Date : 20000210
Dossier : T-66-86A
ENTRE :
BERTHA L'HIRONDELLE poursuivant en son propre nom et
au nom des autres membres de la Bande de Sawridge
demandeurs (intimées)
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse (requérante)
- et -
LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,
LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA)
et LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA
intervenants
- ET -
Dossier : T-66-86B
ENTRE :
BRUCE STARLIGHT poursuivant en son propre nom et
au nom des autre membres de la Bande de Sarcee
demandeurs (intimés)
- et -
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse (requérante)
- et -
LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA,
LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA)
et LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA
intervenants
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
(Prononcés oralement à l'audience à Toronto
(Ontario) le jeudi 3 février 2000)
LE JUGE HUGESSEN
[1] Je suis saisi de deux requêtes subsidiaires ou accessoires présentées toutes les deux dans le contexte d'une requête principale introduite par les demandeurs dans le but de faire radier l'intervention des intervenants ou de limiter leur participation au procès qui aura lieu en l'espèce. Je ne suis pas appelé aujourd'hui à me prononcer sur la requête principale, dont l'audition a été fixée au 20 avril 2000.
[2] Voici en quoi consistent les deux requêtes subsidiaires dont je suis saisi :
- Premièrement, une requête présentée par les intervenants dans le but de faire radier l'affidavit de Clara Midbo, déposé par les demandeurs à l'appui de leur requête principale; |
- Deuxièmement, une requête présentée par les demandeurs en vue d'obtenir l'autorisation d'interroger les représentants des intervenants relativement à la requête principale.
[3] Toutes les requêtes sont présentées dans ces deux dossiers issus d'un dossier unique, à l'origine, dans lequel une instruction a été tenue, un jugement a été rendu, puis annulé par la Cour d'appel pour crainte raisonnable de partialité de la part du juge de première instance.
[4] Depuis le prononcé de la décision de la Cour d'appel, on peut soutenir que la nature de l'action a changé. Une modification de fond a été apportée à la déclaration et j'ai prononcé plusieurs ordonnances interlocutoires en ma qualité de juge responsable de la gestion de l'instance, qui ont eu pour effet de diviser les actions des deux demandeurs restants et de radier l'action d'une personne qui était un troisième demandeur dans l'action originale.
[5] J'examinerai d'abord la première requête présentée par les intervenants afin de faire radier l'affidavit de Clara Midbo pour cause de non conformité aux règles. Après avoir examiné cet affidavit, je suis absolument certain qu'il est irrégulier. Il déborde d'allégations constituant des conclusions et des arguments, touchant presque toutes des questions de droit à l'égard desquelles son auteur n'est apparemment pas qualifiée. Je reproduis ci-dessous, simplement à titre d'exemple, les paragraphes 3 et 4 de l'affidavit dans lesquels son auteur tente d'interpréter les actes de procédure, les Règles et différentes ordonnances prononcées en l'espèce, alors qu'elle est éminemment incompétente dans ce domaine et que ces questions ne relèvent manifestement pas de la preuve de toute façon :
[Traduction] 3. La question en litige est celle de savoir qui a le pouvoir et la compétence constitutionnels de déterminer qui est membre de la bande. Mon avocat m'a dit, et je tiens pour véridique, que, même si les représentants des intervenants initiaux à l'instruction (soit le CNAC (devenu depuis le CPA), le CNAC(Alberta) et la NSIAA) ont fait des déclarations publiques et présenté au tribunal des observations à l'effet contraire, la présente instance, définit par les actes de procédure des parties, ne porte manifestement pas sur la question de savoir si les dispositions concernant le statut d'Indien incluses dans la Loi sur les Indiens sont valides. La pièce « A » ci-jointe est une copie d'un rapport journalistique émanant d'un leader