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Date : 20060315

Dossier : IMM-2601-05

Référence : 2006 CF 337

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE Layden-Stevenson

ENTRE :

TOFIK MYRTO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Myrto sollicite le contrôle judiciaire de la décision défavorable par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu qu'il n'avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. J'estime que la demande devrait être accueillie.

[2]                La décision de la Commission repose sur deux fondements : la crédibilité et la protection de l'État. Le défendeur soutient que la conclusion tirée au sujet de la protection de l'État scelle le sort de la demande. En principe, il a raison. Mais, eu égard aux circonstances de la présente affaire, je ne suis pas persuadée que c'est effectivement le cas.

[3]                M. Myrto, qui est un citoyen de l'Albanie, affirme être un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger du fait de ses opinions politiques. Il proviendrait d'une famille politiquement active, aurait adhéré au Forum Jeunesse du Parti démocratique d'Albanie (le PD) en mars 1996 et aurait travaillé avec son père (lui aussi membre du PD) lors des élections. Il affirme avoir été agressé par des partisans du Parti socialiste, puis avoir été arrêté, détenu, menacé, battu et hospitalisé.

[4]                Le défendeur maintient qu'après avoir examiné à fond la preuve documentaire, la Commission a estimé que la situation qui existait en Albanie ne permettait pas de conclure que M. Myrto était exposé à un risque du fait de son appartenance au PD. Ainsi que la SPR l'a expliqué : [traduction] « le tribunal a tenu compte du profil du demandeur » . La difficulté réside dans le fait que les conclusions que la Commission a tirées au sujet de la crédibilité comportent quelques erreurs lourdes de conséquences. Il m'est par conséquent impossible de déterminer si, sans ces erreurs, la Commission aurait considéré de la même manière le profil de M. Myrto.

[5]                L'erreur la plus frappante concerne la perception que la Commission a eue de la lettre d'attestation du PD. La SPR a accordé peu de poids à ce document. Incontestablement, l'appréciation de la preuve est une fonction qui relève de la compétence de la Commission. Toutefois, le raisonnement qu'a suivi la Commission en l'espèce pour accorder peu de poids à l'attestation est mal fondé. Le défendeur a admis à l'audience que la SPR s'était de toute évidence méprise en concluant que la lettre d'attestation contredisait le formulaire de renseignements personnels (le FRP) de M. Myrto. La SPR a signalé une omission dans le FRP, alors qu'il n'y en avait pas. Il y avait aussi beaucoup de confusion au sujet d'une prétendue autre contradiction et le raisonnement suivi par la Commission sur cette question comportait lui-même des contradictions internes.

[6]                La Commission a également fait vaguement allusion à l'existence de contradictions entre les notes prises au point d'entrée et le FRP au sujet de la séquence des faits. Elle n'a fourni aucun détail à ce sujet. L'avocat de M. Myrto affirme qu'il est incapable de discerner la nature des contradictions relevées par la Commission. Je n'y arrive pas non plus. La transcription ne permet pas de penser que ces contradictions ont été portées à l'attention de M. Myrto. Là encore, il était parfaitement loisible à la SPR de se fonder sur des contradictions pour en arriver à une décision défavorable au sujet de la crédibilité. Il était cependant essentiel qu'elle exprime ses conclusions de façon claire et non équivoque (Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.).

[7]                M. Myrto reproche par ailleurs à la Commission d'avoir négligé deux éléments de preuve corroborants importants, en l'occurrence un article de journal relatant la persécution dont il avait fait l'objet en Albanie et une sommation policière indiquant qu'il était activement recherché par la police. De toute évidence, M. Myrto considérait ces documents extrêmement utiles à sa cause. Bien que la Commission soit présumée avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve, plus le document est important, plus l'obligation imposée à la Commission de le mentionner expressément est grande (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.)).

[8]                Pour ce qui est des rapports médicaux et psychologiques, il était loisible à la Commission de leur accorder peu de poids et elle a motivé suffisamment sa décision en ce sens.

[9]                Comme elle était entachée d'erreurs qui, à mon avis, ont pu influencer sensiblement sa décision au sujet du profil de M. Myrto, la conclusion que la Commission a tirée au sujet de la protection de l'État est compromise et, pour cette raison, on ne peut considérer qu'elle scelle le sort de la demande. En conséquence, la demande sera accueillie.

[10]            Les avocats n'ont proposé aucune question à certifier et aucune n'a été soulevée.

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour qu'il rende une nouvelle décision.

« Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2601-05

INTITULÉ :                                        TOFIK MYRTO c.

                                                            MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 9 MARS 2006

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 15 MARS 2006

COMPARUTIONS:

David P. Yerzy

POUR LE DEMANDEUR

Nicole Butcher

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

David P. Yerzy

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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