Date : 20000301
Dossier : T-75-99
Ottawa (Ontario), le 1er mars 2000
EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON
ENTRE :
SAI HUNG PAU
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
JUGEMENT
CONCERNANT un appel interjeté par le demandeur en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté contre une décision d'un juge de la citoyenneté rendue le 14 décembre 1998 par laquelle le juge a rejeté la demande de citoyenneté.
LA COUR ORDONNE que l'appel soit par la présente rejeté.
" Eleanor R. Dawson"
juge
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, B. A., LL. L.
Date : 20000301
Dossier : T-75-99
ENTRE :
SAI HUNG PAU
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIF DU JUGEMENT
(prononcés à l'audience le 22 février 2000, à Toronto)
LE JUGE DAWSON
[1] Il s'agit d'un appel interjeté par le demandeur en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté contre une décision d'un juge de la citoyenneté rendue le 14 décembre 1998, par laquelle a rejeté le juge la demande de citoyenneté.
[2] Aux termes de la décision du 14 décembre 1998, le juge de la citoyenneté a estimé que le demandeur n'avait pas satisfait aux exigences de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, en matière de résidence.
[3] Le demandeur est arrivé au Canada le 17 mai 1994 et a présenté une demande de citoyenneté le 10 novembre 1997. Le dossier établit que pendant cette période, le demandeur a été physiquement présent au Canada durant 430 jours au total. Il manquait donc au demandeur 665 jours de présence au Canada pour respecter la norme minimale de 1095 jours.
[4] Au soutien de son appel, le demandeur a plaidé que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en donnant trop de poids au seul auteur de doctrine cité par le juge de la citoyenneté et que celui-ci commis une erreur en concluant que le demandeur ne satisfaisait pas à l'exigence en matière de résidence.
[5] Dans Lam c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] A.C.J. no 410,
T-1310-98 (26 mars 1999) (C.F. 1re inst.), le juge Lutfy (maintenant juge en chef adjoint) a examiné les trois positions de jurisprudence de cette Cour concernant l'interprétation de l'obligation de résidence établie à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. En conséquence de cette jurisprudence, il a dit au paragraphe 14 :
À mon avis, le juge de la citoyenneté peut adhérer à l'une ou l'autre des écoles contradictoires de la Cour et, s'il appliquait correctement aux fait de la cause les principes de l'approche qu'il privilégie, sa décision ne serait pas erronée. |
[6] Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable dans un appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté, il a conclu au paragraphe 33 :
La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte. Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition. |
[7] Voici un extrait des motifs du juge de la citoyenneté :
[TRADUCTION] Suivant la preuve qui se trouve au dossier et qui m'a été présentée à l'audience, vos absences du Canada totalisent 843.0 jours au cours des quatre années précédant votre demande de citoyenneté (10 novembre 1997). Pendant cette période, vous avez été physiquement présent au Canada pendant 430.0 jours. En conséquence, il vous manque 665.0 jours. Dans ces circonstances, vous deviez me convaincre, afin de satisfaire aux exigences de résidence, que vos absences du Canada (ou à tout le moins une partie de celles-ci) pouvaient être considérées comme une période de résidence au Canada. |
Selon la jurisprudence de la Cour fédérale, la personne qui veut établir sa résidence doit prouver qu'en pensée et en fait, elle a centralisé son mode de vie au Canada. Si cette résidence est établie, elle n'est pas compromise par des absences du Canada, à condition qu'il soit prouvé que la personne a quitté le Canada dans un but temporaire seulement et a toujours conservé une forme de résidence réelle au Canada. J'ai donc soigneusement examiné votre dossier pour déterminer si vous aviez établi une résidence au Canada avant vos absences, de manière à ce que ces absences puissent malgré tout être considérées comme des périodes de résidence. |
Après avoir étudié la preuve tant testimoniale que documentaire, je n'ai pas pu conclure que vous avez établi une résidence au Canada par l'effet d'un mode de vie centralisé au Canada pendant les quatre années précédant votre demande de citoyenneté canadienne. |
J'appuie ma décision sur l'arrêt suivant de la Cour d'appel fédérale [sic] : |
In Re : John Ting Min Hui (T-1843-92), dans lequel le juge Muldoon a expliqué que : |
Le législateur entend conférer la citoyenneté non pas à des étrangers de fait, mais à des personnes qui ont résidé au Canada, et non pas à l'étranger, pendant trois des quatre années précédentes. Il entend conférer la citoyenneté à ceux qui se sont "canadianisés" en résidant avec les Canadiens au Canada. Ceci ne peut se faire en habitant à l'étranger, ni d'ailleurs en ouvrant des comptes bancaires et en déposant des loyers, des meubles, des vêtements et, encore plus important, des enfants et des conjoints - en un mot, tout sauf la personne intéressée elle-même - au Canada, tout en demeurant personnellement en dehors du Canada. Le législateur exige, pour être admissible à la citoyenneté, trois années de présence au Canada au cours des quatre années précédentes. Le législateur ne parle pas de déposer quoi que ce soit, ni d'établir un pied-à-terre où les meubles du requérant pourraient se "canadianiser", ni de former l'intention, un jour, de devenir citoyen, ni d'acquérir un permis de conduire provincial. |
[8] En disant que, selon la jurisprudence de la Cour fédérale, "la personne qui veut établir sa résidence doit prouver qu'en pensée et en fait, elle a centralisé son mode de vie au Canada", le juge de la citoyenneté a adopté une des tendances de la jurisprudence de cette Cour. Je ne suis en conséquence pas convaincue qu'il a mal appliqué ou mal compris les principes juridiques de l'approche qu'il privilégie.
