Date : 19990209
Dossier : IMM-1372-98
OTTAWA (ONTARIO), LE 9 FÉVRIER 1999.
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EVANS
ENTRE :
JIN XIANG YANG,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,
défendeur.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
John M. Evans
J.C.F.C.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
Date : 19990209
Dossier : IMM-1372-98
ENTRE :
JIN XIANG YANG,
demandeur,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L"ORDONNANCE
LE JUGE EVANS
[1] Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire, fondée sur l"article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale , L.R.C. (1985), ch. F-7 [modifiée], par laquelle le demandeur demande à la Cour d"examiner et d"annuler une décision, datée du 3 mars 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu"il n"était pas un réfugié au sens de la Convention.
[2] Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine qui est arrivé au Canada en 1995 et y a revendiqué le statut de réfugié au motif qu"il avait une crainte fondée d"être persécuté en raison de ses opinions politiques. La Commission a conclu qu"il y avait des raisons sérieuses de penser qu"il avait commis des crimes contre l"humanité et qu"il était donc exclu de la définition de réfugié en vertu de l"alinéa 1Fa ) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, qui est incorporé à la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, par l"entremise d"une annexe.
[3] En octobre 1993, le demandeur a été élu à la tête de son village, un poste qu"il a occupé au moins jusqu"à la fin de l"année 1994. Ses responsabilités comprenaient entre autres la mise en oeuvre dans son village de la politique de planification familiale de la Chine : il devait en particulier tenir des statistiques sur le nombre de grossesses et de naissances, statistiques sur lesquelles les autorités se fondent pour identifier les femmes qui sont enceintes mais qui n"ont pas de " permis de naissance " ou qui ont déjà donné naissance à plus d"un enfant, contrevenant ainsi à la politique. Il accompagnait également les membres du Bureau de la sécurité publique qui se présentaient au village pour arrêter ces femmes qui ne " coopéraient " pas et les forcer à être stérilisées ou à subir un avortement. Bien qu"il fût présent lors de ces arrestations en juin et décembre 1994, il n"a jamais lui-même arrêté une femme destinée par la suite à être stérilisée ou à subir un avortement contre son gré.
[4] Pendant la durée du mandat du demandeur à la tête de son village, des membres du Bureau de la sécurité publique se sont rendus environ dix fois au village. Le demandeur a dit à la Commission qu"il ignorait que les femmes arrêtés étaient conduites à un hôpital afin d"être stérilisées ou de subir un avortement contre leur gré, mais la Commission n"a pas estimé que son témoignage était crédible sur ce point.
[5] Sa revendication du statut de réfugié était fondée sur un incident survenu en décembre 1994 lorsqu"une femme du village, Mme Lim, qui était enceinte de sept mois, a été arrêtée parce qu"elle n"avait pas de " permis de naissance " : elle était destinée à subir un avortement contre son gré. Étant opposé à cette méthode de mise en oeuvre de la politique de planification familiale et éprouvant de la compassion pour cette femme, le demandeur lui a permis de s"enfuir; à la suite de cela, il a décidé de se cacher car il a commencé à craindre que les autorités le persécuteraient s"il demeurait en Chine. Sans juger de l"authenticité de la revendication du statut de réfugié du demandeur, la Commission a conclu qu"il ne pouvait être un réfugié car il avait été complice de crimes contre l"humanité et que, par conséquent, il était visé par l"alinéa 1Fa ).
[6] Il ne fait aucun doute qu"une personne qui participe de son gré à une stérilisation ou un avortement forcé ne saurait être un réfugié, en vertu de l"alinéa 1Fa ).. La question en litige que soulève la présente affaire, cependant, est de savoir si la Commission a commis une erreur lorsqu"elle a conclu que la conduite du demandeur l"a rendu complice de cette activité. Il a été jugé qu"une personne n"était pas complice d"un crime contre l"humanité du seul fait que le crime avait été commis en sa présence, à moins que la personne était " intrinsèquement liée " au groupe persécuteur; Ramirez c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration), [1992] 2 C.F. 306, à la page 317 (C.A.F.).
