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Date : 20011119

Dossier : IMM-2190-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1191

Toronto (Ontario), le lundi 19 novembre 2001

EN PRÉSENCE DE :             monsieur le juge O'Keefe

ENTRE :

             LUIS ALBERTO VELIZ BARRIOS

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS   

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par Luis Alberto Veliz Barrios (le demandeur) en vue d'obtenir une ordonnance de sursis à son expulsion au Guatemala. L'expulsion doit avoir lieu le 5 novembre 2001.


[2]         Le demandeur est un citoyen du Guatemala. Il est entré au Canada en juillet 1996 et a revendiqué le statut de réfugié. Sa revendication a été rejetée en février 1999. Le commissaire a jugé le témoignage du demandeur non crédible. Dans une partie de son témoignage, le demandeur a prétendu être un membre de l'ORPA, une présumée organisation terroriste au Guatemala.

[3]         En décembre 1996, le demandeur a été déclaré coupable de deux infractions, soit d'avoir conduit avec une alcoolémie de plus de 80 mg et d'avoir quitté les lieux d'un accident.

[4]         Le demandeur s'est marié avec une Canadienne le 21 mars 1998 et son épouse est maintenant enceinte.

[5]         Dans le cadre de son examen de la demande CH du demandeur, l'agent a obtenu des renseignements sur l'ORPA d'une autre source que le dossier; le demandeur n'a pas été informé de ces renseignements et on ne lui a pas donné la possibilité de les commenter.

[6]         En 1994, le demandeur a été inculpé en Californie d'avoir [TRADUCTION] « porté une arme à feu chargée dans un endroit public » . Aucune décision n'a été rendue relativement à l'accusation. À l'époque, le demandeur était gardien de sécurité. Il était autorisé à porter une arme chargée au travail, mais il ne l'était pas lorsqu'il n'était pas au travail, ce dont, a-t-il affirmé, il n'était pas au courant.


[7]         L'agent d'immigration a conclu que l'infraction en Californie équivalait à l'infraction canadienne prévue à l'article 87 (maintenant l'article 88) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, soit le port d'une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique en vue de commettre une infraction.

Question litigieuse

[8]             Devrait-on rendre une ordonnance de sursis à l'ordonnance de renvoi?

Analyse et décision

[9]         On convient maintenant que l'agent de renvoi jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certains cas, surseoir au renvoi du demandeur (voir Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).

[10]       Pour obtenir un sursis, les demandeurs doivent satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. [1975] A.C. 396 [note 3 en bas de page]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black, précitée:

[TRADUCTION] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Les demandeurs doivent satisfaire aux trois volets du critère.


[11]             Question sérieuse

Le demandeur a soulevé les questions suivantes comme étant des questions sérieuses à trancher :                                                                        

1.             L'agent a-t-il commis une erreur de droit en se fondant sur la preuve relative à la nature de l'ORPA sans informer le demandeur de son intention de le faire et sans lui donner la possibilité d'y répondre?

2.             Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit en concluant en l'absence d'éléments de preuve que l'infraction du demandeur aux États-Unis équivalait à une infraction au Canada?

3,             Le tribunal a-t-il commis une erreur de droit en concluant que le demandeur était membre de l'ORPA?

Je suis convaincu que le demandeur a soulevé une question sérieuse à trancher.

[12]             Préjudice irréparable


Le demandeur, s'il est renvoyé du Canada avant qu'il soit statué sur sa demande de contrôle judiciaire, se heurtera à un processus long et difficile pour y revenir. Son épouse n'est pas une citoyenne du Guatemala et ne peut peut-être même pas y rester longtemps. Si l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire était accordée et que le demandeur avait gain de cause en ce qui concerne la conclusion de l'agent quant à l'accusation de port d'arme aux États-Unis ou celle selon laquelle il faisait partie d'une organisation se livrant à des actes de terrorisme, le demandeur aurait néanmoins commis des infractions relatives à la conduite d'un véhicule; toutefois, il pourrait fort bien obtenir un pardon à l'égard de celles-ci. Le ministre pourrait décider que le demandeur s'est réadapté et qu'il ne serait donc pas non admissible. À mon avis, le demandeur subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé au Guatemala maintenant, soit avant que les questions soient tranchées dans le cadre du contrôle judiciaire.

[13]             Prépondérance des inconvénients

En vertu de l'article 48 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, le ministre doit renvoyer le demandeur « dès que les circonstances le permettent » . Le demandeur est au Canada depuis 1996 et n'a commis aucune autre infraction après décembre 1996. Le demandeur n'a pas été détenu. Je suis d'avis qu'en l'espèce, la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur.

[14]             L'exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur est suspendue jusqu'à la plus tardive des dates suivantes : la date à laquelle la demande de contrôle judiciaire sera tranchée de façon définitive ou la date où une décision sera rendue sur la demande CH.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :


1.             L'exécution de la mesure de renvoi prise contre le demandeur est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande d'autorisation d'introduire une demande de contrôle judiciaire et, si l'autorisation est accordée, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de contrôle judiciaire.

« John A. O'KEEFE »

Juge

Toronto (Ontario)

Le 19 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


            COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-2190-01

INTITULÉ :                            LUIS ALBERTO VELIZ BARRIOS

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

       défendeur

                      

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE LUNDI 29 OCTOBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE MODIFIÉS :             LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                   LE LUNDI 19 NOVEMBRE 2001

COMPARUTIONS :                   M. Lorne Waldman

POUR LE DEMANDEUR

M. Martin Anderson

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :       JACKMAN, WALDMAN & ASSOCIATES

Avocats

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR


            COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20011119

Dossier : IMM-2190-01

ENTRE :

LUIS ALBERTO VELIZ BARRIOS

demandeur

- et -

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE MODIFIÉS

                                                                                                  

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