Date : 20000405
Dossier : IMM-3280-99
ENTRE :
SADRUDIN JESSANI
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
LE JUGE CAMPBELL
[1] La présente demande de contrôle judiciaire porte sur deux questions litigieuses : la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu, sur la base de la preuve, que le demandeur s'était désisté de son statut de résident permanent?; et la Section d'appel a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour agir sur le fondement de « motifs d'ordre humanitaire » conformément à l'al. 70(1)b) de la Loi sur l'immigration (la Loi)?
[2] Le demandeur est un homme d'affaires de Tanzanie qui est pour la première fois venu au Canada en mars 1991, a quitté le pays environ six mois plus tard, et y est revenu en mars 1997. En septembre 1997, un arbitre a conclu que le demandeur s'était désisté de son statut de résident permanent du Canada en vertu du par. 24(2) de la Loi et qu'il n'était pas détenteur du visa d'immigrant nécessaire en vue de demeurer au Canada, comme l'exige le par. 9(1) de la Loi.
[3] Le demandeur a contesté la conclusion de l'arbitre en se fondant sur le par. 70(1), dont voici le libellé :
70. (1) Subject to subsections (4) and (5), where a removal order or conditional removal order is made against a permanent resident or against a person lawfully in possession of a valid returning resident permit issued to that person pursuant to the regulations, that person may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds, namely, |
70. (1) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), les résidents permanents et les titulaires de permis de retour en cours de validité et conformes aux règlements peuvent faire appel devant la section d'appel d'une mesure de renvoi ou de renvoi conditionnel en invoquant les moyens suivants : |
|
(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and |
a) question de droit, de fait ou mixte; |
|
(b) on the ground that, having regard to all the circumstances of the case, the person should not be removed from Canada. |
b) le fait que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, ils ne devraient pas être renvoyés du Canada. |
|
[4] Au début de l'audition devant la Section d'appel, le président de l'audience a dit :
[TRADUCTION] Si la décision veut que - - après que nous aurons entendu toute la preuve, si la décision veut que l'appelant est un résident permanent du Canada, nous n'aurons pas à traiter des motifs d'ordre humanitaire, car cela serait inutile. Si l'appelant, et je souligne encore une fois que c'est ce que je comprends de la Loi et que plus le temps avance, plus ma position se confirme, si l'appelant n'est pas considéré comme étant un résident permanent, il n'y a alors pas de motifs d'ordre humanitaire vu que ces derniers ne s'appliquent qu'aux résidents permanents (dossier du tribunal, à la page 95).
[5] Après la tenue d'une audition complète, la Section d'appel a conclu qu'en fait, le demandeur n'avait jamais physiquement établi sa résidence au Canada et qu'il n'en avait pas exprimé l'intention avant la prise de la mesure d'exclusion en septembre 1997. En conséquence, la Section d'appel a conclu que le demandeur n'était pas un résident permanent et que, partant, elle n'avait pas compétence pour agir conformément au par. 70(1) de la Loi. L'appel a donc été rejeté.
A. La conclusion en matière de preuve
[6] Voici ce que la Section d'appel a conclu dans les motifs qu'elle a exposés :
[TRADUCTION] L'appelant a soutenu plus d'une fois dans son témoignage qu'il ne savait rien des « conditions » - c'est le terme qu'il a employé - dont était assorti son statut de résident permanent, et qu'il ignorait, de fait, la règle des 183 jours en matière de journées consécutives pendant lesquelles il pouvait se trouver à l'étranger au cours de toute période de 12 mois. Il dit qu'il ne s'est pas informé à ce sujet. À mon avis, cela n'est pas vraisemblable. Dans un formulaire de Douanes Canada qu'il a dûremplir et auquel un timbre à date du 18 mars 1997 a été apposé, l'appelant a déclaré qu'il avait quitté le Canada en août 1996. S'il connaissait si peu les règles applicables, pourquoi aurait-il ressenti le besoin de faire cette fausse déclaration? Tout simplement parce que, à mon avis, il les connaissait, mais avait choisi de ne pas en tenir compte.
[7] Je suis convaincu, compte tenu du dossier, que la conclusion selon laquelle le demandeur [TRADUCTION] « ignorait, de fait, la règle des 183 jours » est erronée. Il ressort clairement de la transcription qu'il la connaissait au moins six mois après avoir quitté le Canada[1].
[8] À la lecture de la décision, il est impossible de déterminer dans quelle mesure cette conclusion défavorable a eu une incidence sur la façon dont la Section d'appel a interprété d'autres éléments de la preuve que le demandeur a produite, mais je suis convaincu que tout doute à ce sujet doit être dissipé, en toute équité, en faveur du demandeur.
[9] En conséquence, je conclus, en application de l'al. 18.1(3)d) de la Loi sur la Cour fédérale, que la Section d'appel a pris sa décision sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait.
B. La conclusion en matière de compétence
[10] À mon avis, il ressort d'une interprétation convenable du par. 70(1) qu'une personne qui, n'eut été la décision d'un arbitre, aurait le statut de résidente permanente du pays, peut former un appel devant la Section d'appel contre la décision dans laquelle l'arbitre a conclu qu'elle n'a pas ce statut, en se fondant sur l'al. 70(1)a), l'al. 70(1)b), ou les deux. Je conclus que si le législateur avait voulu, en adoptant le par. 70(1), exclure une telle personne du droit d'appel que prévoit ce paragraphe, il l'aurait clairement précisé. Comme ce n'est pas le cas, je conclus que la Section d'appel a compétence, en vertu du par. 70(1), pour entendre une telle affaire.
[11] Je conclus donc qu'en prenant sa décision en matière de compétence dans la présente affaire, la Section d'appel a commis une erreur susceptible de contrôle.
ORDONNANCE
[12] En conséquence, compte tenu tant de la conclusion en matière de preuve que de la conclusion en matière de compétence, j'annule la décision de la Section d'appel.
C. Question certifiée
[13] Vu que la question litigieuse se rapportant à la compétence est de portée générale et qu'elle est déterminante pour ce qui est de l'issue de la présente demande, je certifie la question suivante de sorte que la Section d'appel puisse en être saisie :
« Dans le cas où un arbitre a conclu que la personne en cause a perdu son statut de résidente permanente en application de l'art. 24 de la Loi sur l'immigration, la Section d'appel a-t-elle compétence pour entendre un appel fondé sur le par. 70(1) de la Loi sur l'immigration? »
« Douglas R. Campbell »
J.C.F.C.
Toronto (Ontario)
Le 5 avril 2000
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats inscrits au dossier
NO DU GREFFE : IMM-3280-99
INTITULÉ DE LA CAUSE : SADRUDIN JESSANI
- c. -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE : LE MARDI 4 AVRIL 2000
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS D'ORDONNANCE ET
ORDONNANCE PAR RENDUS PAR : LE JUGE CAMPBELL
EN DATE DU : MERCREDI 5 AVRIL 2000
ONT COMPARU : M. Timothy E. Leahy
Pour le demandeur
M. David Tyndale
Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER : M. Timothy E. Leahy
Barrister & Solicitor
5075, rue Yonge
pièce 408
Toronto (Ontario)
M2N 6C6
Pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada
Pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 20000405
Dossier : IMM-3280-99
Entre :
SADRUDIN JESSANI
demandeur
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS D'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE