Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20020121

Dossier : IMM-1652-01

Référence neutre : 2002 CFPI 66

ENTRE :

                               YONES KOHAN

                          SARA KOHAN (mineure)

                                                                demandeur

                                  - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (la Commission), datée du 1er mars 2001, rejetant la demande de statut de réfugié présentée par le demandeur.

[2]                 Les faits, d'après le résumé de la Commission, sont les suivants.

[3]                 Le demandeur, Yones Kohan, est un citoyen d'Iran âgé de 37 ans. Il est accompagné de sa fille aînée, Sara, qui avait trois ans et demi au moment de leur départ d'Iran.


[4]                 Le demandeur vient d'une famille fortement opposée au gouvernement islamique. Il est un partisan de la monarchie favorable au Shah et il affirme avoir commencé ses activités politiques monarchistes en 1982, lorsqu'il était encore à l'Université.

[5]                 En 1985, le frère du demandeur a été arrêté en raison de ses relations avec l'ancien régime monarchiste. Il a été accusé d'activités anti-gouvernementales puis exécuté.

[6]                 Le demandeur a poursuivi ses activités (lectures et échanges avec les membres de sa famille et ses amis) jusqu'à son arrestation en 1989 au cours d'une descente des Gardes Révolutionnaires à la maison d'un ami. Il a été envoyé à la prison d'Evin à Téhéran pour un an.

[7]                 À sa sortie de prison, il n'a repris ses activités qu'en 1993. Dans l'intervalle, il s'est marié et a eu deux filles.

[8]                 Le demandeur et un petit groupe d'amis se rencontraient quelques fois par mois pour discuter d'idées monarchistes, visionner des bandes vidéo interdites et distribuer des dépliants et des circulaires.


[9]                 L'incident qui a précipité son départ d'Iran est survenu le 6 septembre 1998. Le demandeur explique que ce jour-là, son voisin l'a appelé pour l'informer que les Gardes Révolutionnaires avaient effectué une descente à sa maison et arrêté sa femme après avoir découvert des documents hostiles au gouvernement dans la maison. Le demandeur a aussi été avisé que les gardes étaient à sa recherche.

[10]            Au cours de son entrevue d'admissibilité, dont le rapport est daté du 30 mars 2000, il a précisé qu'un ami de sa femme avait transmis par télécopieur à cette dernière une coupure de journal concernant les activités du fils du Shah aux États-Unis. Le demandeur a déclaré qu'il ne savait pas comment l'armée avait découvert cette télécopie.

[11]            Après ces événements, le demandeur s'est enfui au domicile de sa tante à Téhéran et a ensuite rejoint sa belle-mère et ses deux filles à Tabriz. Grâce aux efforts de sa famille, des arrangements ont été pris pour qu'un passeur de clandestins le fasse sortir d'Iran avec sa fille aînée.

[12]            Ils ont quitté l'Iran le 15 septembre 1998 et sont arrivés au Canada le 12 juillet 1999. Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié pour lui et pour sa fille le 11 août 1999. Il fait valoir une crainte fondée de persécution de la part des autorités gouvernementales en raison de ses opinions politiques, à savoir sa participation à des activités en faveur de la monarchie.


[13]            La Commission a jugé que le témoignage du demandeur n'était pas crédible. En particulier, la Commission a noté que le demandeur n'a pas mentionné la télécopie incriminante dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) ni dans une lettre au CIC d'Etobicoke datée du 16 août 1999. La Commission a jugé que cette omission minait la crédibilité de l'affaire de la télécopie.

[14]            À l'audience, on a demandé au demandeur d'éclaircir ce point. La Commission a noté que les réponses du demandeur étaient souvent spéculatives, et qu'il donnait des versions différentes de l'histoire de la télécopie. La Commission a considéré que le demandeur était incapable de fournir des réponses cohérentes et précises aux questions répétées sur le prétendu événement ayant précipité le départ, relié à la télécopie. Pour ces motifs, la Commission a estimé que le témoignage du demandeur au sujet de la réception de la télécopie et des événements subséquents n'était pas crédible. Elle a conclu que la prétendue télécopie n'existait pas et, comme ce document était crucial pour la revendication, la Commission a rejeté la revendication.

[15]            Je suis persuadée que les conclusions tirées par la Commission ne sont pas déraisonnables au point de justifier l'intervention de la Cour.

[16]            En outre, la Commission a également conclu que le récit du demandeur n'était pas corroboré par la preuve documentaire. Selon la preuve documentaire, les activités en faveur de la monarchie n'intéressaient aucunement les autorités à ce moment et on observait alors en Iran un mouvement vers une plus grande liberté d'expression.

[17]            S'il est vrai que la liberté de la presse et d'autres droits de l'homme sont l'objet d'atteintes graves en Iran, la preuve documentaire établit une tolérance à l'égard d'un grand nombre de sujets débattus, notamment à l'égard des critiques visant certaines politiques gouvernementales. La preuve documentaire étaie également la conclusion de la Commission quant au mouvement vers une plus grande liberté d'expression en Iran.

[18]            D'après ces éléments de preuve, je conclus que pour la plupart, ce sont les personnes qui se prononcent publiquement contre l'État (per exemple, les éditeurs de journaux, les écrivains, etc.) qui encourent des difficultés. La preuve documentaire comporte des renseignements au sujet de l'assassinat de monarchistes en France et d'autres incidents où des monarchistes ont été arrêtés. Mais ces événements remontent au début des années 90. Les documents plus récents ne font pas état d'incidents touchant des monarchistes, ce qui accorde du crédit à la conclusion de la Commission que les choses commencent à changer en Iran.

[19]            Je reconnais que la situation des droits de l'homme en Iran est déplorable. Néanmoins, les faits particuliers en l'espèce n'appuient pas l'allégation du demandeur portant que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire qui aurait semblé donner de la crédibilité au demandeur.


[20]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                        « Danièle Tremblay-Lamer »

      Juge

OTTAWA (ONTARIO)

21 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DE GREFFE :                  IMM-1652-01

INTITULÉ:                  Yones Kohan et Sara Kohan (mineure)

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 17 janvier 2002

MOTIFS DU JUGEMENT DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :             Le 21 janvier 2002

COMPARUTIONS:

Mme Vania Campana                           POUR LE DEMANDEUR

M. Robert Bafaro                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Lewis & Associates                                 POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.