été soumis.
Il s'agit d'une instance fort complexe régie par la Loi sur l'immigration (p. 830) qui concerne le danger que M. Zündel constitue pour la sécurité du Canada, peu importe que M. Zündel soit en fin de compte jugé ou non admissible au Canada...
Je tiens à signaler que, parmi les pièces qui vous ont été communiquées, se trouve une décision dans laquelle le Tribunal canadien des droits de la personne a conclu que M. Zündel avait le contrôle du site de Zündel. Certes, vous n'êtes nullement lié par cette décision, mais il s'agit d'un facteur dont vous pouvez tenir compte lorsque vous posez des questions au témoin, surtout lorsque celui-ci fait une déposition qui exige des explications plus fouillées, compte tenu de la conclusion tirée par le Tribunal et des déclarations de ce témoin.
À mon humble avis, le fait que vous avez dit, d'entrée de jeu, que vous ne croyez pas les dires du témoin sur un point précis ne veut pas dire que vous avez tranché la question de façon définitive. Cela signifie seulement que vous signalez au témoin que, (p. 831)compte tenu de ce que ce témoin affirme à ce moment précis, vous avez des doutes et que vous souhaitez que le témoin vous fournisse des éclaircissements compte tenu de ses déclarations antérieures. À mon humble avis, c'est tout à fait justifié.
Pour ce qui est des propos concernant le livre « The Hitler We Loved & Why » , je tiens à souligner qu'il s'agit d'une enquête sur le cautionnement mais que, par ailleurs, pour évaluer la solidité des arguments portant sur la remise en liberté de M. Zündel, il faut décider jusqu'à un certain point s'il constitue un risque pour le public ou un danger pour la sécurité du Canada.
À mon humble avis, il est par ailleurs évident, depuis le début de la présente instance, que les éléments de preuve présentés concerneraient non seulement l'enquête sur le cautionnement mais aussi le caractère raisonnable du certificat. Par conséquent, il y a un chevauchement des éléments qui ont été présentés.
En traçant une ligne de démarcation aussi rigoureuse que celle que tire mon collègue et en limitant le débat au cautionnement, on fait à mon humble avis erreur sur l'économie de la loi.
[...]
p. 835
Je suis d'avis qu'il n'y a absolument rien qui permettrait à une personne raisonnable de conclure à une crainte raisonnable de partialité ou à un parti pris de votre part. Je ne crois pas que, parce que vous avez posé quelques questions et exprimé quelques opinions préliminaires sur le fondement d'éléments de preuve qui s'échelonnent sur une très longue période de temps dans ce qu'on ne peut qualifier que de long contre-interrogatoire, vous êtes intervenu intempestivement dans le déroulement du procès ou que vous avez perdu votre impartialité.
p. 836
... Mon collègue ne devrait pas essayer d'empêcher la poursuite du contre-interrogatoire de M. Zündel, ce qu'à mon humble avis il tente de faire en présentant une requête mal fondée en fait et en droit.
[...]
p. 837
... Il aurait été plus avantageux de disposer d'une transcription. Il faut par ailleurs situer les observations dans leur contexte. À mon humble avis, il [Me Christie] a cité bon nombre de vos propos hors contexte.
[Non souligné dans l'original]
[29] Voici un extrait de la réponse de Me Christie aux observations de Me MacIntosh :
[TRADUCTION]
p. 839
Je n'ai rien à redire au sujet du droit du juge de poser des questions lors d'un contre-interrogatoire lorsqu'il estime qu'il a besoin d'éclaircissements. Je ne suis pas stupide et je n'ai pas prétendu que c'était la question qui se posait. Mon collègue interprète mal mon argument s'il croit que c'est ce que je prétends. Je n'ai rien à redire au sujet des questions posées au témoin et je n'ai pas abordé cet aspect dans mon argument. Ce qui m'inquiète, ce sont les opinions qui ont été exprimées et que j'ai citées textuellement, autant que je m'en souvienne.
Il n'est pas nécessaire de s'attacher outre-mesure au contexte lorsque des propos de ce type sont formulés. Lorsque le contexte importe, alors je suis très heureux de prendre le temps de me procurer le procès-verbal de l'audience, mais j'ai pensé qu'il était de mon devoir de vous faire part sans délai de mes préoccupations.
