Date : 20030813
Dossier : IMM-3462-02
Référence : 2003 CF 976
Toronto (Ontario), le 13 août 2003
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
KANTILAL PATEL
KAPILABEN PATEL
GAURAVKUMAR PATEL
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Monsieur Kantilal Patel, sa conjointe, Kapilaben Patel, et leur fils, Gauravkumar Patel, (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision prise par l'agente d'immigration M. Correia (l'agente). Dans cette décision en date du 31 mai 2002, l'agente a refusé la demande que les demandeurs avaient présentée en vue d'être admis au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire (la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire).
[2] Les demandeurs sont citoyens de l'Inde. Le 26 janvier 2001, ils ont perdu leur maison et leurs effets personnels à la suite d'un tremblement de terre qui est survenu dans la province de Gujerat, en Inde. À la suite d'une demande qui a été faite au mois de mars 2001 au Haut-commissariat du Canada, à New Delhi, les demandeurs ont obtenu du ministre des permis les autorisant à entrer au Canada à titre de visiteurs pour une période de six mois. Les demandeurs sont arrivés au Canada au mois d'avril 2001 en leur qualité de visiteurs. Au Canada, ils résidaient avec un membre de la famille.
[3] Au mois d'août 2001, les demandeurs ont soumis une demande d'établissement depuis le Canada en invoquant des raisons d'ordre humanitaire, conformément au paragraphe 114(2) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (l'ancienne Loi). Les demandeurs ont cherché à être dispensés de l'exigence habituelle voulant que la demande de résidence permanente soit faite à l'extérieur du Canada.
[4] Par une lettre en date du 31 mai 2002, l'agente a refusé la demande visant l'obtention d'une dispense et a refusé la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. Cette décision a été prise sans qu'une entrevue soit accordée aux demandeurs.
[5] Les motifs de la décision de l'agente sont énoncés dans les notes que celle-ci a dactylographiées, lesquelles sont intitulées [TRADUCTION] « Décision et fondement de la décision relative au refus de faire droit à la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire » en date du 31 mai 2002. Ces notes sont en partie ainsi libellées :
[TRADUCTION] J'ai examiné tous les documents qui ont été versés au dossier au sujet de la perte de leur maison; je déplore la destruction de leur maison. Je ne suis toutefois pas convaincue qu'ils ne soient pas rentrés en possession de leur maison ou qu'il ne soit pas possible de la reconstruire. De plus, les demandeurs ont mentionné que leur famille, au Canada, subvient à leurs besoins sur le plan financier. Il est donc raisonnable de supposer que ces parents les appuieraient financièrement s'ils retournaient en Inde et les aideraient à se remettre.
Les demandeurs affirment également souffrir sur le plan émotif et être traumatisés par les épreuves auxquelles ils ont fait face par suite du tremblement de terre. Ils ont consulté un psychiatre et ont obtenu une évaluation psychiatrique qui révèle, entre autres choses, que « si le fils devait quitter le Canada, cela représenterait une grave perte et pourrait être fort traumatisant [...] cela pourrait constituer une autre expérience traumatisante pour lui et pourrait occasionner des problèmes émotifs dans l'avenir » . J'ai lu et examiné l'évaluation du docteur Baruch; or, avec égards, je ne suis pas convaincue que l'analyse et l'évaluation qu'il a effectuées soient déterminantes en ce qui concerne les raisons d'ordre humanitaire.
[6] Les demandeurs contestent maintenant la décision de l'agente en invoquant un manquement à l'équité procédurale, l'omission de tenir compte de la preuve et une appréciation inappropriée de l'intérêt du fils mineur, Gauravkumar. Il est inutile d'examiner les arguments que les demandeurs ont soumis au sujet de la première question; en effet, compte tenu de la preuve versée au dossier du tribunal et des motifs énoncés par l'agente, je suis convaincue que les demandeurs ont démontré que l'agente avait commis une erreur susceptible de révision à l'égard de l'enfant mineur.
[7] Dans ses notes, l'agente mentionne l'enfant et l'avis du psychiatre qui a évalué celui-ci. Toutefois, il n'est pas établi que l'agente ait examiné la question des répercussions possibles, pour cet enfant, d'une décision défavorable qui serait prise au sujet des raisons d'ordre humanitaire. L'agente s'est apparemment contentée de reconnaître l'existence de cet enfant et de tenir compte du fait que la famille avait fait l'objet d'une évaluation psychiatrique.
[8] À mon avis, l'agente n'a pas satisfait à la norme récemment énoncée dans l'arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.), où la Cour d'appel fédérale a fait les remarques suivantes, aux paragraphes 11 et 12 :
[11] La Cour suprême, dans Suresh, nous indique donc clairement que Baker n'a pas dérogé à la tradition qui veut que la pondération des facteurs pertinents demeure l'apanage du ministre ou de son délégué. Il est certain, avec Baker, que l'intérêt des enfants est un facteur que l'agent d'immigration doit examiner avec beaucoup d'attention. Il est tout aussi certain, avec Suresh, qu'il appartient à cet agent d'attribuer à ce facteur le poids approprié dans les circonstances de l'espèce. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par les agents.
[12] Bref, l'agent d'immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, précité, au paragraphe 75), mais une fois qu'il l'a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu'à son avis il mérite dans les circonstances de l'espèce. La présence d'enfants, contrairement à ce qu'a conclu le juge Nadon, n'appelle pas un certain résultat. Ce n'est pas parce que l'intérêt des enfants voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent [...]
[9] Étant donné les remarques que la Cour d'appel fédérale a faites au sujet de l'approche qu'il convient d'adopter en appréciant l'intérêt supérieur des enfants, je conclus que le fait que l'agente n'a pas utilisé cette approche constitue une erreur susceptible de révision. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent différent pour qu'il prenne à nouveau une décision.
[10] Les avocats ont fait savoir qu'il n'y avait aucune question à certifier.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un agent différent pour qu'il prenne à nouveau une décision. Il n'y a aucune question à certifier.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3462-02
INTITULÉ : KANTILAL PATEL
KAPILABEN PATEL
GAURAVKUMAR PATEL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 6 AOÛT 2003
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : Madame la juge Heneghan
DATE DES MOTIFS : LE 13 AOÛT 2003
COMPARUTIONS :
M. Michael Battista pour les demandeurs
M. Mielka Visnic pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Watson Jordan Battista
Avocats
Toronto (Ontario) pour les demandeurs
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur
COUR FÉDÉRALE
Date : 20030813
Dossier : IMM-3462-02
ENTRE :
KANTILAL PATEL
KAPILABEN PATEL
GAURAVKUMAR PATEL
demandeurs
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE