Date : 20031215
Dossier : T-1300-97
Référence : 2003 CF 1463
ENTRE :
RONALD L. BASTARACHE
demandeur
et
SA MAJESTÉ LA REINE
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
[1] La mémoire de Ronald Bastarache, pour ce qui est de sa vie avant 1995, lui fait défaut. En effet, le 25 juin de cette année-là, pendant qu'il était incarcéré à l'établissement de Springhill, un pénitencier fédéral, il a été agressé par un codétenu. Il a subi une fracture ouverte du crâne avec embarrure de l'os temporal gauche, avec un hématome intratemporal.
[2] Monsieur Bastarache a intenté une action dans laquelle il alléguait que la négligence de la défenderesse était l'unique cause de sa blessure et des problèmes d'ordre médical qu'il éprouve d'une façon continue; des détails sont donnés à ce sujet au paragraphe 14 de la déclaration. Les allégations précises, telles qu'elles ont été plaidées, sont que la défenderesse a manqué à l'obligation de diligence qu'elle avait envers le demandeur, en ce sens :
a) qu'elle n'a pas assuré un environnement libre de violence, et
b) qu'elle n'a pas découvert en temps opportun que le demandeur était blessé et qu'il devait être soigné sans délai.
[3] Au début de l'instruction, l'avocat de M. Bastarache a retiré la première allégation relative à la négligence; il a fait savoir que l' « établissement » ne savait pas et n'aurait pas pu savoir que le demandeur était blessé. La deuxième allégation, dont il est ci-dessus fait mention à l'alinéa b), est [TRADUCTION] « encore en litige » . L'avocat de la défenderesse a concédé l'existence d'une obligation de diligence, mais il a nié qu'il y ait eu manquement à cette obligation.
[4] Avant de traiter du contexte factuel, il faut donner des renseignements additionnels. L'affaire est assujettie à la gestion de l'instance et une ordonnance de disjonction visant à séparer les questions de responsabilité et de dommages-intérêts a été rendue le 17 janvier 2002 par le juge responsable de la gestion de l'instance. À la suite d'une conférence portant sur la gestion de l'instance, les avocats, qui s'étaient consultés, ont soumis l'énoncé suivant, résumant la principale question à trancher à l'instruction :
[TRADUCTION] Le personnel de l'établissement de Springhill a-t-il fait preuve de négligence en ne découvrant pas que M. Bastarache avait été blessé le 24 juin 1995?
[5] Au début de l'instruction, les deux parties ont soumis des mémoires préalables. Le demandeur, M. Bastarache, a témoigné et il a cité un témoin, M. Claude Blanchard.
[6] Après que le demandeur eut présenté sa preuve, j'ai remarqué qu'aucune preuve n'avait été soumise au sujet de la question du lien de causalité. J'ai également remarqué que le mémoire préalable de la défenderesse ne disait rien à ce sujet. Les deux parties semblaient mettre exclusivement l'accent sur la question du [TRADUCTION] « manquement à l'obligation de diligence » . Craignant que les avocats aient peut-être mal interprété l'ordonnance de disjonction, j'ai soulevé la question auprès d'eux de la façon ci-après énoncée.
[7] Pour conclure à la responsabilité, il faut décider qu'il existe : a) une obligation de diligence (ce qui est ici concédé par la défenderesse); b) un manquement à l'obligation en question; et c) un lien (de causalité) entre les actes ou omissions de la défenderesse et le résultat. Comme je le soupçonnais, les avocats se fondaient sur l'hypothèse voulant que le « lien de causalité » soit examiné au cours de la deuxième phase de l'instance, à condition que le demandeur ait réussi à établir un manquement à l'obligation de diligence.
[8] À la suite de discussions, les paramètres de ce segment de l'instruction ont été établis. La question à trancher a une portée restreinte - à savoir si le demandeur a établi l'existence d'un manquement à l'obligation de diligence que la défenderesse a envers lui. Les avocats (des deux parties) ont volontiers reconnu qu'il ne m'était pas loisible de trancher la question de la responsabilité en l'absence d'une preuve relative au lien de causalité. Les avocats ont en outre reconnu que, si le demandeur ne réussit pas à établir un manquement à l'obligation de diligence, cette omission porte un coup fatal à la demande parce que les trois éléments doivent être présents pour que la négligence soit reconnue. D'autre part, si je conclus que le manquement est établi, la preuve relative au lien de causalité devient alors essentielle lorsqu'il s'agit de déterminer le bien-fondé d'une action fondée sur la négligence.
[9] En l'espèce, il s'agit donc strictement de savoir s'il existe un nombre suffisant d'éléments de preuve permettant d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu manquement à l'obligation de diligence que la défenderesse avait envers le demandeur. Dans l'affirmative, la question de la responsabilité sera tranchée à une date ultérieure, au cours de la deuxième phase de l'instruction, lorsque la preuve médicale relative au lien de causalité et à la question des dommages-intérêts sera présentée. J'examinerai l'affaire sur cette base.
