Date : 20011127
Dossier : T-2489-97
Référence neutre : 2001 CFPI 1304
Toronto (Ontario), le mardi 27 novembre 2001
EN PRÉSENCE DE Monsieur le protonotaire Roger R. Lafrenière
ACTION SIMPLIFIÉE
ENTRE :
CALVIN W. SPROULE
demandeur
et
LE « COMPASS ROSE II » et son propriétaire, WAYNE COADY,
et TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT
SUR LE NAVIRE (action réelle contre le navire « COMPASS ROSE II » et
action personnelle contre son propriétaire, Wayne Coady, et toutes
les autres personnes ayant un droit sur le navire)
défendeurs
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE
[1] Ces motifs écrits confirment ceux que j'ai prononcés oralement à l'audience à la fin d'une instruction qui a duré un jour, à St. John's (Terre-Neuve).
[2] L'instruction a été menée conformément à la procédure applicable aux actions simplifiées, laquelle est énoncée à l'article 299 des Règles de la Cour fédérale (1998), en vertu duquel la preuve des parties est établie par affidavit, l'auteur de l'affidavit devant être disponible en vue d'être contre-interrogé à l'audience. Trois affidavits ont été déposés : un par le demandeur, Calvin Sproule, un par le défendeur, Wayne Coady, et un par David Andrews. Les trois déclarants ont été contre-interrogés devant moi comme le voulait la partie adverse.
Preuve des parties
[3] M. Sproule cherche à obtenir de M. Coady le montant de 25 000 $ qui, allègue-t-il, lui est encore dû conformément à une convention d'achat-vente relative à un navire. Les circonstances et faits pertinents sur lesquels la demande de M. Sproule est fondée sont énoncés dans l'affidavit de celui-ci, dont certains passages sont reproduits ci-dessous. La numérotation des paragraphes a été modifiée aux fins des présents motifs :
[TRADUCTION]
1. Ma demande vise à obtenir des défendeurs in rem et in personam conjointement et solidairement un compte non réglé se rapportant à une convention d'achat-vente (la convention) relative au « Compass Rose II » (le navire) le 13 avril 1995.
2. En vertu de la convention, dont une copie est jointe aux présentes sous la cote « A » , j'ai convenu de vendre le navire au défendeur, Wayne Coady, pour la somme de 610 000 $, payable comme suit :
(1) une somme de 50 000 $ devait être payée au moment de la signature de la convention;
(2) des paiements forfaitaires de 25 000 $ devaient être effectués le 15 septembre 1995, le 15 décembre 1995 et le 15 septembre 1996;
(3) un montant correspondant à 25 p. 100 de la prise globale devait être payé par l'acheteur au moment où chaque règlement devait être effectué, avec une copie de la feuille de règlement; et
(4) le solde devait être payé au complet au plus tard le 31 décembre 1996.
3. Le défendeur, Wayne Coady, a effectué les paiements suivants conformément aux dispositions de la convention :
Avril 1995 - 50 000,00 $
Juin 1995 - 62 021,57 $
Juin 1995 - 5 664,38 $
Juin 1995 - 15 841,88 $
Juillet 1995 - 2 650,00 $
Août 1995 - 8 761,18 $
Août 1995 - 9 230,22 $
Septembre 1995 - 25 000,00 $
Septembre 1995 - 6 937,50 $
Octobre 1995 - 6 492,63 $
Novembre 1995 - 10 353,00 $
Sous-total 202 952,36 $
Prix de vente - 610 000,00 $
Moins : paiements 202 952,36 $
Solde au 12/31/95 - 407 047,64 $
Montant payé en avril 1996 - 382 047,64 $
Solde impayé - 25 000,00 $
4. Wayne Coady a violé la convention en omettant de payer la somme de 25 000 $ le 15 décembre 1995 et, au moment de la signature du présent affidavit, il restait encore à payer une somme de 25 000 $ en vertu de la convention.
5. Le défendeur a continué à m'assurer par téléphone, après la non-réception du versement de 25 000 $ qui était dû le 15 décembre 1995, que le solde qui était dû pour le navire serait payé au complet au début de l'année 1996, dès que l'argent deviendrait disponible.
6. Je n'ai pas pris de mesures entre le 15 décembre 1995 et le 17 avril 1996 en vue d'obtenir paiement de la somme de 25 000 $ qui était en souffrance parce que je croyais que le défendeur respecterait sa promesse et qu'il paierait le montant dû.
7. J'ai reçu la somme de 382 047,64 $, cette somme m'ayant été remise en main propre par le défendeur, et j'ai alors conclu l'opération en croyant erronément que cette somme constituait le solde qui était alors impayé.
8. Le défendeur m'a informé, au mois de novembre 1995, qu'il voulait clôturer la vente à bref délai et qu'il ne voulait pas attendre jusqu'au 31 décembre 1996.
9. J'ai pris connaissance du paragraphe 4 de l'exposé de la conférence préparatoire, dans lequel le défendeur indique qu'il a proposé une réduction de 40 000 $ en contrepartie de la clôture à bref délai de la vente; je ne me rappelle pas qu'il ait fait pareille proposition.
10. Je n'ai pas conclu avec le défendeur une entente selon laquelle je devais accepter une réduction de 25 000 $ sur le montant qui était dû en contrepartie de la réception d'un paiement prématuré et de la clôture à bref délai de la vente.
11. Je n'ai pas informé le défendeur qu'il serait renoncé à la somme de 25 000 $ qui était due le 15 décembre 1995.
12. J'ai erronément informé mon avocat, James L. Outhouse, que le solde qui était dû au moment de la vente du navire s'élevait à 382 047,64 $. Ce chiffre m'avait été fourni par l'avocat du défendeur et je n'avais aucune raison de croire qu'il ne s'agissait pas du véritable montant qui était dû.
13. Sur réception de la somme de 382 047 $, j'ai fourni au défendeur un acte de vente, selon le formulaire no 6, dont une copie est jointe aux présentes sous la cote « B » , indiquant que la contrepartie pour la vente était de 610 000 $ et que le paiement avait été reçu au complet.
14. J'ai été informé par mon comptable, Alan Trimper, après la clôture de la vente du navire, qu'il manquait encore une somme de 25 000 $. Mon comptable m'a informé de cette insuffisance au mois d'avril 1997, pendant qu'il préparait ma déclaration de revenu.
15. Le 24 septembre 1997, le défendeur a reçu signification d'une lettre de demande dans laquelle on lui demandait de me verser la somme de 25 000 $, soit le montant qui manquait en vertu de la convention.
16. Le défendeur, par l'entremise de son avocat, a refusé de payer le compte impayé comme on le demandait dans la lettre de demande et la présente action simplifiée a donc été intentée.
17. Au moment où le présent affidavit a été déposé auprès de la Cour, le défendeur me devait encore la somme de 25 000 $ et il n'a pas pris de dispositions en vue d'acquitter le compte.
[4] Dans l'affidavit qu'il a déposé en réponse, M. Coady confirme avoir conclu une convention avec M. Sproule en vue de l'achat du « COMPASS ROSE II » pour la somme de 610 000 $. M. Coady confirme également qu'avant la fin du mois de novembre 1995, il avait effectué des versements s'élevant en tout à 202 952,36 $ et qu'il avait effectué un versement final de 382 047,64 $ le 17 avril 1996. Toutefois, il conteste devoir la somme de 25 000 $ à M. Sproule ou avoir par ailleurs violé le contrat.
[5] M. Coady maintient qu'il a conclu avec M. Sproule, au mois de novembre 1995, une entente verbale selon laquelle il devait être renoncé au versement de 25 000 $ qui devait être effectué le 15 décembre 1996 en contrepartie de la clôture à bref délai de la vente. Les circonstances dans lesquelles cette entente a été conclue sont énoncées comme suit dans son affidavit :
[TRADUCTION]
7. À ce stade, au mois de novembre 1995, je devais encore la somme de 407 047,64 $, y compris le versement requis de 25 000 $ qui était dû le 15 décembre 1995. J'ai parlé à M. Sproule au mois de novembre 1995 et je l'ai informé que je voulais clôturer la vente à bref délai, plutôt que d'attendre jusqu'au 31 décembre 1996. En contrepartie de la clôture à bref délai de la vente, je voulais obtenir une réduction du montant dû, qui s'élevait à 407 047,64 $, lequel devait être payé au plus tard le 31 décembre 1996; j'ai demandé à M. Sproule de m'accorder une réduction de 40 000 $. M. Sproule ne voulait pas, mais il a convenu d'une réduction de 25 000 $; il a dit qu'il le ferait en renonçant au versement de 25 000 $ qui était dû le 15 décembre 1995, de sorte que le solde impayé au moment de la clôture à bref délai de la vente serait de 382 047,64 $.
[6] Pour corroborer sa version des événements, M. Coady a produit des notes personnelles qu'il avait rédigées après la conversation susmentionnée. Le passage pertinent de ses notes dit simplement ce qui suit : [TRADUCTION] « Calvin consent à une réduction de 25 000 $. » M. Coady allègue que les notes ont été rédigées à la fin de l'année 1995 ou au début de l'année 1996, avant qu'il rencontre les représentants de Shawmut Fisheries en vue de discuter d'une garantie relative à un financement hypothécaire.
[7] M. Coady a également produit une lettre datée du 10 avril 1996 envoyée par l'avocat de M. Sproule, James L. Outhouse, à son propre avocat, David Andrews. Dans sa lettre, M. Outhouse fait savoir qu'il a en sa possession un acte de vente signé et il demande s'il peut l'envoyer à M. Andrews pour qu'il soit clôturé, à condition que le montant nécessaire aux fins de l'achat qui, selon lui, s'élevait à 382 047,64 $, soit disponible. M. Coady soutient que le montant total à payer, qui tient compte d'un rabais de 25 000 $, aurait uniquement pu être fourni à M. Outhouse par son client, M. Sproule, et que le montant mentionné est conforme à l'entente verbale qu'ils avaient conclue.
[8] M. Coady conteste d'autres allégations figurant dans l'affidavit de M. Sproule. En particulier, il nie avoir personnellement remis à M. Sproule le solde du prix d'achat. M. Coady affirme avoir conduit M. Sproule de St. John's à Bay Roberts le 17 avril 1996, pour qu'il aille rencontrer son avocat, M. Andrews. Pendant qu'il était dans le camion, M. Coady a entendu M. Sproule parler à M. Andrews par téléphone. M. Coady affirme que M. Sproule aurait dit à M. Andrews qu'il avait [TRADUCTION] « déjà rabattu un montant suffisant du prix » , qu'il ne voulait pas attendre plus longtemps et que, si son chèque n'était pas prêt lorsqu'il arriverait au cabinet de M. Andrews, [TRADUCTION] « le marché ne serait plus valable » .
[9] M. Coady déclare qu'il est arrivé au cabinet d'avocats quelques heures plus tard avec M. Sproule, que M. Andrews a alors pris des dispositions pour que M. Sproule signe l'acte de vente et qu'il lui a remis un chèque de 382 047,64 $. M. Coady affirme qu'il n'a pas eu de nouvelles de M. Sproule jusqu'au mois de septembre 1997 lorsque M. Outhouse a envoyé une lettre de demande.
[10] Dans son affidavit, David Andrews déclare que M. Coady avait retenu ses services pour agir comme avocat aux fins de l'achat du navire. Il confirme avoir reçu la lettre datée du 10 avril 1996 de M. Outhouse, l'informant que le solde impayé s'élevait à 382 047,64 $. Il ne se rappelle absolument pas que le montant total à payer ait été remis en question par qui que ce soit, y compris par M. Sproule. M. Andrews confirme également que M. Sproule s'est présenté à son bureau le 17 avril 1996 et qu'il lui a remis un chèque de 382 047,64 $.
Contre-interrogatoire des témoins
[11] Pendant le contre-interrogatoire, M. Sproule a reconnu que M. Coady avait soulevé la possibilité d'obtenir une réduction, mais selon lui, il n'en avait pas été question au mois de novembre 1995. Il a affirmé avec insistance que c'était M. Coady qui cherchait à payer le navire à bref délai et que, même si cette proposition l'intéressait, il n'a jamais convenu de réduire le prix d'achat ou de renoncer au paiement du mois de décembre 1995.
[12] Lorsqu'on l'a confronté à une déclaration figurant dans son affidavit, à savoir que M. Coady l'avait informé au mois de novembre 1995 qu'il voulait clôturer la vente à bref délai, M. Sproule a répondu qu'il ne se rappelait pas que pareille conversation ait eu lieu au mois de novembre. Il a convenu que son affidavit contredisait son témoignage oral, mais il a affirmé avec insistance que la question de la réduction n'avait été soulevée que beaucoup plus tard. Il a soutenu que son affidavit était probablement inexact.
[13] M. Sproule a concédé qu'il n'avait pas pris de mesures formelles pour contester le défaut de M. Coady en vertu du contrat ou pour exiger le paiement après le mois de décembre 1995, si ce n'est de lui parler. Ce n'est que lorsqu'il a été mis au courant de l'erreur, au mois d'avril 1997, lorsque son comptable a découvert l'insuffisance, qu'il a décidé de prendre des mesures.
[14] Quant au voyage à Bay Roberts, M. Sproule [TRADUCTION] « se rappelait vaguement » que M. Coady l'avait conduit au cabinet de M. Andrews pour signer l'acte de vente et pour aller chercher le chèque se rapportant au solde impayé. Il ne se rappelait pas avoir parlé au préalable à M. Andrews par téléphone, mais il a reconnu avoir signé l'acte de vente au cabinet de M. Andrews et avoir ensuite reçu un chèque d'un montant [TRADUCTION] d' « environ 383 000 $ » .
[15] Lorsqu'on lui a demandé s'il avait fourni à M. Outhouse le montant total à payer, M. Sproule a répondu qu'il n'en était pas certain, mais que de toute façon le montant était inexact. Lorsqu'on l'a questionné plus à fond, M. Sproule a concédé que son affidavit confirmait qu'il avait informé son avocat, quoique [TRADUCTION] « d'une façon erronée » , que le solde impayé s'élevait à 382 047,64 $. M. Sproule a admis que pareille communication aurait nécessairement eu lieu avant le 10 avril 1996.
[16] M. Coady a été le témoin suivant à être contre-interrogé. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi l'entente verbale n'avait pas été consignée par écrit, M. Coady a répondu qu'il supposait que les parties comprenaient les conditions de l'entente. Il a convenu que strictement parlant, selon la convention écrite, il avait violé le contrat. M. Coady n'a pas contesté qu'une lettre que M. Andrews avait envoyée à M. Outhouse le 17 avril 1996 et l'acte de vente étaient inexacts lorsqu'il était mentionné que le montant payé s'élevait à 610 000 $.
[17] David Andrews était le dernier témoin à être contre-interrogé. Il a déclaré avoir reçu la lettre du 10 avril 1996 et qu'à sa connaissance, il avait obtenu de M. Outhouse le montant total à payer. Il ne se rappelait pas s'il avait parlé à M. Coady pour confirmer le montant dû, mais il a convenu qu'il avait l'habitude de le faire lorsqu'il concluait pareilles opérations. De plus, il ne se rappelait pas avoir discuté du montant dû avec M. Sproule.
[18] Pendant le réinterrogatoire, M. Andrews a déclaré avoir rencontré M. Sproule pour la première fois lorsque ce dernier s'était présenté à son bureau pour signer l'acte de vente. M. Andrews a affirmé avoir reçu un appel téléphonique de M. Sproule qui lui a dit qu'il était en train de se rendre à son cabinet. Il se rappelait que M. Sproule semblait désirer vivement obtenir son argent, mais il ne se rappelait pas si M. Sproule avait dit qu'il avait [TRADUCTION] « déjà rabattu un montant suffisant du prix » .
Arguments des parties
[19] L'avocat du demandeur soutient que les conditions de la convention écrite doivent l'emporter. Il affirme que le défendeur a omis d'établir qu'il avait verbalement été convenu qu'il serait renoncé au versement qui était dû au mois de décembre 1995 en échange de la clôture de la vente à bref délai. L'avocat dit que rien n'incitait réellement le demandeur à accepter cette entente. Il concède qu'une erreur a été commise lorsqu'il s'est agi de communiquer le solde impayé au moment de la clôture de la vente et que le demandeur était peut-être en partie responsable de la chose, mais il affirme avec insistance qu'il s'agissait d'une erreur faite de bonne foi et que le défendeur ne saurait se fonder sur cette erreur au détriment de son client. L'avocat soutient en outre que le défendeur ne peut pas invoquer une preuve orale pour modifier la convention écrite. Les parties se sont entendues par règlement sur le prix d'achat de 610 000 $ et le demandeur a donc droit au paiement intégral conformément à la convention ainsi qu'aux dépens de l'action. Au cas où la Cour conclurait qu'une entente valide a été conclue oralement, le demandeur sollicite une déclaration portant que la convention écrite doit être corrigée, en soutenant qu'il est tout simplement injuste qu'il ait une obligation fiscale pour de l'argent qu'il n'a jamais reçu.
[20] L'avocat du défendeur rejette la prétention selon laquelle les parties ont commis une erreur. Il soutient que la preuve indique clairement l'existence d'une entente verbale selon laquelle le demandeur accorderait un rabais de 25 000 $ sur le prix d'achat en échange de la clôture de la vente à bref délai. Il signale que l'entente était avantageuse pour le demandeur puisque la convention écrite ne stipulait pas que des intérêts devaient être versés sur le solde impayé et qu'il était nécessairement avantageux pour le demandeur d'être payé huit mois avant l'échéance. L'avocat a examiné en détail ce qu'il a décrit comme des incohérences dans la preuve présentée par M. Sproule et il soutient que le témoin n'est tout simplement pas digne de foi. Il affirme qu'eu égard aux circonstances, il convient de retenir la preuve du défendeur.
Analyse
[21] Compte tenu strictement des conditions de la convention écrite, le demandeur aurait le droit d'obtenir du défendeur la somme de 25 000 $ qui, comme on l'a admis, n'a pas été payée. Toutefois, le défendeur affirme que les parties ont conclu une entente orale empêchant le demandeur d'exercer les droits contractuels qui lui sont reconnus.
[22] La question de savoir si une entente orale ayant force obligatoire est conclue dépend des faits propres à chaque affaire : Mark Fishing Company Limited c. Northern Princess Seafood Limited, (1990) 38 F.T.R. 299, à la page 305. À mon avis, la règle applicable à la preuve orale ne s'applique pas puisque le défendeur ne cherche pas à présenter une preuve extrinsèque venant s'ajouter à la convention écrite, atténuant la portée de cette convention ou encore modifiant cette convention. Il affirme simplement que la convention a été modifiée verbalement. Dans ces conditions, il incombe au défendeur d'établir l'existence de pareille entente selon la prépondérance des probabilités.
[23] J'ai soupesé la preuve et je suis convaincu qu'au mois de novembre 1995, les parties ont conclu une entente verbale selon laquelle le demandeur devait renoncer au versement de 25 000 $ qui était dû le 15 décembre 1995 en contrepartie d'un paiement prématuré. En tirant cette conclusion, j'ai retenu la preuve de M. Coady et de M. Andrews, que j'estime cohérente et vraisemblable, plutôt que celle de M. Sproule. La preuve de M. Sproule dans son ensemble s'est avérée peu digne de foi, compte tenu en particulier des déclarations erronées qui ont été faites au sujet de faits importants et d'autres incohérences dont certains exemples seront ci-dessous donnés.
[24] Premièrement, M. Coady a affirmé avoir examiné avec M. Sproule la possibilité de la clôture à bref délai en échange d'un rabais au mois de novembre 1995. Sa version a été corroborée dans une certaine mesure par la déclaration suivante figurant dans l'affidavit de M. Sproule :
[TRADUCTION] Le défendeur m'a informé au mois de novembre 1995 qu'il voulait clôturer la vente à bref délai et qu'il ne voulait pas attendre jusqu'au 31 décembre 1996.
[25] M. Sproule a cherché à se distancer de cette déclaration sous serment en affirmant qu'elle était inexacte. Toutefois, je ne suis pas convaincu que l'incohérence, dans sa preuve, puisse s'expliquer par une simple erreur ou par un oubli. M. Sproule a établi son affidavit en étant parfaitement au courant des allégations de M. Coady et le fait que le moment où cette conversation particulière avait eu lieu était important aurait dû être évident au moment où l'affidavit a été signé. Je préfère donc retenir la preuve de M. Coady, à savoir que la conversation relative à la clôture à bref délai de la vente a eu lieu, comme il l'allègue, au mois de novembre 1995.
[26] Deuxièmement, M. Coady a affirmé avoir initialement demandé à M. Sproule un rabais de 40 000 $ en contrepartie du paiement prématuré. La logique dicte que l'on aurait cherché à en arriver à un compromis pour avoir offert de payer une somme élevée plusieurs mois avant qu'elle soit exigible selon le contrat. Il est certes étrange que M. Sproule réponde à cette allégation en disant qu'il ne se rappelait pas pareille demande. Je me serais attendu à ce qu'il nie tout simplement la chose si pareille conversation n'avait jamais eu lieu.
[27] Troisièmement, M. Sproule a déclaré dans son affidavit que le montant de 382 047,64 $ lui avait été mentionné par l'avocat du défendeur et qu'il n'y avait pas lieu de croire qu'il ne s'agissait pas du véritable montant qui était dû. Pourtant, pendant le contre-interrogatoire, M. Sproule a admis ne pas être certain que M. Andrews eût fourni le montant à son avocat. À mon avis, l'allégation n'était absolument pas fondée et elle visait à jeter à tort le blâme sur M. Coady en ce qui concerne la présumée erreur commise au sujet du montant total à payer.
[28] Quatrièmement, M. Sproule a déclaré d'une façon inexacte dans son affidavit que les sommes totales à payer lui avaient été remises en main propre par M. Coady. Cette erreur ne semble pas tirer à conséquence, mais elle masque le fait que M. Sproule traitait non seulement avec M. Coady, mais aussi avec M. Andrews. À mon avis, il est curieux que M. Sproule ait commodément évité de mentionner, dans son affidavit, qu'il avait rencontré M. Andrews dans son cabinet. On peut se demander si tous les renseignements pertinents ont été spontanément fournis.
[29] Compte tenu des remarques qui précèdent, j'accorde plus de crédibilité à la preuve du défendeur, qui n'a pas sérieusement été réfutée par le demandeur. Toutefois, je n'ai accordé aucune importance aux notes personnelles de M. Coady qui sont réputées correspondre à l'entente orale, étant donné qu'elles n'ont pas été préparées au moment où l'entente a été conclue et que des événements subséquents peuvent facilement avoir influé sur ces notes.
[30] En conclusion, je suis d'avis qu'au mois de novembre 1995, une entente verbale a été conclue entre M. Sproule et M. Coady, selon laquelle le demandeur acceptait de réduire le prix d'achat d'un montant de 25 000 $ en contrepartie du paiement prématuré. Je conclus que les parties se sont acquittées des obligations respectives qui leur incombaient en vertu de l'entente verbale le 17 avril 2001 et que M. Coady était donc libéré des obligations qu'il avait en vertu de la convention écrite par application du moyen de défense fondé sur la novation exécutée. La demande du demandeur est donc rejetée.
[31] Je suis d'accord avec le demandeur pour dire que l'acte de vente indique d'une façon inexacte le montant qui a été reçu. En droit, le demandeur n'est pas tenu de payer un impôt sur un montant qui ne lui a pas été versé. Il se peut que le demandeur puisse obtenir réparation s'il demande que son impôt fasse l'objet d'une nouvelle cotisation. En pareil cas, il pourrait mentionner les présents motifs de jugement, dont il sera sans doute dûment tenu compte.
JUGEMENT
1. L'action est rejetée, les dépens étant adjugés au défendeur, Wayne Coady, ces dépens étant par les présentes fixés à 1 930 $, y compris les débours.
« Roger R. Lafrenière »
Protonotaire
Toronto (Ontario),
le 27 novembre 2001.
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2489-97
INTITULÉ : CALVIN W. SPROULE
c.
LE « COMPASS ROSE II » et son propriétaire, WAYNE COADY, et TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE (action réelle contre le navire « COMPASS ROSE II » et action personnelle contre son propriétaire, Wayne Coady, et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire)
DATE DE L'AUDIENCE : le jeudi 9 novembre 2000
LIEU DE L'AUDIENCE : St. John's (Terre-Neuve)
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : Monsieur le protonotaire Lafrenière
DATE DES MOTIFS : le mardi 27 novembre 2001
COMPARUTIONS :
M. Kenneth Templeton pour le demandeur
M. John Sinnott, c.r. pour les défendeurs
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
STEWART McKELVEY STIRLING SCALES pour le demandeur
Avocats
Cabot Place, 100, rue Gower
C.P. 5038, succursale C
St. John's (Terre-Neuve) A1C 5V3
LEWIS SINNOTT pour les défendeurs
Avocats
301-140, rue Water, TD Place
C.P. 884, succursale C
St. John's (Terre-Neuve)
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20011127
Dossier : T-2489-97
ENTRE :
CALVIN W. SPROULE
demandeur
et
LE « COMPASS ROSE II » et son propriétaire, WAYNE COADY, et TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE (action réelle contre le navire « COMPASS ROSE II » et action personnelle contre son propriétaire, Wayne Coady, et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire)
défendeurs
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT