Date : 20020408
Dossier : IMM-608-02
Référence neutre : 2002 CFPI 380
Ottawa (Ontario), le 8 avril 2002
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE
ENTRE :
STALIN JAMES NARAYAN
MARGARET NARINE
SHELLY ANN NARAYAN
SHERRY ANN NARAYAN
SHELDON NARAYAN
SHANE NARAYAN
demandeurs
- et -
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCEET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une requête présentée par les demandeurs visant à obtenir un sursis à leur renvoi à la Grenade, et ce, en attendant qu'une décision soit rendue en rapport avec leur demande d'autorisation et de contrôle judiciaire de la décision relative à leur demande d'exemption des exigences relatives au droit d'établissement pour des considérations humanitaires (CH). Le renvoi est prévu pour le 1er mai 2002.
[2] Les demandeurs sont des citoyens de la Grenade. Les demandeurs adultes sont arrivés au Canada en 1989; les trois jeunes enfants sont arrivés en 1994 et le fils aîné est arrivé en 1995. Les demandeurs ont fait une revendication du statut de réfugié qui n'a pas été acceptée et ils ont fait des demandes CH antérieures qui n'ont pas été acceptées.
[3] Le demandeur, Stalin James Narayan travaille depuis qu'il est arrivé au Canada; il occupe un emploi de mécanicien dans la même entreprise depuis les dix dernières années.
[4] La demanderesse, Margaret Narine travaille présentement dans l'hôtellerie.
[5] Le fils aîné, Shane, a un enfant âgé de six mois né au Canada et il vit en union de fait avec la mère de l'enfant.
[6] Les deux filles ont indiqué qu'elles avaient fait toutes leurs études secondaires au Canada et qu'elles étaient actuellement en première année à l'Université York et qu'elles réussissaient bien. Si celles-ci sont renvoyées à la Grenade, il se peut qu'elles ne puissent pas continuer leurs études universitaires car la seule université qui existe là-bas est une école de médecine et celles-ci ne veulent pas étudier la médecine. Elles ont aussi déclaré qu'elles étaient bien intégrées au Canada et qu'elles n'avaient aucun lien avec la Grenade.
[7] Les demandeurs prétendent que l'agent des visas leur avait affirmé qu'il reporterait sa décision. L'agent des visas ne se souvient pas d'avoir parlé de report.
Question
[8] Doit-on émettre une ordonnance sursoyant au renvoi des demandeurs?
Analyse et décision
[9] Il est maintenant admis qu'un agent de renvoi possède un certain pouvoir discrétionnaire et peut, dans certains cas, surseoir à l'exécution de la mesure de renvoi des demandeurs (voir Wang c. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.).
[10] Afin d'obtenir un sursis, les demandeurs doivent satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.) à la page 305 :
Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd. [1975] A.C. 396 (note 3 du jugement). Comme l'a affirmé le juge J. dans l'arrêt Black précité :
[traduction]
Le critère à triple volet énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si une ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.
Les demandeurs doivent satisfaire aux trois éléments du critère à triple volet.
[11] Question sérieuse
Selon la preuve soumise par Stalin James Narayan, l'agent a indiqué aux demandeurs qu'il allait attendre qu'une accusation portée contre l'un d'entre eux soit rejetée avant de rendre une décision sur la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire puis, par la suite, sans avertir les demandeurs, celui-ci a rendu une décision défavorable. L'agent n'a pas déposé son propre affidavit, mais il a informé les autres personnes, dont l'une a déposé un affidavit qui disait notamment que celui-ci avait affirmé qu'il ne se souvenait pas d'avoir promis qu'il retarderait sa décision. Les demandeurs déclarent que s'ils avaient su que la décision était imminente, ils auraient déposé des documents supplémentaires. Je suis d'avis que la question de savoir si l'on a offert ou non un tel report soulève une question sérieuse.
[12] Préjudice irréparable
Les demandeurs adultes sont au Canada depuis 1989 et ils occupent tous les deux un emploi stable. Les enfants sont arrivés au Canada en 1994 et en 1995. Deux des filles étudient présentement à l'université et, si elles étaient renvoyées à la Grenade, elles ne pourraient terminer leurs études universitaires car la seule université qui se trouve là-bas est une école de médecine. Les filles n'étudient pas la médecine. La famille n'a aucun lien avec la Grenade. À mon avis, dans les circonstances de la présente affaire, les demandeurs subiraient un préjudice irréparable s'ils étaient renvoyés à la Grenade.
[13] Prépondérance des inconvénients
Les demandeurs ne constituent pas une menace pour le public. Je suis conscient du devoir imposé au ministre par les dispositions de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, toutefois, je crois que ce devoir pourra être accompli lorsque les procédures d'autorisation ou de contrôle judiciaire auront été complétées si les demandeurs échouent. La prépondérance des inconvénients favorise les demandeurs.
[14] La Cour sursoit par les présentes à la mesure de renvoi (déportation) émise contre les demandeurs en attendant que la Cour rende une décision en rapport avec l'autorisation et la demande de contrôle judiciaire.
ORDONNANCE
[15] LA COUR ORDONNE QUE la mesure de renvoi (déportation) émise contre les demandeurs soit suspendue en attendant que la Cour rende une décision en rapport avec l'autorisation et la demande de contrôle judiciaire.
« John A. O'Keefe »
Juge
Ottawa (Ontario)
Le 8 avril 2002
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL. L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-608-02
INTITULÉ : Stalin James Narayan et al. c. M.C.I.
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 25 mars 2002
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : Monsieur le juge O'Keefe
DATE DES MOTIFS : Le 8 avril 2002
COMPARUTIONS:
Lorne Waldman POUR LE DEMANDEUR
Ann Margaret Oberst POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:
Jackman, Waldman & Associates POUR LE DEMANDEUR
Morris Rosenberg POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada