Date : 20021018
Dossier : T-1668-01
OTTAWA (Ontario), le 18 octobre 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU
ENTRE :
GRANT GALE
demandeur
et
LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)
défendeur
ORDONNANCE
- [1] La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.
« P. Rouleau »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
Date : 20021018
Dossier : T-1668-01
Référence neutre : 2002 CFPI 1084
ENTRE :
GRANT GALE
demandeur
et
LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE ROULEAU
[1] La présente demande, fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, sollicite le contrôle judiciaire de la décision de Joseph W. Potter, vice-président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l'arbitre), datée du 17 août 2001. Cette décision rejetait le grief du demandeur et confirmait son licenciement. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant cette décision et renvoyant la question à un autre arbitre pour nouvel examen.
[2] Le demandeur travaillait comme agent de correction au pénitencier de la Saskatchewan à Prince Albert (Saskatchewan).
[3] Le 25 novembre 1999, en application de l'alinéa 11(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (telle que modifiée), le demandeur a été licencié de son poste d'agent de correction pour le harcèlement sexuel d'une collègue en milieu de travail. L'incident se serait produit le 19 mai 1999 à l'Unité des détenues sous responsabilité fédérale (UDSRP) du pénitencier de la Saskatchewan, lieu où le demandeur et la plaignante (identifiée comme Mme X dans la décision) travaillaient à ce moment-là. Cette unité à sécurité maximale abrite des détenus sur trois étages.
[4] Suite à son licenciement, le demandeur a déposé un grief qui a été renvoyé à l'arbitrage à la Commission des relations de travail dans la fonction publique en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (la Loi). Lors de l'audience, la plaignante et le demandeur ont témoigné, ainsi que plusieurs autres personnes.
[5] Après les témoignages et au cours des plaidoiries des avocats, on prétend que l'arbitre a exprimé une préoccupation quant à savoir pourquoi le demandeur aurait témoigné que l'agent de correction L. Mardell n'était pas parmi les personnes identifiées par lui comme faisant partie de l'équipe appelée sur les lieux d'un incident le jour en question. Comme cette question semblait être « cruciale » pour l'arbitre, l'avocat du demandeur a fait savoir qu'il pourrait demander la réouverture du cas pour présenter une preuve à ce sujet. Les dossiers du pénitencier de la Saskatchewan permettraient de savoir clairement à quel endroit L. Mardell travaillait à ce moment-là. L'arbitre a ajourné l'audience pour permettre à l'avocat du Service correctionnel et au demandeur d'obtenir l'information en cause et de s'entendre sur la façon de la lui présenter.
[6] L'arbitre a été informé par les avocats des progrès réalisés dans la recherche de cet élément crucial de preuve au cours des deux heures qui ont suivi. Après ces deux heures, l'audience a repris et les avocats ont fait savoir à l'arbitre qu'il n'était pas possible de vérifier cette information à ce moment-là, mais qu'on l'obtiendrait dans quelques semaines. Il a donc été convenu que les avocats présenteraient cette information conjointement à l'arbitre dans les quelques semaines à venir. On s'est entendu sur le processus suivant : l'avocat du défendeur enverrait l'information à l'avocat du demandeur, qui l'acheminerait ensuite à l'arbitre.
[7] L'avocat du défendeur a connu des retards dans la recherche de la preuve en cause. Lorsqu'il l'a présentée sous forme d'une lettre datée du 14 août 2001, celle-ci contenait deux erreurs qui ont occasionné un autre retard de six jours. La lettre parlait de « M. Mardell » au lieu de « L. Mardell » et au lieu du 19 mai 1999 on avait inscrit le 20 mai 1999. Le 21 août 2001, une lettre datée du 17 août 2001 et portant les renseignements exacts est arrivée au bureau de l'avocat du demandeur, pour qu'il la fasse suivre à l'arbitre. Cette lettre confirmait que le témoignage du demandeur sur cette question à l'audience était juste et, en conséquence, que l'arbitre avait eu tort de présumer que L. Mardell travaillait à l'UDSRP au moment de l'incident.