de Lakeside en date du 16 juillet 1986. La question à trancher en l'espèce est celle de savoir si le Parlement ou la collectivités des premières nations du Canada ont le pouvoir de déterminer qui en est membre, question qui oblige la Cour à déterminer quels sont les droits ancestraux et issus de traités des demandeurs dans le contexte de l'article 35. Cette instance n'exige pas et ne devrait exiger d'aucune manière que la Cour examine la question de savoir comment les Premières Nations ou le Parlement pourraient exercer leur pouvoir de déterminer qui est membre d'une bande dans un cas particulier ou à l'avenir. |
4. Les intervenants proposés s'appuient sur la règle 369. Mon avocat m'a appris que, bien que cette règle soit conçue pour servir l'intérêt commun qu'ont la Cour et les parties à promouvoir des solutions pratiques et efficaces et à réduire les dépenses, elle n'écarte pas la condition fondamentale selon laquelle les requêtes présentées à la Cour doivent être appuyées par une preuve adéquate avant d'être considérées comme conformes à la procédure ou bien fondées. En ce qui concerne la participation des intervenants au procès, ils ont obtenu la qualité de quasi-parties sans présenter une demande ni une preuve décrivant l'opportunité ou la portée de leur intervention dans l'instance telle qu'elle a été constituée par les actes de procédure des parties. De plus, la NWAC a obtenu ce qui équivaut à la qualité de quasi-partie sans présenter de demande ni de dossier de preuve et malgré le fait qu'elle n'ait pas demandé la qualité d'intervenante lors de la première instruction. L'examen de l'historique de la participation des intervenants illustre les plaintes des demandeurs. |
[6] Cela dit, je ne suis pas convaincu que cet affidavit doit être radié. Selon moi, dans une procédure moderne saine, les irrégularités dans les actes de procédure ne doivent pas faire l'objet d'une requête et ne doivent pas commander que la Cour prononce des ordonnances radiant ou corrigeant de telles irrégularités à moins que la partie qui soulève l'irrégularité puisse démontrer qu'elle lui cause un préjudice quelconque. J'ai expliqué ce point clairement à l'avocat des intervenants et le seul préjudice causé éventuellement à ses clients qu'il a pu mentionner était que la Cour, lorsqu'elle entendra la requête principale, pourrait être incitée à croire que ces allégations très tendancieuses de l'affidavit sont des questions de fait non contestées. Je crois que l'avocat attribue à la Cour un degré de crédulité qui n'est, je l'espère, pas justifié. Par conséquent, en l'absence de la preuve d'un préjudice et même si presque tout l'affidavit est irrégulier et n'aurait pas dû être présenté à la Cour, aucun motif ne justifierait que je radie l'affidavit. L'avocat des intervenants reconnaît d'emblée que pratiquement chaque paragraphe de l'affidavit énonce un argument admissible qui peut être invoqué régulièrement par l'avocate des demandeurs et qu'elle a effectivement fait valoir dans sa plaidoirie écrite à l'appui de la requête principale. Je vais donc rejeter la requête en radiation de l'affidavit.
[7] J'examinerai maintenant la deuxième requête, soit celle présentée par les demandeurs afin d'obtenir l'autorisation d'interroger les intervenants. Si je comprends bien la thèse des demandeurs, ils estiment que l'ordonnance initiale prononcée il y a plus de dix ans par monsieur le juge McNair pour reconnaître aux intervenants leur qualité d'intervenants est caduque ou nulle ou désormais sans effet en raison du jugement par lequel la Cour d'appel a depuis annulé la décision rendue à l'issue de la première instruction. Ils plaident subsidiairement que, si cette ordonnance n'est pas caduque ou nulle, elle doit maintenant être réexaminée et révisée en raison des événements survenus entre-temps, et notamment du jugement de la Cour d'appel qui a conclu que la première instruction était entachée d'une crainte raisonnable de partialité, de la modification postérieure de la déclaration et des ordonnances subséquentes qui ont été rendues et qui ont maintenant effet relativement à l'instruction.