[30] Quant au fait que Me Christie n'a pas reçu de directives de son client avant de présenter cette requête :
[TRADUCTION]
p. 843
LA COUR : Si j'ai bien compris, vous avez introduit cette requête (p. 844) sans même vous assurer que votre client était d'accord avec sa présentation?
Me CHRISTIE : J'ai pris cette décision en tant qu'avocat en croyant qu'elle était dans l'intérêt de la justice et de mon client.
[...]
Si vous me le permettez, je crois que la meilleure solution est de vous demander, Monsieur le Juge, de reporter votre décision à plus tard sur cette question, de prendre le temps que vous estimerez nécessaire pour réfléchir et d'obtenir la transcription. Nous ne perdrons pas la journée. Mon collègue peut poursuivre le contre-interrogatoire. J'ai exposé mon point de vue. L'efficacité judiciaire ne sera pas compromise et vous pourrez rendre une décision au sujet de la requête après avoir attentivement réfléchi...
p. 845
LA COUR : Vous me suggérez de reporter ma décision à plus tard sur cette question et de poursuivre l'audience. Est-ce bien ce que vous suggérez?
Me CHRISTIE : Oui, Monsieur le Juge.
LA COUR : Et ce, même si vous affirmez qu'il existe une crainte raisonnable de partialité?
Me CHRISTIE : Oui...
[Non souligné dans l'original]
[31] Lorsqu'on examine mes observations en les replaçant dans leur contexte, il est évident que je n'ai exprimé aucun avis définitif sur l'issue de la cause. J'ai simplement fait savoir au témoin que j'avais des doutes au sujet de certains de ses dires. Je n'ai jamais dit, contrairement à ce que prétend Me Christie, que M. Zündel est un menteur.
[32] Lorsqu'on l'applique à la présente requête, la jurisprudence dit clairement que mes propos doivent être examinés selon le contexte, du point de vue de la personne raisonnable et renseignée qui est présumée connaître tous les faits applicables de l'espèce, y compris la présomption d'intégrité judiciaire et le contexte social sous-jacent. En ce sens, je crois qu'une personne bien renseignée qui considérerait la question de façon réaliste et pratique et qui y aurait bien réfléchi, conclurait qu'il n'y a aucune crainte raisonnable de partialité.
[33] J'estime que l'examen des propos que j'ai effectivement tenus au cours de l'instance démontre que les allégations de Me Christie ne sont pas fondées.
DISPOSITIF
[34] Ainsi qu'il est précisé dans l'arrêt R.D.S., précité, la norme à laquelle il faut satisfaire pour pouvoir conclure à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité est élevée. L'avocat de M. Zündel ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de produire suffisamment d'éléments de preuve convaincants pour attaquer mon impartialité. Par ailleurs, mes propos ne pourraient conduire les parties ou l'observateur renseigné et raisonnable à croire que mes décisions reposaient sur des généralisations. Lorsqu'on les situe dans leur contexte, mes propos ne créent pas l'impression que j'avais tranché d'avance la question de la crédibilité, en me basant sur des généralisations. Les motifs que j'ai invoqués pour rejeter ou accepter un témoignage pourraient s'appliquer à n'importe quel témoin.
[35] Je conclus qu'aucune personne raisonnable, sensée et bien renseignée ne pourrait nourrir de crainte raisonnable de partialité.
[36] La requête est donc rejetée.
ORDONNANCE
LA COUR :
REJETTE la présente requête en récusation.
_ Pierre Blais _
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
Le 22 septembre 2003
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : DES-2-03
INTITULÉ : AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27
ET le renvoi de ce certificat à la Cour fédérale du Canada en vertu du paragraphe 77(1) et des articles 78 et 80 de la Loi
ET ERNST ZÜNDEL
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : les 28, 29 et 30 juillet 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Blais
DATE DES MOTIFS : le 22 septembre 2003
COMPARUTIONS :
Mes Donald MacIntosh POUR LE MINISTRE
et Pamela Larmondin
Ministère de la Justice
Toronto (Ontario)
Mes Murray Rodych POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL
et Toby Hoffman
Services juridiques
Service canadien du
renseignement de sécurité
Ottawa (Ontario)
Me Doug Christie POUR LE DÉFENDEUR
Victoria (C.-B.)