[8] L'avocat du demandeur n'a pas eu l'occasion de présenter cette preuve à l'arbitre, puisqu'il a reçu le même jour la décision de ce dernier datée du 17 août 2001. Cette décision rejetait le grief et confirmait le licenciement du demandeur. Le demandeur sollicite maintenant l'annulation de cette décision dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, au motif qu'il y a eu un manquement à l'équité procédurale puisque l'arbitre a rendu sa décision avant d'avoir été saisi de la réponse à sa demande, savoir où se trouvait L. Mardell le jour de l'incident.
[9] La question qui est au coeur de la présente procédure consiste à savoir si l'arbitre a outrepassé sa compétence ou, subsidiairement, s'il a agi sans compétence en ne tenant pas compte de toute la preuve avant d'arriver à sa décision. À supposer qu'on réponde à cette question par l'affirmative, il faudrait alors déterminer quelle serait la réparation appropriée dans les circonstances.
[10] Le demandeur soutient que ses droits, qui sont protégés par les règles de la justice naturelle, comprennent le droit de présenter sans restrictions toute preuve essentielle à l'équité procédurale. Il soutient qu'en rendant sa décision en l'absence d'un élément de preuve pertinent, savoir le lieu où se trouvait L. Mardell, l'arbitre en l'instance a violé l'obligation d'équité et, ce faisant, il a agi sans compétence ou a outrepassé sa compétence.
[11] Le demandeur soutient que la question était sérieuse et pertinente à l'évaluation de la crédibilité de la plaignante et du demandeur. En l'instance, la crédibilité était une question essentielle.
[12] Le demandeur renvoie aux facteurs énumérés dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, qui viennent appuyer la conclusion qu'en l'instance, l'arbitre était tenu à un degré élevé d'équité procédurale.
[13] Il soutient que son droit de présenter un élément crucial de preuve à l'arbitre et d'obtenir que ce dernier l'examine était d'importance vitale pour son cas. La présomption incorrecte de l'arbitre quant au fait en cause l'a amené à mettre en doute le témoignage du demandeur.
[14] Finalement, il soutient que la décision de l'arbitre l'a empêché de démontrer que sa crédibilité était plus grande que celle de la plaignante et que la procédure adoptée par l'arbitre l'a privé de l'occasion de compléter sa présentation de la preuve qui porte directement sur la question de la crédibilité. Il soutient que l'obligation d'équité qui lui est due a été violée lorsque l'arbitre est arrivé à des conclusions sur le fond de l'affaire en se fondant sur une évaluation de la crédibilité, sans avoir d'abord donné au demandeur l'occasion de présenter la preuve recherchée.
[15] Le défendeur soutient que la version des événements présentée par le demandeur n'est pas la bonne et que l'arbitre ne considérait pas que la présence de L. Mardell était un élément « crucial » de preuve, ni au cours de l'argumentation ni dans ses motifs. Ce point de vue est renforcé par le fait que l'avocat du défendeur a admis, à la fin de l'audience, qu'il n'avait aucun problème à admettre que L. Mardell ne travaillait pas à l'UDSRP, mais était dans le pénitencier principal, comme l'avait affirmé le demandeur sous serment.
[16] Le défendeur fait remarquer que la suggestion du demandeur que sa crédibilité aurait été détruite si l'on avait conclu que L. Mardell travaillait à l'UDSRP le jour en question était fondée sur des spéculations au sujet du raisonnement de l'arbitre.
[17] De plus, le défendeur prend note du fait que l'arbitre n'est arrivé à aucune conclusion quant au fait que la crédibilité du demandeur aurait été détruite s'il avait conclu que L. Mardell travaillait à l'UDSRP le jour en cause. Il n'en a même pas parlé.
[18] Après avoir examiné avec soin les prétentions des parties et le dossier du tribunal, je ne suis pas convaincu que l'arbitre a violé le droit du demandeur à une audition pleine et entière ou qu'il n'a pas respecté les principes de l'équité procédurale et de la justice naturelle. Par conséquent, je rejette la demande de contrôle judiciaire pour les motifs suivants.
[19] L'arbitrage portant sur le grief du demandeur et la décision de l'arbitre qui s'ensuit sont régis par les dispositions de la Loi, plus particulièrement les articles 92 à 97. Dans Teeluck c. Canada (Conseil du Trésor) (1999) 17 F.T.R. 39 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay fait état de la très grande latitude accordée à un arbitre pour entendre et accepter des éléments de preuve sans être limité par des questions de procédure. Il déclare ceci, aux paragraphes 22 à 24 :
Le Parlement a jugé bon de donner aux tribunaux administratifs, comme l'arbitre ou la Commission en l'instance, une très grande latitude dès lors qu'il s'agit d'entendre et d'accepter des éléments de preuve, pour éviter qu'ils soient paralysés par des objections et des manoeuvres de procédure. Ceci permet de tenir une audition moins formelle, où tous les éléments pertinents peuvent être présentés au tribunal pour un examen expéditif.
Cette disposition particulière de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique traitant des éléments de preuve n'est pas unique. En fait, toutes les provinces ont adopté des dispositions similaires pour que les arbitres du travail aient une grande latitude dans leur examen des litiges.
Dans l'arrêt Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., la Cour suprême du Canada a examiné une disposition de la Labour Relations Act, 1977 de Terre-Neuve analogue au paragraphe 25c) de la Loi en cause ici. Au nom de la Cour, le juge Sopinka a déclaré ceci :
Le paragraphe 84(1) de The Labour Relations Act, 1977 prévoit que l'arbitre peut recevoir et accepter les éléments de preuve qu'il juge souhaitables, qu'ils soient admissibles ou non devant une cour de justice. ... Bien que ce genre de dispositions n'excluent pas complètement le contrôle judiciaire, elles permettent à l'arbitre d'assouplir les règles de preuve. Cela reflète le fait que, souvent, les arbitres ne possèdent aucune formation juridique et qu'il leur est permis d'appliquer les règles comme le ferait toute personne raisonnable dans la gestion de ses affaires. Le paragraphe 84(1) exprime l'intention du législateur de laisser à l'arbitre le soin de trancher ces questions. En conséquence, la décision de l'arbitre à cet égard ne peut faire l'objet d'un examen que s'il est démontré qu'elle est manifestement déraisonnable. ... [[1993] 2 R.C.S. 316, aux p. 343 à 344.]
Ce commentaire s'applique également à l'alinéa 25c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Les décisions des arbitres quant aux éléments de preuve ne peuvent généralement faire l'objet d'un contrôle que s'il est démontré qu'elles sont manifestement déraisonnables ou irrationnelles.
[20] J'ajouterais qu'un arbitre nommé conformément à la Loi n'est pas lié par des règles rigides en matière de preuve et qu'il peut accorder aux divers éléments de preuve le poids qu'il juge approprié : voir Rhéaume c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.F. no 128 (QL) (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 27 à 30. Toutefois, cette grande latitude accordée à l'arbitre en matière de preuve ne peut avoir pour effet de limiter l'obligation faite aux tribunaux administratifs de respecter les exigences de la justice naturelle et de l'équité procédurale. À ce sujet, les commentaires suivant de l'ancien juge en chef Lamer dans l'arrêt Université du Québec à Trois-Rivières c. Larocque [1993] 1 R.C.S. 471, aux pages 489 à 493, sont particulièrement pertinents :
L'appelant a prétendu que cette disposition attribuait à l'arbitre de griefs une compétence exclusive pour juger de la pertinence des preuves qui lui sont soumises et que ses décisions à cet égard échappent par conséquent au contrôle judiciaire sauf en cas d'erreur manifestement déraisonnable.
Cet argument ne peut être retenu. L'article 100.2 du Code du travail consacre l'autonomie de l'arbitre de griefs en ce qui a trait aux questions de preuve et de procédure. Mais le principe de l'autonomie de la procédure et de la preuve administratives, qui est largement admis en droit administratif, n'a jamais eu pour effet de limiter l'obligation faite aux tribunaux administratifs de respecter les exigences de la justice naturelle.
...
Pour ma part, je ne suis pas prêt à affirmer que le rejet d'une preuve pertinente constitue automatiquement une violation de la justice naturelle. L'arbitre de griefs est dans une situation privilégiée pour évaluer la pertinence des preuves qui lui sont soumises et je ne crois pas qu'il soit souhaitable que les tribunaux supérieurs, sous prétexte d'assurer le droit des parties d'être entendues, substituent à cet égard leur appréciation à celle de l'arbitre de griefs. Il pourra toutefois arriver que le rejet d'une preuve pertinente ait un impact tel sur l'équité du processus, que l'on ne pourra que conclure à une violation de la justice naturelle.
(Non souligné dans l'original)
[21] Ceci nous ramène à la question en litige : y a-t-il eu violation de la justice naturelle par suite du refus de l'arbitre d'attendre que l'on présente la preuve au sujet du lieu où se trouvait L. Mardell pour rendre sa décision, au vu de la décision d'ajourner l'audience pour deux heures et d'ordonner aux avocats d'obtenir ce renseignement et de convenir d'une façon de lui présenter?
[22] L'affidavit souscrit par le demandeur indique que suite à la présentation des témoignages à l'audience et lors de la présentation des arguments, l'arbitre a soulevé une préoccupation, savoir si L. Mardell travaillait au moment pertinent à l'UDSRP ou au pénitencier principal, qui est entièrement séparé et à une certaine distance de l'UDSRP. Le demandeur avait témoigné que L. Mardell n'était pas à l'UDSRP au moment pertinent.
[23] Je constate que le demandeur fonde toute son argumentation portant qu'on lui aurait refusé le droit à une audience pleine, entière et équitable sur l'allégation que l'arbitre aurait précisé que la question de savoir où se trouvait L. Mardell était d'importance vitale dans son évaluation de la crédibilité de la plaignante et du demandeur. Le demandeur soutient que l'arbitre a reconnu que la preuve qui devait être présentée était cruciale et pertinente, tout simplement en soulevant la question et en indiquant aux parties qui leur accordait du temps pour lui fournir cette preuve. Toutefois, il y a de la preuve contradictoire sur cette question. Ainsi, dans l'affidavit qu'elle a souscrit, Mme Bonnie Davenport, chef régional des Relations de travail et de la rémunération dans l'organisation du défendeur, qui était présente au moment de l'arbitrage du grief et qui a appuyé l'avocat du défendeur, déclare ceci :
[Traduction]
6. J'ai lu le contenu de l'affidavit du demandeur à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire, dossier no T-1668-01.
7. Je sais que le demandeur a, dans son affidavit, fait diverses déclarations qui n'avaient pas été présentées en preuve ou qui ne reflètent pas ce que l'arbitre a dit pendant l'audience d'arbitrage.
8. Je ne me souviens pas d'avoir entendu à quelque moment que ce soit durant l'arbitrage, et mes notes n'en parlent pas non plus, que l'arbitre aurait dit ce que M. Grant Gale lui attribue au paragraphe 7 de son affidavit : « Que l'arbitre a clairement dit que la question était d'importance vitale à son évaluation de la crédibilité. Si le témoin ou les documents du pénitencier de la Saskatchewan confirmaient que L. Mardell travaillait en fait à l'UDSRP, ma crédibilité serait détruite » .
9. Je ne me souviens pas d'avoir entendu à quelque moment que ce soit durant l'arbitrage, et mes notes n'en parlent pas non plus, que l'arbitre aurait dit ce que Grant Gale lui attribue au paragraphe 20 de son affidavit ; « ...l'arbitre a déclaré que cette question était importante pour lui dans l'évaluation de la crédibilité » .
[24] Bien sûr, on ne peut que spéculer quant à ce qui a vraiment été dit à l'audience puisqu'il semble qu'au cours de l'arbitrage il n'y a eu ni sténographe judiciaire ni magnétophone qui auraient pu enregistrer les témoignages. Par conséquent, il n'existe aucune transcription de l'audience. La seule preuve disponible se trouve dans les notes manuscrites du témoignage de tous les témoins, préparées par Bonnie Davenport.