[8] Il me semble que la requête des demandeurs doit être rejetée qu'on l'examine en regard de l'une ou l'autre de ces hypothèses. Si, en effet, l'ordonnance initialement prononcée par M. le juge McNair est caduque, sa désuétude peut être invoquée comme un argument de droit et il ne fait aucun doute que les demandeurs la feront valoir à l'audition de la requête principale. Aucune preuve n'est nécessaire, comme les demandeurs semblent le croire, pour démontrer que les intervenants ne sont pas investis du droit permanent d'intervenir. Si les demandeurs ont raison sur ce point, c'est aux intervenants qu'il incombe de démontrer que l'ordonnance du juge McNair, bien que caduque, doit être renouvelée. S'ils n'y sont pas parvenus, ils perdront. C'est aussi simple que ça. Si, par contre, la deuxième hypothèse des demandeurs est avérée et si on estime que, compte tenu des événements survenus depuis la tenue de la première instruction, la situation a suffisamment changé pour que l'ordonnance du juge McNair doivent être réexaminée, et je ne me prononce pas sur la question de savoir si cela peut être fait régulièrement, il ne fait aucun doute à mon avis que le fardeau de faire cette démonstration incombe aux demandeurs. Et ils doivent la faire en présentant leur propre preuve. S'ils connaissent des faits qui justifient que la Cour annule l'ordonnance prononcée par le juge McNair, c'est à eux qu'il revient d'exposer ces faits. Il n'ont pas le droit, dans le cadre d'une requête de cette nature, ni à quelque autre occasion, en fait, de procéder à l'aveuglette dans l'espoir de découvrir quelque chose en forçant les intervenants à témoigner. L'espoir classique à la Dickens « de trouver quelque chose » ne constitue pas un fondement solide pour une requête présentée dans le but d'obtenir de la Cour l'autorisation d'interroger une partie sur une requête. Le droit conféré par la règle 317 se limite aux circonstances spéciales et, selon moi, l'existence de telles circonstances n'a pas été prouvée en l'espèce.
[9] Je conclus donc que la deuxième requête doit elle aussi être rejetée.
[10] Quant aux dépens, j'estime que la première requête, qui a été présentée par les intervenants et qui a échoué, était néanmoins en très grande partie justifiée par l'affidavit totalement inexcusable que j'ai décrit. Je rejetterai donc cette requête, mais sans dépens. En ce qui concerne la deuxième requête, je crois qu'elle n'était fondée ni en fait ni en droit et que les intervenants ont droit au paiement immédiat de leurs dépens quelle que soit l'issue de la cause. Le montant de ces dépens est fixé à 1 500 $ avec les débours admissibles.
« James K. Hugessen »
Juge
OTTAWA (ONTARIO)
10 février 2000
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : T-66-86 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : BERTHA L'HIRONDELLE ET AUTRES c. |
SA MAJESTÉ LA REINE ET AUTRES
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
DATE DE L'AUDIENCE : le 3 février 2000 |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
EN DATE DU : 10 février 2000 |
ONT COMPARU :
Me Martin J. Henderson POUR LA DEMANDERESSE |
Me Phillip P. Healy
Me Catherine Twinn
Me Patrick G. Hodgkinson POUR LA DÉFENDERESSE |
Me Jacqueline Loignon POUR LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA, INTERVENANT |
Me John Faulds POUR LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA), INTERVENANT |
Me Terrance P. Glancy POUR LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA, INTERVENANTE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Airds & Berlis POUR LA DEMANDERESSE |
Toronto (Ontario)
Me Catherine Twinn POUR LA DEMANDERESSE |
Slave Lake (Alberta)
Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE |
Sous-procureur général du Canada
Lang Michener POUR LE CONSEIL NATIONAL DES |
Ottawa (Ontario) AUTOCHTONES DU CANADA, INTERVENANT |
Field & Field Perraton POUR LE CONSEIL NATIONAL DES |
Edmonton (Alberta) AUTOCHTONES DU CANADA |
(ALBERTA), INTERVENANT |
Royal, McCrum, Duckett & Glancy POUR LA NON-STATUS INDIAN |
Edmonton (Alberta) ASSOCIATION OF ALBERTA, INTERVENANTE |