Date: 1980120
Dossier: T-487-97
AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,
L.R.C. (1985), ch. C-29
ET l'appel de la décision
du juge de la citoyenneté
ET
KWOK NING ARTHUR CHAN,
appelant.
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE GIBSON :
[1] Cet appel a été entendu devant moi à Toronto (Ontario) le 19 janvier 1998. L'appelant interjette appel contre une décision par laquelle le juge de la citoyenneté a rejeté, le 6 mars 1997, la demande qu'il avait présentée en vue d'obtenir la citoyenneté pour le motif qu'il ne remplissait pas les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Dans sa décision, le savant juge de la citoyenneté a notamment dit ceci :
[TRADUCTION] |
J'ai tenu compte des éléments suivants : |
- M. Chan a étudié à l'école secondaire Northview Heights, à North York, de 1983 jusqu'à ce qu'il obtienne son diplôme, en 1986; |
- M. Chan est revenu au Canada à titre de résident permanent le 12 août 1992. Ses parents et son frère, Eric, l'accompagnaient. Eric est un citoyen canadien (depuis 1996); |
- Le 23 août 1992, M. Chan est retourné à l'université de l'Arizona. En 1989, il s'est inscrit à plein temps au programme de baccalauréat ès sciences, en se spécialisant en génie informatique. Il a obtenu son diplôme en août 1993; |
- Pendant ses études, M. Chan a visité sa famille pendant les vacances, lorsqu'il n'y avait pas de cours, pendant 52 jours en tout. Les parents de M. Chan ont une maison, au 61, Southgate Crescent, Richmond Hill, depuis 1992; |
- M. Chan possède les documents habituels : carte d'assurance sociale et carte d'assurance-maladie; cartes de crédit bancaire, comptes bancaires actifs, permis de conduire de l'Ontario (délivré le 29 novembre 1995), etc.; |
- En 1993, M. Chan a acheté une Toyota Camry 1993 chez Scarborough Lexus Toyota; |
- M. Chan a produit ses déclarations de revenu en 1994 et en 1995, et a déclaré un revenu tiré d'un emploi à l'étranger; |
- Après qu'il eut obtenu son baccalauréat ès sciences, M. Chan a essayé en vain de trouver un emploi au Canada, comme le montrent quatre lettres qui ont été versées au dossier; |
- En avril 1994, M. Chan a quitté le Canada pour se rendre aux États-Unis. Il a obtenu un poste de stagiaire chez Current Logic Systems, Inc., à Fremont (Californie). Une lettre datée du 22 août 1996 qui a été versée au dossier montre qu'il travaille encore à cet endroit; |
- Du 14 avril 1994 au 2 septembre 1995 (dernière absence signalée), M. Chan a visité sa famille à trois reprises pendant 31 jours en tout. |
Compte tenu des éléments susmentionnés, j'ai conclu que le Canada n'est pas l'endroit où M. Chan "habite régulièrement, normalement et habituellement". |
[2] La lettre de décision qui a été envoyée à l'avocat de l'appelant, dont la date est postérieure d'environ cinq jours à celle qui figure sur le document intitulé : "Décision" duquel le passage précité est tiré, n'indiquait pas les éléments de preuve que j'ai cités, mais elle informait l'appelant que la demande qu'il avait présentée en vue d'obtenir la citoyenneté canadienne n'avait pas été approuvée et elle disait que l'appelant avait été absent du Canada pendant 849 jours, en tout, au cours des quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté, de sorte qu'il était loin d'avoir les 1 095 jours de résidence nécessaires.
[3] La preuve qui a été présentée devant moi était différente, en ce qui concerne les détails, de celle que j'ai citée ci-dessus. En réponse aux questions de son avocat, l'appelant a souligné qu'avant de s'inscrire à l'université aux États-Unis, il s'était inscrit aux programmes d'architecture de trois universités canadiennes et que sa candidature avait été rejetée. L'appelant a initialement été admis au programme d'architecture de l'université de l'Arizona, mais il s'est par la suite inscrit au programme d'ordinatique ou, comme il en est ci-dessus fait mention, au programme du baccalauréat ès sciences, en se spécialisant en génie informatique. Après avoir terminé ses études de premier cycle aux États-Unis, l'appelant est revenu au Canada et, pendant six mois, il a cherché un emploi au Canada dans son domaine de spécialisation. Ses efforts n'ont pas porté fruit. Par conséquent, comme il l'a expliqué, il a accepté un emploi qui lui avait été offert aux États-Unis. En septembre 1996, il a démissionné et est revenu au Canada. Depuis lors, il cherche sans succès un emploi au Canada. Il n'a été convoqué qu'à trois entrevues d'embauchage.
[4] En octobre 1997, l'appelant a épousé une citoyenne américaine qui continue à résider aux États-Unis, où elle travaille.
[5] Compte tenu de la preuve, l'avocat de l'appelant a soutenu que, malgré ses absences, l'appelant avait clairement axé son mode de vie sur le Canada et qu'il devrait obtenir la citoyenneté canadienne. L'amicus curiae a informé la Cour que, selon lui, la preuve n'établissait pas que l'appelant avait axé son mode de vie sur le Canada.
