Date : 20050414
Dossier : IMM-4097-04
Référence : 2005 CF 506
Toronto (Ontario), le 14 avril 2005
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRAYER
ENTRE :
MARIA ROSA DE ALMEIDA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 31 mars 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé de reconnaître à la demanderesse la qualité de réfugiée ou celle de personne à protéger.
[2] La demanderesse est brésilienne. Elle n'était pas mariée et, en 1996, son « petit ami » (que j'appellerai son « compagnon » ) s'est installé chez elle. Ils ont vécu ensemble pendant trois ans, mais comme son compagnon a commencé à boire beaucoup et à la violenter physiquement et psychologiquement, la demanderesse lui a dit de partir. C'est ce qu'il a fait, mais il a menacé de revenir, et la demanderesse croit qu'il est effectivement revenu une fois et qu'il a tué son chien. Comme elle avait peur de vivre seule, elle s'est installée chez son frère, dans la même ville, Campinas. Après un certain temps chez lui, elle a déménagé loin de là, à Brasilia, mais son ex-compagnon y est aussi allé et a été aperçu par l'un des neveux de la demanderesse. Celle-ci s'est installée dans la ferme de son beau-frère, à Tocantins, puis est retournée à Brasilia et, ensuite, à Campinas. Elle a décidé de partir au Canada au début de 2001. Elle s'est rendue au consulat du Canada et a demandé un permis de visiteur en disant à l'agent des visas qu'elle voulait passer deux mois au Canada. Comme mari, elle a donné le nom de son ex-compagnon et a expliqué qu'il ne l'accompagnait pas au Canada parce qu'il avait trop de travail. Ces renseignements étaient évidemment faux. Une fois arrivée au Canada, elle a demandé l'asile. Elle affirme qu'elle a peur de retourner au Brésil parce qu'elle craint que son ex-compagnon la trouve et la maltraite. Elle n'a jamais dénoncé à la police les menaces et les mauvais traitements de son ex-compagnon à son endroit lorsqu'elle était au Brésil, mais elle dit que la police ne fera rien pour la protéger parce qu'elle ne s'intéresse pas beaucoup aux cas de violence conjugale.
[3] La Commission a tiré une « conclusion défavorable » quant à la crédibilité de la demanderesse en raison des faux renseignements qu'elle a fournis pour obtenir son permis de visiteur. Elle a été incapable de trouver un fondement objectif à la crainte de la demanderesse d'être retrouvée et maltraitée par son ex-compagnon compte tenu de la taille du Brésil et de l'existence de plusieurs grandes villes. Elle a écarté la possibilité qu'il retrouve la demanderesse, attribuant son succès antérieur à cet égard au fait qu'il savait où vivait sa famille et pouvait supposer que c'était là qu'elle serait. La Commission a aussi mis en doute que cet homme, qui est censé être au chômage, pourrait avoir les moyens de pourchasser la demanderesse. Elle a par ailleurs conclu que la demanderesse n'avait pas démontré comme il lui incombait qu'elle ne pourrait pas obtenir la protection de l'État. Ce faisant, elle a rappelé que la demanderesse n'avait jamais demandé la protection de la police et qu'elle n'a donc pas prouvé de façon convaincante qu'elle n'aurait pas pu obtenir cette protection. Par ailleurs, la Commission a pris note des preuves documentaires qui attestaient que, malgré des problèmes en matière de violence conjugale, la situation s'améliorait au Brésil.
[4] La demanderesse conteste la décision de la Commission en invoquant trois motifs principaux. L'avocat soutient, premièrement, qu'en tirant une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse à cause des faux renseignements qu'elle a fournis à l'agent des visas, la Commission s'est appuyée sur un élément non pertinent qui a vicié toute sa décision. Il a renvoyé à l'arrêt Fajardo c. Canada (1993), 157 N.R. 392, page 394, où la Cour d'appel a dit que l'on ne pouvait pas tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité d'un demandeur qui a menti à un agent des visas pour cacher son intention de demander l'asile une fois arrivé au Canada; elle a fait remarquer que c'est ce que feraient tous les demandeurs, sauf « une personne bien naïve » , pour obtenir rapidement un visa de visiteur leur permettant de partir pour le Canada, où ils pourraient ensuite présenter une demande d'asile en toute sécurité. Je conviens avec l'avocat qu'il n'était pas approprié de tirer une telle conclusion quant à la crédibilité de la demande d'asile. C'était une considération non pertinente et manifestement déraisonnable.
[5] Après avoir examiné attentivement l'ensemble de la décision, je ne suis cependant pas convaincu que cette erreur remette en cause la décision finale de la Commission. En effet, cette décision repose essentiellement sur la conclusion que la Commission a tirée quant à l'inexistence d'un fondement objectif à la crainte de la demanderesse et sur le fait que cette dernière n'a pas fourni suffisamment de preuves factuelles pour réfuter la présomption de la possibilité de se prévaloir de la protection de l'État. La Commission ne conteste pas sa version des événements survenus au Brésil, mais elle estime qu'ils ne constituent pas une démonstration convaincante de la probabilité de persécution future par son ex-compagnon. Par ailleurs, la Commission prend note de la preuve documentaire qui atteste que le gouvernement du Brésil se préoccupe de plus en plus de la violence faite aux femmes et qu'il existe désormais des postes de police pour femmes, des refuges pour femmes, etc. En décrivant ces éléments d'information, la Commission fait un portrait équilibré de la situation, montrant qu'elle a également tenu compte des aspects négatifs de cette situation.
[6] La demanderesse conteste notamment la décision parce que la Commission conclut à tort à l'existence d'une possibilité de refuge intérieur, à tort parce qu'elle ne précise pas l'endroit au Brésil où ce refuge serait possible. Elle invoque des décisions comme Rabbani c. Canada (1997), 125 F.T.R. 141, où la Cour a dit qu'on ne pouvait pas affirmer qu'une personne recherchée en Afghanistan par une importante faction belligérante a une possibilité de refuge intérieur à moins que la Commission puisse préciser la région qui serait sûre pour elle à titre permanent, la situation évoluant constamment en raison des gains et des pertes de territoire par les différentes factions. Dans sa description des questions en litige, la Commission indique que l'une de ces questions est la possibilité de refuge intérieur, mais elle n'en fait plus mention par la suite. Elle conclut plutôt que, compte tenu de lataille du Brésil et de son nombre d'habitants ainsi que du fait que la demanderesse ne craint qu'une seule personne dans tout le pays, il n'y a pas de motifs objectifs suffisants pour étayer sa crainte de persécution ou de mauvais traitements.
[7] La demanderesse conteste évidemment la façon dont la Commission a évalué les éléments de preuve objectifs quant à l'existence de la protection de l'État. Je ne peux pas affirmer que la Commission a tiré ses conclusions de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.
Je rejetterai donc la demande de contrôle judiciaire.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire.
« B.L. Strayer »
Juge suppléant
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4097-04
INTITULÉ : MARIA ROSA DE ALMEIDA
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
défendeur
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 13 AVRIL 2005
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE STRAYER
DATE DES MOTIFS : LE 14 AVRIL 2005
COMPARUTIONS :
Michael Korman POUR LA DEMANDERESSE
Neeta Logsetty POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Otis & Korman
Avocats
Toronto (Ontario) POUR LA DEMANDERESSE
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada POUR LE DÉFENDEUR