Date : 19980114
Dossier : IMM-1195-97
Entre :
AHMED HAGI ABDI
alias AHMED HAJI ABDI,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 25 février 1997, dans laquelle la Commission a conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] LES FAITS
Le requérant est un citoyen somalien. Le groupe social particulier auquel il prétend appartenir est le clan Marehan de Darod. Jusqu'au renversement du gouvernement de Siad Barre en décembre 1990, il n'a éprouvé aucun problème en raison de son appartenance au clan Marehan. En décembre 1990, son père a été tué par des membres du Congrès de la Somalie unifiée (C.S.U.). Il était membre du Service d'enquêtes criminelles du gouvernement. En janvier 1991, les membres Abgal du C.S.U. ont fait une descente dans la maison du requérant et torturé sa famille. La famille s'est ensuite déplacée à plusieurs reprises afin d'éviter les Abgals. Parce qu'il devenait de plus en plus difficile pour les Somalis de demeurer au Kenya, le requérant est venu au Canada et y a réclamé le statut de réfugié au sens de la Convention.
[3] LA DÉCISION DE LA COMMISSION
La Commission a conclu que le requérant était un citoyen de la Somalie, qu'il avait grandi à Mogadiscio et que son père et lui-même étaient considérés comme des membres du clan Marehan. D'après ces constatations, la Commission a conclu que le requérant avait une crainte fondée d'être persécuté à Mogadiscio. Elle s'est ensuite demandé si le requérant avait une possibilité de refuge à l'intérieur de la Somalie. Elle a conclu que le requérant aurait effectivement pu se réfugier dans la région de Gedo, qui est la patrie des Marehan-Reer Dini et qu'elle est facilement accessible par le Kenya, puisqu'elle est actuellement contrôlée par les Marehan.
[4] ANALYSE
Le requérant fait valoir que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que Gedo constituait pour lui une possibilité de refuge à l'intérieur de son pays. À son avis, la Commission a ignoré la preuve documentaire indiquant qu'un nouveau conflit venait de se déclarer dans la région de Gedo.
[5] Je partage son opinion sur cette question. Dans une lettre en date du 4 décembre 1995, l'organisation d'aide aux immigrants de Somalie déclarait ceci :
[TRADUCTION] |
Le gouvernement canadien ne peut donner aucune assurance quant à savoir si une personne qui est renvoyée en Somalie pourra se rendre dans une région spécifique sans avoir à traverser des territoires hostiles. Déporter un Somali à Gedo serait physiquement difficile et pourrait mettre la vie de cette personne en danger.1 |
[6] Dans l'arrêt Thirunavukkarasu c. M.E.I., le juge Linden s'exprimant au nom de la Cour d'appel fédérale, a déclaré ceci :2
La possibilité de refuge dans une autre partie du même pays ne peut pas être seulement supposée ou théorique; elle doit être une option réaliste et abordable. Essentiellement, cela veut dire que l'autre partie plus sûre du même pays doit être réalistement accessible au demandeur. S'il y a des obstacles qui pourraient se dresser entre lui et cette autre partie de son pays, le demandeur devrait raisonnablement pouvoir les surmonter. On ne peut exiger du demandeur qu'il s'expose à un grand danger physique ou qu'il subisse des épreuves indues pour se rendre dans cette autre partie ou pour y demeurer. Par exemple, on ne devrait pas exiger des demandeurs de statut qu'ils risquent leur vie pour atteindre une zone de sécurité en traversant des lignes de combat alors qu'il y a une bataille. |
[7] D'après la preuve documentaire indiquée ci-dessus, je conclus que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte de la preuve lui permettant de déterminer si Gedo était "une option réalistement accessible au demandeur".
[8] Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 25 février 1997 est infirmée et l'affaire est renvoyée à une formation différente de la Commission pour nouvelle audience et nouvelle décision.
[9] CERTIFICATION
Aucun avocat n'a suggéré de faire certifier une question grave de portée générale en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je suis d'accord avec eux. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.
"Darrel V. Heald"
Juge suppléant
Toronto (Ontario)
le 14 janvier 1998
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et procureurs inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-1195-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : AHMED HAGI ABDI |
alias AHMED HAJI ABDI
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ |
ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE 13 JANVIER 1998
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : LE JUGE SUPPLÉANT HEALD
DATE : LE 14 JANVIER 1998
ONT COMPARU :
Joanne L. Orsi
pour le requérant
Kevin Lunney
pour l'intimé
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Joanne L. Orsi
MAX BERGER & ASSOCIATES
Avocats et procureurs
1003, rue Bay
Bureau 207
Toronto (Ontario)
M5S 3A5
pour le requérant
George Thomson
Sous-procureur général du Canada
pour l'intimé
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19980114
Dossier : IMM-1195-97
Entre :
AHMED HAGI ABDI
alias AHMED HAJI ABDI,
requérant,
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET
DE L'IMMIGRATION,
intimé.
MOTIFS DU JUGEMENT
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