[10] Monsieur Ronald Bastarache (Bastarache), qui est né le 27 novembre 1968, a 35 ans. Il a initialement été condamné à une peine d'emprisonnement dans un établissement fédéral lorsqu'il avait 19 ans et il a été sous garde pendant une quinzaine d'années. Comme il en a déjà été fait mention, Bastarache a témoigné à l'instruction, comme l'a également fait M. Claude Blanchard, pour le compte de Bastarache. La défenderesse a cité M. David Raymond Coon, un superviseur ayant 31 ans d'expérience dans le système correctionnel, et M. Allan Angus Hunter, agent de correction à l'établissement de Springhill. Il existe des éléments de preuve contradictoires sur deux points importants, sur lesquels je reviendrai d'une façon plus détaillée dans ces motifs. À part ces contradictions, les faits ne sont pas réellement contestés.
[11] Bastarache ne se rappelle pas l'incident; il ne sait que ce qu'on lui a raconté. La preuve présentée par M. Blanchard est en général compatible avec le rapport d'enquête. Le 24 juin 1995, Bastarache et son ami, un codétenu, Claude Blanchard (Blanchard), étaient « high » . Ils avaient fumé du hasch et ils avaient chacun consommé de sept à dix comprimés de Valium. Au souper, Blanchard a négocié un « échange » avec un autre détenu, Bertrand Veilleux (Veilleux). Blanchard fournissait du hasch à Veilleux et il devait obtenir en échange du Valium. Vers 21 h, Bastarache est allé chercher le Valium dans la cellule de Veilleux, mais ce dernier lui a dit qu'il n'en avait pas. Bastarache est parti et est revenu avec Blanchard, qui a insisté pour que Veilleux remette le Valium, mais celui-ci a dit qu'il blaguait et que le Valium était derrière le téléviseur. Veilleux a fait semblant de prendre les médicaments, mais il a retiré une barre d'acier aux extrémités arrondies, semblable à un porte-serviettes. Il a frappé Blanchard et Bastarache avec la barre. Blanchard a été frappé à la main droite et Bastarache a été frappé à la tête, du côté gauche.
[12] Bastarache et Blanchard ont quitté la cellule de Veilleux et sont retournés dans la cellule de Bastarache. Le coup avait ébranlé Bastarache, qui « titubait » ; au retour, Blanchard l'a aidé. Blanchard a fait savoir qu'il voulait du Dilaudid pour la douleur à la main. Bastarache a déclaré qu'il en voulait également. Blanchard est allé chercher le Dilaudid et a laissé Bastarache, qui était debout près de la porte de la cellule. Lorsque Blanchard est revenu, ils ont tous deux injecté le Dilaudid.
[13] Blanchard a ensuite décidé de se faire soigner pour la blessure qu'il avait subie à l'annulaire droit. Il a proposé à Bastarache de l'accompagner pour faire soigner sa blessure à la tête, mais Bastarache a répondu qu'il n'y avait pas de problème. Blanchard ne se rappelle pas si Bastarache était debout ou assis lorsqu'il a quitté la cellule de celui-ci. Il était 22 h lorsque Blanchard s'est rendu au poste de contrôle principal pour signaler sa blessure. Il a déclaré s'être coupé au doigt [TRADUCTION] « en tombant près de la clôture qui entoure le champ de baseball » . L'agent de correction W. Croft a accompagné Blanchard à l'infirmerie. Étant donné que Blanchard avait besoin de points de suture, il a été transporté, à 22 h 30, au All Saints Hospital, à Springhill. On l'a retourné à l'établissement à 0 h 01. On ne sait pas quel agent a accompagné Blanchard à l'hôpital.
[14] Lorsqu'il s'est réveillé peu de temps avant 10 h le lendemain matin, Blanchard est allé voir Bastarache; il voulait savoir si Bastarache était dans sa cellule ou à l'infirmerie. Bastarache était couché et Blanchard n'a pas pu le réveiller. Blanchard a immédiatement signalé l'état de Bastarache.
[15] L'agent de correction Allan Angus Hunter (Hunter) et un autre agent de correction se sont rendus à la cellule de Bastarache. Ils ont d'abord regardé dans la cellule pour voir s'il semblait y avoir quelque chose d'anormal et Hunter a ensuite frappé à la porte. N'ayant pas obtenu de réponse, Hunter a [TRADUCTION] « crié » le nom de Bastarache. Étant donné qu'il n'y avait toujours pas de réponse, Hunter est entré dans la cellule et a donné un coup sur le cadre du lit avec sa botte. Il n'y avait toujours pas de réponse. Hunter s'est ensuite rendu à la tête du lit. Il a remarqué qu'il y avait du sang sur l'oreiller, sous la tête de Bastarache (Blanchard a témoigné qu'il y avait du sang partout - dans toute la cellule et sur tous les draps). Hunter a retourné Bastarache et a remarqué que ses cheveux étaient couverts de sang et qu'il avait une blessure à la tête. Hunter a fait venir une civière et l'on a immédiatement fait sortir Bastarache de la cellule sur la civière. Hunter a verrouillé la porte de la cellule et l'a capitonnée et il s'est ensuite présenté à son superviseur. À ce moment-là, Hunter ne savait pas que Bastarache avait été victime d'une agression. Il a immédiatement rédigé un rapport d'observation.
[16] On a d'abord amené Bastarache à l'infirmerie de l'établissement, et de là au All Saints Hospital pour évaluation. La blessure au crâne a été diagnostiquée et Bastarache a été transféré au Region 1 Hospital Corporation, au Nouveau-Brunswick, (l'hôpital de Moncton) où il a subi une intervention chirurgicale. Il a reçu son congé de l'hôpital dix jours plus tard et a été transféré au pénitencier de Dorchester.
[17] Bastarache allègue que la défenderesse a manqué à l'obligation de diligence qu'elle avait envers lui en omettant de découvrir en temps opportun qu'il était blessé et qu'il avait besoin d'être soigné immédiatement.
[18] La responsabilité délictuelle de l'État existe par suite de l'article 3 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50, dans sa forme modifiée. Cette disposition est ainsi libellée :
3. En matière de responsabilité, l'État est assimilé à une personne pour : a) dans la province de Québec : (i) le dommage causé par la faute de ses préposés, (ii) le dommage causé par le fait des biens qu'il a sous sa garde ou dont il est propriétaire ou par sa faute à l'un ou l'autre de ces titres; b) dans les autres provinces : (i) les délits civils commis par ses préposés, (ii) les manquements aux obligations liées à la propriété, à l'occupation, à la possession ou à la garde de biens. |
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3. The Crown is liable for the damages for which, if it were a person, it would be liable (a) in the Province of Quebec, in respect of (i) the damage caused by the fault of a servant of the Crown, or (ii) the damage resulting from the act of a thing in the custody of or owned by the Crown or by the fault of the Crown as custodian or owner; and (b) in any other province, in respect of (i) a tort committed by a servant of the Crown, or (ii) a breach of duty attaching to the ownership, occupation, possession or control of property. |
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[19] Il s'agit d'une responsabilité du fait d'autrui. Dans le présent contexte, il faut établir qu'un agent du pénitencier, agissant dans l'exercice de ses fonctions, a fait (ou a omis de faire) ce qu'une personne raisonnable occupant le même poste n'aurait pas fait (ou aurait fait), créant ainsi un risque prévisible de préjudice pour le détenu, de sorte qu'il y avait responsabilité : Timm c. Canada, [1965] R.C.É. 174; Coumont c. Canada (Service correctionnel) (1994) 77 F.T.R. 253 (1re inst.); Iwanicki v. Ontario (Minister of Correctional Services) (2000), O.T.C. 181 (Sup. Ct. Jus.).
[20] L'exploitation du système correctionnel fédéral est régie par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC) et par le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le Règlement) pris conformément à cette loi.
[21] Le but du système correctionnel fédéral est énoncé comme suit à l'article 3 de la LSCMLC :
3. Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité, d'une part, en assurant l'exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d'autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois. |
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3. The purpose of the federal correctional system is to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by (a) carrying out sentences imposed by courts through the safe and humane custody and supervision of offenders; and (b) assisting the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law-abiding citizens through the provision of programs in penitentiaries and in the community. |
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[22] Les principes législatifs servant à guider le Service correctionnel du Canada (SCC) dans l'exécution du mandat susmentionné qui sont ici pertinents sont énoncés aux alinéas 4d) et e) de la LSCMLC, qui sont ainsi libellés :
4. Le Service est guidé, dans l'exécution de ce mandat, par les principes qui suivent :
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4. The principles that shall guide the Service in achieving the purpose referred to in section 3 are
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d) les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible; |
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(d) that the Service use the least restrictive measures consistent with the protection of the public, staff members and offenders; |
e) le délinquant continue à jouir des droits et privilèges reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée; |
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(e) that offenders retain the rights and privileges of all members of society, except those rights and privileges that are necessarily removed or restricted as a consequence of the sentence;
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[23] Comme il en a ci-dessus été fait mention, la défenderesse concède l'existence d'une obligation de diligence. Le contenu de l'obligation est bien établi. Les autorités carcérales sont tenues de faire preuve d'une diligence raisonnable à l'égard de la santé et de la sécurité des détenus qui sont sous garde : Timm, précité; Abbott c. Canada (1993), 64 F.T.R. 81 (1re inst.); Oswald c. Canada (1997) 126 F.T.R. 281 (1re inst.). En examinant l'obligation de diligence, il faut tenir compte des circonstances de l'événement : Scott c. Canada, [1985] A.C.F. no 35 (1re inst.). La probabilité que se produise l'événement créant le risque constitue une considération importante en ce qui concerne la prévisibilité de ce risque. Il ne s'agit pas de savoir s'il existe une obligation de diligence, mais si, par ses actes ou omissions, la défenderesse a omis de satisfaire à la norme de conduite applicable à la personne raisonnable qui fait preuve de la prudence ordinaire eu égard aux circonstances : Russell c. Canada 2000 BCSC 650, [2000] B.C.J. no 848; Hodgin c. Canada (Solliciteur général) (1998), 201 N.B.R. (2d) 279 (B.R. 1re inst.), confirmé par [1999] A.N.B. no 416 (C.A.).