[9] En toute déférence pour le renvoi du juge de la citoyenneté à la décision du juge Muldoon dans John Ting Min Hui, (1994) 24 Imm. L.R. (2d) 8, je rejette la prétention du demandeur que le juge de la citoyenneté a commis une erreur. J'estime plutôt qu'ayant énuméré les principes juridiques qu'il avait décidé d'appliquer et ayant tiré sa conclusion, il est conforté ou, selon ses propres mots, sa décision est appuyée par un renvoi à une jurisprudence moins libérale relativement à l'interprétation de l'exigence de résidence que l'on trouve à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.
[10] Je ne suis pas prête à conclure que le juge de la citoyenneté a accordé trop de poids à cette jurisprudence du fait qu'il a dit qu'il s'agissait d'une décision de la « Cour d'appel fédérale » . Une décision rendue par cette Cour en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté est une décision en appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté et elle ne peut pas être portée en appel. Ceci peut expliquer la description incorrecte de cette Cour par le juge.
[11] Parce que les motifs du juge de la citoyenneté ne mentionnent pas d'éléments de preuve précis à l'appui de sa conclusion, j'ai examiné soigneusement la preuve présentée à la Cour dans cet appel. L'application du critère pour savoir si le demandeur a centralisé son mode de vie au Canada exige que le juge de la citoyenneté examine avec soin toutes les circonstances ayant entouré les absences physiques du Canada, pour déterminer la vraie nature des rapports et des liens du demandeur avec le Canada et de son engagement envers le pays.
[12] Dans la présente affaire, il manquait au demandeur nettement beaucoup de jours pour atteindre les 1095 jours exigés par la loi. Ses voyages à l'étranger n'étaient pas justifiés par ses seules affaires, les trois premiers d'entre eux ayant été faits pour des raisons personnelles. Bien que les enfants du demandeur semblent être demeurés au Canada pendant ses voyages à l'étranger, son épouse, elle aussi, a été absente 383 jour au total pendant la période en cause. Les absences du demandeur étaient généralement suivies de courtes périodes de séjour au Canada. Rien n'indique que le demandeur prévoyait réduire ses voyages à l'étranger.
[13] La preuve n'établit pas la primauté ni la priorité de résidence au Canada.
[14] En définitive, nonobstant les allégations très habiles de l'avocat du demandeur, je ne suis pas convaincue que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en n'appliquant pas les bons principes de résidence aux faits qui lui ont été soumis, ni qu'il est arrivé à une mauvaise conclusion.
[15] En conséquence l'appel est rejeté.
"Eleanor R. Dawson"
Juge
Ottawa (Ontario)
1er mars 2000
Traduction certifiée conforme
Laurier Parenteau, B. A., LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
No DU GREFFE : T-75-99
INTITULÉ : Sai Hung Pau c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : le 22 février 2000
MOTIFS DU JUGEMENT EN DATE DU 1ER MARS 2000,
PRONONCÉS À L'AUDIENCE
À TORONTO (ONTARIO), LE 22 FÉVRIER 2000,
PAR MADAME LE JUGE DAWSON
COMPARUTIONS
Stephen W. Green pour le demandeur
A. Leena Jaakkimainen pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
Green & Spiegel
Toronto (Ontario) pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario) pour le défendeur