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Date : 20050614

 

Dossier : IMM‑10171‑04

 

Référence : 2005 CF 837

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 14 JUIN 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

 

 

ENTRE :

 

                                                       AIDER ABDEL KADDER

 

                                                                                                                                          demandeur

 

                                                                             et

 

 

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant la décision du 16 novembre 2004 de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) statuant que le demandeur n’était ni un « réfugié » ni une « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) et rejetant donc sa demande de protection.

 

[2]               Le demandeur, un kurde âgé de 27 ans ressortissant de l’Irak, est arrivé au Canada le 31 août 2001. À cette époque, la demande de protection du demandeur était fondée sur sa crainte d’être persécuté par le parti Baath. Le demandeur prétend que ce parti le recherchait activement parce qu’il serait un espion à la solde des Nations unies, des États‑Unis et du Parti démocratique kurde. Toutefois, après la chute de Saddam Hussein, le parti Baath a été dissout. Le demandeur soutient maintenant qu’il est un réfugié « sur place », car il craint d’être persécuté par le parti turcomène Jobhad. Le demandeur allègue que son père et ses oncles possédaient des terrains à Misherian. Cependant, ces terrains avaient été occupés par des Arabes à l’époque où le parti Baath était au pouvoir, puis, après la chute de Saddam Hussein, par des Turkmènes. Après la chute de Saddam Hussein, l’une des oncles du demandeur est retourné à Misherian pour réclamer les terrains en question. Les Turkmènes ont soutenu qu’ils en étaient propriétaires et ont montré de faux documents à l’appui de leur titre de propriété. Une bagarre a éclaté entre les oncles du demandeur, le frère de ce dernier et les Turkmènes, au cours de laquelle un homme a été tué dans chaque camp. Par la suite, le frère du demandeur a fui en Iran et l’un des oncles restants a disparu.

 


[3]               Le témoignage du demandeur a été capital en l’espèce car ce dernier n’avait pas présenté d’exposé narratif écrit modifié au sujet des nouveaux incidents qui lui faisaient craindre de retourner en Irak. La Commission a indiqué de façon claire et nette pourquoi elle n’ajoutait pas foi aux dires du demandeur. En fait, les inférences négatives qu’elle a tirées sont fondées, soit sur un manque de détails, soit sur les réponses contradictoires ou déroutantes que le demandeur a données lors de son témoignage. En outre, la Commission a signalé que l’épouse et la mère du demandeur vivent dans la ville d’Arbil sans problèmes particuliers et que, avant la date de l’audience, personne en Irak n’avait demandé où se trouvait le demandeur ni ne l’avait cherché. La Commission a donc conclu que le demandeur n’avait pas prouvé avec succès qu’il serait visé par les Turkmènes s’il retournait en Irak.

 

[4]               Malgré l’éloquent plaidoyer de l’avocate du demandeur, je conclus dans l’ensemble que la décision de la Commission n’est pas susceptible de contrôle parce qu’elle n’est pas manifestement déraisonnable. En fait, la norme de contrôle qui s’applique pour ce qui est des constatations de fait et de la crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable (Salehi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1402; [2001] A.C.F. No 1910 (C.F., 1re inst.) (QL)). La Commission, en tant que tribunal administratif spécialisé, a compétence exclusive pour juger la vraisemblance d’un témoignage. Tant que les inférences tirées par la Commission ne sont pas déraisonnables au point de justifier une intervention, ses constatations ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire (Aguebor c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL)).

 


[5]               Plus particulièrement, je signale que la mort violente présumée de l’oncle du demandeur, le déplacement de son frère et la disparition d’un autre oncle à la suite de la bagarre avec les Turkmènes constituaient un élément central de la demande d’asile du demandeur. Or, il ressort clairement de la lecture des notes sténographiques que ce dernier a été incapable de fournir une preuve digne de foi à propos de ces événements, ni de se souvenir quand ces derniers sont survenus réellement. À mon avis, la Commission était en droit de tirer des conclusions défavorables du fait que le demandeur avait d’abord allégué que son oncle avait été tué en 2003 et déclaré ensuite que sa mort était survenue en 2001. En outre, la Commission pouvait raisonnablement conclure que le demandeur n’était pas parvenu à prouver que son oncle avait bel et bien perdu la vie dans une bagarre et que le certificat de décès n’était pas concluant. De plus, elle était en droit de tirer des conclusions défavorables du fait que le demandeur s’était exprimé de manière incohérente ou déroutante lorsqu’il avait été question de détails pertinents concernant les terrains. Là encore, ces incohérences ressortent clairement d’une simple lecture des notes sténographiques.

 

[6]               Je conclus par ailleurs que la Commission n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en rejetant une copie « fax » du document destiné au service d’enregistrement et datée du 1er juin 2003. Compte tenu de sa conclusion générale de manque de crédibilité, elle était en droit d’accorder fort peu de valeur probante, sinon aucune, à la preuve documentaire soumise par le demandeur (Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.); Udeagbala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1507 (C.F., 1re inst.)). Quant aux autres erreurs que la Commission aurait commises, elles ne sont pas déterminantes et n’ont pas pour effet de rendre manifestement déraisonnable la conclusion défavorable tirée au sujet de la crédibilité. En conclusion, il ne s’agit pas ici d’une affaire où l’accumulation d’erreurs justifie l’intervention de la Cour.


 

                                                                ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question de portée générale n’est soulevée, et aucune ne sera certifiée.

 

 

 

                                                                                                                                 « Luc Martineau »                       

                                                                                                                                                     Juge                                 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Poirier, traductrice


                                                             COUR FÉDÉRALE

 

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                       IMM‑10171‑04

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :           AIDER ABDEL KADDER c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :               MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :              LE 6 JUIN 2005

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     LE JUGE MARTINEAU

 

 

DATE DES MOTIFS :                    LE 14 JUIN 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

IDIRORENYIN E. AMANA                                                   POUR LE DEMANDEUR

 

 

LOUISE‑MARIE COURTEMANCHE                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

IDIRORENYIN E. AMANA                                                   POUR LE DEMANDEUR

AVOCAT

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

SOUS‑PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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