[24] Il s'agit donc de savoir s'il a été satisfait à la norme dans ce cas-ci. Le demandeur affirme qu'il n'y a pas été satisfait, alors que la défenderesse affirme le contraire. Il faut en premier lieu examiner ce que SCC fait normalement dans un établissement fédéral à sécurité moyenne (en particulier entre 22 h et 10 h) et, en second lieu, ce qui a été fait dans ce cas-ci.
[25] Avant de continuer, je dois examiner l'une des contradictions décelées dans la preuve. J'ai déjà fait remarquer que l'agent de correction Hunter avait témoigné être entré dans la cellule de Bastarache le 25 juin au matin et avoir remarqué du sang sur l'oreiller de Bastarache. Hunter a affirmé n'avoir remarqué le sang que lorsqu'il se tenait au-dessus de Bastarache. Il a déclaré qu'il y avait à peu près un pouce ou deux pouces de sang qui était visible, lorsqu'il [TRADUCTION] « [s]e tenai[t] juste au-dessus de Bastarache en le regardant » . Lorsqu'il a retourné Bastarache, Hunter a constaté que la tache de sang, sur l'oreiller, mesurait à peu près [TRADUCTION] « six pouces, soit la taille d'une petite assiette » . Cela va à l'encontre de la preuve de Blanchard, qui a dit qu'il y avait du sang partout sur les draps et dans la cellule.
[26] Je retiens la preuve de Hunter plutôt que celle de Blanchard. En effet, Blanchard avait consommé une grande quantité de drogue la veille pendant la journée et pendant la soirée; il admettait avoir [TRADUCTION] « mal aux cheveux » ; l'agent de sécurité préventive à l'établissement a noté dans son rapport du 25 juin que Blanchard avait avoué avoir été « high » ce jour-là (le 25 juin) après avoir pris du Valium ainsi que du Tylenol pour combattre la douleur. L'agent de correction Hunter a donné une description précise : son rapport d'observation (rédigé dès qu'il a quitté la cellule de Bastarache) est conforme à son témoignage, et il a verrouillé la porte de cellule [TRADUCTION] « par mesure de prudence » . Il n'est fait mention dans aucun des trois rapports médicaux du sang dont était couvert Bastarache, mais il est clair qu'on a immédiatement amené Bastarache directement à l'infirmerie. De plus, dans le rapport de l'hôpital de Moncton, il est déclaré que la plaie de Bastarache était contaminée par une grande quantité de cheveux, qu'il avait fallu la nettoyer et que [TRADUCTION] « la quantité de sang perdu était négligeable, et [qu']il n'y avait pas eu de transfusion » .
[27] Je poursuis mon analyse relative à l'obligation de diligence en me fondant sur le fait qu'il n'y avait pas de sang [TRADUCTION] « partout » . Il y avait plutôt du sang sur l'oreiller de Bastarache, comme l'a mentionné Hunter.
[28] La population carcérale, à l'établissement de Springhill (Springhill), s'élève à environ trois cents cinquante délinquants. Cet établissement sert également de centre régional de réception pour les nouveaux détenus qui entrent dans le système correctionnel fédéral.
[29] Les détenus qui doivent purger leur peine à Springhill sont affectés à une unité de logement. Chaque unité de logement est composée de six rangées occupant deux niveaux. Chaque rangée renferme dix-sept cellules. Il y a donc environ cent deux détenus dans chaque unité de logement. Les cellules mesurent environ douze pieds sur huit et les portes des cellules ont une petite fenêtre en verre. Chaque détenu occupe une cellule. Les détenus protègent leurs cellules et les considèrent comme leurs « maisons » . Les six rangées au sein de l'unité de logement sont visibles depuis un poste de contrôle à partir duquel les portes des cellules peuvent être verrouillées et déverrouillées. Les détenus n'occupent pas le poste de contrôle.