Dans l'affaire Lee1, Madame le juge Reed a dit ceci :
Je ne doute nullement que l'appelante serait une excellente citoyenne du Canada. Elle étudie en Angleterre depuis l'âge de seize ans, et elle achève actuellement des études médicales à l'University of Cambridge. Elle est venue au Canada le 24 mai 1991 en même temps que ses parents et ses frères et soeurs. La famille tout entière a obtenu à cette date le statut d'immigrants ayant obtenu le droit d'établissement. L'appelante est partie deux jours plus tard pour retourner au Royaume-Uni afin d'y continuer ses études. |
Elle a demandé la citoyenneté le 4 juillet 1994. Dans la période de quatre ans précédente, elle avait résidé au Canada pendant 165 jours. Il lui manquait 930 jours pour avoir les 1095 jours de résidence requis par la Loi sur la citoyenneté. Même en faisant un gros effort d'imagination on ne peut dire qu'elle a satisfait aux conditions de résidence posées par la Loi. |
Il est allégué que son mode d'existence centralisé se trouve au Canada parce que sa famille y est et parce qu'elle a résidé au Royaume-Uni seulement en tant qu'étudiante. Je ne saurais tirer une telle conclusion. Elle n'est pas mineure. Sa profession choisie est celle à l'égard de laquelle il est bien connu qu'il existe des obstacles considérables à l'admission au Canada pour les personnes qui ne sont pas formées au Canada. Elle est une étudiante au Royaume-Uni depuis maintenant bien des années. Peut-être un jour viendra-t-elle au Canada et remplir les conditions de résidence. Dans ce cas, elle aura droit à la citoyenneté. J'espère sincèrement qu'elle le fera puisque, ainsi que je l'ai fait savoir, j'estime qu'elle constituerait un excellent enrichissement de l'ensemble de nos citoyens. |
[6] Les faits de la présente affaire sont fort différents de ceux qui avaient été établis devant Madame le juge Reed dans l'affaire Lee. Cependant, je suis convaincu que les mêmes principes s'appliquent. Dans ce cas-ci, le requérant a vécu longtemps, quoique temporairement, au Canada avant d'obtenir le droit d'établissement et avant d'aller étudier, puis travailler, aux États-Unis. Il a cherché à s'inscrire dans trois universités canadiennes avant de s'inscrire dans une université américaine. Après avoir terminé ses études, il a cherché un emploi au Canada, sans succès, et ce, même si dans son domaine de spécialisation il n'est pas possible de dire qu'il existe des "obstacles considérables à l'admission au Canada pour les personnes qui ne sont pas formées au Canada". Après avoir travaillé pendant quelque temps aux États-Unis, l'appelant cherche encore, depuis plus d'un an, un emploi au Canada. Il a épousé une citoyenne américaine, qui réside et travaille aux États-Unis. Compte tenu de son état civil et du fait qu'il n'a pas réussi à trouver un emploi au Canada, il est difficile de dire ce que l'avenir réserve à l'appelant, quel que soit son engagement envers le Canada.
[7] On ne saurait douter de l'engagement de l'appelant envers ses parents et son frère. En même temps, son engagement envers la collectivité canadienne en général n'est pas étayé par la preuve d'une participation réelle aux activités de cette collectivité.
[8] Compte tenu du comportement qu'il a eu devant moi et de la façon dont il s'est présenté, je suis convaincu, comme Madame le juge Reed dans l'affaire Lee, que l'appelant serait un excellent citoyen. Cependant, en ce moment, je ne puis tout simplement pas conclure que son principal attachement se situe au Canada. Compte tenu de cette conclusion et du fait qu'à la date de sa demande de citoyenneté, il lui manquait le nombre de jours de résidence nécessaires, je conclus que cet appel doit être rejeté.
"Frederick E. Gibson"
Juge
Toronto (Ontario),
le 20 janvier 1998.
Traduction certifiée conforme
François Blais, LL.L.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
Avocats et procureurs inscrits au dossier
DOSSIER : T-487-97
INTITULÉ DE LA CAUSE : AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 |
ET l'appel de la décision du juge de la citoyenneté |
ET
KWOK NING ARTHUR CHAN
DATE DE L'AUDIENCE : LE 19 JANVIER 1998
LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE GIBSON |
EN DATE DU 20 JANVIER 1998 |
ONT COMPARU :
Stephen W. Green |
pour l'appelant
Peter K. Large
Amicus Curiae
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Green and Spiegel
121, rue King ouest
Bureau 2200, C.P. 114
Toronto (Ontario)
M5H 3T9
pour l'appelant
Peter K. Large
Avocat
610-372, rue Bay
Toronto (Ontario)
M5H 2W9
Amicus Curiae
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date: 19980120
Dossier: T-487-97
ENTRE
AFFAIRE INTÉRESSANT LA Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29
ET l'appel de la décision du juge de la citoyenneté
ET
KWOK NING ARTHUR CHAN,
appelant.
MOTIFS DU JUGEMENT
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