[7] La Commission a conclu que le demandeur était lié au groupe persécuteur en se fondant sur les faits suivants. Premièrement, il a occupé de son gré le poste de chef de village, sachant bien que les responsabilités liées à ce poste comprenaient la mise en oeuvre de la politique de planification familiale. Deuxièmement, il a assumé ces responsabilités, entre autres en accompagnant les membres du Bureau de la sécurité publique lorsqu"ils se présentaient au village pour arrêter des femmes. Troisièmement, il savait que les femmes qui ne respectaient pas la politique de planification familiale et refusaient de " coopérer " couraient le risque d"être stérilisées ou de subir un avortement contre leur gré.
[8] La Commission a également rejeté la prétention du demandeur selon laquelle il avait participé à la mise en oeuvre de la politique de planification familiale en réponse à des " ordres supérieurs ". La Commission a conclu que des " ordres supérieurs " exigeant de participer à l"arrestation de femmes en vue de les forcer à subir un avortement ou être stérilisées seraient révoltantes aux yeux de personnes raisonnables et qu"en conséquence, elles ne constituaient pas un moyen de défense.
[9] L"avocate du demandeur, Mme Silcoff, a soutenu que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu"elle a omis d"apprécier, dans ses motifs, des éléments de preuve d"une importance cruciale en ce qui concerne la revendication du statut de réfugié déposée par son client. Le demandeur avait déclaré dans son Formulaire de renseignements personnels qu"il ne souscrivait pas aux mesures prises par les autorités chinoises pour mettre en oeuvre la politique nationale de planification familiale et qu"il s"en était dissocié dès la première occasion, en permettant à Mme Lim de s"enfuir en décembre 1994. En outre, la Commission n"a même pas mentionné le fait que le demandeur avait fait l"objet d"une sommation pour avoir permis à des personnes arrêtées au motif qu"elles n"avaient pas respecté la politique de planification familiale de s"enfuir. L"avocate a soutenu que ces faits étaient pertinents en ce qu"ils contribuaient à établir que son client et les personnes qui avaient commis les actes de persécution n"avaient pas de " but commun " et qu"il avait collaboré avec ces dernières parce qu"il craignait qu"il serait persécuté s"il n"aidait pas le Bureau de la sécurité publique.
[10] Il ne me semble pas que le fait que le demandeur avait secrètement eu des réserves à propos de certaines des activités auxquelles il avait pris part en sa qualité de chef de village, un poste qu"il avait volontairement occupé tout en sachant ce que cela comportait, réfute le fait qu"il avait eu la mens rea requise. De plus, le fait qu"il a libéré Mme Lim en décembre 1994 à la demande d"amis et de parents de cette dernière, au cours de la deuxième série d"arrestations effectuées par des membres du Bureau de la sécurité publique à laquelle il avait pris part cette année-là, ne saurait établir qu"il s"était dissocié dès la première occasion des actes de persécution en cause.
[11] À mon avis, la décision de la Commission ne contient aucune erreur de droit et, en conséquence, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.
John M. Evans
J.C.F.C.
OTTAWA (ONTARIO)
Le 9 février 1999.
Traduction certifiée conforme
Bernard Olivier, B.A., LL.B.
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
NO DU GREFFE : IMM-1372-98
INTITULÉ DE LA CAUSE : Jin Xiang Yang c. M.C.I.
LIEU DE L"AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE : le 29 janvier 1999
MOTIFS DE L"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE EVANS
EN DATE DU : 9 février 1999
ONT COMPARU :
Maureen Silcoff pour le demandeur
Sally Thomas pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lewis and Associates
Toronto (Ontario) pour le demandeur
Morris Rosenberg
Sous-procureur général du Canada pour le défendeur