[30] À Springhill, on procède chaque jour à un dénombrement officiel à quatre reprises, à savoir tôt le matin, juste avant le déjeuner, immédiatement après le souper et lorsque les détenus sont isolés dans leurs cellules (vers 22 h 20). Les détenus doivent être dans leurs cellules au moment du dénombrement officiel et les portes des cellules sont alors verrouillées. Après que les détenus ont été isolés dans leurs cellules, à 22 h 20, les portes des cellules demeurent verrouillées jusqu'à 7 h le lendemain matin. Normalement, les détenus verrouillent la porte de leur cellule, mais ils ne peuvent pas l'ouvrir. Un agent de correction ouvre les cellules, habituellement depuis le poste de contrôle. Une fois déverrouillées, les portes des cellules demeurent ouvertes à moins qu'un détenu ne verrouille la porte de sa cellule. En plus du dénombrement officiel, on procède à des dénombrements non officiels.
[31] Pendant la journée, on procède à un dénombrement non officiel à peu près à chaque heure et l'on compte alors le nombre de détenus dans les divers secteurs de l'établissement sans interrompre les activités qui y ont lieu et sans gêner l'exploitation de l'établissement. Pendant le quart de nuit (de 23 h à 7 h), l'agent de correction qui est de service au sein de l'unité procède à un dénombrement à chaque heure.
[32] Le jour et le soir (jusqu'au quart de nuit), au moins trois agents de correction sont présents dans l'unité de logement. Ces agents sont normalement dans le bureau de l'unité de logement et les détenus peuvent aller les voir au bureau, ou ils peuvent communiquer avec les agents lorsque ceux-ci effectuent leurs tournées dans la rangée. Pendant le quart de nuit, il y a un seul agent dans l'unité. Cet agent, après avoir effectué sa tournée horaire, actionne une horloge enregistreuse dans chaque rangée et fait un appel pour signaler que « tout se passe bien » .
[33] Pendant le quart de nuit, l'agent de correction qui procède au dénombrement horaire vérifie l'intérieur de chaque cellule. Il s'assure de la présence du détenu et vérifie s'il y a des signes de détresse ou s'il y a des indications montrant qu'il se passe quelque chose d'anormal, ou qu'il se pose peut-être un problème. L'agent utilise un type particulier de lampe de poche qui illumine toute la cellule. Si un détenu ne semble pas « normal » , l'agent donne un coup de pied sur la porte pour s'assurer que le détenu se porte bien. L'agent de correction doit obtenir l'autorisation d'un superviseur correctionnel pour entrer dans une cellule pendant le quart de nuit. Il incombe à l'agent de correction affecté au quart de nuit de veiller à ce que les portes des cellules soient verrouillées. Hunter a témoigné que lorsqu'il était affecté au quart de nuit, il avait l'habitude de vérifier si les portes des cellules étaient verrouillées en effectuant sa première tournée. Il ne vérifiait pas les portes des cellules à chaque tournée par la suite parce que le bruit qu'il ferait pourrait troubler le sommeil des détenus. Un agent de correction (s'il n'y a rien d'anormal) peut procéder au dénombrement horaire en deux ou trois minutes pendant le quart de nuit.
[34] Certaines directives du commissaire traitent du dénombrement des détenus. Les établissements individuels promulguent des ordres permanents qui renferment des renseignements supplémentaires propres à l'établissement.
[35] L'événement ici en cause s'est produit en fin de semaine. Les dénombrements officiels et non officiels ne changent pas en fin de semaine, mais l'atmosphère générale de l'établissement est un peu plus relâchée parce que les détenus n'ont pas à se présenter au travail. Pendant la semaine, la plupart des détenus se lèvent à 7 h; ils vont déjeuner et se présentent au travail à 8 h. Les détenus ne travaillent pas pendant la fin de semaine et un grand nombre d'entre eux choisissent de dormir le samedi et le dimanche matin au lieu de se lever et d'aller déjeuner.
[36] On aurait procédé au dernier dénombrement officiel, à Springhill, le 24 juin, quelques minutes après que Blanchard eut quitté la cellule de Bastarache. Comme il en a ci-dessus été fait mention, Blanchard ne se rappelait pas si Bastarache était debout ou assis lorsqu'il l'a quitté. En ce qui concerne les dénombrements effectués pendant le quart de nuit, l'imprimé du système de poinçon électronique Deister indique que les dénombrements ont été effectués toutes les heures entre 23 h, le 24 juin, et 7 h le 25 juin 1995.
[37] Monsieur Bastarache soutient que la conduite des agents de correction, à Springhill, ne satisfaisait pas une norme raisonnable de diligence. Il a mentionné diverses dispositions de la LSCMLC et plus précisément les articles 3, 4, 5, 6 et 70 et il a soutenu que SCC est non seulement tenu d'appliquer les peines infligées aux détenus, mais qu'il doit aussi assurer la santé, la sécurité et le bien-être des détenus. Monsieur Bastarache déclare que les agents de correction qui procèdent aux dénombrements pendant la nuit et qui effectuent notamment la vérification officielle lorsque les détenus sont isolés dans leurs cellules s'assurent simplement que [TRADUCTION] « chaque personne est en vie » . Les dénombrements sont effectués à la hâte, en moins de deux minutes. Il s'agit fondamentalement de compter les détenus. Il est affirmé qu'il existe une obligation de veiller à ce qu'il y ait des mécanismes suffisants permettant de respecter l'obligation concernant le bien-être des détenus.
[38] Monsieur Bastarache a comparé la relation existant entre les autorités carcérales et les détenus à celle qu'entretient un parent avec son enfant et il a affirmé que les détenus sont entièrement à la merci de SCC lorsqu'il s'agit de satisfaire à leurs besoins. Il n'est pas allé jusqu'à dire qu'il s'agissait d'une relation fiduciaire, mais il a soutenu qu'il s'agit d'une relation s'en rapprochant. Plus les autorités de SCC ont connaissance de la violence, de la crainte, des armes, des drogues et des activités de bande et ainsi de suite, qui existent dans les établissements, plus l'obligation qui leur incombe et la norme de diligence qu'elles doivent respecter sont rigoureuses.
[39] Monsieur Bastarache note que le quart de nuit représente le tiers de la journée des détenus et il affirme qu'il existe une obligation d'assurer la sécurité des détenus au cours de cette période. Il déclare qu'il faut adopter une attitude plus active pour assurer le bien-être des détenus lorsqu'ils sont isolés dans leurs cellules. On pourrait avoir recours à divers mécanismes ou à diverses pratiques, par exemple à un dénombrement debout. Monsieur Bastarache maintient que, selon la meilleure preuve disponible, il était blessé à 22 h, le 24 juin, et que sa blessure était visible. En outre, il avait les facultés affaiblies et une rapide inspection visuelle aurait révélé qu'il ne se portait pas bien. Si les agents s'étaient bien acquittés de leur tâche, ils se seraient rendu compte de son état. On n'a cherché à l'aider qu'à 10 h le 25 juin. Il est affirmé que pareille omission ne répond pas à la norme de diligence requise.
[40] Pour les motifs ci-dessous énoncés, je conclus que le demandeur ne s'est pas acquitté de l'obligation d'établir un manquement à l'obligation de diligence de la part des autorités, à Springhill.
[41] La preuve révèle qu'en dépit de l'esprit de la LSCMLC et des efforts des autorités de SCC, les détenus se livrent à des activités illicites et illégales et, entre autres choses, qu'ils consomment des drogues et en font le commerce. Des actes de violence sont commis, même si cela n'arrive pas fréquemment. Les détenus font tout leur possible pour cacher leurs activités illicites ainsi que les actes de violence. Ils cherchent à cacher leurs blessures pour deux raisons : à savoir, éviter d'attirer l'attention sur les causes de leurs blessures (qui pourraient être attribuables à une activité illégale et révéler pareille activité) et éviter d'attirer l'attention sur les personnes en cause (ce qui serait considéré comme une dénonciation et pourrait donner lieu à d'autres représailles).
[42] Monsieur Bastarache était de toute évidence mêlé à des activités liées à la drogue pendant qu'il était incarcéré dans un établissement fédéral. Il a plaidé coupable à une accusation de possession de plusieurs morceaux de hasch au mois de mai 1995 et à une accusation de possession de stupéfiants en 1992. Il est également clair que M. Bastarache connaissait le système correctionnel fédéral et son fonctionnement. Selon la preuve qu'il a présentée, M. Bastarache éviterait de signaler une blessure et tenterait de la cacher aux autorités carcérales s'il estimait qu'elle ne mettait pas sa vie en danger. Monsieur Bastarache avait déjà été victime d'une agression sérieuse, au mois de janvier de cette année-là, et il a cherché à se faire soigner deux jours plus tard seulement. Il a alors menti au sujet de la cause de sa blessure et il a affirmé avec insistance qu'il était tombé dans l'escalier.
[43] La preuve révèle également que M. Bastarache avait sa connaissance après l'agression, qu'il se tenait debout dans sa cellule, qu'il était en mesure de demander et de prendre d'autres drogues, que Blanchard lui a conseillé de se faire soigner, mais qu'il a refusé et qu'il a affirmé avec insistance qu'il se portait bien. Le lendemain matin, il semblait dormir dans son lit. Sa blessure n'était pas immédiatement visible parce qu'il était couché du côté de la blessure.
[44] Contrairement à ce que M. Bastarache a affirmé, la blessure n'était pas [TRADUCTION] « évidente » . Monsieur Bastarache était blessé au-dessus de l'oreille gauche et ses cheveux cachaient en partie la blessure; de plus, il ne saignait pas abondamment.
[45] Rien ne donne à entendre que, dans les quelques minutes qui ont suivi le départ de Blanchard de la cellule, M. Bastarache eût semblé visiblement en détresse. Il n'y a pas d'inscription dans le registre de l'unité de logement au sujet de M. Bastarache pour le 24 juin. Les notes qui ont été consignées le 25 juin sont ainsi libellées :
[TRADUCTION] Note de l'agent -
D-17 Bastarache - on l'a amené à l'hôpital pour faire examiner une blessure au-dessus de l'oreille - voir le rapport d'observation, à 10 h.
J. Hunter
Sur les ordres de C. Stonehouse, R. McSavaney et John Hunter ont ouvert la cellule de Bastarache pour vérifier s'il y avait du sang. La cellule a été fermée; elle a été cadenassée et capitonnée.
R. McSavaney
15 h
[46] Ni M. Coon (qui avait travaillé pendant trente et un ans dans le système correctionnel) ni M. Hunter (qui avait travaillé pendant vingt-trois ans dans ce système) n'étaient au courant de quelque autre incident au cours duquel on aurait découvert, le matin, qu'un détenu était blessé par suite d'un incident qui s'était produit la veille au soir.
[47] Entre 22 h 20 le 24 juin et 10 h le 25 juin, au moins trois agents de correction différents ont vu M. Bastarache au moins neuf fois. On n'a remarqué aucun signe visible de détresse. On n'a rien remarqué qui eût indiqué un problème ou une blessure.
[48] Compte tenu de la preuve, il peut avec raison être inféré que quelques minutes après que Blanchard eut quitté la cellule, M. Bastarache, qui espérait éviter d'être découvert, a verrouillé la porte de sa cellule et est allé se coucher. Lorsque les agents de correction ont procédé aux dénombrements, M. Bastarache semblait dormir paisiblement et rien ne permettait de croire qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas. En alléguant qu'un rapide examen seulement est effectué lorsque les détenus sont isolés dans leurs cellules et lorsque l'on procède aux dénombrements pendant le quart de nuit, M. Bastarache omet de reconnaître que les agents de correction ont reçu une formation et qu'on leur a enseigné ce qu'ils doivent vérifier lorsqu'ils font leurs tournées.
[49] Les agents de correction doivent faire preuve d'une diligence raisonnable à l'égard des risques raisonnables dont ils devraient être au courant. On n'exige pas que les agents soient parfaits ou infaillibles. Il suffit qu'ils prennent des mesures raisonnables et adéquates eu égard aux circonstances. Compte tenu des faits susmentionnés, je ne crois pas que les actes ou omissions ici en cause ne respectent pas la norme à laquelle une personne raisonnable faisant preuve de la prudence ordinaire se conformerait eu égard aux circonstances.
[50] Toutefois, cela ne règle pas pour autant l'affaire et j'examinerai maintenant la deuxième contradiction décelée dans la preuve. Blanchard a témoigné que, lorsqu'il est revenu de l'hôpital à minuit, il a demandé à l'agent qui l'accompagnait d'aller voir Bastarache. Si c'était vraiment le cas, cela pourrait bien influer sur ma conclusion. Or, pour diverses raisons, j'ai conclu que le témoignage de Blanchard sur ce point n'est pas digne de foi. Premièrement, Blanchard a hésité lorsqu'il s'est agi de dire où il était et ce qu'il avait censément dit à l'agent. Dans une lettre non datée adressée « à qui de droit » , voici ce qu'il a déclaré :
[TRADUCTION] Lorsque le médecin suturait mon doigt, je ne suis rendu compte qu'une blessure à la tête pouvait être sérieuse; j'ai donc demandé aux gardes d'appeler à la prison et de demander que l'on aille voir Ronny. Il avait été frappé à la tête. J'ai dit cela parce que le médecin savait que je mentais lorsque j'affirmais que j'étais tombé dans la cour et que mon doigt s'était pris sous une clôture. J'ai dit aux gardes que quelqu'un nous avait attaqués avec une barre. Lorsque je suis arrivé à l'établissement de Springhill vers minuit, j'ai essayé de me rendre dans la rangée de Ronny pour voir comment il allait. Les gardes m'ont dit que c'était l'heure d'aller dans ma cellule et qu'il allait bien.
[51] En témoignant à l'instruction, Blanchard a déclaré qu'il [TRADUCTION] « ne leur a[vait] pas dit [aux agents] qu'il [Bastarache] avait été frappé avec une tige » , qu'il [TRADUCTION] « leur a[vait] simplement demandé d'aller le voir » . Lorsqu'il a été interrogé au sujet du fait qu'il avait changé d'histoire, Blanchard a réitéré qu'il n'avait pas dit aux gardes que Bastarache avait été frappé.
[52] En outre, dans une lettre qu'il a envoyée à Bastarache dix jours après l'incident, Blanchard a raconté ce qui s'était produit dans les moindres détails. Or, dans la lettre, il ne mentionne pas avoir fait pareille déclaration aux agents. Pendant le contre-interrogatoire, Blanchard a admis que, s'il avait fait la déclaration en question aux agents de correction, il en aurait probablement fait mention dans sa lettre.
[53] Blanchard ne sait pas quels agents l'ont accompagné à l'hôpital de Springhill ou combien d'agents l'ont accompagné. Le registre de l'unité renferme l'inscription suivante au sujet de Blanchard :
[TRADUCTION] Blanchard (B-11) s'est coupé à la main (ou aux doigts); il s'est rendu à l'hôpital pour avoir des points de suture à 22 h 30 et est revenu vers 0 h 10. Il veut que l'on note qu'il aura besoin d'autres comprimés Tylenol 3 pour la douleur demain matin.
L. Ammingon
Blanchard ne se rappelle pas avoir demandé du Tylenol. À part ce dont il a déjà été fait mention, le registre ne renferme aucune note au sujet de Bastarache.
[54] Blanchard, qui avait menti au sujet de la cause de sa blessure le 24 juin, a encore une fois menti le lendemain lorsqu'il a rencontré l'agent de sécurité préventive à l'établissement. Toutefois, il ne se rappelle pas l'entretien. Or, je crois que si Blanchard avait informé les agents de la blessure subie par Bastarache, comme il a été allégué, il n'y aurait plus eu aucune raison de mentir. Blanchard a également initialement affirmé avoir essayé de réveiller Bastarache entre 7 h et 7 h 30 le 25 juin. Après avoir réfléchi à la question, il a décidé qu'il l'avait probablement fait vers 10 h.
[55] Blanchard a raconté qu'il regrettait ne pas avoir cherché à venir davantage en aide à Bastarache le soir où celui-ci avait été blessé. Il a reconnu ne s'être jamais plaint aux autorités carcérales de ce que les agents de correction n'avaient rien fait après qu'il leur eut apparemment demandé d'aller voir Bastarache.
[56] Il importe de noter que les observations ci-après énoncées de Blanchard, le 24 juin au soir, ont été consignées par l'agent de correction W. Croft dans son rapport d'observation. Blanchard semblait parler [TRADUCTION] « rapidement et parfois d'une façon incohérente et [qu']il divaguait » . Il a également été noté que [TRADUCTION] « ses pupilles étaient extrêmement dilatées [...] [qu'il avait] dans une certaine mesure du mal à se tenir en équilibre » et qu'il [TRADUCTION] « ne semblait pas éprouver de douleur » . Lorsqu'il a témoigné, Blanchard a déclaré qu'il [TRADUCTION] « était passablement " high " » .
[57] Il est certain qu'à minuit, le soir en question, la perception de Blanchard était sérieusement affaiblie. Il importe de répéter qu'il ne se rappelle pas avoir demandé du Tylenol. Je conclus que la déclaration qu'il a faite, à savoir qu'il avait informé les agents de correction de l'état de Bastarache, est peu digne de foi et invraisemblable. Selon toute probabilité, il s'agit d'une déclaration inventée après coup pour appuyer les allégations de son ami. Je ne modifierai donc pas ma conclusion antérieure.
[58] Il est certain qu'il s'agit d'un malencontreux incident dont les répercussions ont été fort néfastes pour M. Bastarache. Toutefois, je ne puis conclure que la défenderesse a manqué à son obligation de diligence. Les actes ou les omissions des membres du personnel ou des agents, à l'établissement de Springhill, ne présentaient aucun risque prévisible ou déraisonnable de préjudice pour M. Bastarache. La conclusion que je tire sur ce point porte un coup fatal à l'action du demandeur. L'action sera rejetée avec dépens, le montant y afférent étant fixé à 1 500 $ en tout et devant être payé à la défenderesse par le demandeur. Une ordonnance en ce sens sera rendue.
« Carolyn A. Layden-Stevenson »
Juge
Ottawa (Ontario),
le 15 décembre 2003
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1300-97
INTITULÉ : RONALD L. BASTARACHE
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : Moncton (Nouveau-Brunswick)
DATE DE L'AUDIENCE : du 1er au 3 décembre 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE : la juge Layden-Stevenson
DATE DES MOTIFS : le 15 décembre 2003
COMPARUTIONS :
Randy Maillet POUR LE DEMANDEUR
Scott McCrossin POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Randy Maillet POUR LE DEMANDEUR
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Morris Rosenberg POUR LA DÉFENDERESSE
Sous-procureur général du Canada
Halifax (Nouvelle-Écosse)