Date : 19980715
Dossier : IMM-455-98
ENTRE
ALMA RIPALDA,
HESSAMALI DAGHER
demandeurs,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE
LE JUGE McDONALD
[1] La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire et testimoniale pertinente, et elle a tiré des conclusions qui sont incompatibles avec les éléments de preuve versés au dossier. Pour ce qui est de la question de savoir si la demanderesse pouvait divorcer d'avec son premier mari, il ressort de la preuve que la loi philippine ne permet pas le divorce. Tant un avocat aux Philippines que l'U.S. Department of State Report for 1995 disent clairement que tel est le cas en l'espèce. Dans sa décision, la Commission dit [TRADUCTION] "la revendicatrice aurait pu résoudre ses difficultés aux Philippines au moyen d'un divorce ou d'une annulation". Étant donné les éléments de preuve, la Commission ne pouvait tirer cette conclusion, et elle a eu tort de le faire. Le divorce n'est pas une option pour la demanderesse puisque la preuve indique clairement qu'il n'y a pas de divorce aux Philippines.
[2] La Commission a également commis une erreur dans son appréciation de la possibilité d'une annulation pour la demanderesse aux Philippines. Certes, le rapport de 1995 dit qu'il est maintenant facile d'obtenir l'annulation de mariages en raison des changements apportés au Legal Code, et que la pratique est devenue plus courante, il indique également que les coûts entraînés par une annulation sont prohibitifs pour la plupart des femmes. Chose plus importante encore, ce dont la Commission aurait dû tenir compte était que ces changements apportés au Legal Code n'avaient pas eu lieu avant 1988 - l'année où la demanderesse s'est enfuie. Ainsi donc, il est très vraisemblable qu'à l'époque, la demanderesse ne savait pas qu'une annulation était une option pour elle. Ces questions devraient être débattues davantage au niveau de l'audition. Il y a également la question de savoir si une annulation peut être obtenue après la consommation d'un autre mariage.
[3] Au sujet de la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse aurait pu obtenir le divorce alors qu'elle se trouvait à l'étranger, cela semble méconnaître le fait que le divorce n'est pas légal aux Philippines, qu'il soit obtenu au pays ou à l'étranger. De plus, il n'y est pas tenu compte du fait que pendant les années passées à l'étranger, la demanderesse et sa famille fuyaient la guerre civile ou la persécution, et que leur vie ne s'est pas stabilisée pendant une longue période.
[4] La Commission semble n'avoir pas tenu compte du fait que la bigamie est une infraction en vertu du droit philippin, et que, selon la preuve, son mari peut en tout temps porter cette accusation contre elle. L'article 349 du Code pénal des Philippines prévoit que [TRADUCTION] "la sévère peine d'emprisonnement est imposée à quiconque contracte un second mariage ou un mariage ultérieur avant que le premier mariage n'ait été légalement dissous". La demanderesse craint donc d'être emprisonnée si elle retourne aux Philippines. Alors qu'elle s'y trouvait une fois déjà, selon le témoignage de la demanderesse, elle croyait que son premier mari attendait la naissance de l'enfant de son second mari pour avoir pleinement la preuve de son acte de bigamie.
[5] En dernier lieu, j'estime que parce qu'il n'existait pas de preuve de persécution présentée par l'avocat de la demanderesse relativement au fils de celle-ci, la Commission n'aurait pu examiner la revendication de ce dernier indépendamment. Toutefois, elle aurait pu examiner les principes des cellules familiales énoncés dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut de réfugié.
[6] La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et la question de la détermination du statut de réfugié au sens de la Convention de la demanderesse est renvoyée à un tribunal de composition différente pour qu'il statue en tenant compte des présents motifs.
F.J. McDonald
J.C.A.
Toronto (Ontario)
Le 15 juillet 1998
Traduction certifiée conforme
Tan, Trinh-viet
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Avocats et procureurs inscrits au dossier
No DU GREFFE : IMM-455-98 |
INTITULÉ DE LA CAUSE : Alma Ripalda et al. |
et |
Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration |
DATE DE L'AUDIENCE : Le 15 juillet 1998 |
LIEU DE L'AUDIENCE : Toronto (Ontario) |
MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR : le juge McDonald, J.C.A.
EN DATE DU 15 juillet 1998 |
ONT COMPARU :
Linda Martschenko pour les demandeurs |
Michael Morris pour le défendeur |
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
Martschenko Law Firm |
359, rue Goyeau |
Windsor (Ontario) |
N9A 1G9 pour les demandeurs |
George Thomson |
Sous-procureur général du Canada |
pour le défendeur |
COUR FÉDÉRALE DU CANADA
Date : 19980715
Dossier : IMM-455-98
ENTRE
ALMA RIPALDA,
HESSAMALI DAGHER
demandeurs,
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
défendeur.
MOTIFS DE L'ORDONNANCE