[25] Dans l'arrêt Mercier c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 3 C.F. 3 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a conclu ceci, au paragraphe 14 : les exigences de l'équité procédurale dépendent de la nature de l'enquête et de ses conséquences pour les personnes en cause. Fondamentalement, il s'agit dans chaque cas de s'assurer que l'administré a été informé de la substance de la preuve sur laquelle le tribunal entend se fonder pour prendre sa décision et qu'il s'est vu offrir la possibilité de répliquer à cette preuve et de présenter tous les arguments pertinents s'y rapportant.
[26] Il est clair qu'en l'instance une conclusion négative quant à la crédibilité du demandeur comporte des conséquences sérieuses. Toutefois, un examen approfondi de la décision de l'arbitre ne révèle aucune indication qu'il serait arrivé à la conclusion de fait que L. Mardell travaillait à l'UDSRP le 19 mai 1999, non plus qu'il aurait fondé sa décision finale sur une telle conclusion. Contrairement à ce que le demandeur soutient, rien dans la preuve n'indique que l'arbitre présumait que L. Mardell était en ce lieu au moment pertinent, travaillant donc à l'UDSRP plutôt qu'au pénitencier principal. On ne trouve pas non plus la moindre indication qu'il aurait tiré une inférence négative au sujet du demandeur et une conclusion négative quant à sa crédibilité par suite de l'absence de preuve au sujet du lieu où se trouvait L. Mardell au moment pertinent. Ses motifs indiquent seulement qu'il préférait le témoignage de la plaignante quant à l'endroit où elle se trouvait au moment pertinent, pour d'autres raisons (voir les paragraphes 137 à 140 de la décision). Il ne s'agit pas ici d'une affaire où le demandeur n'aurait pas eu l'occasion de présenter sa preuve sur une question clé identifiée par l'arbitre.
[27] En l'instance, bien qu'on puisse se demander pourquoi l'arbitre n'a pas attendu d'obtenir la preuve au sujet du lieu où se trouvait L. Mardell étant donné le désir exprès de l'avocat du demandeur de rouvrir le cas et l'engagement des deux avocats de présenter une preuve additionnelle à ce sujet, il faut rappeler que le rejet d'une preuve pertinente, ou le refus de l'accueillir, ne comporte pas automatiquement une violation de la justice naturelle dans tous les cas. Comme le juge en chef Lamer l'a déclaré dans l'arrêt Larocque, précité, le rejet d'une preuve pertinente doit avoir un impact tel sur l'équité du processus que l'on ne pourra que conclure à une violation de l'équité procédurale. À défaut d'une preuve démontrant que la preuve recherchée au sujet du lieu où se trouvait L. Mardell était une « question sérieuse » pour l'arbitre et d'une « importance cruciale » à son évaluation de la crédibilité du demandeur et de la plaignante et à sa décision ultime, je ne peux que conclure que le refus de l'arbitre d'attendre la confirmation n'a pas eu « un impact tel sur l'équité du processus que l'on ne pourra que conclure à une violation » de l'équité procédurale. Il se peut que l'arbitre ait tout simplement décidé qu'il n'accordait pas grand poids à cette preuve et qu'il pouvait trancher l'affaire sans régler cette question, mais ce n'est pas le rôle de la Cour chargée de la révision de spéculer sur les motifs qui sous-tendent la décision d'un arbitre de rejeter, ou de refuser d'admettre, une preuve ou d'en déterminer la pertinence, à moins qu'on ait clairement démontré que cette preuve aurait eu un impact sur la décision ultime.
[28] Étant donné la conclusion à laquelle je suis arrivé, il n'est pas nécessaire de traiter de la question de la réparation appropriée. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.
« P. Rouleau »
Juge
OTTAWA (Ontario)
Le 18 octobre 2002
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1668-01
INTITULÉ : Grant Gale c. Le Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)
LIEU DE L'AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 2 OCTOBRE 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE : MONSIEUR LE JUGE ROULEAU
DATE DES MOTIFS : Le 18 octobre 2002
COMPARUTIONS :
M. Martel D. Popescul, c.r. POUR LE DEMANDEUR
M. Richard Fader POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sanderson Balicki Popescul POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Secrétariat du Conseil du Trésor