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Date : 20060426

Dossier : IMM-3294-05

Référence : 2006 CF 525

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

AYSHA MOBIN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présenté par une citoyenne du Pakistan qui allègue craindre d'être persécutée en raison de son mariage interconfessionnel.

[2]                La demanderesse est née au sein d'une famille de fervents musulmans sunnites, mais elle s'est convertie au chiisme à la suite de son mariage. Elle allègue que sa famille, particulièrement deux oncles qui étaient membres du SSP (Sepah-e-Sahaba Pakistan), un groupe d'extrémistes politiques, s'opposait à son mariage.

[3]                Elle soutient que le SSP a proféré des menaces de mort contre son mari et elle peu après leur mariage. Après que le SSP leur eut rendu visite à la maison et après que son mari eut été suivi et qu'on eut tiré sur lui, la demanderesse et son mari ont déposé une plainte au poste de police local. Les policiers auraient refusé de recevoir leur plainte.

[4]                Comme le nombre de menaces augmentaient, le mari de la demanderesse a décidé de disparaître seul. Elle a continué à se faire menacer et, après que des inconnus eurent attaqué sa maison, le cousin de son mari a tenté de déposer une plainte au poste de police. Cette plainte n'a pas porté fruit.

[5]                Après avoir été expulsée de la maison de sa belle-famille et avoir résidé avec une amie pendant une courte période de temps, la demanderesse a quitté le Pakistan. Elle a habité et travaillé illégalement aux États-Unis pendant près de trois ans avant de venir au Canada.

[6]                La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a tiré trois conclusions déterminantes :

1)          son récit était invraisemblable en ce qui a trait au fait que son mari l'avait quittée deux semaines seulement après leur mariage et en ce qui a trait au fait qu'elle n'avait pas demandé d'aide pour déposer une plainte à la police et/ou tenter de retrouver son mari;

2)          le fait qu'elle ait tardé à demander l'asile a compromis sa prétention à une crainte subjective;

3)          le fait qu'elle n'ait pas demandé la protection de l'État montrait qu'elle n'avait pas de crainte objective d'être persécutée.

[7]                Compte tenu de l'issue en l'espèce, je ne ferai pas de commentaire élaboré au sujet des deux premières conclusions, sauf les observations suivantes. Bien que le fait de tarder à présenter une demande ne soit pas toujours un fondement sur lequel on puisse conclure qu'il y a absence de crainte subjective, plus le temps écoulé est long, moins l'explication de ce retard est crédible et plus la conclusion qu'il y avait absence de crainte subjective devient raisonnable. De plus, les conclusions au sujet de la crédibilité et de la vraisemblance, bien qu'elles soient tout à fait du ressort de la CISR, doivent être appuyées par des motifs et des déductions logiques.

[8]                La décision en l'espèce repose sur les conclusions au sujet de la protection de l'État. Le défendeur, ce qui est tout à son honneur, accepte que la CISR a commis une erreur de fait lorsqu'elle a conclu que la demanderesse « n'a donné aucune explication raisonnable quant à son omission de s'adresser à l'État [...] » . À au moins deux reprises, la demanderesse a demandé l'aide des policiers, ou quelqu'un l'a fait pour elle.

[9]                La CISR n'a jamais cherché à savoir si la demanderesse avait omis de faire davantage pour obtenir de l'aide, après avoir été repoussée par les policiers locaux, ou s'il aurait été raisonnable d'en faire plus compte tenu des circonstances. Il ne fait aucun doute qu'en l'espèce, la conclusion au sujet du défaut de chercher à obtenir la protection d'organisations de l'État a joué un rôle critique dans la décision de la CISR selon laquelle la demanderesse n'avait pas de crainte objective d'être persécutée.

[10]            Le défendeur s'appuie sur plusieurs affaires pour démontrer qu'il existe une protection de l'État au Pakistan. Ces affaires sont importantes, mais ne permettent pas de déterminer si la demanderesse en l'espèce pouvait se prévaloir de la protection de l'État.

[11]            La question de la protection de l'État au Pakistan est essentielle dans la situation de la demanderesse. La CISR a elle-même constaté que « la preuve documentaire présentée par la demandeure d'asile et par l'agent de protection des réfugiés appuie l'allégation selon laquelle certains membres de la minorité Shia soient victimes d'assassinats et de persécutions de la part du SSP et d'autres extrémistes sunnites » .

[12]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la CISR sera annulée et l'affaire sera renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour un nouvel examen.

[13]            Aucune question à certifier n'a été soulevée.


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la CISR est annulée et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour un nouvel examen.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-3294-05

INTITULÉ :                                       AYSHA MOBIN

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 20 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Phelan

DATE DES MOTIFS :                       Le 26 avril 2006

COMPARUTIONS :

Ali M. Amini

POUR LA DEMANDERESSE

Vanita Goela

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

AMINI CARLSON LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

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